Séance en hémicycle du 25 juin 2020 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

En application des articles L.O. 151 et L.O. 297 du code électoral, M. le président du Sénat a pris acte de la fin de plein droit, à compter du 24 juin à minuit, du mandat de sénatrice de la Sarthe de Mme Nadine Grelet-Certenais.

En application de l’article L.O. 320 du code électoral, elle est remplacée par M. Christophe Chaudun, dont le mandat a commencé aujourd’hui à zéro heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe socialiste et républicain, l’examen de la proposition de résolution pour une nouvelle ère de la décentralisation, présentée, en application de l’article 34-1 de la Constitution, par M. Éric Kerrouche et les membres du groupe socialiste et républicain (proposition n° 515).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Kerrouche, auteur de la proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Ce dimanche aura lieu le second tour des élections municipales, aboutissement d’une compétition électorale où s’affrontent idées et visions.

Le premier tour a d’ores et déjà démontré que les formations jugées obsolètes en 2017 ne le sont pas tant que cela : elles peuvent en remontrer à des organisations plus jeunes, réduites pour l’heure au rôle de simple figurant territorial.

Si ce scrutin se déroule dans des conditions extraordinaires, il est malgré tout l’une de ces respirations qui font se régénérer notre démocratie locale à échéances régulières ; mentionner cette régularité n’est pas innocent en cette saison d’innovation calendaire…

Toutefois, quelle portée aurait cette élection, à laquelle les Français sont tant attachés, sans l’acte fondateur de 1982, cette onde de choc qui s’est diffusée sur notre organisation institutionnelle ? Elle n’aurait pas le même sens, ni le vote de millions de citoyens la même valeur démocratique.

« La décentralisation est la grande affaire d’un gouvernement de gauche et le maître mot d’une expérience de progrès », déclarait François Mitterrand en 1977. Elle allait être l’une de ses 110 propositions, la 54e, dans le sillage de propositions de loi déposées par les socialistes dans les années 1970. Elle donna lieu à la première loi examinée par le conseil des ministres, en juillet 1981.

L’année suivante, le Président François Mitterrand affirma que la décentralisation était « la plus grande réforme institutionnelle dans l’équilibre de la France depuis le début du siècle ». Pierre Mauroy l’avait défendue pour libérer une « France asphyxiée par le centralisme », promettant aux Français une « nouvelle citoyenneté » faite d’une plus grande participation.

Cette grande affaire du septennat n’eut que peu d’écho dans l’opinion publique ; mais, dans l’hémicycle, la bataille fut beaucoup plus âpre, avec pas moins de 5 000 amendements de l’opposition de droite.

Bref, la loi Defferre, la bien nommée loi « Droits et libertés », fut une véritable bouffée d’oxygène démocratique et l’amorce d’une période de modernisation des territoires où, d’acteur central, l’État devenait accompagnateur. Ainsi, la décentralisation inaugura une nouvelle façon de « faire République ».

Même ses plus féroces détracteurs se sont ralliés à cette réforme, ainsi qu’en témoignent les nombreux textes, défendus par des gouvernements de gauche ou de droite, visant à parfaire cet ouvrage au fil du temps. Pour des Français qui la considèrent comme allant de soi, la décentralisation est devenue, tout simplement, une règle de vie.

Son succès se mesure également au quotidien : l’investissement des collectivités territoriales représente 70 % de l’investissement public civil, et les différentes politiques publiques mises en place au plan local ont permis de fournir des services publics de proximité, d’innover, de transformer nos territoires.

Certes, les collectivités territoriales ne peuvent pas tout faire, ni compenser à elles seules les mutations du capitalisme qui provoquent l’effondrement des territoires industriels, ni inverser les mouvements de populations, ni répondre à toute l’ampleur du défi écologique. Pourtant, la crise liée à l’épidémie de Covid-19 a mis en lumière les blocages et les lourdeurs de l’État central, quand les collectivités territoriales, c’est-à-dire les élus locaux, ont fait la démonstration de leur réactivité, leur adaptabilité et leur inventivité.

Reste que, en dépit de nombreuses réussites, des difficultés demeurent : complexification des modes de gouvernance locale, nouveaux rapports aux territoires induits par une société du mouvement perpétuel, contrainte financière, normes, responsabilité des élus locaux, attentes et exigences toujours plus grandes des citoyens.

Par ailleurs, sous deux quinquennats marqués par des orientations politiques différentes, les territoires ont connu, de la loi RCT à la loi NOTRe, une véritable fièvre institutionnelle, dans l’attente d’un hypothétique texte 3D.

Les réformes ont mis les élus locaux, notamment municipaux, sous tension. Ainsi, au début de 2019, les maires disaient ne pas vouloir de bouleversement institutionnel. Cette attitude s’inscrivait dans un contexte d’incompréhension avec l’exécutif : 80 km/h sur les départementales, suppression de la taxe d’habitation, asphyxie des contrats aidés, contrats de Cahors, sans oublier #BalanceTonMaire.

Si les élus locaux sont tardivement revenus en grâce pendant la crise des « gilets jaunes », puis à travers des gestes comme l’adoption d’une loi dite Engagement et proximité, il reste que, à la veille des municipales, seuls 31 % des maires disaient avoir confiance dans la parole du Gouvernement pour la mise en œuvre des futures réformes locales. Par contraste, à travers de multiples initiatives, les élus locaux encourageaient à tirer toutes les conséquences des réformes précédentes et en appelaient à une confiance de l’État dans ses territoires.

Dans un environnement difficile, rendu plus volatil par la crise du Covid-19, il est plus que jamais nécessaire de changer notre manière d’appréhender la décentralisation. Il faut rompre avec le prêt-à-penser en la matière, car nous sommes à la fin d’un cycle : nous devons relancer nos territoires par la transition écologique et l’innovation.

Dans ce contexte, il nous semble nécessaire de tracer les principes qui permettront de transformer notre façon d’envisager le gouvernement local. Cette nouvelle approche, c’est surtout un retour aux sources des lois de 1982. Le principe en était simple : ce qui relève à l’évidence de la proximité et de l’administration du quotidien doit aller vers le local – en d’autres termes, si la perspective organisationnelle est importante, la finalité l’est bien plus.

Il faut faire en sorte que les biens et services publics soient distribués plus équitablement sur le territoire, de façon qu’aucun citoyen ne se sente jamais oublié ou mis à la périphérie.

Ce nouveau récit territorial a plusieurs implications, à commencer par un recentrage de l’État sur des fonctions énumérées dans la Constitution, les autres compétences relevant du niveau local. Comme l’écrivait Pierre Mauroy, « aucun nouvel acte de la décentralisation ne pourra désormais se passer d’une réforme en profondeur de l’État central lui-même ». Nous avons besoin d’un État resserré sur ses fonctions régaliennes.

L’État français est la résultante d’une construction historique ; il en porte les stigmates. Notre État raconte une histoire, dessine une mythologie. C’est un État fort, mais, à l’instar d’une pieuvre à la tête trop grosse et aux tentacules territoriaux trop petits, il souffre de la centralisation dont il a hérité et qui s’est encore amplifiée ces dernières années.

Cela ne signifie pas que l’État doive s’effacer devant les collectivités territoriales, ni qu’il faille renoncer au modèle unitaire. En revanche, l’État doit sortir d’une logique de vassalisation des territoires pour devenir leur partenaire, ce qui permettra de mettre fin aux doublons inutiles entre État déconcentré et collectivités décentralisées.

De même, on pourra mettre un terme au processus d’« agencification » de l’État, conséquence du libéralisme qui signe le démembrement de l’État par lui-même. De fait, les dispositifs verticaux d’appels à projets lancés par ces agences court-circuitent régulièrement les services déconcentrés et entretiennent des logiques sélectives.

Ensuite, cette redéfinition opérée, il convient d’ajuster certaines compétences pour certaines collectivités territoriales : affirmer le rôle social du département, redonner quelques compétences à la région, comme le service de l’emploi et l’apprentissage, et donner une place plus affirmée aux élus locaux dans la gestion des hôpitaux. En outre, il faut rompre avec une vision trop homogène du fonctionnement des EPCI (établissements publics de coopération intercommunale).

Si l’État se redéfinit, les collectivités territoriales doivent faire de même, car, pour paraphraser Hobbes, il n’est pas possible que le territoire soit caractérisé par la guerre de tous contre tous. Nous devons installer une logique horizontale, une logique d’interterritorialité.

L’interterritorialité est, d’une certaine façon, le pendant de la subsidiarité : elle doit remettre le citoyen au cœur des vécus territoriaux. Si les institutions sont fixes, les populations, elles, sont mobiles, passant d’une institution à une autre. S’il n’y a pas de continuité, par exemple en matière de transports publics, cela pose des difficultés graves à certains Français.

Dans cet esprit, il faut élaborer des pactes interterritoriaux, à l’échelle départementale ou interdépartementale. Ils sont la condition de l’affirmation d’une nouvelle justice spatiale pour tous les territoires, des ruralités françaises aux zones urbaines en difficulté. La même perspective est à l’œuvre s’agissant des territoires transfrontaliers.

Cette vision encourage également la possibilité d’évolutions différenciées et adaptées aux diversités territoriales : expérimentations, droit à la différenciation, pouvoir réglementaire des collectivités territoriales.

La différenciation est, en quelque sorte, l’aboutissement du processus de décentralisation. Naturellement, lorsque nous parlons de différenciation, nous pensons également aux outre-mer.

Cette nouvelle grammaire territoriale – un État recentré et des territoires plus coopératifs – a deux autres implications.

La première, financière, sera développée par mon collègue Didier Marie dans quelques instants.

La seconde concerne la démocratie locale, qui doit être approfondie et rendue inclusive ; elle doit à la fois favoriser la participation et renforcer la responsabilité des citoyens. En particulier, il faudra renforcer la parité : sans mesures fortes, il ne sera jamais possible d’atteindre des équilibres au sein des exécutifs locaux ! Il convient également d’accroître les droits des élus d’opposition, d’assurer la séparation des fonctions exécutives et législatives locales et de démocratiser les fonctions électives par la mise en place d’un statut de l’élu.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de résolution vise à affirmer que le principe de décentralisation ne peut pas se démonétiser. À nous, ensemble, de lui redonner toute sa valeur, si importante pour nos territoires !

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. Jean-Marie Bockel applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je remercie Éric Kerrouche et nos collègues du groupe socialiste d’avoir déposé cette proposition de résolution, qui s’inscrit dans la perspective du projet de loi de décentralisation, déconcentration et différenciation. En effet, il est important que le Sénat, assemblée des territoires, s’empare de ces sujets et soit force de propositions.

La crise sanitaire a bouleversé tous nos repères, notamment financiers ; cela ne veut pas dire que le sujet n’est plus d’actualité, bien au contraire.

La décentralisation consiste en un transfert de compétences de l’État aux collectivités territoriales : l’économie est gérée par les régions, le social par les départements.

Ces derniers sortent clairement renforcés de la gestion de cette crise, notamment dans les territoires ruraux. En effet, les départements ont mené des tests Covid, en particulier dans les Ehpad et le secteur médico-social, et acheté des masques à destination des communes et avec elles. Ils auraient donc toute leur place dans le pilotage fonctionnel et financier des Ehpad, dans la perspective de l’organisation prochaine d’une cinquième branche de la sécurité sociale, consacrée à la dépendance, tout en conservant le budget hébergement.

De même, il faut favoriser les départements qui embauchent les médecins salariés, afin de répondre au problème des déserts médicaux par l’action de proximité.

La décentralisation nous oblige à articuler clarté et souplesse pour répartir les compétences. Ainsi, l’articulation de la compétence « économie » entre le département et la région pourrait être aménagée au cas par cas, la région pouvant la déléguer aux départements pour des projets précis, limités aux communes ou petites intercommunalités. En matière économique toujours, une délégation de compétences devrait être possible aussi des intercommunalités vers les communes, dans certains cas. Il faut de la souplesse ! Trois maires sur quatre pensent que le transfert de compétences rigide des communes aux intercommunalités a des conséquences négatives…

Si le département est l’échelle pertinente de l’action locale, notamment dans les territoires ruraux isolés, il peut aussi s’avérer pertinent de déconcentrer l’action de l’État et des territoires. Je pense en particulier à la mise en place de sous-préfets développeurs, une idée défendue par notre ancien collègue Alain Bertrand, auquel je rends hommage : ils seraient chargés de développer l’emploi dans les territoires ruraux et difficiles, mais aussi d’aider les maires dans leurs projets.

La différenciation est capitale en matière économique, touristique et de services publics. Il faut aider davantage les collectivités territoriales qui créent des ateliers relais, soutenir davantage l’équipement des entreprises, sans forcément établir de lien avec le nombre d’emplois créés – de la souplesse, là aussi – et instaurer des avantages fiscaux de type ZRR (zone de revitalisation rurale) et zone franche dans les zones ciblées hypodenses sur le plan démographique. Il convient également de renforcer les aides pour les artisans et commerçants en dotant le Fisac beaucoup mieux qu’actuellement.

L’objectif est de maintenir la vie et d’assurer le remplacement des emplois agricoles, dont les deux tiers ont été perdus en trente ans dans certains territoires. L’agriculture aussi doit être soutenue, notamment dans les secteurs d’élevage, et bénéficier de différenciations de la part de l’Europe et de l’État. Il n’y aura pas de ruralité sans agriculteurs ! Leur métier est très difficile, mais indispensable à la Nation et à l’aménagement du territoire.

Les services publics – écoles, collèges, gendarmerie – doivent eux aussi bénéficier de différenciations pour être conservés dans les zones hypodenses ; France Services peut être une possibilité.

Le tourisme rural également doit être différencié pour être pérennisé. Je pense notamment à la réhabilitation des hôtels et des villages de vacances.

La suppression de l’artificialisation des terres de façon uniforme sur tout le territoire pénalise fortement les petites communes rurales, qui avaient déjà, sans PLU (plan local d’urbanisme), beaucoup de mal à obtenir un permis de construire. Là aussi, la différenciation est nécessaire.

Oui, pour redonner de la vie et de l’espoir dans les territoires difficiles, notamment ruraux, il faut renforcer le département par décentralisation et réaliser une déconcentration avec un service managé par un sous-préfet développeur, mais surtout différencier, pour adapter l’action de l’État fort aux spécificités de chaque territoire. L’excellent président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, M. Jean-Marie Bockel, nous indique, dans sa lettre du 11 juin dernier, que 68 % de nos concitoyens sont favorables à l’adaptation de la loi aux spécificités des territoires.

Pour arriver à ce résultat, les élus ne souhaitent pas de modification de la Constitution, plus de loi tous les cinq ans – bref, pas de bouleversement.

Si, monsieur Kerrouche, nous approuvons complètement l’esprit de votre proposition de résolution et si, comme vous, nous croyons à un État fort qui assure l’égalité des citoyens sur tout le territoire, votre texte nous paraît pour l’instant trop imprécis pour que nous puissions le voter en l’état. Reste que le Sénat, qui représente les territoires, doit bel et bien être, comme ce matin, force de propositions pour la décentralisation, la déconcentration et la différenciation.

Madame le ministre, le Gouvernement doit prévoir, dans le projet de loi 3D, des mesures pragmatiques et efficaces pour maintenir la vie dans les territoires difficiles, notamment ruraux.

MM. Jean-Marie Bockel et Didier Rambaud applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur Chasseing, vous auriez pu prendre la parole depuis la tribune. Je vous rappelle, mes chers collègues, que, depuis lundi dernier, les orateurs peuvent parfaitement s’adresser à l’assemblée depuis la tribune.

La parole est à Mme Françoise Gatel.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’associe à mon propos Jean-Marie Bockel, président de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation – laquelle se réunit en ce moment même.

La proposition de résolution de nos collègues socialistes prend place dans un débat récurrent, où les hésitations alternent avec l’audace. La décentralisation est-elle une complainte, un refrain, une exigence ? Elle est en tout cas une conviction, défendue par le Sénat, sur l’initiative du président Larcher, mais aussi par le groupe Union Centriste, qui, en septembre dernier, a organisé un colloque auquel vous avez participé, madame la ministre, et qui a formulé huit propositions en appelant à un nouvel acte de décentralisation et de différenciation – son titre était : « Tous égaux, tous différents ».

La nécessité de la décentralisation est affirmée aussi par le Président de la République. C’est l’origine du projet de loi que vous préparez, madame la ministre.

Les concepts en débat attirent et effraient en même temps. Nous sortons d’un cycle de réformes territoriales inventives pour certaines, comme la recomposition des régions, mais un peu brouillonnes, à l’instar de la loi relative au statut de Paris et à l’espace métropolitain, et par trop « corsetantes », comme la loi NOTRe – le tout ayant été mené parallèlement à un véritable essorage des finances locales.

Destinées à améliorer l’efficacité de l’action publique, ces lois ont-elles atteint leur objectif ? Sans doute sont-elles perfectibles, puisque nous voici réunis ce matin pour songer à remettre l’ouvrage sur le métier. La porte a été entrouverte par la loi Engagement et proximité, qui a desserré l’étau qui emprisonnait le bloc local.

À l’issue de ces lois territoriales, les élus ont exprimé irritation et asphyxie. Parallèlement, la crise sociale des « gilets jaunes » a violemment révélé le sentiment d’abandon des territoires. Quant à la crise sanitaire du Covid-19, elle a révélé à ceux qui l’ignoraient la capacité de mobilisation des collectivités territoriales et leur agilité, qui leur ont permis d’inventer des solutions ; elle a manifesté aussi l’efficacité d’un partenariat intelligent entre l’État territorial, représenté par les préfets, et les élus locaux.

La vérité d’une République construite sur deux piliers – l’État et les collectivités territoriales – s’impose plus que jamais comme une évidence pour la performance de l’action publique au service de nos concitoyens.

Décentralisation, déconcentration, différenciation : cette audace fracasserait-elle la République une et indivisible, à laquelle tous, ici, nous sommes profondément attachés ? Je ne le crois pas.

L’article 61-1 de la Constitution assure la garantie des droits et libertés pour tous. Mais l’égalité n’est pas l’uniformité, ce dont le Conseil constitutionnel est convenu en 1995 : dans une décision relative à la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, il a jugé que le législateur, ayant prévu la passation de conventions locales destinées à tenir compte de la spécificité de situations territoriales, avait mis en place une procédure qui, loin de méconnaître le principe d’égalité, constituait un moyen d’en assurer la mise en œuvre. Traiter différemment des situations différentes n’est donc pas déroger au principe d’égalité : c’est, au contraire, l’appliquer.

La définition du mode de scrutin selon la taille des communes fracture-t-elle la République ? La reconnaissance des spécificités des territoires d’outre-mer et la création de la Collectivité européenne d’Alsace fracturent-elles la République ? Le pacte breton, que vous connaissez bien, madame la ministre, qui permet de gérer au niveau régional le dispositif Pinel d’aide à la construction afin d’éviter des spéculations foncières, fracture-t-il la République ?

Au contraire, ces réalités confirment la pertinence et la nécessité d’une adaptation aux réalités locales dans leur diversité. L’unité de la République est respectée et garantie, car, chose très importante, ces adaptations sont réalisées sous l’autorité du législateur.

Seulement, chaque fois, nous agissons par touches ponctuelles, comme si nous ravaudions ou réparions, par un droit des exceptions. Or la République ne peut pas être une addition d’exceptions. Comment réussir ce que nous appelons de nos vœux dans le respect d’une République une et indivisible ?

Il faut une volonté affirmée et constante de l’État, dans un esprit de confiance dans les élus locaux. Il faut aussi changer l’esprit de la fabrique de la loi. Comme le disait Portalis, « les lois sont faites pour les hommes, et non les hommes pour les lois » : la loi doit se borner à définir un cadre, comme un champ des possibles permettant initiatives et expérimentations, qu’il faut encourager, puis pérenniser sans nécessairement les généraliser.

De même, il faut ériger la subsidiarité en principe sacré, si je puis dire, pour permettre au niveau pertinent d’agir.

Clarifier les missions de l’État central et de l’État territorial est tout aussi nécessaire.

Nous devons construire une ossature d’architecture qui replace la commune au cœur du dispositif, par sa compétence générale. Il faut aussi définir, pour chaque niveau d’organisation, un cœur de métier, en permettant une articulation avec d’autres collectivités territoriales par des délégations ou des contractualisations.

Il importe également, comme nos collègues socialistes le soulignent, d’encourager l’articulation horizontale des territoires. En effet, le mode de vie de nos concitoyens transgresse quotidiennement les frontières administratives. Les territoires ne peuvent s’ignorer, ni les métropoles prospérer en cultivant l’indifférence à l’égard de leur territoire. La récente loi d’orientation des mobilités est un exemple de raisonnement pertinent : elle introduit l’échelle des bassins de mobilité, donc des bassins de vie.

Comme dans toute recette, madame la ministre, il y a des ingrédients de base, indispensables : la capacité financière des collectivités territoriales à assumer leurs missions dans le respect de leur autonomie, avec une péréquation d’État pour réguler les écarts, mais aussi le soutien à l’engagement citoyen et la juste reconnaissance de celui-ci par un vrai statut de l’élu.

Le groupe Union Centriste est convaincu de l’impérieuse nécessité d’une audace décentralisatrice, en confiance avec les élus locaux. Dans cet esprit, nous nous sommes pleinement associés à la réflexion initiée par le président du Sénat, à travers la mission de corapporteur de notre collègue Jean-Marie Bockel.

Je salue l’initiative de nos collègues socialistes, qui permet d’ouvrir avec vous, madame la ministre, un débat qui ne saurait tarder. Si nous souscrivons à l’esprit général de la proposition de résolution, nous avons quelques différences sur un certain nombre de mesures. La richesse de la démocratie naissant de la différence, nous nous abstiendrons.

Applaudissements sur des travées du groupe SOCR – Mme Michelle Gréaume applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

M. Vincent Éblé. Le groupe UC s’abstient : quelle audace !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Pemezec

M. Philippe Pemezec. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je suis très heureux de participer à ce débat sur la décentralisation, un sujet fondamental. Je regrette simplement que ceux qui ont réclamé ce débat soient les mêmes qui ont multiplié les lois détruisant la belle loi de 1983…

Exclamations ironiques sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mes chers collègues, veuillez laisser l’orateur poursuivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Pemezec

Quoi qu’il en soit, depuis quelque temps, nous sommes de plus en plus nombreux à appeler le Gouvernement à prendre conscience qu’il est temps d’ouvrir un acte III de la décentralisation. La crise sanitaire n’a fait que confirmer cette absolue nécessité.

Où donc était l’État, devenu obèse, dans la gestion des masques ? Totalement absent ! Ce sont les communes, les régions et les départements qui ont acheté et distribué les moyens de protection nécessaires à l’ensemble de la population. Dans ma commune, nous avons même dû fournir la police nationale pour qu’elle puisse effectuer ses contrôles…

Où donc est l’État, devenu obèse, dans la gestion des tests ? À longueur de conférences de presse, le ministre de la santé nous a annoncé le passage à 700 000 tests par semaine. On doit être à peine à la moitié – mais impossible d’avoir des chiffres… Là aussi, ce sont les collectivités territoriales qui ont fait le travail. Au Plessis-Robinson, par exemple, nous avons testé tous les agents communaux au contact des enfants et des personnes fragiles ; nous avons même élargi les tests aux agents de l’éducation nationale, ce mammouth impotent, parce qu’on nous l’a demandé…

Oui, l’État s’est perdu ! À vouloir s’occuper de tout, il ne s’occupe plus de rien, notamment pas d’assumer les missions régaliennes, pourtant sa raison d’être : la politique étrangère et la place de la France dans le monde, l’immigration, la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, le bon fonctionnement de la justice – les derniers rebondissements de l’affaire Fillon ne plaident pas en faveur de l’institution judiciaire.

Oui l’État s’est perdu, et il est en train d’envoyer le navire France par le fond, alors que notre pays a un potentiel et des ressources peut-être uniques : un territoire et surtout un maillage local extraordinaires, une histoire, une culture, des savoir-faire que le monde entier nous envie et que nous n’arrivons plus à faire prospérer, du fait d’un système politique à bout de souffle.

Les Français l’ont d’ailleurs bien compris et l’appellent de leurs vœux. Un sondage réalisé par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation révèle que trois Français sur quatre estiment que la décentralisation est une bonne chose et souhaitent son renforcement.

Alors oui, 1 000 fois oui, il faut passer à un acte III de la décentralisation pendant qu’il est encore temps, au moment où nous abordons un tournant majeur de notre histoire et où nous devons faire face à la crise économique, sociale et environnementale sans doute la plus grave que nous ayons connue depuis 1929.

Ce débat capital sur la décentralisation, chacun en est conscient, ne fait que commencer. Nous n’en sommes pas encore à détailler les mesures et les solutions qui nous permettraient de trouver un équilibre entre la capitale et les régions, entre la métropole et les zones périurbaines, entre la ville et les territoires ruraux, car, avant d’en arriver à ces mesures précises, il faut commencer par se débarrasser de quelques contre-vérités.

La première de ces contre-vérités est la confusion entre décentralisation et déconcentration. Nul n’est besoin, dans cette noble assemblée, de rappeler nos cours de droit précisant que la première – la décentralisation – consiste à déléguer des pouvoirs aux assemblées territoriales élues, alors que la seconde – la déconcentration – se contente de renforcer les pouvoirs de l’administration préfectorale dans les territoires, ce dont, bien sûr, nous ne voulons pas.

J’ai noté plusieurs fois que le Président de la République, pourtant issu de la plus haute école d’administration, fait souvent la confusion entre les deux, sans doute à dessein, imité en cela par notre ami le ministre délégué aux collectivités territoriales, Sébastien Lecornu, qui m’a fait sursauter il y a quelques semaines en parlant des maires comme des agents de l’État dans leur commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Pemezec

Effectivement, les maires sont des agents de l’État en ce qui concerne l’état civil, mais ils sont d’abord les élus dotés de la légitimité du peuple, en première ligne pour pallier les défaillances trop nombreuses d’un État devenu obèse qui n’assume plus ses pouvoirs régaliens.

La seconde contre-vérité est liée à l’idée que la taille serait un gage d’efficacité – « big » serait « beautiful ». C’est peut-être vrai dans l’univers économique, car le regroupement y est source de profit, mais cela n’a jamais été prouvé à l’échelon local.

En organisant cet improbable regroupement des régions sur un coin de table, le Président Hollande a cru qu’il arriverait à bâtir des régions à la dimension des Länder allemands. Trois ans plus tard, la réalité démontre que les super-régions n’ont généré aucune économie d’échelle et qu’elles peinent à s’imposer à l’échelle européenne. Pourquoi ? Parce que, face à leurs concurrentes allemandes, elles ne disposent ni de la légitimité ni de la palette de compétences décentralisées requises pour lutter à armes égales.

À l’inverse, la Suisse démontre qu’avec des microcantons…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Pemezec

… on peut conjuguer efficacité et réponse de proximité. Agilité et proximité, telles sont les deux clés pour répondre aux enjeux de demain.

La troisième est liée à l’image de la métropole, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Pemezec

… laquelle est devenue une organisation totalement schizophrénique qu’il faut simplifier.

Il faut décentraliser et faire en sorte que la commune soit au cœur du dispositif, car c’est la cellule de base de l’organisation territoriale, et il faut que l’État se concentre sur ses missions régaliennes et laisse tout le reste aux communes. C’est de cette façon que nous pourrons réorganiser administrativement ce pays.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, nous sommes très fiers de soumettre au Sénat cette proposition de résolution pour une nouvelle ère de la décentralisation. Cette proposition est en effet le fruit d’un travail de longue haleine que nous avons amorcé il y a maintenant plus d’une année : nous avons auditionné des chercheurs, des associations d’élus ; nous avons revu bon nombre de rapports parlementaires abordant la question ; nous avons revu des dizaines de promesses passées d’un nouvel acte de la décentralisation ; nous avons relu les travaux sénatoriaux, de gauche comme de droite – il y en a à profusion ! – ; nous avons relu M. Macron, celui du début, qui disait qu’il y avait trop d’élus locaux, et celui qui, plus récemment, a compris l’importance de la démocratie locale ; nous avons organisé des rencontres partout en France, au Creusot, à Villeurbanne, à Lille, à Nantes, et j’en passe.

Cette introduction de la méthode ambitieuse étant faite, permettez-moi d’apporter une dernière précision : nous souhaitons d’abord rester modestes.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Trop de promesses d’un nouvel acte de la décentralisation ont été trahies. C’est pourquoi nous avons choisi de parler d’une nouvelle ère.

Nous sommes ici, toutes travées confondues, des élus issus de millésimes différents, même s’ils sont tous de qualité. Nous avons suivi certaines étapes du cursus honorum tant décrié par M. Macron. Ce que nous avons appris au cours de notre parcours aux côtés de nos collègues élus locaux – et dans l’humilité –, c’est qu’il y a une grande intelligence dans les territoires. La crise du Covid-19 l’a illustré. Les collectivités locales ont d’ailleurs aidé à réparer les erreurs de l’État central, par exemple sur la question des masques. Il ne faut pas se contenter de saluer cette grande intelligence, il faut l’accompagner et la faire prospérer.

Cette proposition de résolution pose en quelque sorte les fondations de la nouvelle ère de la décentralisation que nous appelons de nos vœux. À une époque où beaucoup prétendent réinventer le fil à couper le beurre, nos propositions se veulent réfléchies, applicables, précises et réalistes. Vous pourrez faire le comparatif avec les propositions des députés LaREM, qui, dans leur partie « territoires », évoquaient lundi une proposition visant à « multiplier des contacts entre les écoles et les entreprises » ou à « accélérer la déconcentration des services de l’État sur le territoire ». On a connu plus précis ! Je suis d’ailleurs certain que leurs collègues sénateurs les nourriront de réflexions plus abouties.

Nous défendons avant tout une vision, non pas clientéliste visant à contenter chaque échelon territorial en distribuant des caramels, mais globale. Il s’agit de faire en sorte que les compétences de l’État soient clairement définies dans la Constitution, celles des collectivités locales devenant la règle pour tous les autres sujets. Il faut que les collectivités deviennent des acteurs à part entière, et non des figurants dépendants des dotations de l’État, qui récupèrent trop souvent de nouvelles compétences sans les moyens financiers nécessaires – mon collègue Didier Marie y reviendra. Nous voulons mettre fin à la multiplication des agences nationales, qui signifie trop souvent le retour à des pilotages à distance centralisés et sectorisés tout en signant un démembrement de l’État territorial.

Nous n’avons pas peur de dire que, en matière de développement économique, il faut rendre aux régions le pilotage de la politique de l’apprentissage en leur confiant celle du service public de l’emploi. Nous ne nous contentons pas de vouloir supprimer telle loi parce qu’elle est issue du parti d’en face. Nous voulons redonner à chaque échelon, mais aussi à l’État, leur juste place. Nous voulons achever la démocratisation des collectivités locales, avec davantage de femmes élues – je salue ma présidente de région, ainsi que Mme Pécresse ou Mme Delga –, davantage de participation citoyenne et, comme Éric Kerrouche l’a souligné, davantage de droits pour les oppositions.

Je ne reviens pas en détail sur tout ce qui a été développé par mon ami Éric Kerrouche, mais je peux vous assurer que les élus locaux, par exemple de Bourgogne-Franche-Comté, ont davantage besoin de clarification et de fluidité que de promesses sans lendemain.

Je terminerai ce propos par une réflexion et une question.

Ma réflexion est la suivante : cette nouvelle ère de la décentralisation que nous appelons de nos vœux doit être celle de l’émancipation. Éric Kerrouche parle souvent de l’infantilisation des collectivités locales par l’État central. Il faut rompre avec cette logique.

Ma question est donc la suivante, madame la ministre : estimez-vous que cet esprit d’émancipation se retrouve dans la proposition – le marché, le chantage ou l’offre ? – du Président de la République « d’un grand élan », « d’une grande porte » contre le report des élections régionales et départementales ? Je n’ai pas le sentiment que cela soit très conforme à cet esprit d’émancipation ni très respectueux de la démocratie locale. Je pense donc que, à l’issue de ce débat, vous aurez pris le soin de répondre à cette question : qu’en est-il du report des élections territoriales ?

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis le début des années 1980 et le vote des lois Defferre, la décentralisation est l’un des principaux mots d’ordre des politiques publiques – presque une incantation magique ! Les réformes se succèdent depuis que l’organisation décentralisée de la République a été consacrée à l’article 1er de la Constitution. L’activité du Parlement sur ce sujet est permanente et quasiment frénétique, chaque gouvernement souhaitant imposer sa marque et chaque ministre donner son nom à une loi. Après les lois RCT, Maptam et NOTRe, nous attendons le projet de loi 3D, pour décentralisation, différenciation et déconcentration.

Nos collègues du groupe socialiste et républicain proposent aujourd’hui de débattre de ce que pourrait être le prochain acte de la décentralisation. À vrai dire, il semble que c’est ce que nous faisons depuis bientôt quarante ans, sans parvenir, en dépit des effets d’annonce et des concertations, à la stabilité de notre organisation territoriale. Cela est même suggéré dans l’exposé des motifs de cette proposition de résolution, qui indique que, dans leur grande majorité, les maires ne sont pas « favorables à un nouveau bouleversement institutionnel entre collectivités locales ou en matière de compétences ».

Il est bien sûr indispensable de remédier à cette situation. En tant qu’interlocuteur privilégié des élus locaux, le Sénat doit être un catalyseur attentif. Pensons, par exemple, aux imbroglios en matière de compétence « eau et assainissement ».

L’appel à renforcer le plan de soutien aux collectivités dans le contexte sanitaire et économique actuel apparaît comme une priorité conjoncturelle indéniable, a fortiori alors que la période de confinement a éprouvé nombre de nos concitoyens.

Le « plan de rebond territorial », qui se concentrerait sur la santé ainsi que sur la couverture et l’accessibilité numérique, semble également primordial – c’est même une évidence dans la situation que nous connaissons. Les territoires, en particulier ruraux, souffrent d’inégalités profondes qui les empêchent de profiter des facilités offertes par le numérique. Celles-ci sont pourtant nécessaires pour leur développement économique et leur attractivité.

Vous le savez, mon groupe y attache une très grande importance, lui qui est à l’origine de la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires précisément pour combattre les ruptures d’égalité dans l’accès aux services publics et aux infrastructures, même si cette ANCT est sortie édulcorée des débats du Parlement.

Dans la même logique, l’égalité entre les territoires doit également passer par la lutte contre l’illectronisme – une question chère à Raymond Vall et à mon groupe qui gagnerait à être déclarée grande cause nationale, comme nous le soutenons.

Cela étant dit, cette proposition de résolution comprend quelques aspects qui nous semblent plus problématiques.

Nous restons très sceptiques – pour ne pas dire opposés – à l’introduction d’une clause constitutionnelle attributive de compétences à l’État. Cela nous semble même antinomique avec la stabilité institutionnelle réclamée par les élus, puisqu’il faudrait une nouvelle fois réorganiser toute l’architecture institutionnelle de nos collectivités. Souvenons-nous également des débats interminables entre 2010 et 2015 sur la clause de compétence générale. Pourquoi vouloir rouvrir ces débats ?

L’égalité devant la loi est bien sûr l’une des pierres angulaires de la République. L’organisation décentralisée de la République ne peut et ne doit pas nuire à ses caractères indivisible, démocratique et social, qui reposent largement dessus. Une telle innovation constitutionnelle, conjuguée au renforcement du pouvoir réglementaire local, entraînerait des conséquences qui nous dirigeraient vers un modèle quasi fédéral, dont je ne suis pas certain qu’il corresponde aux aspirations de nos concitoyens. La France est un pays riche de sa diversité et splendide par son unité, une condition décisive de son existence, selon l’historien Fernand Braudel.

Par ailleurs, en ces temps de crise où tous – collectivités, agents économiques, acteurs associatifs ou simples citoyens – demandent davantage de l’État, il serait paradoxal d’ouvrir cette brèche. Il conviendrait plutôt de se concentrer sur l’amélioration de l’efficacité de l’État.

Les inégalités entre collectivités proviennent aussi de la disparité des tissus économiques, que nourrit le manque d’équipement ou d’infrastructures. Sur ce point, rien ne serait pire que de libéraliser l’autonomie fiscale, au risque de créer une véritable concurrence entre collectivités et de favoriser celles qui sont déjà bien pourvues en valeur ajoutée. Il convient d’abord d’améliorer la solidarité financière et la péréquation indispensable à l’unité de notre nation, unité qui serait fragilisée par la compétence de principe des collectivités territoriales hors matières régaliennes.

Cela étant dit, nous sommes aussi surpris qu’heureux de constater que l’échelon départemental, celui de la proximité, retrouve grâce aux yeux des auteurs du texte. Chacun se souvient ici que telle n’était pas leur position lors des débats sur la loi Maptam et la loi NOTRe, car la métropole était vue comme un nouvel eldorado.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Pour notre part, nous n’avons jamais varié.

Je souhaite enfin évoquer les « pactes interterritoriaux prescriptifs », qui visent à garantir « un accès et une distribution équitable des biens et services publics accessibles en moins de trente minutes aux citoyens du périmètre concerné ». N’ajoutez-vous pas de la complexité, alors que vous la dénoncez à raison ? La subsidiarité que vous défendez ne suppose-t-elle pas plutôt des espaces de liberté qu’étouffent aujourd’hui le pullulement d’échelons administratifs, leur chevauchement et leurs interactions complexes ? Il ne faudrait pas que cette nouvelle ère de la décentralisation ressemble aux précédentes sous les habits nouveaux de la coopération territoriale.

Ces observations constituent autant de réserves que je formule au nom du groupe du RDSE à l’égard de cette proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, les deux crises majeures que nous venons de traverser – celle des « gilets jaunes », puis la crise sanitaire – ont mis en exergue la demande claire de nos concitoyens d’un retour à la proximité.

Si, notamment au Parlement, les propositions faites à l’issue de ces deux crises consécutives peuvent varier, il n’en reste pas moins que le diagnostic, lui, est largement partagé. Il me semble que l’on peut à ce titre dresser deux constats indiscutables.

Tout d’abord, les périodes mouvementées que nous avons traversées ont mis en exergue le rôle incontournable qu’ont joué, par leur engagement, nos élus locaux, au premier rang desquels les maires, comme garants du lien social. Ce sont bien eux qui incarnent l’État dans ce qu’on appelle désormais couramment « les territoires ».

Ensuite, elles ont mis en lumière la demande d’une décentralisation plus aboutie. Les Français, notamment les élus locaux, n’appellent pas forcément de leurs vœux plus de décentralisation, mais bien, me semble-t-il, une meilleure décentralisation. Au fond, ce qu’ils nous disent est simple : « Nous voulons plus de services publics, proches de chez nous. » La demande de décentralisation est en ce sens l’aboutissement d’un mouvement de retour à la proximité.

Derrière le mot de décentralisation, plusieurs aspects se mélangent : la décentralisation au sens strict, c’est-à-dire donner plus de compétences aux collectivités, mais également la déconcentration, c’est-à-dire les pouvoirs donnés aux services de l’État territorial, ou encore la différenciation, c’est-à-dire, comme vous le dites souvent, madame la ministre, le « cousu main », autrement dit la possibilité d’adapter les règles selon les spécificités de chaque territoire. Finalement, on comprend que se cachent bien souvent derrière ce mot presque tarte à la crème de décentralisation des attentes multiples, polymorphes, en 3D.

Dès lors, chers collègues, le point de départ de cette proposition de résolution est indéniablement partagé. Tous ici, quelle que soit la travée sur laquelle nous siégeons, nous partageons le diagnostic. Tous ici, nous avons entendu la demande d’un retour à la proximité. Et tous ici, nous partageons la volonté d’affirmer le soutien indéfectible du Sénat à notre République décentralisée.

La décentralisation n’est en fait qu’une réalité relativement récente de notre histoire politique et institutionnelle. Loin de moi l’idée de profiter de cette tribune pour donner un cours d’histoire sur la Ve République et les grandes lois de décentralisation. Il me semblait toutefois nécessaire de rappeler que notre organisation décentralisée, si elle n’est pas parfaite, est le résultat d’une construction récente par vagues. La dernière, pas si lointaine, est la désormais célèbre loi NOTRe. Son souvenir doit être encore frais…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

… dans la mémoire de certains de nos collègues socialistes auteurs de cette proposition de résolution qui ont eu l’occasion d’en débattre sur ces travées en 2014, alors que leur majorité soutenait ce texte. Je me réjouis donc, chers collègues, de constater que, comme bon nombre de parlementaires et d’élus, vous admettez que la loi NOTRe demande d’être corrigée.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Elle a été adoptée à l’unanimité en CMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

La décentralisation nécessite d’être plus aboutie, plus particulièrement, selon nous, au profit des collectivités territoriales de proximité que sont les communes et les départements. Un tel mouvement de décentralisation ne pourrait cependant se faire sans repenser, au moins en partie, l’organisation de l’État territorial. La crise sanitaire a prouvé que son organisation reste perfectible – j’ai entendu ces dernières semaines, comme nombre d’entre vous, beaucoup de choses sur le fonctionnement des ARS…

Le couple maire-préfet a plus que jamais démontré qu’il fonctionne. Il nous faudra donc tout faire pour le renforcer. Ce mouvement a d’ailleurs déjà été entamé. La loi Engagement et proximité, examinée dans notre hémicycle il y a quelques mois, a déjà œuvré en faveur des maires et, plus largement, du bloc communal. L’intuition sur laquelle elle reposait, celle que le bloc communal doit être le premier acteur d’une République décentralisée, est d’autant plus forte aujourd’hui.

Mes chers collègues, je l’ai dit, nous partageons amplement le constat qui a fait naître cette proposition de résolution. Notre République décentralisée est perfectible : parfois, des doublons de compétences existent ; parfois, la lisibilité pour savoir qui fait quoi, qui paie quoi, qui assume quoi n’est pas au rendez-vous. Doit-on pour autant tout remettre en cause ? Telle est au fond la question que nous devons nous poser.

Pour répondre à cette question lourde, complexe et sérieuse, cette proposition de résolution ne constitue ni le bon véhicule ni la bonne méthode. Cette question ne saurait simplement être abordée au détour d’une proposition de résolution. Je crois au contraire qu’une telle question, qui fait résonner les fibres les plus profondes de notre histoire politique, qui touche à l’organisation de ce qui fait notre État – l’État à la française –, mérite un vrai débat et que nous engagions toute notre responsabilité en l’examinant et en la tranchant.

Ce débat sera sans doute animé, il l’a toujours été – l’éternelle opposition des Jacobins et des Girondins l’a prouvé –, mais il sera essentiel. N’amoindrissons pas notre ambition pour la République en la privant d’un réel débat.

Pouvons-nous vraiment affirmer aujourd’hui la position du Sénat sur des questions aussi complexes que l’autonomie fiscale des collectivités, la limitation constitutionnelle des compétences de l’État, la répartition des blocs de compétences par échelon de collectivité, l’évolution des nomenclatures budgétaires, la révision des dotations de l’État, le transfert à la carte des compétences, la création d’un pouvoir réglementaire des collectivités ou encore la participation citoyenne, pour ne citer que ces sujets ?

Pouvons-nous vraiment prétendre énoncer notre position sur ces sujets, tous vastes et complexes, dont les implications législatives et budgétaires sont majeures, sans avoir réellement débattu, chiffres à l’appui ? Je ne le crois pas – cela d’ailleurs ne ferait pas honneur à la réputation de sérieux législatif du Sénat.

Vous l’aurez compris, le groupe La République En Marche partage la déclaration d’intention de nos collègues qui en appellent à une meilleure décentralisation. Cependant, nous ne saurions accepter de restreindre cette question à une simple proposition de résolution. Notre débat parlementaire mérite mieux. Nous en sommes persuadés, le Sénat doit être en mesure de jouer pleinement son rôle de chambre de représentation des collectivités territoriales face à cette problématique. Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, si l’on veut réussir la décentralisation, encore faut-il qu’elle soit organisée de manière cohérente. Le cadre institutionnel est certes fondamental, mais la définition du cadre territorial l’est tout autant, car elle conditionne la réussite des institutions. Il est impossible d’avoir une décentralisation réussie si les circonscriptions administratives n’ont aucune cohérence et aucune logique.

Le gouvernement de M. Valls avait pris l’initiative d’une fusion autoritaire des régions. Pour certaines, cette fusion se justifiait, et elle s’est passée correctement ; pour d’autres, on a abouti à des sortes de monstres tentaculaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, si l'on veut réussir la décentralisation, encore faut-il qu'elle soit organisée de manière cohérente. Le cadre institutionnel est certes fondamental, mais la définition du cadre territorial l'est tout autant, car elle conditionne la réussite des institutions. Il est impossible d'avoir une décentralisation réussie si les circonscriptions administratives n'ont aucune cohérence et aucune logique.

Le gouvernement de M. Valls avait pris l'initiative d'une fusion autoritaire des régions. Pour certaines, cette fusion se justifiait, et elle s'est passée correctement ; pour d'autres, on a abouti à des sortes de monstres tentaculaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Ce qui a été fait par le gouvernement de l’époque est complètement débile. Est-il normal, par exemple, que la région Grand Est soit plus que deux fois plus grande que la Belgique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Ce qui a été fait par le gouvernement de l'époque est complètement débile. Est-il normal, par exemple, que la région Grand Est soit plus que deux fois plus grande que la Belgique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Moyennant quoi, pendant la crise de l’épidémie de coronavirus, les gens du département de l’Aube ont été traités exactement comme ceux de Strasbourg, alors que l’Aube est deux fois plus proche de Paris que de Strasbourg.

Vous avez des chefs de service, des fonctionnaires et même des élus qui décident à un endroit pour ce qui se passe à l’autre bout d’une région. Dans la région Grand Est, quand vous voulez modifier de cinq minutes l’horaire des transports scolaires, c’est à deux cents kilomètres de là que ça se décide ! Parfois, ils ne savent même pas où c’est ! Récemment, j’ai téléphoné à la région Grand Est pour une commune du canton dont je suis le conseiller départemental : la brave dame au bout du fil ne trouvait pas la commune en question, elle pensait qu’elle était dans le Haut-Rhin. C’est un truc de fou !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Moyennant quoi, pendant la crise de l'épidémie de coronavirus, les gens du département de l'Aube ont été traités exactement comme ceux de Strasbourg, alors que l'Aube est deux fois plus proche de Paris que de Strasbourg.

Vous avez des chefs de service, des fonctionnaires et même des élus qui décident à un endroit pour ce qui se passe à l'autre bout d'une région. Dans la région Grand Est, quand vous voulez modifier de cinq minutes l'horaire des transports scolaires, c'est à deux cents kilomètres de là que ça se décide ! Parfois, ils ne savent même pas où c'est ! Récemment, j'ai téléphoné à la région Grand Est pour une commune du canton dont je suis le conseiller départemental : la brave dame au bout du fil ne trouvait pas la commune en question, elle pensait qu'elle était dans le Haut-Rhin. C'est un truc de fou !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Maintenant, quand on lit les articles de presse, quand on entend les prises de position, on s’aperçoit qu’il y a une véritable remise en question du découpage territorial. La plupart des commentateurs reconnaissent que ce qu’ont fait MM. Valls et Hollande était totalement inadéquat. On ne peut pas décider du découpage des régions sur un coin de table ! Résultat : le matin, telle région était découpée de telle façon ; l’après-midi, Dupond ou Durand étant passé, on découpait autrement…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Maintenant, quand on lit les articles de presse, quand on entend les prises de position, on s'aperçoit qu'il y a une véritable remise en question du découpage territorial. La plupart des commentateurs reconnaissent que ce qu'ont fait MM. Valls et Hollande était totalement inadéquat. On ne peut pas décider du découpage des régions sur un coin de table ! Résultat : le matin, telle région était découpée de telle façon ; l'après-midi, Dupond ou Durand étant passé, on découpait autrement…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame la ministre, le Gouvernement, qui veut tout changer et tout améliorer, trouverait là quelque chose de concret, d’utile et de pertinent à faire. Il serait peut-être temps d’y penser !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame la ministre, le Gouvernement, qui veut tout changer et tout améliorer, trouverait là quelque chose de concret, d'utile et de pertinent à faire. Il serait peut-être temps d'y penser !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

M. Vincent Éblé. Allez Pascal, relève le niveau !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

M. Vincent Éblé. Allez Pascal, relève le niveau !

Sourires sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Sourires sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste nous présente une proposition de résolution sur la décentralisation. Il faut reconnaître qu’il y a du travail.

Les élus locaux ont traversé une situation inédite en tenant honorablement la barre et au plus près des citoyens. Les crises comme celle que nous traversons révèlent les défaillances de l’État et mettent en avant d’autres acteurs sur le terrain qui n’ont pas pu faire autrement que d’agir avec les moyens du bord. Mais les crises sont aussi des moments d’exacerbation des mécontentements, facilitant les divisions.

L’organisation territoriale est le cœur de cible de la réduction de la dépense publique – c’est un peu votre leitmotiv, madame la ministre. Elle est surtout questionnée, parce que le principe constitutionnel de libre administration et d’autonomie fiscale des collectivités est rogné.

Les élus ne veulent pas d’un nouveau big-bang territorial. Ils aspirent à plus de stabilité – ce qui ne veut pas dire qu’ils aspirent à l’immobilité. Or cela n’est possible que si l’on desserre l’étau normatif et financier qui étrangle les collectivités depuis plusieurs années.

Cette proposition de résolution présente pour nous aussi des paradoxes. Je ne vais pas faire l’inventaire des lois promulguées sous le quinquennat de François Hollande et les gouvernements de Manuel Valls, dont les conséquences sont ici pointées.

Si nous ne sommes pas d’accord sur de nombreux points, je commencerai par évoquer les aspects sur lesquels nous nous retrouvons.

Nous ne pouvons qu’abonder dans le sens d’un renforcement du plan de soutien aux collectivités face à la crise. Nous avons d’ailleurs récemment déposé une proposition de loi en ce sens.

Nous souhaitons également que les élus locaux ne soient pas traités comme un coût à écrêter et qu’ils bénéficient de davantage de place et de reconnaissance, notamment dans l’édiction des dispositions législatives.

Nous nous félicitons du consensus trouvé autour de l’échelon départemental, partenaire des communes et des intercommunalités. Ce consensus marque la fin d’une période durant laquelle son existence était menacée alors qu’il s’agit d’un échelon pertinent de décentralisation, mais également de déconcentration en lien avec le préfet de département, qui a un rôle important à jouer dans le dialogue entre l’État et les communes.

Le rôle du préfet nous conduit à évoquer notre profonde opposition à ce texte. Nous refusons que le préfet devienne une entité indépendante, négociant des adaptations de normes nationales pour des intérêts économiques locaux. À ce titre, madame la ministre, le décret du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet nous semble être un recul déplorable, révélateur des vices de la différenciation territoriale. Les associations de défense du patrimoine et de l’environnement sont vent debout contre ce décret, qui permet de déroger à des normes protectrices, faisant le bonheur de bon nombre de promoteurs immobiliers.

Plusieurs de vos propositions, mes chers collègues, nous paraissent prendre un mauvais cap, comme la création d’un pouvoir réglementaire local indépendant de la législation nationale, ou la différenciation des compétences entre collectivités de même niveau. Vous contribuez malgré vous à opposer l’État et les collectivités alors qu’elles doivent être complémentaires. Nous basculerions donc dans un système fédéral – après tout, c’est un choix politique – où les collectivités se retrouveraient en concurrence et en négociation permanente. C’est une porte ouverte, nous semble-t-il, au dumping social et environnemental.

L’État a un rôle à tenir, même si celui-ci s’apparente trop souvent aujourd’hui à une déresponsabilisation de l’exécutif, et ce sur le dos des acteurs locaux et économiques. Le législateur, pour garantir l’égalité des territoires et des individus, doit fixer des règles claires et applicables partout. Cette vision de la République peut et doit laisser de la place aux élus. Le renvoi au pouvoir réglementaire local peut être envisagé, mais dans un cas précis et seulement s’il ne consiste pas en une régression de la loi.

Vous souhaitez, mes chers collègues, consacrer la clause générale de compétence des communes. Nous la défendons aussi, mais nous la défendons à tous les niveaux de collectivités – puisque c’est un principe fondateur de la République – pour permettre à ces dernières d’agir en commun avec l’État, d’autant plus en période de crise. Voilà une vision de la décentralisation démocratiquement forte et solidaire, qui donne les moyens au local de répondre aux besoins de la population, contrairement à la logique de spécialisation à outrance des compétences.

Nous avons du mal à suivre nos collègues qui déplorent un repli local, défendent une plus grande coopération, mais, dans le même temps, adulent la différenciation, qui est, à nos yeux – mais c’est le débat –, la mère des inégalités territoriales, de la concurrence et des mouvements identitaires.

Notre profond attachement à une République unie, indivisible et protectrice ne peut que nous faire bondir à la lecture de certaines propositions telles que, par exemple, l’inscription de manière limitative des compétences de l’État dans la Constitution.

L’État n’est pas un partenaire : cette vision managériale de la République nous semble dangereuse. Les élus locaux savent bien que, lorsqu’ils récupèrent des compétences, l’État se désengage et que les contreparties financières ne sont pas au rendez-vous. On le voit aujourd’hui. Comme d’autres ici, je connais particulièrement la question de la recentralisation du RSA : ce problème se pose, alors que la compensation versée aux départements n’a cessé de diminuer, tous gouvernements confondus, et que la crise rend cette dépense maintenant impossible à assumer.

Au lieu de céder à la tentation du moins d’État et, donc, à une plus grande marchandisation des services, demandons plus d’État, une décentralisation synonyme d’égalité des citoyens, indissociable d’une déconcentration proche des élus. État et collectivités sont efficaces ensemble : cessons de penser seulement en termes de rationalisation.

Les politiques territoriales impliquent proximité, complémentarité des niveaux d’action, avec des intercommunalités au service des communes. Nous approuvons à cet égard vos propositions pour plus de souplesse dans l’organisation des compétences du bloc communal, à partir du moment où cette démarche découle d’un dialogue démocratique. En revanche, nous sommes profondément contre l’avènement d’un État fédéral, composé de grandes régions et de métropoles européennes.

Pour résumer, nous n’avons pas eu le sentiment d’examiner une proposition de résolution pour une nouvelle ère de la décentralisation, qui aurait donné un nouvel élan au processus engagé en 1982 et 1983, un très bon processus qui a eu de très bons résultats. Il nous a plutôt semblé que nous avions affaire à un texte pour un État central qui morcelle peu à peu, désagrège une grande partie de ses missions nationales en matière d’action publique. Or la nature ayant horreur du vide, le marché va récupérer à profit des activités à haute valeur ajoutée.

Les règles de procédure ne nous autorisent pas à déposer des amendements sur une proposition de résolution, mes chers collègues socialistes. Sinon, vous savez que nous en aurions fait. Comme il s’agit d’une proposition de résolution, il nous faut donc répondre par oui ou non.

On le voit bien, tous ceux dans cet hémicycle qui ont choisi de s’abstenir l’ont fait pour des raisons diverses. C’est même plus que l’expression d’une diversité dans l’abstention : certaines prises de position ont été argumentées ; d’autres, à mon sens, n’ont en revanche pas été assez respectueuses du travail réalisé par nos collègues socialistes. Néanmoins, nous sommes défavorables à ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Savoldelli

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste nous présente une proposition de résolution sur la décentralisation. Il faut reconnaître qu'il y a du travail. Les élus locaux ont traversé une situation inédite en tenant honorablement la barre et au plus près des citoyens.

Les crises comme celle que nous traversons révèlent les défaillances de l'État et mettent en avant d'autres acteurs sur le terrain qui n'ont pas pu faire autrement que d'agir avec les moyens du bord. Mais les crises sont aussi des moments d'exacerbation des mécontentements, facilitant les divisions.

L'organisation territoriale est le cœur de cible de la réduction de la dépense publique – c'est un peu votre leitmotiv, madame la ministre. Elle est surtout questionnée, parce que le principe constitutionnel de libre administration et d'autonomie fiscale des collectivités est rogné.

Les élus ne veulent pas d'un nouveau big-bang territorial. Ils aspirent à plus de stabilité – ce qui ne veut pas dire qu'ils aspirent à l'immobilité. Or cela n'est possible que si l'on desserre l'étau normatif et financier qui étrangle les collectivités depuis plusieurs années.

Cette proposition de résolution présente pour nous aussi des paradoxes. Je ne vais pas faire l'inventaire des lois promulguées sous le quinquennat de François Hollande et les gouvernements de ManuelValls, dont les conséquences sont ici pointées.

Si nous ne sommes pas d'accord sur de nombreux points, je commencerai par évoquer les aspects sur lesquels nous nous retrouvons.

Nous ne pouvons qu'abonder dans le sens d'un renforcement du plan de soutien aux collectivités face à la crise. Nous avons d'ailleurs récemment déposé une proposition de loi en ce sens.

Nous souhaitons également que les élus locaux ne soient pas traités comme un coût à écrêter et qu'ils bénéficient de davantage de place et de reconnaissance, notamment dans l'édiction des dispositions législatives.

Nous nous félicitons du consensus trouvé autour de l'échelon départemental, partenaire des communes et des intercommunalités. Ce consensus marque la fin d'une période durant laquelle son existence était menacée alors qu'il s'agit d'un échelon pertinent de décentralisation, mais également de déconcentration en lien avec le préfet de département qui a un rôle important à jouer dans le dialogue entre l'État et les communes.

Le rôle du préfet nous conduit à évoquer notre profonde opposition face à ce texte. Nous refusons que le préfet devienne une entité indépendante, négociant des adaptations de normes nationales pour des intérêts économiques locaux.À ce titre, madame la ministre, le décret du 8 avril 2020 relatif au droit de dérogation reconnu au préfet nous semble être un recul déplorable, révélateur des vices de la différenciation territoriale. Les associations de défense du patrimoine et de l'environnement sont vent debout contre ce décret, qui permet de déroger à des normes protectrices, faisant le bonheur de bon nombre de promoteurs immobiliers.

Plusieurs de vos propositions, mes chers collègues, nous paraissent prendre un mauvais cap, comme la création d'un pouvoir réglementaire local indépendant de la législation nationale, ou la différenciation des compétences entre collectivités de même niveau. Vous contribuez malgré vous à opposer l'État et les collectivités alors qu'elles doivent être complémentaires. Nous basculerions donc dans un système fédéral – après tout, c'est un choix politique – où les collectivités se retrouveraient en concurrence et en négociation permanente. C'est une porte ouverte, nous semble-t-il, au dumping social et environnemental.

L'État a un rôle à tenir, même si celui-ci s'apparente trop souvent aujourd'hui à une déresponsabilisation de l'exécutif, et ce sur le dos des acteurs locaux et économiques. Le législateur, pour garantir l'égalité des territoires et des individus, doit fixer des règles claires et applicables partout. Cette vision de la République peut et doit laisser de la place aux élus. Le renvoi au pouvoir réglementaire local peut être envisagé, mais dans un cas précis et seulement s'il ne consiste pas en une régression de la loi.

Vous souhaitez, mes chers collègues, consacrer la clause générale de compétence des communes. Nous la défendons aussi, mais nous la défendons à tous les niveaux de collectivités – puisque c'est un principe fondateur de la République – pour permettre à ces dernières d'agir en commun avec l'État, d'autant plus en période de crise. Voilà une vision de la décentralisation démocratiquement forte et solidaire, qui donne les moyens au local de répondre aux besoins de la population, contrairement à la logique de spécialisation à outrance des compétences.

Nous avons du mal à suivre nos collègues qui déplorent un repli local, défendent une plus grande coopération, mais, dans le même temps, adulent la différenciation qui est, à nos yeux – mais c'est le débat –, la mère des inégalités territoriales, de la concurrence et des mouvements identitaires.

Notre profond attachement à une République unie, indivisible et protectrice ne peut que nous faire bondir à la lecture de certaines propositions telle que, par exemple, l'inscription de manière limitative des compétences de l'État dans la Constitution.

L'État n'est pas un partenaire : cette vision managériale de la République nous semble dangereuse. Les élus locaux savent bien que, lorsqu'ils récupèrent des compétences, l'État se désengage et que les contreparties financières ne sont pas au rendez-vous. On le voit aujourd'hui. Comme d'autres ici, je connais particulièrement la question de la recentralisation du RSA : ce problème se pose, alors que la compensation versée aux départements n'a cessé de diminuer, tous gouvernements confondus, et que la crise rend cette dépense maintenant impossible à assumer.

Au lieu de céder à la tentation du moins d'État et, donc, à une plus grande marchandisation des services, demandons plus d'État, une décentralisation synonyme d'égalité des citoyens, indissociable d'une déconcentration proche des élus. État et collectivités sont efficaces ensemble : cessons de penser seulement en termes de rationalisation.

Les politiques territoriales impliquent proximité, complémentarité des niveaux d'action, avec des intercommunalités au service des communes. Nous approuvons à cet égard vos propositions pour plus de souplesse dans l'organisation des compétences du bloc communal, à partir du moment où cette démarche découle d'un dialogue démocratique. En revanche, nous sommes profondément contre l'avènement d'un État fédéral, composé de grandes régions et de métropoles européennes.

Pour résumer, nous n'avons pas eu le sentiment d'examiner une proposition de résolution pour une nouvelle ère de la décentralisation, qui aurait donné un nouvel élan au processus engagé en 1982 et 1983, un très bon processus qui a eu de très bons résultats. Il nous a plutôt semblé que nous avions affaire à un texte pour un État central qui morcelle peu à peu, désagrège une grande partie de ses missions nationales en matière d'action publique. Or la nature ayant horreur du vide, le marché va récupérer à profit des activités à haute valeur ajoutée.

Les règles de procédure ne nous autorisent pas à déposer des amendements sur une proposition de résolution, mes chers collègues socialistes. Sinon, vous savez que nous en aurions fait. Comme il s'agit d'une proposition de résolution, il nous faut donc répondre par oui ou non.

On le voit bien, tous ceux dans cet hémicycle qui ont choisi de s'abstenir l'ont fait pour des raisons diverses. C'est même plus que l'expression d'une diversité dans l'abstention : certaines prises de positions ont été argumentées ; d'autres, à mon sens, n'ont en revanche pas été assez respectueuses du travail réalisé par nos collègues socialistes. Néanmoins, nous sommes défavorables à ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 25 avril 2019, en clôture du grand débat national, le Président de la République a annoncé sa volonté d’ouvrir un nouvel acte de la décentralisation. Représentant des collectivités territoriales de la République en application de l’article 24 de la Constitution, le Sénat est donc tout naturellement aux premières loges pour contribuer utilement à cette nécessaire évolution.

Si, là encore, il faut bien se garder de tout jeter par-dessus bord pour tenter d’atteindre les rives d’un pseudo-nouveau monde, force est de constater que de nombreuses erreurs ont été commises. La première d’entre elles est de penser qu’entre l’État-nation et les pouvoirs locaux, c’est surtout une affaire de partage de compétences.

Dans le meilleur des cas, cette répartition se fait sur des bases rationnelles : chacun se voit attribuer des compétences en fonction de ce qu’il sait ou peut mieux faire. Il est ainsi plus rationnel de confier l’activité de défense et d’entretien de l’armée à l’État plutôt qu’à un syndicat intercommunal. De même est-il sans doute plus astucieux que la collecte des ordures ménagères soit gérée par un syndicat intercommunal plutôt que par une direction d’administration centrale. Malheureusement, dans beaucoup de situations, le partage des tâches ne s’est pas fait de manière rationnelle, mais selon une succession invraisemblable de hasards, d’opportunités ou de réformes administratives ubuesques. Le résultat est que les Français n’y comprennent plus rien.

Aujourd’hui, pour retrouver un tant soit peu de cohérence, nous devons à l’évidence nous appuyer en priorité sur des échelons qui ont démontré leur pertinence et leur solidité face à l’usure du temps et aux diverses crises et réformes bâclées qu’a connues notre société. Nous devons nous appuyer sur ce qui est parfaitement identifié par nos concitoyens. Nous devons capitaliser sur ce qui est le fruit de notre histoire nationale et le fondement même de notre République. Je veux parler bien sûr de la commune et du département.

L’un des enseignements forts de la crise sanitaire que nous sommes en train de traverser, c’est que le couple maire-préfet demeure, et de très loin, le plus efficace et le plus adapté. Faut-il encore que ce dernier ne soit pas considéré comme un simple agent de fabrique ou un commissionnaire dans le meilleur des cas. Il est absolument nécessaire de renforcer la déconcentration pour rendre l’État plus proche du terrain et mieux adapter les prises de décision aux réalités locales.

Au regard de la diversité des territoires, de la singularité de leurs ressources, de leur histoire, la différenciation fait partie des gênes de la décentralisation. Elle doit être affirmée et reconnue, car elle constitue le meilleur moyen de réduire les inégalités territoriales et sociales.

Cette vision n’est pas celle d’un État qui serait affaibli ou dépecé d’une partie de ses compétences au profit des collectivités territoriales. Bien au contraire ! Les préfets pourraient devenir, à cette occasion, les référents et les représentants de toutes les agences de l’État. Qui d’entre nous, mes chers collègues, n’a pas assisté durant la crise sanitaire, médusé, à une réunion de coordination départementale au cours de laquelle le préfet s’est retrouvé face à trois administrations sur lesquelles il n’avait précisément pas prise : l’ARS, la DDFiP et le rectorat ?

Mais voilà que le temps passe, et je dois malheureusement conclure mon propos.

( M. Vincent Éblé s ’ exclame.) C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains s’abstiendra sur cette proposition de résolution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 25 avril 2019, en clôture du grand débat national, le Président de la République a annoncé sa volonté d'ouvrir un nouvel acte de la décentralisation. Représentant des collectivités territoriales de la République en application de l'article 24 de la Constitution, le Sénat est donc tout naturellement aux premières loges pour contribuer utilement à cette nécessaire évolution.

Si, là encore, il faut bien se garder de tout jeter par-dessus bord pour tenter d'atteindre les rives d'un pseudo-nouveau monde, force est de constater que de nombreuses erreurs ont été commises.

La première d'entre-elles est de penser qu'entre l'État-nation et les pouvoirs locaux, c'est surtout une affaire de partage de compétences. Dans le meilleur des cas, cette répartition se fait sur des bases rationnelles : chacun se voit attribuer des compétences en fonction de ce qu'il sait ou peut mieux faire. Il est ainsi plus rationnel de confier l'activité de défense et d'entretien de l'armée à l'État plutôt qu'à un syndicat intercommunal. De même est-il sans doute plus astucieux que la collecte des ordures ménagères soit gérée par un syndicat intercommunal plutôt que par une direction d'administration centrale.

Malheureusement, dans beaucoup de situations, le partage des tâches ne s'est pas fait de manière rationnelle, mais selon une succession invraisemblable de hasards, d'opportunités ou de réformes administratives ubuesques. Le résultat est que les Français n'y comprennent plus rien.

Aujourd'hui, pour retrouver un tant soit peu de cohérence, nous devons à l'évidence nous appuyer en priorité sur des échelons qui ont démontré leur pertinence et leur solidité face à l'usure du temps et aux diverses crises et réformes bâclées qu'a connues notre société. Nous devons nous appuyer sur ce qui est parfaitement identifié par nos concitoyens. Nous devons capitaliser sur ce qui est le fruit de notre histoire nationale et le fondement même de notre République. Je veux parler bien sûr de la commune et du département.

L'un des enseignements forts de la crise sanitaire que nous sommes en train de traverser, c'est que le couple maire-préfet demeure, et de très loin, le plus efficace et le plus adapté. Faut-il encore que ce dernier ne soit pas considéré comme un simple agent de fabrique ou un commissionnaire dans le meilleur des cas. Il est absolument nécessaire de renforcer la déconcentration pour rendre l'État plus proche du terrain et mieux adapter les prises de décision aux réalités locales.

Au regard de la diversité des territoires, de la singularité de leurs ressources, de leur histoire, la différenciation fait partie des gênes de la décentralisation. Elle doit être affirmée et reconnue, car elle constitue le meilleur moyen de réduire les inégalités territoriales et sociales.

Cette vision n'est pas celle d'un État qui serait affaibli ou dépecé d'une partie de ses compétences au profit des collectivités territoriales. Bien au contraire ! Les préfets pourraient devenir, à cette occasion, les référents et les représentants de toutes les agences de l'État.

Qui d'entre nous, mes chers collègues, n'a pas assisté durant la crise sanitaire, médusé, à une réunion de coordination départementale au cours de laquelle le préfet s'est retrouvé face à trois administrations sur lesquelles il n'avait précisément pas prise : l'ARS, la DDFiP et le rectorat ?

Mais voilà que le temps passe, et je dois malheureusement conclure mon propos.

(M. Vincent Éblé s'exclame.) C'est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains s'abstiendra sur cette proposition de résolution.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Je souhaite dire, sans esprit polémique, à nos collègues du groupe socialiste et républicain, qu’un tel sujet aurait, je crois, mérité une approche plus large et moins subreptice. Cela nous aurait sans doute aidés à faire abstraction d’un passé encore douloureux, dont François Hollande, Manuel Valls et Marylise Lebranchu sont l’incarnation même. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Je souhaite dire, sans esprit polémique, à nos collègues du groupe socialiste et républicain, qu'un tel sujet aurait, je crois, mérité une approche plus large et moins subreptice. Cela nous aurait sans doute aidé à faire abstraction d'un passé encore douloureux, dont François Hollande, Manuel Valls et Marylise Lebranchu sont l'incarnation même. §

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Applaudissements s ur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, si d’aventure certains de nos concitoyens avaient encore besoin d’être convaincus de l’efficacité des élus locaux et des collectivités territoriales pour leur assurer un service de qualité en vue de répondre à leurs besoins, je crois que la crise sanitaire aura achevé de le faire.

Le travail des élus de terrain a été unanimement salué : ils ont réagi dans l’urgence, fourni ou fabriqué des masques, organisé le confinement puis le déconfinement, accueilli les enfants à l’école, maintenu un bon fonctionnement des services publics locaux, alors que les directives de l’État se faisaient attendre, quand elles ne les obligeaient pas à composer avec des injonctions contradictoires.

L’urgence sanitaire a rappelé que les collectivités savaient faire preuve d’une remarquable agilité pour administrer leurs territoires, malgré les contraintes financières qui leur ont été imposées. À cet égard, notre proposition de résolution appelle le Gouvernement à compenser les pertes de recettes et les dépenses spécifiques des collectivités liées à l’épidémie de Covid-19.

Nous demandons, dans le même temps, que le Gouvernement mette en œuvre, dans les meilleurs délais et avec toute la souplesse nécessaire, le plan de soutien permettant à ces mêmes collectivités de relancer leurs investissements et de contribuer ainsi au soutien du tissu économique local.

Plus globalement, nous souhaitons remettre à plat la relation financière entre l’État et les collectivités. Nous demandons en premier lieu l’abandon des contrats de Cahors, carcans budgétaires léonins qui, aujourd’hui plus que jamais, sont en contradiction avec les besoins de solidarité et de relance économique.

Nous proposons ensuite, comme le demandent les associations d’élus, l’instauration d’une loi de financement des collectivités territoriales, en cohérence avec le projet de loi de finances, qui fixerait les dispositions financières, budgétaires et fiscales les affectant. Cette loi permettra de mettre fin aux incertitudes des collectivités, de leur donner de la visibilité sur les moyens mis à leur disposition. Cette loi de financement pour les collectivités serait un gage de clarification et de transparence permettant d’identifier toutes les composantes des ressources disséminées dans les différentes missions de la loi de finances, et pas seulement celles qui figurent dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

De plus, une modernisation des nomenclatures budgétaires serait intégrée à ce cadre financier, afin de ne plus simplement distinguer les dépenses de fonctionnement des dépenses d’investissement, et de mettre en lumière le niveau de dépenses contraintes des collectivités.

La dépendance financière des collectivités aux décisions de l’État s’est considérablement accrue ces dernières années. La suppression de la taxe d’habitation ainsi que son mode de compensation non seulement accentueront la dégradation de leur autonomie, mais impacteront aussi la dynamique de leurs ressources et auront des conséquences incontrôlées sur leurs multiples dotations.

Dans ce contexte, la perspective d’une remise en cause des impôts de production ne peut être acceptable. Nous demandons donc la suspension de cette réforme fiscale pour redonner aux collectivités les marges de manœuvre dont elles ont impérativement besoin dans cette période ; nous proposons de redéfinir le ratio d’autonomie financière en éliminant de celui-ci les fractions du produit d’impôt national transférées et d’instaurer un ratio d’autonomie fiscale.

Par ailleurs, l’État doit assumer une compensation intégrale et évolutive des transferts de charge. De même, l’impact financier des dispositions normatives qui s’imposent aux collectivités locales doit être mesuré et compensé. Aujourd’hui, les ressources et les charges des collectivités sont totalement décorrélées et les principes mêmes de la péréquation obsolètes.

Nous proposons d’engager enfin la révision des valeurs locatives, qui fossilisent les inégalités territoriales, et de réviser l’ensemble des dotations de l’État, au premier rang desquelles la DGF, de manière à garantir un niveau de ressources minimum, notamment en stoppant la minoration des variables d’ajustement et en renforçant leur rôle péréquateur en tenant compte des inégalités structurelles entre les territoires.

De ce point de vue, nous pensons qu’il serait judicieux de déterritorialiser la fiscalité économique en organisant un prélèvement et une redistribution à l’échelon d’au moins une zone d’emploi dans le but de neutraliser les concurrences entre territoires et de favoriser la coopération en ce qui concerne l’accessibilité des usagers aux services et aux équipements. Pour éviter les concurrences parfois exacerbées entre territoires, nous suggérons l’encadrement strict des appels à projets, si ce n’est à court terme leur disparition pure et simple.

Enfin, nous souhaitons que le futur cadre financier proposé aux collectivités prenne en compte l’absolue nécessité de la transition écologique et de la soutenabilité environnementale des politiques publiques. L’État ne pourra se passer des collectivités et de leurs connaissances du territoire pour agir face à l’urgence climatique. Les collectivités ne veulent plus être les réceptacles des politiques nationales établies sans concertation avec les élus locaux. C’est au niveau des territoires que se jouent les questions de mobilité, de maîtrise de l’énergie et de rénovation énergétique. Il faut que l’État fasse confiance aux acteurs de terrain et les accompagne.

Nous demandons à cet effet la création d’une dotation verte territoriale pour donner aux collectivités les moyens du changement que, bien souvent, elles ont déjà engagé, mais qu’elles ne peuvent poursuivre plus avant faute des marges de manœuvre nécessaires. Cette dotation pourrait être créée grâce à une réorientation des dotations existantes et à l’addition d’une fraction d’un impôt national existant. Elle serait susceptible d’être abondée partiellement par des placements citoyens de type « livret d’épargne pour la transition locale ».

De manière globale, tous les défis d’avenir de notre pays, qu’il s’agisse de la transition énergétique et écologique, de la recherche d’un nouveau modèle agricole, de la réindustrialisation du pays, de l’approfondissement de la démocratie et d’une plus grande association des citoyens à la délibération collective, supposent un puissant mouvement de décentralisation. C’est la raison qui nous conduit à proposer un changement de paradigme, qui verrait les compétences de l’État limitativement énoncées dans la Constitution, celles des collectivités locales devenant la règle pour tous les autres sujets.

Pour conclure, je reprendrai volontiers la formule de François Mitterrand, qui est plus que jamais d’actualité : si « la France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire ».

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, si d'aventure certains de nos concitoyens avaient encore besoin d'être convaincus de l'efficacité des élus locaux et des collectivités territoriales pour leur assurer un service de qualité en vue de répondre à leurs besoins, je crois que la crise sanitaire aura achevé de le faire.

Le travail des élus de terrain a été unanimement salué : ils ont réagi dans l'urgence, fourni ou fabriqué des masques, organisé le confinement puis le déconfinement, accueilli les enfants à l'école, maintenu un bon fonctionnement des services publics locaux, alors que les directives de l'État se faisaient attendre, quand elles ne les obligeaient pas à composer avec des injonctions contradictoires.

L'urgence sanitaire a rappelé que les collectivités savaient faire preuve d'une remarquable agilité pour administrer leurs territoires, malgré les contraintes financières qui leur ont été imposées. À cet égard, notre proposition de résolution appelle le Gouvernement à compenser les pertes de recettes et les dépenses spécifiques des collectivités liées à l'épidémie de Covid-19.

Nous demandons, dans le même temps, que le Gouvernement mette en œuvre, dans les meilleurs délais et avec toute la souplesse nécessaire, le plan de soutien permettant à ces mêmes collectivités de relancer leurs investissements et de contribuer ainsi au soutien du tissu économique local.

Plus globalement, nous souhaitons remettre à plat la relation financière entre l'État et les collectivités. Nous demandons en premier lieu l'abandon des contrats de Cahors, carcans budgétaires léonins qui, aujourd'hui plus que jamais, sont en contradiction avec les besoins de solidarité et de relance économique.

Nous proposons ensuite, comme le demandent les associations d'élus, l'instauration d'une loi de financement des collectivités territoriales, en cohérence avec le projet de loi de finances, qui fixerait les dispositions financières, budgétaires et fiscales les affectant. Cette loi permettra de mettre fin aux incertitudes des collectivités, de leur donner de la visibilité sur les moyens mis à leur disposition. Cette loi de financement pour les collectivités serait un gage de clarification et de transparence permettant d'identifier toutes les composantes des ressources disséminées dans les différentes missions de la loi de finances, et pas seulement celles qui figurent dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

De plus, une modernisation des nomenclatures budgétaires serait intégrée à ce cadre financier, afin de ne plus simplement distinguer les dépenses de fonctionnement des dépenses d'investissement, et de mettre en lumière le niveau de dépenses contraintes des collectivités.

La dépendance financière des collectivités aux décisions de l'État s'est considérablement accrue ces dernières années. La suppression de la taxe d'habitation, ainsi que son mode de compensation, non seulement accentueront la dégradation de leur autonomie, mais impacteront aussi la dynamique de leurs ressources et auront des conséquences incontrôlées sur leurs multiples dotations.

Dans ce contexte, la perspective d'une remise en cause des impôts de production ne peut être acceptable. Nous demandons donc la suspension de cette réforme fiscale pour redonner aux collectivités les marges de manœuvre dont elles ont impérativement besoin dans cette période ; nous proposons de redéfinir le ratio d'autonomie financière en éliminant de celui-ci les fractions du produit d'impôt national transférées, et d'instaurer un ratio d'autonomie fiscale.

Par ailleurs, l'État doit assumer une compensation intégrale et évolutive des transferts de charge. De même, l'impact financier des dispositions normatives qui s'imposent aux collectivités locales doit être mesuré et compensé. Aujourd'hui, les ressources et les charges des collectivités sont totalement décorrélées et les principes mêmes de la péréquation obsolètes.

Nous proposons d'engager enfin la révision des valeurs locatives, qui fossilisent les inégalités territoriales, et de réviser l'ensemble des dotations de l'État, au premier rang desquelles la DGF de manière, d'une part, à garantir un niveau de ressources minimum, notamment en stoppant la minoration des variables d'ajustement et, d'autre part, en renforçant leur rôle péréquateur en tenant compte des inégalités structurelles entre les territoires.

De ce point de vue, nous pensons qu'il serait judicieux de déterritorialiser la fiscalité économique en organisant un prélèvement et une redistribution à l'échelon d'au moins une zone d'emploi dans le but de neutraliser les concurrences entre territoires et de favoriser la coopération en ce qui concerne l'accessibilité des usagers aux services et aux équipements. Pour éviter les concurrences parfois exacerbées entre territoires, nous suggérons l'encadrement strict des appels à projets, si ce n'est à court terme leur disparition pure et simple.

Enfin, nous souhaitons que le futur cadre financier proposé aux collectivités prenne en compte l'absolue nécessité de la transition écologique et de la soutenabilité environnementale des politiques publiques. L'État ne pourra se passer des collectivités et de leurs connaissances du territoire pour agir face à l'urgence climatique. Les collectivités ne veulent plus être les réceptacles des politiques nationales établies sans concertation avec les élus locaux. C'est au niveau des territoires que se jouent les questions de mobilité, de maîtrise de l'énergie et de rénovation énergétique. Il faut que l'État fasse confiance aux acteurs de terrain et les accompagne.

Nous demandons à cet effet la création d'une dotation verte territoriale pour donner aux collectivités les moyens du changement que, bien souvent, elles ont déjà engagé, mais qu'elles ne peuvent poursuivre plus avant faute des marges de manœuvre nécessaires. Cette dotation pourrait être créée grâce à une réorientation des dotations existantes et à l'addition d'une fraction d'un impôt national existant. Elle serait susceptible d'être abondée partiellement par des placements citoyens de type « livret d'épargne pour la transition locale ».

De manière globale, tous les défis d'avenir de notre pays, qu'il s'agisse de la transition énergétique et écologique, de la recherche d'un nouveau modèle agricole, de la réindustrialisation du pays, de l'approfondissement de la démocratie et d'une plus grande association des citoyens à la délibération collective, supposent un puissant mouvement de décentralisation.

C'est la raison qui nous conduit à proposer un changement de paradigme qui verrait les compétences de l'État limitativement énoncées dans la Constitution, celles des collectivités locales devenant la règle pour tous les autres sujets.

Pour conclure, je reprendrai volontiers la formule de François Mitterrand, qui est plus que jamais d'actualité : si « la France a eu besoin d'un pouvoir fort et centralisé pour se faire, elle a besoin d'un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire ».

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Applaudissements s ur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat nous donne l’occasion de nous interroger : de quoi la décentralisation est-elle le nom ?

Nous le savons bien, de la Bretagne à la Provence, la France est un patchwork construit sur un ensemble de provinces progressivement réunies, le plus souvent par la guerre et les mariages, et dont l’unité repose sur une langue commune instaurée par François Ier à travers la promulgation de l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat nous donne l'occasion de nous interroger : de quoi la décentralisation est-elle le nom ?

Nous le savons bien, de la Bretagne à la Provence, la France est un patchwork construit sur un ensemble de provinces progressivement réunies, le plus souvent par la guerre et les mariages, et dont l'unité repose sur une langue commune instaurée par François Ier à travers la promulgation de l'ordonnance de Villers-Cotterêts en 1539.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Tout en harmonisant leurs organisations via la traduction d’une sorte de monarchie administrative, nos territoires ont conservé de fortes identités dans leurs traditions, leurs modes de vie, leurs singularités culturelles et économiques.

L’histoire tumultueuse de notre pays est marquée par ce jacobinisme, synonyme d’unité nationale et de stabilité politique, mais aussi par l’identification de la commune et du département, dès 1789, comme les échelons de base de notre administration.

Force est de constater que cet ordre des choses était suffisamment solide pour rester en l’état pendant plus d’un siècle et demi, jusqu’à ce vent de décentralisation du XXe siècle. Syndicats mixtes, intercommunalités, régions et pays ont successivement vu le jour, sans oublier les nombreuses agences, créant une superposition de strates administratives relativement complexe, répartissant les compétences de manière assez peu lisible pour les profanes et créant de nouvelles dépenses de structure qui, par effet cumulatif, ne sont pas étrangères à la colossale dette publique de notre pays.

Bien sûr, ces évolutions avaient du sens et correspondaient à de nouveaux besoins en matière d’organisation, à la reconnaissance d’une gestion de proximité, mais elles ont été trop souvent chamboulées et ont parfois autorisé l’État à se délester de certaines charges.

Les auteurs de cette proposition de résolution ne peuvent ignorer les effets de la désastreuse loi NOTRe, totalement inaboutie, fruit de la lubie de quelques-uns, ou plutôt de l’obsession de la majorité politique du moment, dont la seule ligne consistait à défaire ce qui avait été construit durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Tout en harmonisant leurs organisations via la traduction d'une sorte de monarchie administrative, nos territoires ont conservé de fortes identités dans leurs traditions, leurs modes de vie, leurs singularités culturelles et économiques.

L'histoire tumultueuse de notre pays est marquée par ce jacobinisme, synonyme d'unité nationale et de stabilité politique, mais aussi par l'identification de la commune et du département, dès 1789, comme les échelons de base de notre administration.

Force est de constater que cet ordre des choses était suffisamment solide pour rester en l'état pendant plus d'un siècle et demi, jusqu'à ce vent de décentralisation du XXe siècle. Syndicats mixtes, intercommunalités, régions et pays ont successivement vu le jour, sans oublier les nombreuses agences, créant une superposition de strates administratives relativement complexe, répartissant les compétences de manière assez peu lisible pour les profanes et créant de nouvelles dépenses de structure qui, par effet cumulatif, ne sont pas étrangères à la colossale dette publique de notre pays.

Bien sûr, ces évolutions avaient du sens et correspondaient à de nouveaux besoins en matière d'organisation, à la reconnaissance d'une gestion de proximité, mais elles ont été trop souvent chamboulées et ont parfois autorisé l'État à se délester de certaines charges.

Les auteurs de cette proposition de résolution ne peuvent ignorer les effets de la désastreuse loi NOTRe, totalement inaboutie, fruit de la lubie de quelques-uns, ou plutôt de l'obsession de la majorité politique du moment, dont la seule ligne consistait à défaire ce qui avait été construit durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Le texte a été adopté à l’unanimité en CMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Le texte a été adopté à l'unanimité en CMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Avec la suppression du statut de conseiller territorial, ainsi que la fusion à marche forcée des régions et des intercommunalités dans la proportion incroyable de 40 %, François Hollande a saccagé le travail de décentralisation des années 1970 et 1980.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

Avec la suppression du statut de conseiller territorial, ainsi que la fusion à marche forcée des régions et des intercommunalités dans la proportion incroyable de 40 %, François Hollande a saccagé le travail de décentralisation des années soixante-dix et quatre-vingt.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. C’est la mode !

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

En dépit de ce capharnaüm administratif, les élus locaux aspirent aujourd'hui à la stabilité et revendiquent un principe assez simple : pas de nouveau transfert de compétences sans transfert de financement équivalent. Vaccinés par la décision sur les nouveaux rythmes scolaires et leur corollaire, le temps d'accueil périscolaire dans les écoles primaires, ils sont devenus extrêmement méfiants et regardent avec attention l'avenir du dispositif 2S2C introduit durant la crise sanitaire liée à la Covid-19.

La confiance envers l'État s'effrite dangereusement, et la colère monte même franchement lorsque le Gouvernement décide de manière unilatérale de retirer une partie de l'autonomie financière des collectivités locales en supprimant la taxe d'habitation…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

En dépit de ce capharnaüm administratif, les élus locaux aspirent aujourd’hui à la stabilité et revendiquent un principe assez simple : pas de nouveau transfert de compétences sans transfert de financement équivalent. Vaccinés par la décision sur les nouveaux rythmes scolaires et leur corollaire, le temps d’accueil périscolaire dans les écoles primaires, ils sont devenus extrêmement méfiants et regardent avec attention l’avenir du dispositif 2S2C introduit durant la crise sanitaire liée à la Covid-19.

La confiance envers l’État s’effrite dangereusement, et la colère monte même franchement lorsque le Gouvernement décide de manière unilatérale de retirer une partie de l’autonomie financière des collectivités locales en supprimant la taxe d’habitation…

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

… ou encore en retirant la gestion de l'apprentissage aux régions.

La clarification des compétences est essentielle, avec un cadre général, mais aussi des différenciations possibles, comme le prévoyait le projet de loi 3D, désormais reporté sine die. À l'État les missions régaliennes, si malmenées ces derniers temps, aux exécutifs locaux l'administration et le développement au plus proche des citoyens. Les derniers mois ont illustré, si besoin était, la souplesse et la réactivité des collectivités pour répondre aux besoins urgents des administrés.

La clause générale de compétence des communes doit être garantie et la place stratégique des intercommunalités, des départements et des régions doit être renforcée en s'appuyant sur un pacte financier stable, qui ne peut être remis en cause à chaque projet de loi de finances. Comme l'évoquent les auteurs de cette proposition de résolution, cela pourrait prendre la forme d'une évolution de nomenclature visant à prendre en compte l'ensemble des dépenses contraintes, notamment par les normes.

Le renforcement de la décentralisation, souhaité par les acteurs locaux, peut et doit être mis en œuvre. Confier à chaque niveau de responsabilité les compétences qu'il sait le mieux exercer paraît évident, mais cela doit s'accompagner d'une démarche courageuse pour chasser les doublons et mettre fin à des compétences tellement croisées qu'elles en deviennent illisibles. Nous parviendrons alors enfin à réduire ces dépenses publiques, qui font notre triste singularité européenne et nous privent de marges de manœuvre pour passer des intentions aux actes et mener des politiques nationales et territoriales véritablement ambitieuses.

Pour prendre un seul exemple, si l'accent doit être mis sur la rénovation des bâtiments, le patrimoine public largement dégradé constitue une masse extrêmement importante de gains énergétiques. Lancer un plan État-région spécifique pour ce secteur est sans aucun doute pertinent pour relancer notre économie et converger vers les objectifs environnementaux que nous ne cessons, là aussi, d'empiler au fil des textes législatifs.

Partageant une partie des objectifs de ce texte, mais très réservé sur les modalités de leur mise en œuvre, je m'abstiendrai comme la plupart de mes collègues du groupe Les Républicains.

M. François Bonhomme et Mme Françoise Gatel applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Piednoir

… ou encore en retirant la gestion de l’apprentissage aux régions.

La clarification des compétences est essentielle, avec un cadre général, mais aussi des différenciations possibles, comme le prévoyait le projet de loi 3D, désormais reporté sine die. À l’État les missions régaliennes, si malmenées ces derniers temps, aux exécutifs locaux l’administration et le développement au plus proche des citoyens. Les derniers mois ont illustré, si besoin était, la souplesse et la réactivité des collectivités pour répondre aux besoins urgents des administrés.

La clause générale de compétence des communes doit être garantie et la place stratégique des intercommunalités, des départements et des régions doit être renforcée en s’appuyant sur un pacte financier stable, qui ne peut être remis en cause à chaque projet de loi de finances. Comme l’évoquent les auteurs de cette proposition de résolution, cela pourrait prendre la forme d’une évolution de nomenclature visant à prendre en compte l’ensemble des dépenses contraintes, notamment par les normes.

Le renforcement de la décentralisation, souhaité par les acteurs locaux, peut et doit être mis en œuvre. Confier à chaque niveau de responsabilité les compétences qu’il sait le mieux exercer paraît évident, mais cela doit s’accompagner d’une démarche courageuse pour chasser les doublons et mettre fin à des compétences tellement croisées qu’elles en deviennent illisibles. Nous parviendrons alors enfin à réduire ces dépenses publiques, qui font notre triste singularité européenne et nous privent de marges de manœuvre pour passer des intentions aux actes et mener des politiques nationales et territoriales véritablement ambitieuses.

Pour prendre un seul exemple, si l’accent doit être mis sur la rénovation des bâtiments, le patrimoine public largement dégradé constitue une masse extrêmement importante de gains énergétiques. Lancer un plan État-région spécifique pour ce secteur est sans aucun doute pertinent pour relancer notre économie et converger vers les objectifs environnementaux que nous ne cessons, là aussi, d’empiler au fil des textes législatifs.

Partageant une partie des objectifs de ce texte, mais très réservé sur les modalités de leur mise en œuvre, je m’abstiendrai comme la plupart de mes collègues du groupe Les Républicains.

M. François Bonhomme et Mme Françoise Gatel applaudissent.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie M. Kerrouche, ainsi que le groupe socialiste, pour cette proposition de résolution, qui nous donne l'occasion de débattre d'un sujet pour lequel vous connaissez, bien sûr, mon engagement.

Ce texte montre à quel point la décentralisation est devenue la forme naturelle de l'organisation de notre République, principe d'ailleurs gravé dans le marbre de la Constitution. Elle le doit à ses nombreux pères fondateurs, que ce soit des membres de votre famille politique, monsieur Kerrouche – vous avez rappelé le rôle important que le parti socialiste a joué –, ou d'autres serviteurs de l'État au-delà des frontières partisanes.

La décentralisation est aussi par essence un processus. À ce titre, elle suscite régulièrement réflexions et propositions, plus encore aujourd'hui, après une crise sanitaire que vous avez tous mentionnée et qui a mis à l'épreuve notre organisation territoriale. Aussi, vos propositions ne manqueront pas de venir nourrir les réflexions en cours.

Alors même que les conséquences de la crise sanitaire demeurent perceptibles – ne l'oublions pas –, j'ai la conviction que nous devons rester à l'écoute des événements.

À cet égard, il faut faire preuve de prudence – peut-être aussi de modestie, monsieur Durain – lorsque l'on évoque les supposées réussites des uns ou les échecs des autres, car ils ont tous eu la volonté de servir au mieux leurs concitoyens. Cela me gêne beaucoup d'entendre les uns et les autres saluer la réussite des collectivités territoriales en expliquant qu'elle a souvent pour corollaire l'échec de l'État.

Moi, je crois que, dans un sens comme dans l'autre, chacun fait son travail et agit avec les responsabilités qui sont les siennes. Je pense aussi que, au moment où l'on en parle, on devrait saluer la réussite de l'État dans la lutte contre l'épidémie. Je pense bien sûr à tous les personnels qui, dans les hôpitaux, ont fait un travail absolument remarquable. Globalement, le système sanitaire français a tenu. Je rappelle d'ailleurs que l'État est le garant de la sécurité sanitaire et de la « sécurité sociale » dans notre pays, et ce n'est pas rien.

Nous devons donc rester à l'écoute des événements, mais garder également à l'esprit que la décentralisation est un sujet finalement assez complexe. Méfions-nous dès lors des réactions hâtives, ayons le courage d'assumer que, parfois, le besoin de stabilité et de pérennité l'emporte sur l'envie de transformer, si légitime soit-elle.

C'était du reste, comme le sénateur Kerrouche le mentionnait dans son propos introductif, une demande unanime des élus locaux en 2017 au début du dernier mandat municipal. Je me souviens très bien que les élus me disaient à l'époque qu'il y avait eu suffisamment de réformes, qu'il ne fallait pas en rajouter, afin qu'ils puissent les digérer.

Cependant, des voix se sont élevées ici et au sein des associations d'élus pour demander un approfondissement de la décentralisation. Or la stabilité n'empêche pas la mobilité, comme vous l'avez très bien dit, monsieur le sénateur Savoldelli. C'est ainsi que nous devons poursuivre le chemin que nous avons patiemment tracé, celui d'une reprise du dialogue entre l'État et les collectivités territoriales.

Vous le savez, j'ai lancé en janvier dernier une série de consultations régionales pour échanger avec les acteurs locaux de tous horizons sur leurs attentes en matière de décentralisation. Nous avons continué à discuter et à échanger sur ces sujets, y compris tout au long de la crise – mais évidemment par écran interposé – dans un climat, je dois le dire, de grande confiance.

Enfin, j'ajouterai peut-être qu'une longue vie d'élue locale m'a donné le temps de méditer quelque peu sur ces orientations : j'ai acquis la ferme conviction – c'est la raison pour laquelle j'ai préparé le projet de loi 3D – que la prochaine étape de la décentralisation n'était pas forcément ou ne devait pas forcément être la copie conforme de ce que l'on avait connu par le passé, que l'on vivait dans le moment présent et qu'il fallait regarder les choses telles qu'elles sont.

C'est pourquoi j'ai ajouté au mot « décentralisation » les mots « déconcentration » et « différenciation ». C'est quelque chose que je sentais profondément dans le pays. Nous avons pensé que la décentralisation résidait aussi dans les principes d'expérimentation et de différenciation.

Aussi, mardi dernier, le Gouvernement a transmis au Conseil d'État un projet de loi organique relatif aux expérimentations territoriales. La différenciation territoriale, dont les premiers jalons seront posés dans ce texte, est bien le nouveau visage de la décentralisation. Elle mettra fin à une conclusion binaire, dont j'ai entendu parler tout à l'heure, chère Françoise Gatel, c'est-à-dire à la généralisation ou à l'abandon des projets au terme des expérimentations, de manière à pouvoir les pérenniser sur certains territoires.

Dans un pays construit depuis plus de deux siècles sur l'uniformisation, c'est bien sûr une révolution même si, je le dis pour rassurer ceux qui s'inquiètent de l'expérimentation ou de la différenciation, il existe déjà un certain nombre d'exemples en la matière dans le droit actuel et dans ce qu'un certain nombre de majorités ont réalisé.

En votant la loi Montagne en 2016, par exemple, qu'a-t-on fait sinon reconnaître qu'il existe des territoires spécifiques et qu'il faut donc apporter des réponses spécifiques ? Ne nous mettons pas martel en tête quand on parle d'expérimentation et de différenciation, car on les pratique déjà. Cela étant, le projet de loi organique facilitera l'expérimentation et, donc, la différenciation.

Le grand historien Fernand Braudel écrivait, non sans admiration d'ailleurs, que « la France se nomme diversité ». C'est cette diversité que nos politiques publiques doivent désormais mieux prendre en compte pour s'y adapter. Il faut affirmer que des réponses différentes peuvent être apportées en fonction de la singularité des situations. C'est ce que j'appelle le « cousu main ».

C'est d'ailleurs ce que nous avons fait, madame la présidente, en créant la Collectivité européenne d'Alsace, qui peut désormais exercer des compétences spécifiques et particulières, notamment sur des sujets qui la concernent au premier chef : je pense, par exemple, à l'expérimentation transfrontalière. Je ne vais pas plus loin de peur de susciter des débats chez les Alsaciens…

Sourires .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie M. Kerrouche, ainsi que le groupe socialiste, pour cette proposition de résolution, qui nous donne l’occasion de débattre d’un sujet pour lequel vous connaissez, bien sûr, mon engagement.

Ce texte montre à quel point la décentralisation est devenue la forme naturelle de l’organisation de notre République, principe d’ailleurs gravé dans le marbre de la Constitution. Elle le doit à ses nombreux pères fondateurs, que ce soit des membres de votre famille politique, monsieur Kerrouche – vous avez rappelé le rôle important que le parti socialiste a joué –, ou d’autres serviteurs de l’État au-delà des frontières partisanes.

La décentralisation est aussi par essence un processus. À ce titre, elle suscite régulièrement réflexions et propositions, plus encore aujourd’hui, après une crise sanitaire que vous avez tous mentionnée et qui a mis à l’épreuve notre organisation territoriale. Aussi, vos propositions ne manqueront pas de venir nourrir les réflexions en cours.

Alors même que les conséquences de la crise sanitaire demeurent perceptibles – ne l’oublions pas –, j’ai la conviction que nous devons rester à l’écoute des événements. À cet égard, il faut faire preuve de prudence – peut-être aussi de modestie, monsieur Durain – lorsque l’on évoque les supposées réussites des uns ou les échecs des autres, car ils ont tous eu la volonté de servir au mieux leurs concitoyens.

Cela me gêne beaucoup d’entendre les uns et les autres saluer la réussite des collectivités territoriales en expliquant qu’elle a souvent pour corollaire l’échec de l’État. Moi, je crois que, dans un sens comme dans l’autre, chacun fait son travail et agit avec les responsabilités qui sont les siennes. Je pense aussi que, au moment où l’on en parle, on devrait saluer la réussite de l’État dans la lutte contre l’épidémie. Je pense bien sûr à tous les personnels qui, dans les hôpitaux, ont fait un travail absolument remarquable. Globalement, le système sanitaire français a tenu. Je rappelle d’ailleurs que l’État est le garant de la sécurité sanitaire et de la « sécurité sociale » dans notre pays, et ce n’est pas rien.

Nous devons donc rester à l’écoute des événements, mais garder également à l’esprit que la décentralisation est un sujet finalement assez complexe. Méfions-nous dès lors des réactions hâtives, ayons le courage d’assumer que, parfois, le besoin de stabilité et de pérennité l’emporte sur l’envie de transformer, si légitime soit-elle. C’était du reste, comme le sénateur Kerrouche le mentionnait dans son propos introductif, une demande unanime des élus locaux en 2017 au début du dernier mandat municipal. Je me souviens très bien que les élus me disaient à l’époque qu’il y avait eu suffisamment de réformes, qu’il ne fallait pas en rajouter, afin qu’ils puissent les digérer.

Cependant, des voix se sont élevées ici et au sein des associations d’élus pour demander un approfondissement de la décentralisation. Or la stabilité n’empêche pas la mobilité, comme vous l’avez très bien dit, monsieur le sénateur Savoldelli. C’est ainsi que nous devons poursuivre le chemin que nous avons patiemment tracé, celui d’une reprise du dialogue entre l’État et les collectivités territoriales.

Vous le savez, j’ai lancé en janvier dernier une série de consultations régionales pour échanger avec les acteurs locaux de tous horizons sur leurs attentes en matière de décentralisation. Nous avons continué à discuter et à échanger sur ces sujets, y compris tout au long de la crise – mais évidemment par écran interposé – dans un climat, je dois le dire, de grande confiance.

Enfin, j’ajouterai peut-être qu’une longue vie d’élue locale m’a donné le temps de méditer quelque peu sur ces orientations : j’ai acquis la ferme conviction – c’est la raison pour laquelle j’ai préparé le projet de loi 3D – que la prochaine étape de la décentralisation n’était pas forcément ou ne devait pas forcément être la copie conforme de ce que l’on avait connu par le passé, que l’on vivait dans le moment présent et qu’il fallait regarder les choses telles qu’elles sont. C’est pourquoi j’ai ajouté au mot « décentralisation » les mots « déconcentration » et « différenciation ». C’est quelque chose que je sentais profondément dans le pays.

Nous avons pensé que la décentralisation résidait aussi dans les principes d’expérimentation et de différenciation. Aussi, mardi dernier, le Gouvernement a transmis au Conseil d’État un projet de loi organique relatif aux expérimentations territoriales. La différenciation territoriale, dont les premiers jalons seront posés dans ce texte, est bien le nouveau visage de la décentralisation. Elle mettra fin à une conclusion binaire, dont j’ai entendu parler tout à l’heure, chère Françoise Gatel, c’est-à-dire à la généralisation ou à l’abandon des projets au terme des expérimentations, de manière à pouvoir les pérenniser sur certains territoires.

Dans un pays construit depuis plus de deux siècles sur l’uniformisation, c’est bien sûr une révolution même si, je le dis pour rassurer ceux qui s’inquiètent de l’expérimentation ou de la différenciation, il existe déjà un certain nombre d’exemples en la matière dans le droit actuel et dans ce qu’un certain nombre de majorités ont réalisé. En votant la loi Montagne en 2016, par exemple, qu’a-t-on fait sinon reconnaître qu’il existe des territoires spécifiques et qu’il faut donc apporter des réponses spécifiques ? Ne nous mettons pas martel en tête quand on parle d’expérimentation et de différenciation, car on les pratique déjà. Cela étant, le projet de loi organique facilitera l’expérimentation et, donc, la différenciation.

Le grand historien Fernand Braudel écrivait, non sans admiration d’ailleurs, que « la France se nomme diversité ». C’est cette diversité que nos politiques publiques doivent désormais mieux prendre en compte pour s’y adapter. Il faut affirmer que des réponses différentes peuvent être apportées en fonction de la singularité des situations. C’est ce que j’appelle le « cousu main ». C’est d’ailleurs ce que nous avons fait, madame la présidente, en créant la Collectivité européenne d’Alsace, qui peut désormais exercer des compétences spécifiques et particulières, notamment sur des sujets qui la concernent au premier chef : je pense, par exemple, à l’expérimentation transfrontalière. Je ne vais pas plus loin de peur de susciter des débats chez les Alsaciens…

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Oui, nous devons pleinement assumer qu'il existe, au fond, une complexité de l'action publique, non pour nous y soumettre, mais pour en tirer le meilleur parti et tirer le meilleur parti des situations. C'est pourquoi le fait d'inscrire dans la Constitution ce qui relève du régalien ou non, ce qui relève seulement des compétences locales ou non, n'est à mon avis ni possible ni souhaitable.

Sourires.

Marques d'approbation sur les travées du gro upe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Oui, nous devons pleinement assumer qu’il existe, au fond, une complexité de l’action publique, non pour nous y soumettre, mais pour en tirer le meilleur parti et tirer le meilleur parti des situations. C’est pourquoi le fait d’inscrire dans la Constitution ce qui relève du régalien ou non, ce qui relève seulement des compétences locales ou non, n’est à mon avis ni possible ni souhaitable.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

Dans le cas contraire, quid de l'économie et du social ? Nous ne sommes pas un État fédéral, et chacun a rappelé ici la manière dont s'était construit l'État-nation. J'insiste moi aussi sur ce point. Je crois pour ma part à la phrase du général de Gaulle que vous connaissez sans doute : « L'action, ce sont les hommes au milieu des circonstances. »

Marques d ’ approbation sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Dans le cas contraire, quid de l’économie et du social ? Nous ne sommes pas un État fédéral, et chacun a rappelé ici la manière dont s’était construit l’État-nation. J’insiste moi aussi sur ce point. Je crois pour ma part à la phrase du général de Gaulle que vous connaissez sans doute : « L’action, ce sont les hommes au milieu des circonstances. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La clarification des compétences est, bien sûr, un point important. La loi NOTRe, tant décriée, a apporté cette clarification – je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'elle contenait, mais on ne peut pas dire le contraire.

Aujourd'hui, les demandes de clarification sont toujours nombreuses. Cela étant, j'essaie de l'expliquer aussi simplement que possible, il est aussi tout à fait normal que, dans certains secteurs, les compétences soient partagées. Rappelez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, les discussions qui ont eu lieu à l'occasion de l'examen de cette loi NOTRe – je siégeais dans cet hémicycle alors – : elles ont duré des heures et des heures.

Je prendrai l'exemple de la culture. On ne peut pas empêcher un État d'avoir une politique culturelle ! On ne peut pas empêcher des collectivités territoriales d'avoir une politique culturelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

La clarification des compétences est, bien sûr, un point important. La loi NOTRe, tant décriée, a apporté cette clarification – je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’elle contenait, mais on ne peut pas dire le contraire.

Aujourd’hui, les demandes de clarification sont toujours nombreuses. Cela étant, j’essaie de l’expliquer aussi simplement que possible, il est aussi tout à fait normal que, dans certains secteurs, les compétences soient partagées. Rappelez-vous, mesdames, messieurs les sénateurs, les discussions qui ont eu lieu à l’occasion de l’examen de cette loi NOTRe – je siégeais dans cet hémicycle alors – : elles ont duré des heures et des heures.

Je prendrai l’exemple de la culture. On ne peut pas empêcher un État d’avoir une politique culturelle ! On ne peut pas empêcher des collectivités territoriales d’avoir une politique culturelle !

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre

Il faut donc reconnaître qu'il y a des secteurs de compétences partagées et trouver des solutions. D'ailleurs, elles existent. Parfois, au travers des accords passés entre l'État et les collectivités territoriales, chacun sait clairement qui fait quoi. Prenons le cas d'un projet qui est une réussite, et dont tout le monde a salué la pérennité : la signature entre l'État et les départements d'un plan Pauvreté. À partir de la reconnaissance d'une compétence partagée dans le domaine social, c'est un projet qui a été mené de manière volontaire, qui a été discuté collectivement et qui donne, aujourd'hui, de bons résultats sur les territoires.

C'est le sens de mon engagement et de celui du Gouvernement en faveur de la contractualisation, notamment, chère Françoise Gatel, au travers des pactes territoriaux.

Ainsi, nous renforcerons la concorde républicaine pour mieux protéger notre pays à l'avenir, car, depuis son origine, la décentralisation est une manière de préparer la France à mieux répondre aux défis contemporains et futurs.

Je pourrais, à cet égard, reprendre la citation du Président Mitterrand évoquée précédemment. L'actuel Président de la République, lui aussi, l'a dit : « L'organisation de l'État et de notre action doit profondément changer. » Pour cela, a-t-il souligné, nous devons donner « des libertés et des responsabilités inédites à ceux qui agissent au plus près de nos vies », sans écarter de pistes a priori.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Il faut donc reconnaître qu’il y a des secteurs de compétences partagées et trouver des solutions. D’ailleurs, elles existent. Parfois, au travers des accords passés entre l’État et les collectivités territoriales, chacun sait clairement qui fait quoi. Prenons le cas d’un projet qui est une réussite, et dont tout le monde a salué la pérennité : la signature entre l’État et les départements d’un plan Pauvreté. À partir de la reconnaissance d’une compétence partagée dans le domaine social, c’est un projet qui a été mené de manière volontaire, qui a été discuté collectivement et qui donne, aujourd’hui, de bons résultats sur les territoires.

C’est le sens de mon engagement et de celui du Gouvernement en faveur de la contractualisation, notamment, chère Françoise Gatel, au travers des pactes territoriaux.

Ainsi, nous renforcerons la concorde républicaine pour mieux protéger notre pays à l’avenir, car, depuis son origine, la décentralisation est une manière de préparer la France à mieux répondre aux défis contemporains et futurs.

Je pourrais, à cet égard, reprendre la citation du Président Mitterrand évoquée précédemment. L’actuel Président de la République, lui aussi, l’a dit : « L’organisation de l’État et de notre action doit profondément changer. » Pour cela, a-t-il souligné, nous devons donner « des libertés et des responsabilités inédites à ceux qui agissent au plus près de nos vies », sans écarter de pistes a priori.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre

Face à la crise écologique, face à la crise sanitaire, il est temps que l'État et les collectivités scellent une nouvelle alliance pour remporter la bataille des transitions, qu'il s'agisse de lutter contre le réchauffement climatique ou de préserver la biodiversité. Nous pouvons le faire en gardant à l'esprit cette pensée de Jean Bodin, que je cite souvent – vous m'avez entendue le faire un certain nombre de fois – : « Il n'est de richesse que d'hommes. » Ce sont notre force de caractère et notre capacité d'initiative qui nous permettront de faire plus et mieux.

Comme vous le savez, à la suite des concertations menées dans le cadre du projet de loi 3D, nous avons approfondi la décentralisation dans plusieurs domaines : la transition écologique, le logement, les transports. Par ailleurs, nous devons tirer les conséquences de la crise sanitaire dans le domaine de la santé et des solidarités. Enfin, c'est une problématique majeure, il nous faut accélérer la réforme de l'organisation territoriale de l'État. Vous avez tous évoqué ce sujet, qui a été le sujet numéro un dans toutes les réunions avec les associations d'élus auxquelles j'ai assisté, en présence du Président de la République ou du Premier ministre.

Cette accélération pourrait se traduire par un renforcement du mouvement de déconcentration des moyens, des pouvoirs et des agents de l'État. La restauration de l'unité de la parole de l'État dans les territoires, notamment autour de la figure du préfet de département, est également réclamée par tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Face à la crise écologique, face à la crise sanitaire, il est temps que l’État et les collectivités scellent une nouvelle alliance pour remporter la bataille des transitions, qu’il s’agisse de lutter contre le réchauffement climatique ou de préserver la biodiversité. Nous pouvons le faire en gardant à l’esprit cette pensée de Jean Bodin, que je cite souvent – vous m’avez entendue le faire un certain nombre de fois – : « Il n’est de richesse que d’hommes. » Ce sont notre force de caractère et notre capacité d’initiative qui nous permettront de faire plus et mieux.

Comme vous le savez, à la suite des concertations menées dans le cadre du projet de loi 3D, nous avons approfondi la décentralisation dans plusieurs domaines : la transition écologique, le logement, les transports. Par ailleurs, nous devons tirer les conséquences de la crise sanitaire dans le domaine de la santé et des solidarités. Enfin, c’est une problématique majeure, il nous faut accélérer la réforme de l’organisation territoriale de l’État. Vous avez tous évoqué ce sujet, qui a été le sujet numéro un dans toutes les réunions avec les associations d’élus auxquelles j’ai assisté, en présence du Président de la République ou du Premier ministre.

Cette accélération pourrait se traduire par un renforcement du mouvement de déconcentration des moyens, des pouvoirs et des agents de l’État. La restauration de l’unité de la parole de l’État dans les territoires, notamment autour de la figure du préfet de département, est également réclamée par tous.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre

Je n'entre pas dans le détail, puisque vous avez largement abordé la question, mais cette réflexion devra aussi, bien sûr, intégrer les agences et les opérateurs autonomes de l'État.

Je ne vais pas non plus ouvrir le débat sur la question des finances locales, que vous avez évoquée, monsieur Marie. C'est, si je puis dire, un débat dans le débat.

Au fond, votre contribution relance l'éternelle discussion sur l'autonomie financière des collectivités territoriales. Nous aurons l'occasion d'y revenir… C'est une discussion que j'ai souvent avec Vincent Éblé, Albéric de Montgolfier et Charles Guené, et il est évidemment naturel de rouvrir ce débat si de nouvelles compétences sont transférées de l'État vers les collectivités territoriales. Cela étant, le sujet est beaucoup plus vaste, puisqu'il faut dans ce cas s'interroger sur les dotations de l'État, mais aussi sur le rôle des impôts locaux ou de certaines parts des impôts nationaux.

En conclusion, j'évoquerai une idée qui m'est chère – j'avais commis un rapport sur la question, dans cette assemblée, avec le sénateur socialiste Yves Krattinger – : il s'agit de l'intelligence des territoires. Il ne faut pas oublier ce qui se joue par le biais, pour reprendre les termes de Pierre Veltz, des « mille fils tendus » unissant déjà les territoires entre eux.

Doivent également s'inscrire dans notre réflexion les rôles joués par les citoyens au sein de ces territoires : créations, initiatives, démarches solidaires. Ils ont toute leur importance !

Il est vrai que les transitions nécessaires pourront être accélérées grâce aux territoires. Libérons les liens, multiplions les initiatives et inventons, ensemble, l'avenir de notre pays ! Pour ce faire, mesdames, messieurs les sénateurs, vous trouverez plus que jamais l'État aux côtés des territoires, dans le respect de l'exercice de leurs libertés locales, le but étant de garantir leur cohésion et l'équité entre tous nos concitoyens.

Mme Françoise Gatel et M. Didier Rambaud applaudissent .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je n’entre pas dans le détail, puisque vous avez largement abordé la question, mais cette réflexion devra aussi, bien sûr, intégrer les agences et les opérateurs autonomes de l’État.

Je ne vais pas non plus ouvrir le débat sur la question des finances locales, que vous avez évoquée, monsieur Marie. C’est, si je puis dire, un débat dans le débat.

Au fond, votre contribution relance l’éternelle discussion sur l’autonomie financière des collectivités territoriales. Nous aurons l’occasion d’y revenir… C’est une discussion que j’ai souvent avec Vincent Éblé, Albéric de Montgolfier et Charles Guené, et il est évidemment naturel de rouvrir ce débat si de nouvelles compétences sont transférées de l’État vers les collectivités territoriales. Cela étant, le sujet est beaucoup plus vaste, puisqu’il faut dans ce cas s’interroger sur les dotations de l’État, mais aussi sur le rôle des impôts locaux ou de certaines parts des impôts nationaux.

En conclusion, j’évoquerai une idée qui m’est chère – j’avais commis un rapport sur la question, dans cette assemblée, avec le sénateur socialiste Yves Krattinger – : il s’agit de l’intelligence des territoires. Il ne faut pas oublier ce qui se joue par le biais, pour reprendre les termes de Pierre Veltz, des « mille fils tendus » unissant déjà les territoires entre eux.

Doivent également s’inscrire dans notre réflexion les rôles joués par les citoyens au sein de ces territoires : créations, initiatives, démarches solidaires. Ils ont toute leur importance !

Il est vrai que les transitions nécessaires pourront être accélérées grâce aux territoires. Libérons les liens, multiplions les initiatives et inventons, ensemble, l’avenir de notre pays ! Pour ce faire, mesdames, messieurs les sénateurs, vous trouverez plus que jamais l’État aux côtés des territoires, dans le respect de l’exercice de leurs libertés locales, le but étant de garantir leur cohésion et l’équité entre tous nos concitoyens.

Mme Françoise Gatel et M. Didier Rambaud applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Et le report des élections régionales et départementales ? Rappel au règlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Et le report des élections régionales et départementales ? Rappel au règlement !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Il est d'usage, quand un sénateur ou une sénatrice interpelle le Gouvernement, que le ministre ou la ministre lui réponde !

Personne ne doute ici de votre engagement en faveur de la décentralisation, madame la ministre, mais il se trouve que la réforme territoriale a été évoquée lors d'un déjeuner avec le Président Macron, auquel j'ai participé, …

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Patrick Kanner, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Il est d’usage, quand un sénateur ou une sénatrice interpelle le Gouvernement, que le ministre ou la ministre lui réponde !

Personne ne doute ici de votre engagement en faveur de la décentralisation, madame la ministre, mais il se trouve que la réforme territoriale a été évoquée mardi midi lors d’un déjeuner avec le Président Macron, auquel j’ai participé.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

… mardi midi. Le Président de la République a été très clair sur la question. Il a dit, je le cite pratiquement mot pour mot, qu'il souhaitait que les départements et régions passent par la « grande porte » – ces termes ont été utilisés – qu'il leur proposait, à savoir une réforme territoriale d'ampleur, potentiellement liée à leur engagement dans le grand plan de relance qu'il souhaite mettre en œuvre pour le pays, dans le cadre de la reconstruction sociale et économique à venir. Toutefois, cela ne serait pas compatible avec une échéance électorale en mars prochain.

Ce qu'il nous a dit, clairement, mais en creux, c'est en fait la chose suivante : si vous préférez passer par la petite porte des élections, faites-le ; moi, je passerai au-dessus et défendrai l'intérêt général pour sauver le pays ! C'était une déclaration très solennelle.

Ma question est donc simple. Le Président de la République lie la réforme territoriale au report potentiel des élections départementales et régionales. Une grande majorité des membres de cette chambre – j'ai vérifié cela auprès du président Bruno Retailleau – estiment, au contraire, que nous sommes capables de contribuer au grand effort de reconstruction du pays, tout en ne repoussant pas l'échéance électorale de mars prochain. Nous sommes manifestement en mesure de faire les deux en même temps. D'ailleurs, l'histoire récente a montré que des maires, même battus, étaient capables d'aider leurs administrés. C'est donc aussi possible dans les communes que, à juste titre, vous défendez.

Nous voudrions donc avoir, sinon une réponse claire sur le sujet, en tout cas une orientation de votre part.

Applaudissements s ur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Le Président de la République a été très clair sur la question. Il a dit, je le cite pratiquement mot pour mot, qu’il souhaitait que les départements et régions passent par la « grande porte » – ces termes ont été utilisés – qu’il leur proposait, à savoir une réforme territoriale d’ampleur, potentiellement liée à leur engagement dans le grand plan de relance qu’il souhaite mettre en œuvre pour le pays, dans le cadre de la reconstruction sociale et économique à venir. Toutefois, cela ne serait pas compatible avec une échéance électorale en mars prochain.

Ce qu’il nous a dit, clairement, mais en creux, c’est en fait la chose suivante : si vous préférez passer par la petite porte des élections, faites-le ; moi, je passerai au-dessus et défendrai l’intérêt général pour sauver le pays ! C’était une déclaration très solennelle.

Ma question est donc simple. Le Président de la République lie la réforme territoriale au report potentiel des élections départementales et régionales. Une grande majorité des membres de cette chambre – j’ai vérifié cela auprès du président Bruno Retailleau – estiment, au contraire, que nous sommes capables de contribuer au grand effort de reconstruction du pays, tout en ne repoussant pas l’échéance électorale de mars prochain. Nous sommes manifestement en mesure de faire les deux en même temps. D’ailleurs, l’histoire récente a montré que des maires, même battus, étaient capables d’aider leurs administrés. C’est donc aussi possible dans les communes que, à juste titre, vous défendez.

Nous voudrions donc avoir, sinon une réponse claire sur le sujet, en tout cas une orientation de votre part.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à Mme la ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur le président Kanner, je ne veux pas me dérober, mais je crois que vous en savez autant que moi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à Mme la ministre.

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur le président Kanner, je ne veux pas me dérober, mais je crois que vous en savez autant que moi.

Debut de section - Permalien
Jacqueline Gourault, ministre

Je n'ai pas assisté au déjeuner auquel vous faites référence. En revanche, j'ai assisté à celui qui a réuni deux présidents de région et le Président de la République, durant lequel ce sujet a effectivement été abordé. Pour vous dire la stricte vérité, c'est même le président de l'Association des régions de France qui a fait observer que les élections allaient de dérouler en plein milieu du plan de relance. Le Président de la République a répondu qu'il en avait conscience. Je n'en sais pas plus.

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je n’ai pas assisté au déjeuner auquel vous faites référence. En revanche, j’ai assisté à celui qui a réuni deux présidents de région et le Président de la République, durant lequel ce sujet a effectivement été abordé. Pour vous dire la stricte vérité, c’est même le président de l’Association des régions de France qui a fait observer que les élections allaient de dérouler en plein milieu du plan de relance. Le Président de la République a répondu qu’il en avait conscience. Je n’en sais pas plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

Photo de Catherine Troendle

Nous allons procéder au vote sur la proposition de résolution.

proposition de résolution pour une nouvelle ère de la décentralisation

Photo de Catherine Troendle

Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

Vote sur l’ensemble

Photo de Catherine Troendle

Mes chers collègues, je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les interventions des orateurs valaient explications de vote.

Je mets aux voix la proposition de résolution.

Photo de Catherine Troendle

L'ordre du jour appelle, à la demande du groupe socialiste et républicain, la discussion de la proposition de loi portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes du Covid-19, présentée par Mme Victoire Jasmin et plusieurs de ses collègues (proposition n° 425, texte de la commission n° 531, rapport n° 530).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Victoire Jasmin, auteure de la proposition de loi.

Rejet d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans cette France du 25 juin 2020, qui commence progressivement à panser les plaies de cette terrible pandémie, la proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter est un texte attendu et espéré par beaucoup.

Mes premières pensées sont évidemment pour les victimes de la Covid-19 et leurs familles.

Je tiens également à associer à nos travaux mes collègues du groupe socialiste et républicain, qui ont, avec moi, déposé cette proposition de loi, plus particulièrement le sénateur Lurel. Je les remercie tous de la confiance qu'ils m'ont accordée.

J'en profite enfin pour saluer l'excellent rapport fait, au nom de la commission des affaires sociales, par ma collègue Corinne Féret, que je remercie pour les amendements proposés afin d'améliorer le texte initial.

Ce texte, rédigé durant les heures les plus tragiques de la propagation de l'épidémie de la Covid-19 en France et partout dans le monde, répond à un engagement, celui de certains de nos concitoyens qui, aujourd'hui, en sont décédés – à nouveau, j'ai une pensée particulière pour eux et pour leurs proches. Il aborde certaines difficultés rencontrées par ceux qui, parmi nous, ont été directement confrontés à cette épidémie.

Bien sûr, au fil des jours, les applaudissements à vingt heures et les manifestations de gratitude envers les premiers de corvée se sont faits plus discrets, mais la gratitude demeure envers toutes les personnes qui ont assuré la continuité des services essentiels à la vie de la Nation. Je pense évidemment aux professionnels et aux bénévoles de santé, ainsi qu'aux personnels des premiers secours, aux pompiers, aux ambulanciers, aux techniciens de laboratoire, aux forces de sécurité, aux services d'aide à la personne, aux services de propreté et de salubrité publique, aux salariés des pompes funèbres, aux salariés de la grande distribution ou aux agents de la RATP. Je pense aussi aux bénévoles de la réserve sanitaire, et à tant d'autres qui se sont mobilisés pendant le confinement.

Cette proposition de loi repose sur un constat assez simple : la période que nous venons de connaître a été sans précédent, tant par sa gravité que par la rapidité de la propagation de l'épidémie à l'échelle mondiale.

Face aux risques accrus de contagion et de morbidité associées au coronavirus SARS-CoV-2, nous avons en urgence dû adopter des mesures exceptionnelles de confinement, afin de mettre à l'abri le plus grand nombre d'entre nous. Ces mesures de salubrité publique nous ont permis d'épargner de nombreuses vies, et, même si le bilan des décès suite à l'infection reste trop lourd, nous pouvons collectivement nous féliciter de la réussite de ce confinement.

Pour autant, certains travailleurs et bénévoles ayant poursuivi leurs activités professionnelles ou associatives pendant cette période ont été exposés à un risque accru de contamination, d'autant plus accru que les équipements de protection individuelle et collective, nous le savons, faisaient alors cruellement défaut.

Parmi les malades de la Covid-19, peu sont des professionnels qui ont dû maintenir leurs activités pendant le confinement. Heureusement, l'immense majorité de ces professionnels ont été atteint d'une forme bénigne, parfois passée totalement inaperçue et sans aucun impact sur leur état de santé. Malheureusement, certains ont développé des formes sévères de l'infection. Pour un nombre très limité d'entre eux, ils en garderont des séquelles, lourdes pour les malades et pour leurs familles, souvent irréversibles au plan psychologique et allant jusqu'à la mort dans les cas les plus graves.

Quand il y a eu décès, alors que les personnes s'étaient retrouvées seules, sans contact avec leurs proches, les services funéraires se sont déroulés dans des conditions particulièrement difficiles, rendant d'autant plus pénible le travail de deuil pour de nombreuses familles.

Comme cela fut annoncé par le ministre des solidarités et de la santé, le 23 avril dernier, certains pourront prétendre à des réparations au titre de la maladie professionnelle. Il est heureux qu'à l'approche de l'examen de cette proposition de loi le Gouvernent se soit enfin décidé à accélérer la publication des ordonnances et décrets permettant cette reconnaissance de la Covid-19 comme maladie professionnelle pour les soignants.

Mais cette avancée réglementaire ne permettra pas de reconnaître les services rendus à la Nation par tous ceux qui ont travaillé. C'est pourquoi, afin de matérialiser notre reconnaissance et faire preuve de notre humanisme envers ceux qui étaient mobilisés sur le front – nous étions en guerre ! –, nous leur devons de faire évoluer la loi.

Voilà pourquoi cette proposition de loi institue un fonds d'indemnisation des victimes graves de la Covid-19, destiné à offrir, à ces victimes ou à leurs ayants droit, une réparation intégrale de leur préjudice.

Les attentes sont grandes et légitimes, comme nous l'ont montré les auditions des associations représentant les victimes, mais aussi celles de la Caisse nationale d'assurance maladie et de la Direction de la sécurité sociale. Ces entretiens ont mis en lumière la nécessité d'instituer un processus d'indemnisation simplifié et équitable de tous les travailleurs ou bénévoles qui, par obligation, auraient été exposés à un risque accru de contamination pendant le confinement.

Il va sans dire que le fonds qu'il vous est proposé de créer ne se substitue pas au régime d'indemnisation des maladies professionnelles. Il en est clairement complémentaire ! D'ailleurs, opposer les deux mécanismes serait un non-sens : ils s'articulent ensemble, dans le respect d'une même logique, mais avec des modalités techniques d'application différentes.

J'entends évidemment les réserves exprimées par certains à l'idée de lier maladie contagieuse, infectieuse, et maladie professionnelle. Ils font valoir le risque, à l'avenir, d'une multiplication excessive des contentieux.

Pour autant, alors qu'il y a aussi eu des réclamations pour ouvrir la réparation de ce fonds à l'ensemble de la population, il apparaît qu'une circonscription, comme le proposent la rapporteure Mme Féret et l'ensemble du groupe socialiste, par la réduction du champ d'application à une période limitée – la période de l'état d'urgence – apporte les gages et les garde-fous nécessaires, levant ainsi les obstacles au vote de cette proposition de loi.

S'agissant du financement, point clé de tout principe de réparation, si l'on peut légitimement repenser une contribution de l'État ou celle des employeurs par le biais de la branche AT-MP de la sécurité sociale, le choix de la création d'une taxe additionnelle à la taxe Gafam, au vu des énormes bénéfices engrangés par les géants du numérique pendant le confinement, apporterait une forme d'équité sociale et de pragmatisme fiscal.

L'orientation proposée dans ce texte est donc réaliste, équilibrée et juste.

Durant le confinement, ils ont été qualifiés de « premiers de corvée », parfois de soldats exposés au risque de contamination, à un moment, faut-il le rappeler, où la France manquait cruellement de masques.

Je suis certaine que le Gouvernement a tiré les premières leçons et que nous ne reproduirons pas à l'identique les mesures exceptionnelles du confinement – même en cas de seconde vague, nous serons prêts à faire autrement.

La gratitude de la Nation doit donc maintenant s'exprimer. À cet effet, je vous propose un outil simple et juste, fondé sur des principes clairs et des critères objectivables, afin de permettre la réparation intégrale des préjudices subis par un nombre limité de personnes, professionnels ou bénévoles ayant dû poursuive leurs activités pendant le confinement pour que nous soyons là, aujourd'hui, et qui en sont décédés ou gardent des séquelles importantes de la maladie ainsi contractée.

C'est donc avec humilité, gravité et confiance que je vous soumets cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe socialiste et républicain, la discussion de la proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes du Covid-19, présentée par Mme Victoire Jasmin et plusieurs de ses collègues (proposition n° 425, texte de la commission n° 531, rapport n° 530).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Victoire Jasmin, auteure de la proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. Yves Détraigne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans cette France du 25 juin 2020, qui commence progressivement à panser les plaies de cette terrible pandémie, la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter est un texte attendu et espéré par beaucoup.

Mes premières pensées sont évidemment pour les victimes de la Covid-19 et leurs familles.

Je tiens également à associer à nos travaux mes collègues du groupe socialiste et républicain, qui ont, avec moi, déposé cette proposition de loi, plus particulièrement le sénateur Lurel. Je les remercie tous de la confiance qu’ils m’ont accordée.

J’en profite enfin pour saluer l’excellent rapport fait, au nom de la commission des affaires sociales, par ma collègue Corinne Féret, que je remercie pour les amendements proposés afin d’améliorer le texte initial.

Ce texte, rédigé durant les heures les plus tragiques de la propagation de l’épidémie de la Covid-19 en France et partout dans le monde, est une forme de réponse à l’engagement de certains de nos concitoyens – à nouveau, j’ai une pensée particulière pour ceux qui sont décédés et pour leurs proches. Il aborde certaines difficultés rencontrées par ceux qui, parmi nous, ont été directement confrontés à cette épidémie.

Bien sûr, au fil des jours, les applaudissements à vingt heures et les manifestations de gratitude envers les premiers de corvée se sont faits plus discrets, mais la gratitude demeure envers toutes les personnes qui ont assuré la continuité des services essentiels à la vie de la Nation. Je pense évidemment aux professionnels et aux bénévoles de santé, ainsi qu’aux personnels des premiers secours, aux pompiers, aux ambulanciers, aux techniciens de laboratoire, aux forces de sécurité, aux services d’aide à la personne, aux services de propreté et de salubrité publique, aux salariés des pompes funèbres, aux salariés de la grande distribution ou aux agents de la RATP. Je pense aussi aux bénévoles de la réserve sanitaire, et à tant d’autres qui se sont mobilisés pendant le confinement.

Cette proposition de loi repose sur un constat assez simple : la période que nous venons de connaître a été sans précédent, tant par sa gravité que par la rapidité de la propagation de l’épidémie à l’échelle mondiale.

Face aux risques accrus de contagion et de morbidité associés au coronavirus SARS-CoV-2, nous avons en urgence dû adopter des mesures exceptionnelles de confinement, afin de mettre à l’abri le plus grand nombre d’entre nous. Ces mesures de salubrité publique nous ont permis d’épargner de nombreuses vies, et, même si le bilan des décès suite à l’infection reste trop lourd, nous pouvons collectivement nous féliciter de la réussite de ce confinement.

Pour autant, certains travailleurs et bénévoles ayant poursuivi leurs activités professionnelles ou associatives pendant cette période ont été exposés à un risque accru de contamination, d’autant plus accru que les équipements de protection individuelle et collective, nous le savons, faisaient alors cruellement défaut.

Parmi les malades de la Covid-19, peu sont des professionnels qui ont dû maintenir leurs activités pendant le confinement. Heureusement, l’immense majorité de ces professionnels ont été atteints d’une forme bénigne, parfois passée totalement inaperçue et sans aucun impact sur leur état de santé. Malheureusement, certains ont développé des formes sévères de l’infection. Pour un nombre très limité d’entre eux, ils en garderont des séquelles, lourdes pour les malades et pour leurs familles, souvent irréversibles au plan psychologique et allant jusqu’à la mort dans les cas les plus graves.

Quand il y a eu décès, alors que les personnes s’étaient retrouvées seules, sans contact avec leurs proches, les services funéraires se sont déroulés dans des conditions particulièrement difficiles, rendant d’autant plus pénible le travail de deuil pour de nombreuses familles.

Comme cela fut annoncé par le ministre des solidarités et de la santé, le 23 avril dernier, certains pourront prétendre à des réparations au titre de la maladie professionnelle. Il est heureux qu’à l’approche de l’examen de cette proposition de loi le Gouvernement se soit enfin décidé à accélérer la publication des ordonnances et décrets permettant cette reconnaissance de la Covid-19 comme maladie professionnelle pour les soignants.

Mais cette avancée réglementaire ne permettra pas de reconnaître les services rendus à la Nation par tous ceux qui ont travaillé. C’est pourquoi, afin de matérialiser notre reconnaissance et faire preuve de notre humanisme envers ceux qui étaient mobilisés sur le front – nous étions en guerre ! –, nous leur devons de faire évoluer la loi.

Voilà pourquoi cette proposition de loi institue un fonds d’indemnisation des victimes graves de la Covid-19, destiné à offrir, à ces victimes ou à leurs ayants droit, une réparation intégrale de leur préjudice.

Les attentes sont grandes et légitimes, comme nous l’ont montré les auditions des associations représentant les victimes, mais aussi celles de la Caisse nationale d’assurance maladie et de la Direction de la sécurité sociale. Ces entretiens ont mis en lumière la nécessité d’instituer un processus d’indemnisation simplifié et équitable de tous les travailleurs ou bénévoles qui, par obligation, auraient été exposés à un risque accru de contamination pendant le confinement.

Il va sans dire que le fonds qu’il vous est proposé de créer ne se substitue pas au régime d’indemnisation des maladies professionnelles. Il en est clairement complémentaire ! D’ailleurs, opposer les deux mécanismes serait un non-sens : ils s’articulent ensemble, dans le respect d’une même logique, mais avec des modalités techniques d’application différentes.

J’entends évidemment les réserves exprimées par certains à l’idée de lier maladie contagieuse, infectieuse, et maladie professionnelle. Ils font valoir le risque, à l’avenir, d’une multiplication excessive des contentieux.

Pour autant, alors qu’il y a aussi eu des réclamations pour ouvrir la réparation de ce fonds à l’ensemble de la population, il apparaît qu’une circonscription, comme le proposent la rapporteure, Mme Féret, et l’ensemble du groupe socialiste, par la réduction du champ d’application à une période limitée – la période de l’état d’urgence – apporte les gages et les garde-fous nécessaires, levant ainsi les obstacles au vote de cette proposition de loi.

S’agissant du financement, point clé de tout principe de réparation, si l’on peut légitimement repenser une contribution de l’État ou celle des employeurs par le biais de la branche AT-MP (accidents du travail-maladies professionnelles) de la sécurité sociale, le choix de la création d’une taxe additionnelle à la taxe Gafam, au vu des énormes bénéfices engrangés par les géants du numérique pendant le confinement, apporterait une forme d’équité sociale et de pragmatisme fiscal.

L’orientation proposée dans ce texte est donc réaliste, équilibrée et juste.

Durant le confinement, ils ont été qualifiés de « premiers de corvée », parfois de soldats exposés au risque de contamination, à un moment, faut-il le rappeler, où la France manquait cruellement de masques.

Je suis certaine que le Gouvernement a tiré les premières leçons et que nous ne reproduirons pas à l’identique les mesures exceptionnelles du confinement – même en cas de seconde vague, nous serons prêts à faire autrement.

La gratitude de la Nation doit donc maintenant s’exprimer. À cet effet, je vous propose un outil simple et juste, fondé sur des principes clairs et des critères objectivables, afin de permettre la réparation intégrale des préjudices subis par un nombre limité de personnes, professionnels ou bénévoles ayant dû poursuivre leurs activités pendant le confinement pour que nous soyons là, aujourd’hui, et qui en sont décédés ou gardent des séquelles importantes de la maladie ainsi contractée.

C’est donc avec humilité, gravité et confiance que je vous soumets cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. Yves Détraigne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la création d'un fonds d'indemnisation au titre d'une contamination par un agent pathogène à transmission respiratoire peut surprendre. Ce serait en effet une première.

J'entends, bien entendu, les interrogations légitimes de plusieurs de mes collègues sur l'opportunité de créer un précédent, qui risquerait de fragiliser notre système assurantiel de réparation des risques professionnels. Ce système repose sur la responsabilisation des employeurs dans la protection de leurs salariés, protection qui s'est avérée difficile à garantir face à une maladie infectieuse ayant largement circulé dans la population générale, bien au-delà des seules situations professionnelles.

Je voudrais néanmoins rappeler l'esprit de cette proposition de loi, déposée par notre collègue Victoire Jasmin, que je salue. Ce texte a pour objectif essentiel de répondre à une situation parfaitement inédite. Il vient reconnaître l'engagement professionnel et bénévole de nombreux de nos concitoyens pendant la phase aiguë de l'épidémie de Covid-19 pour assurer la continuité de services indispensables à la vie de la Nation.

Dès le début de l'épidémie, les soignants et personnels d'établissements de santé et médico-sociaux se sont mobilisés pour prendre en charge les malades. À cette occasion, ils ont été exposés à un risque accru de contamination par le SARS-CoV-2, d'autant que les équipements de protection individuelle faisaient défaut. C'est la raison pour laquelle le ministre des solidarités et de la santé a annoncé la mise en place, en faveur des soignants, d'un dispositif de reconnaissance automatique comme maladie professionnelle de leur contamination. Toutefois, les contours de ce dispositif n'ont pas été précisés : nous ne savons pas s'il intégrera les personnels administratifs et d'entretien de ces établissements, et il devrait vraisemblablement se limiter à une réparation forfaitaire.

Par ailleurs, pendant le confinement, au-delà du soin, d'autres secteurs d'activité ont continué de fonctionner afin de répondre aux besoins essentiels de la Nation. Je pense aux premiers secours, aux ambulanciers, aux forces de sécurité, aux personnels de l'éducation nationale et des crèches qui ont accueilli les enfants de soignants, aux services d'aide à domicile, aux services de propreté et de salubrité publique, aux salariés des pompes funèbres, aux salariés de la grande distribution, des transports, de la logistique et de la livraison, du secteur postal ou encore aux salariés des abattoirs...

La réalité est la suivante : ces nombreux travailleurs et bénévoles, qui ont dû poursuivre leur activité en dehors de leur domicile pendant le confinement, ont été exposés à un risque accru d'infection par le coronavirus. Certaines de ces personnes ont développé des formes graves de la Covid-19, qui ont pu donner lieu, notamment à l'issue d'une hospitalisation dans un service de réanimation, à des séquelles invalidantes ou incapacitantes, telles que des atteintes respiratoires, neurologiques, cardiaques ou dermatologiques, ou ont pu conduire à des décès.

Or quels sont les recours s'ouvrant à elles pour obtenir une réparation juste de leurs préjudices, en reconnaissance du service rendu à la Nation ? À tout le mieux, elles devront s'engager dans une procédure longue de demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, avec un risque d'inégalités de traitement et, donc, de contentieux. Il est effectivement exigé dans ce cadre un taux d'incapacité permanente d'au moins 25 %, le dispositif n'étant, du reste, pas ouvert aux bénévoles.

Face à cette situation, la proposition de loi vise à instituer un processus d'indemnisation intégrale simplifié et équitable de l'ensemble des personnes qui auraient été exposées à un risque accru de contamination pendant le confinement, au-delà des seuls personnels soignants. Comme c'est déjà le cas pour les victimes de l'amiante, cette réparation intégrale pourrait, le cas échéant, venir compléter la réparation forfaitaire obtenue par les travailleurs par la voie des tableaux de maladies professionnelles nouvellement créés ou des CRRMP.

Afin d'acter le lien entre l'indemnisation et le service rendu à la Nation par des personnes qui n'ont pu rester confinées, j'ai présenté en commission plusieurs amendements destinés à circonscrire tant le champ des bénéficiaires du fonds que son horizon temporel.

J'ai notamment proposé de définir les éléments qui permettront d'établir une présomption irréfragable de contamination en milieu professionnel ou bénévole, dans le souci d'alléger la charge de la preuve pesant sur les victimes. Ces éléments auraient pu reposer, d'une part, sur une liste d'activités professionnelles ou bénévoles ayant été exposées à un risque accru de contamination et, d'autre part, sur des critères objectivables permettant de présumer, avec une assurance raisonnable, une contamination en milieu professionnel ou bénévole.

Ensuite, afin de consacrer le caractère exceptionnel du dispositif, j'ai proposé à la commission de fixer une borne temporelle au risque d'exposition professionnelle ou bénévole à la contamination justifiant une indemnisation intégrale. Il s'agissait de prendre acte du fait que, pendant la phase aiguë de l'épidémie, pour assurer la continuité de certains services, des personnes ont été plus exposées à un risque d'infection que toutes celles qui pouvaient rester à leur domicile. Cette période aurait débuté le 16 mars 2020, date de mise en place du confinement, et aurait pris fin à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire, soit le 10 juillet 2020.

Enfin, s'agissant du financement du fonds, j'ai eu le souci de ne pas le faire reposer uniquement sur une contribution de la branche AT-MP, dont la logique assurantielle est régulièrement mise à mal. L'exposition au virus d'agents de l'État et l'indemnisation des ayants droit de personnes décédées plaident en effet pour une mobilisation de la solidarité nationale par un engagement financier de l'État. C'est pourquoi j'ai proposé à la commission que le financement du fonds s'appuie également sur une contribution de l'État.

La commission des affaires sociales n'a pas adopté ces propositions de modification, qui, à mon sens, auraient garanti la crédibilité et le caractère opérationnel d'un dispositif qui entend répondre à une situation, je le répète, exceptionnelle. La commission a en effet estimé que, en l'état des connaissances scientifiques parcellaires sur les effets à long terme sur la santé du virus, les conditions n'étaient pas réunies pour instituer un fonds d'indemnisation. Pour autant, la majorité de la commission des affaires sociales a clairement affirmé que son abstention sur le texte en commission ne vaudrait pas adhésion en séance publique.

Le texte qui vous est donc soumis en séance est essentiellement celui de la proposition de loi initiale, dont les articles n'ont pas été modifiés, seul l'intitulé du texte ayant fait l'objet d'une rectification rédactionnelle.

Bien que mes propositions de modification n'aient pas été retenues en commission, je vous invite, à titre personnel, à adopter ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. Yves Détraigne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la création d’un fonds d’indemnisation au titre d’une contamination par un agent pathogène à transmission respiratoire peut surprendre. Ce serait en effet une première.

J’entends, bien entendu, les interrogations légitimes de plusieurs de mes collègues sur l’opportunité de créer un précédent, qui risquerait de fragiliser notre système assurantiel de réparation des risques professionnels. Ce système repose sur la responsabilisation des employeurs dans la protection de leurs salariés, protection qui s’est avérée difficile à garantir face à une maladie infectieuse ayant largement circulé dans la population générale, bien au-delà des seules situations professionnelles.

Je voudrais néanmoins rappeler l’esprit de cette proposition de loi, déposée par notre collègue Victoire Jasmin, que je salue. Ce texte a pour objectif essentiel de répondre à une situation parfaitement inédite. Il vient reconnaître l’engagement professionnel et bénévole de nombreux de nos concitoyens pendant la phase aiguë de l’épidémie de Covid-19 pour assurer la continuité de services indispensables à la vie de la Nation.

Dès le début de l’épidémie, les soignants et personnels d’établissements de santé et médico-sociaux se sont mobilisés pour prendre en charge les malades. À cette occasion, ils ont été exposés à un risque accru de contamination par le SARS-CoV-2, d’autant que les équipements de protection individuelle faisaient défaut. C’est la raison pour laquelle le ministre des solidarités et de la santé a annoncé la mise en place, en faveur des soignants, d’un dispositif de reconnaissance automatique comme maladie professionnelle de leur contamination. Toutefois, les contours de ce dispositif n’ont pas été précisés : nous ne savons pas s’il intégrera les personnels administratifs et d’entretien de ces établissements, et il devrait vraisemblablement se limiter à une réparation forfaitaire.

Par ailleurs, pendant le confinement, au-delà du soin, d’autres secteurs d’activité ont continué de fonctionner afin de répondre aux besoins essentiels de la Nation. Je pense aux premiers secours, aux ambulanciers, aux forces de sécurité, aux personnels de l’éducation nationale et des crèches qui ont accueilli les enfants de soignants, aux services d’aide à domicile, aux services de propreté et de salubrité publique, aux salariés des pompes funèbres, aux salariés de la grande distribution, des transports, de la logistique et de la livraison, du secteur postal ou encore aux salariés des abattoirs…

La réalité est la suivante : ces nombreux travailleurs et bénévoles, qui ont dû poursuivre leur activité en dehors de leur domicile pendant le confinement, ont été exposés à un risque accru d’infection par le coronavirus. Certaines de ces personnes ont développé des formes graves de la Covid-19, qui ont pu donner lieu, notamment à l’issue d’une hospitalisation dans un service de réanimation, à des séquelles invalidantes ou incapacitantes, telles que des atteintes respiratoires, neurologiques, cardiaques ou dermatologiques, ou ont pu conduire à des décès.

Or quels sont les recours s’ouvrant à elles pour obtenir une réparation juste de leurs préjudices, en reconnaissance du service rendu à la Nation ? À tout le mieux, elles devront s’engager dans une procédure longue de demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, avec un risque d’inégalités de traitement et, donc, de contentieux. Il est effectivement exigé dans ce cadre un taux d’incapacité permanente d’au moins 25 %, le dispositif n’étant, du reste, pas ouvert aux bénévoles.

Face à cette situation, la proposition de loi vise à instituer un processus d’indemnisation intégrale simplifié et équitable de l’ensemble des personnes qui auraient été exposées à un risque accru de contamination pendant le confinement, au-delà des seuls personnels soignants. Comme c’est déjà le cas pour les victimes de l’amiante, cette réparation intégrale pourrait, le cas échéant, venir compléter la réparation forfaitaire obtenue par les travailleurs par la voie des tableaux de maladies professionnelles nouvellement créés ou des CRRMP.

Afin d’acter le lien entre l’indemnisation et le service rendu à la Nation par des personnes qui n’ont pu rester confinées, j’ai présenté en commission plusieurs amendements destinés à circonscrire tant le champ des bénéficiaires du fonds que son horizon temporel.

J’ai notamment proposé de définir les éléments qui permettront d’établir une présomption irréfragable de contamination en milieu professionnel ou bénévole, dans le souci d’alléger la charge de la preuve pesant sur les victimes. Ces éléments auraient pu reposer, d’une part, sur une liste d’activités professionnelles ou bénévoles ayant été exposées à un risque accru de contamination et, d’autre part, sur des critères objectivables permettant de présumer, avec une assurance raisonnable, une contamination en milieu professionnel ou bénévole.

Ensuite, afin de consacrer le caractère exceptionnel du dispositif, j’ai proposé à la commission de fixer une borne temporelle au risque d’exposition professionnelle ou bénévole à la contamination justifiant une indemnisation intégrale. Il s’agissait de prendre acte du fait que, pendant la phase aiguë de l’épidémie, pour assurer la continuité de certains services, des personnes ont été plus exposées à un risque d’infection que toutes celles qui pouvaient rester à leur domicile. Cette période aurait débuté le 16 mars 2020, date de mise en place du confinement, et aurait pris fin à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 10 juillet 2020.

Enfin, s’agissant du financement du fonds, j’ai eu le souci de ne pas le faire reposer uniquement sur une contribution de la branche AT-MP, dont la logique assurantielle est régulièrement mise à mal. L’exposition au virus d’agents de l’État et l’indemnisation des ayants droit de personnes décédées plaident en effet pour une mobilisation de la solidarité nationale par un engagement financier de l’État. C’est pourquoi j’ai proposé à la commission que le financement du fonds s’appuie également sur une contribution de l’État.

La commission des affaires sociales n’a pas adopté ces propositions de modification, qui, à mon sens, auraient garanti la crédibilité et le caractère opérationnel d’un dispositif qui entend répondre à une situation, je le répète, exceptionnelle. La commission a en effet estimé que, en l’état des connaissances scientifiques parcellaires sur les effets à long terme sur la santé du virus, les conditions n’étaient pas réunies pour instituer un fonds d’indemnisation. Pour autant, la majorité de la commission des affaires sociales a clairement affirmé que son abstention sur le texte en commission ne vaudrait pas adhésion en séance publique. Le texte qui vous est donc soumis en séance est essentiellement celui de la proposition de loi initiale, dont les articles n’ont pas été modifiés, seul l’intitulé du texte ayant fait l’objet d’une rectification rédactionnelle.

Bien que mes propositions de modification n’aient pas été retenues en commission, je vous invite, à titre personnel, à adopter ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. Yves Détraigne applaudit également.

Debut de section - Permalien
Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites et auprès de la ministre du travail, chargé de la protection de la santé des salariés contre l'épidémie de covid-19

Madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, la crise sanitaire que nous venons de vivre est, à bien des égards, inédite : inédite par sa fulgurance et sa diffusion – jamais un virus n'avait circulé aussi vite sur l'ensemble de la planète –, inédite par sa mortalité auprès des plus fragiles d'entre nous, inédite, enfin, par la mobilisation que nous lui avons opposée.

L'ensemble de nos forces sanitaires se sont mobilisées, en première ligne face au virus, sans faillir. Le pays a ainsi continué à vivre grâce à ces travailleurs de « deuxième ligne », pour citer le Président de la République : agriculteurs, éboueurs, enseignants, chauffeurs routiers, manutentionnaires, hôtes et hôtesses de caisse, travailleurs sociaux, sans oublier – et cette liste n'est pas exhaustive – les maires et les élus locaux, que votre chambre, mesdames, messieurs les sénateurs, représente si bien.

Vous avez raison, madame la sénatrice Jasmin, les conditions que l'épidémie nous a imposées pour les funérailles des victimes du Covid-19 ont été douloureuses pour les proches et pour les familles.

L'ensemble des Françaises et des Français se sont mobilisés face à cette épidémie. La crise sanitaire n'est d'ailleurs pas achevée, et les actualités internationales nous montrent qu'il nous faut rester vigilants partout, y compris sur notre territoire.

Pourtant, à la crise sanitaire s'ajoute maintenant le risque d'une crise socioéconomique.

Nos concitoyens ont fait face, il est donc normal qu'ils demandent de la protection face à cette crise. Dans l'urgence, le Gouvernement y a répondu : activité partielle généralisée, primes au personnel soignant, plan de soutien aux secteurs sinistrés, allocation exceptionnelle pour les plus fragiles.

Nous sommes aujourd'hui dans une seconde phase, avec le Ségur pour le monde de la santé, mais aussi le soutien aux salariés et aux entreprises et la préparation du plan de relance de l'activité.

Cette proposition de loi déposée par Mme la sénatrice Victoire Jasmin et ses collègues du groupe socialiste et républicain vise à indemniser les personnes qui ont été touchées par le Covid-19 dans le cadre de leur activité professionnelle. Elle prévoit une indemnisation intégrale de toutes les personnes atteintes du Covid-19 ayant été en contact avec des personnes contaminées ou des objets susceptibles de l'être dans le cadre de leur activité professionnelle ou bénévole, ainsi que leurs ayants droit.

Le Gouvernement, madame la sénatrice, partage votre attention sur ce sujet sensible, éminemment complexe. Je connais la difficulté des personnes atteintes du Covid dans le cadre de leur activité professionnelle, ainsi que celle de leurs proches.

Selon cette proposition de loi, il reviendrait au demandeur de justifier de sa contamination dans un cadre professionnel. Une commission médicale indépendante constituée au sein du fonds se prononcerait sur le lien entre la contamination et la pathologie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la prise en charge des travailleurs atteints du Covid-19 dans le cadre professionnel est indispensable. C'est une préoccupation majeure du Gouvernement.

Tout d'abord, nous souhaitons apporter une attention particulière aux soignants – cela a été dit par Mme la rapporteure et par Mme la sénatrice Jasmin.

Le 23 mars dernier, le ministre des solidarités de la santé, Olivier Véran, s'y est engagé : « Aux soignants qui tombent malades, je dis que le coronavirus sera systématiquement et automatiquement reconnu comme une maladie professionnelle. »

Nous avons un devoir : faire en sorte que les soignants ayant contracté le Covid-19 après avoir soigné des patients atteints puissent obtenir une reconnaissance de maladie professionnelle et une indemnisation en cas de séquelles et de décès.

S'agissant de ces travailleurs de première ligne, c'est la moindre des choses. Pour les autres travailleurs contaminés dans le cadre de leur activité professionnelle, nous voulons une indemnisation facilitée. C'est un objectif que je partage avec vous.

Madame la rapporteure, je ne partage cependant pas l'idée de créer un fonds d'indemnisation dédié, ce qui est le cœur de cette proposition de loi. Nous parlons de risques professionnels, nous parlons de travailleurs : notre sécurité sociale dispose d'une branche dédiée à ces questions, la branche accidents du travail et maladies professionnelles, dites AT-MP, que vous avez vous-même évoquée dans votre propos.

Cette branche est la plus ancienne de notre système de protection sociale. Elle est gérée par les partenaires sociaux, et c'est d'ailleurs un pilier de notre démocratie sociale.

Enfin, cette branche fonctionne bien. Elle est tout à fait apte à cette mission.

À l'inverse, je le crois, créer un fonds serait un dispositif lourd et complexe. Il faudrait prévoir une expertise individuelle sur chaque dossier, ce qui serait aussi une source de nombreux contentieux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne crois pas que cela soit l'intérêt des victimes.

Ce que le Gouvernement propose, c'est de mettre en place un système de reconnaissance simplifié et rapide. Il se traduira par des décrets qui seront présentés très prochainement aux partenaires sociaux, comme le prévoient les textes en vigueur.

Nous allons donc créer un tableau de maladies professionnelles dédié. Il permettra à tous les soignants atteints d'une forme sévère de Covid-19 de bénéficier d'une reconnaissance en maladie professionnelle.

Comme cela m'a été demandé tout à l'heure, je veux préciser quelques éléments.

Ce tableau concernera tous les soignants des établissements sanitaires et médico-sociaux, tous les personnels non soignants travaillant en présentiel dans ces structures, toutes les personnes assurant le transport et l'accompagnement des personnes atteintes du Covid-19.

Les professionnels de santé libéraux bénéficieront de cette reconnaissance dans les mêmes conditions que les autres soignants.

Pour les travailleurs non soignants – je crois que c'est notre objectif commun –, la procédure sera facilitée. En lieu et place des comités régionaux, un comité national dédié au Covid-19 sera constitué ; il assurera un traitement homogène et rapide des demandes.

La reconnaissance des maladies professionnelles est importante, vous le savez. Elle permet une prise en charge des frais de soins à hauteur de 100 % des tarifs d'assurance maladie, une prise en charge plus favorable des indemnités journalières et une indemnité en rente ou en capital en cas d'incapacité permanente.

Une rente est versée aux ayants droit en cas de décès, s'élevant à 40 % du salaire de la victime pour l'époux survivant et à 25 % pour chaque enfant à charge, jusqu'à leurs 20 ans.

C'est une indemnisation importante pour les victimes, dans un cadre simplifié et efficace, avec une prise en charge adaptée à l'origine professionnelle de la maladie.

Avec ces mesures, le Gouvernement entend atteindre l'objectif de votre proposition de loi.

Je veux maintenant aussi parler de financement.

Le Gouvernement ne souhaite pas faire porter la charge de l'indemnisation sur les employeurs directement concernés. Ce serait un non-sens pour ces entreprises qui se sont mobilisées pendant la crise. Nous souhaitons donc mettre en place un dispositif de mutualisation, puisque la cotisation AT-MP comprend une part mutualisée entre tous les employeurs. C'est bien une question de solidarité nationale et, là aussi, je crois que nous pouvons nous retrouver.

Cette part sera prise en charge par l'État pour les professionnels de santé libéraux qui ne bénéficient pas d'une couverture AT-MP.

Madame la rapporteure, je souhaiterais enfin souligner les risques de précédent que constituerait la création d'un fonds dédié. J'ai entendu dans votre propos liminaire que vous n'aviez pas souhaité les éluder, ce dont je vous remercie.

Une indemnisation en dehors de la logique de la branche AT-MP ouvrirait le sujet sur l'ensemble des maladies professionnelles. Cela mettrait en danger les fondements de la branche, qui permet une reconnaissance rapide et facilitée aux travailleurs en contrepartie d'une indemnisation déterminée.

Comment justifier qu'une personne ayant contracté le Covid dans un cadre professionnel soit mieux indemnisée qu'une autre atteinte d'un cancer professionnel ? La différence de traitement ne se justifierait pas, et ce sont donc les principes de la branche AT-MP qui seraient ébranlés.

Rappelons que cette branche fait l'objet d'un consensus social de très longue date. Elle permet une indemnisation rapide de plus de 650 000 accidents du travail et de 50 000 maladies professionnelles par an.

Madame la rapporteure, vous l'aurez compris, je partage pleinement votre objectif, comme, je le crois, l'ensemble de vos collègues sénateurs et sénatrices.

Les Françaises et les Français qui ont permis au pays de tenir méritent notre reconnaissance. Pour celles et ceux qui ont été victimes du Covid-19, nous devons être au rendez-vous.

Vous l'aurez compris aussi, le Gouvernement est attaché à la sécurité sociale et à la branche AT-MP, qui permettent d'indemniser les travailleurs touchés dans le cadre de leur activité. C'est pour cela qu'il propose d'agir par décret, rapidement, et dans le respect de la démocratie sociale. Il s'agit d'un choix de cohérence : nous le devons à tous ces travailleurs et à leurs familles.

Vous pouvez compter, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, sur mon engagement et celui du Gouvernement pour mettre en place cette indemnisation dans les meilleurs délais.

Debut de section - Permalien
Laurent Pietraszewski

Madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, la crise sanitaire que nous venons de vivre est, à bien des égards, inédite : inédite par sa fulgurance et sa diffusion – jamais un virus n’avait circulé aussi vite sur l’ensemble de la planète –, inédite par sa mortalité auprès des plus fragiles d’entre nous, inédite, enfin, par la mobilisation que nous lui avons opposée.

L’ensemble de nos forces sanitaires se sont mobilisées, en première ligne face au virus, sans faillir. Le pays a ainsi continué à vivre grâce à ces travailleurs de « deuxième ligne », pour citer le Président de la République : agriculteurs, éboueurs, enseignants, chauffeurs routiers, manutentionnaires, hôtes et hôtesses de caisse, travailleurs sociaux, sans oublier – et cette liste n’est pas exhaustive – les maires et les élus locaux, que votre chambre, mesdames, messieurs les sénateurs, représente si bien.

Vous avez raison, madame la sénatrice Jasmin, les conditions que l’épidémie nous a imposées pour les funérailles des victimes du Covid-19 ont été douloureuses pour les proches et pour les familles.

L’ensemble des Françaises et des Français se sont mobilisés face à cette épidémie. La crise sanitaire n’est d’ailleurs pas achevée, et les actualités internationales nous montrent qu’il nous faut rester vigilants partout, y compris sur notre territoire.

Pourtant, à la crise sanitaire s’ajoute maintenant le risque d’une crise socio-économique.

Nos concitoyens ont fait face, il est donc normal qu’ils demandent de la protection face à cette crise. Dans l’urgence, le Gouvernement y a répondu : activité partielle généralisée, primes au personnel soignant, plan de soutien aux secteurs sinistrés, allocation exceptionnelle pour les plus fragiles.

Nous sommes aujourd’hui dans une seconde phase, avec le Ségur pour le monde de la santé, mais aussi le soutien aux salariés et aux entreprises et la préparation du plan de relance de l’activité.

Cette proposition de loi déposée par Mme la sénatrice Victoire Jasmin et ses collègues du groupe socialiste et républicain vise à indemniser les personnes qui ont été touchées par le Covid-19 dans le cadre de leur activité professionnelle. Elle prévoit une indemnisation intégrale de toutes les personnes atteintes du Covid-19 ayant été en contact avec des personnes contaminées ou des objets susceptibles de l’être dans le cadre de leur activité professionnelle ou bénévole, ainsi que leurs ayants droit.

Le Gouvernement, madame la sénatrice, partage votre attention sur ce sujet sensible, éminemment complexe. Je connais la difficulté des personnes atteintes du Covid dans le cadre de leur activité professionnelle, ainsi que celle de leurs proches.

Selon cette proposition de loi, il reviendrait au demandeur de justifier de sa contamination dans un cadre professionnel. Une commission médicale indépendante constituée au sein du fonds se prononcerait sur le lien entre la contamination et la pathologie.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la prise en charge des travailleurs atteints du Covid-19 dans le cadre professionnel est indispensable. C’est une préoccupation majeure du Gouvernement.

Tout d’abord, nous souhaitons apporter une attention particulière aux soignants – cela a été dit par Mme la rapporteure et par Mme la sénatrice Jasmin. Le 23 mars dernier, le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, s’y est engagé : « Aux soignants qui tombent malades, je dis que le coronavirus sera systématiquement et automatiquement reconnu comme une maladie professionnelle. »

Nous avons un devoir : faire en sorte que les soignants ayant contracté le Covid-19 après avoir soigné des patients atteints puissent obtenir une reconnaissance de maladie professionnelle et une indemnisation en cas de séquelles et de décès. S’agissant de ces travailleurs de première ligne, c’est la moindre des choses. Pour les autres travailleurs contaminés dans le cadre de leur activité professionnelle, nous voulons une indemnisation facilitée. C’est un objectif que je partage avec vous.

Madame la rapporteure, je ne partage cependant pas l’idée de créer un fonds d’indemnisation dédié, ce qui est le cœur de cette proposition de loi. Nous parlons de risques professionnels, nous parlons de travailleurs : notre sécurité sociale dispose d’une branche dédiée à ces questions, la branche accidents du travail et maladies professionnelles, dites AT-MP, que vous avez vous-même évoquée dans votre propos.

Cette branche est la plus ancienne de notre système de protection sociale. Elle est gérée par les partenaires sociaux, et c’est d’ailleurs un pilier de notre démocratie sociale.

Enfin, cette branche fonctionne bien. Elle est tout à fait apte à cette mission.

À l’inverse, je le crois, créer un fonds serait un dispositif lourd et complexe. Il faudrait prévoir une expertise individuelle sur chaque dossier, ce qui serait aussi une source de nombreux contentieux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne crois pas que cela soit l’intérêt des victimes.

Ce que le Gouvernement propose, c’est de mettre en place un système de reconnaissance simplifié et rapide. Il se traduira par des décrets qui seront présentés très prochainement aux partenaires sociaux, comme le prévoient les textes en vigueur.

Nous allons donc créer un tableau de maladies professionnelles dédié. Il permettra à tous les soignants atteints d’une forme sévère de Covid-19 de bénéficier d’une reconnaissance en maladie professionnelle.

Comme cela m’a été demandé, je veux préciser quelques éléments.

Ce tableau concernera tous les soignants des établissements sanitaires et médico-sociaux, tous les personnels non soignants travaillant en présentiel dans ces structures, toutes les personnes assurant le transport et l’accompagnement des personnes atteintes du Covid-19.

Les professionnels de santé libéraux bénéficieront de cette reconnaissance dans les mêmes conditions que les autres soignants.

Pour les travailleurs non soignants – je crois que c’est notre objectif commun –, la procédure sera facilitée. En lieu et place des comités régionaux, un comité national dédié au Covid-19 sera constitué ; il assurera un traitement homogène et rapide des demandes.

La reconnaissance des maladies professionnelles est importante, vous le savez. Elle permet une prise en charge des frais de soins à hauteur de 100 % des tarifs d’assurance maladie, une prise en charge plus favorable des indemnités journalières et une indemnité en rente ou en capital en cas d’incapacité permanente.

Une rente est versée aux ayants droit en cas de décès, s’élevant à 40 % du salaire de la victime pour l’époux survivant et à 25 % pour chaque enfant à charge, jusqu’à leurs 20 ans.

C’est une indemnisation importante pour les victimes, dans un cadre simplifié et efficace, avec une prise en charge adaptée à l’origine professionnelle de la maladie.

Avec ces mesures, le Gouvernement entend atteindre l’objectif de votre proposition de loi.

Je veux maintenant aussi parler de financement.

Le Gouvernement ne souhaite pas faire porter la charge de l’indemnisation sur les employeurs directement concernés. Ce serait un non-sens pour ces entreprises qui se sont mobilisées pendant la crise. Nous souhaitons donc mettre en place un dispositif de mutualisation, puisque la cotisation AT-MP comprend une part mutualisée entre tous les employeurs. C’est bien une question de solidarité nationale et, là aussi, je crois que nous pouvons nous retrouver.

Cette part sera prise en charge par l’État pour les professionnels de santé libéraux qui ne bénéficient pas d’une couverture AT-MP.

Madame la rapporteure, je souhaiterais enfin souligner les risques de précédent que constituerait la création d’un fonds dédié. J’ai entendu dans votre propos liminaire que vous n’aviez pas souhaité les éluder, ce dont je vous remercie.

Une indemnisation en dehors de la logique de la branche AT-MP ouvrirait le sujet sur l’ensemble des maladies professionnelles. Cela mettrait en danger les fondements de la branche, qui permet une reconnaissance rapide et facilitée aux travailleurs en contrepartie d’une indemnisation déterminée.

Comment justifier qu’une personne ayant contracté le Covid dans un cadre professionnel soit mieux indemnisée qu’une autre atteinte d’un cancer professionnel ? La différence de traitement ne se justifierait pas, et ce sont donc les principes de la branche AT-MP qui seraient ébranlés.

Rappelons que cette branche fait l’objet d’un consensus social de très longue date. Elle permet une indemnisation rapide de plus de 650 000 accidents du travail et de 50 000 maladies professionnelles par an.

Madame la rapporteure, vous l’aurez compris, je partage pleinement votre objectif, comme, je le crois, l’ensemble de vos collègues sénateurs et sénatrices.

Les Françaises et les Français qui ont permis au pays de tenir méritent notre reconnaissance. Pour celles et ceux qui ont été victimes du Covid-19, nous devons être au rendez-vous.

Vous l’aurez compris aussi, le Gouvernement est attaché à la sécurité sociale et à la branche AT-MP, qui permettent d’indemniser les travailleurs touchés dans le cadre de leur activité. C’est pour cela qu’il propose d’agir par décret, rapidement, et dans le respect de la démocratie sociale. Il s’agit d’un choix de cohérence : nous le devons à tous ces travailleurs et à leurs familles.

Vous pouvez compter, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, sur mon engagement et celui du Gouvernement pour mettre en place cette indemnisation dans les meilleurs délais.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui la proposition de loi de Mme Victoire Jasmin portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes de la Covid-19.

Avant toute chose, mes pensées se dirigent vers celles et ceux qui ont perdu un proche atteint par ce virus, mais aussi vers les familles dont un proche souffre encore aujourd'hui de ce mal.

J'adresse mes pensées les plus solidaires aux pays qui font face en ce moment même au pic épidémique ou à une reprise de l'épidémie sur leur territoire.

Force est de constater que cette pandémie s'est propagée à une très grande vitesse à travers le monde et qu'elle a mis à mal l'ensemble des structures de soins. C'est pourquoi les gouvernements ont été contraints de recourir au confinement pour limiter la propagation de la maladie et, ainsi, préserver les systèmes de soins d'un pic épidémique insoutenable pour nos organisations.

Toutefois, les services vitaux pour la Nation ont maintenu leur activité : notre système de soins, évidemment, mais aussi, les premiers secours, les ambulanciers, les forces de sécurité, les personnels de l'éducation nationale, les crèches chargées d'accueillir les enfants des soignants, les services d'aide à domicile, les salariés des pompes funèbres, la grande distribution, la logistique.

Les auteurs de cette proposition de loi estiment, à juste titre, que ces personnels ont été plus exposés que les autres à l'épidémie puisqu'ils ne pouvaient rester confinés, mis en arrêt maladie, en chômage partiel ou encore en télétravail. Ils estiment par ailleurs qu'une rupture d'égalité est apparue entre les soignants et les autres personnes mobilisées lorsque le ministre des solidarités et de la santé a annoncé que la Covid-19 serait reconnue comme maladie professionnelle pour les seuls soignants.

Toutefois, concernant les autres travailleurs, monsieur le secrétaire d'État, vous avez annoncé le mardi 16 juin, lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement, que lorsqu'ils ont été contaminés dans le cadre de leur activité professionnelle, ils pourront bénéficier d'une indemnisation au titre des maladies professionnelles. Vous avez également annoncé la publication, avec la ministre du travail, des décrets permettant cette évolution de la réglementation.

Cependant, si cette mesure supprime la rupture d'égalité que nous évoquions précédemment, elle ne répond pas au champ de l'indemnisation prévue par le présent texte. En effet, comme l'a présenté notre collègue rapporteure Corinne Féret, que nous remercions de son excellent travail, les auteurs de cette proposition de loi ajoutent au forfait de prise en charge au titre des maladies professionnelles un principe de réparation intégrale des préjudices des personnes souffrant d'une maladie ou d'une pathologie consécutive à la contamination par la Covid-19 et qui, préalablement à cette contamination, ont, dans l'exercice de leur profession ou d'une activité bénévole sur le territoire de la République française, été en contact régulier avec des personnes elles-mêmes contaminées ou avec des objets susceptibles de l'être, ainsi que leurs ayants droit.

Pour ce faire, ils proposent de créer un fonds d'indemnisation des victimes de la Covid-19, géré par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, en définissent son financement en créant une taxe additionnelle de 1, 5 % à la taxe Gafam et en affectant une fraction des cotisations des employeurs à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale.

Enfin, ils définissent la procédure de demande d'indemnisation auprès du fonds.

Tel qu'il est présenté, ce texte nous invite à formuler plusieurs remarques.

D'abord, il apparaît particulièrement difficile de caractériser l'origine de la contamination au SARS-COv-2. En effet, cette maladie infectieuse se transmet par voie aérienne.

Le docteur Élisabeth Bouvet, présidente de la commission technique des vaccinations au sein de la Haute Autorité de santé, professeure des universités à la faculté de médecine Xavier-Bichat et spécialiste des maladies infectieuses et tropicales, précisait notamment lors de la cinquantième journée Claude-Bernard en novembre 2007 que la transmission aérienne est définie par le passage de micro-organismes depuis une source à une personne à partir d'aérosols, entraînant une infection de la personne exposée.

Elle ajoutait, d'une part, que, pour les petites particules, la transmission peut se faire jusqu'à une distance supérieure à 1, 8 mètre et qu'un contact direct avec la source est inutile. Elle précisait que les maladies se transmettant par petites particules sont à l'origine d'épidémies brutales et explosives.

Elle indiquait, d'autre part, que lorsque l'exposition s'opère par de grosses particules telles que des gouttelettes, il faut un contact proche, inférieur à 1 mètre.

Pour les maladies ne se transmettant pas par petites particules, mais requérant des gouttelettes, la diffusion est lente, intermittente, variable et sans cluster.

Enfin, si la contamination ne peut se faire que par contact direct avec les sécrétions respiratoires de la source, alors la transmission s'opère uniquement par le biais des sécrétions infectées depuis les mains jusqu'aux muqueuses respiratoires.

En conclusion, en matière de maladies infectieuses, il est peu probable que nous puissions caractériser le lieu de la contamination.

Ensuite, si nous n'ignorons pas que certaines personnes ont été mises en situation d'une surexposition, nous considérons qu'il ne faut pas confondre surexposition au danger du fait de son activité professionnelle et contraction de la maladie à l'occasion de la réalisation de cette activité.

Présupposer qu'il y a eu contamination sur le lieu de travail paraît pour le moins particulièrement délicat en matière infectieuse, contrairement à l'exposition à l'amiante, dont le lien de causalité était certain et pouvait assurément être imputé à la charge de la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

Reconnaitre ici cette fiction juridique revient par ailleurs à faire porter aux employeurs la charge symbolique de la responsabilité de la contamination de leurs employés.

Or le lien de causalité entre activité professionnelle et contraction de la maladie ne pouvant pas être justifié, nous regrettons que la voie de la reconnaissance au titre des maladies professionnelles ait été privilégiée.

J'ajoute que faire peser cette charge symbolique sur les employeurs privés, publics, ou sur les associations, alors que nous n'étions pas en capacité de leur permettre de protéger suffisamment leurs employés du fait de la pénurie de masques chirurgicaux et autres équipements de protection individuelle paraît d'autant plus injuste.

C'est pourquoi, afin d'éviter toute différence de traitement entre les soignants et les autres professionnels mobilisés durant le confinement et afin d'éviter de faire porter aux employeurs la charge symbolique que je viens de décrire, je m'interroge sur le recours à une autre solution que le Gouvernement aurait peut-être pu privilégier plutôt que de faire porter cette charge par la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

Monsieur le secrétaire d'État, n'aurait-il pas été plus juste de garantir à ces travailleurs une prise en charge intégrale de la maladie, voire du préjudice, directement par l'assurance maladie sur présentation d'une attestation démontrant leur mobilisation durant le confinement ? C'est une réflexion.

Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera contre cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de Mme Victoire Jasmin portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes de la Covid-19.

Avant toute chose, mes pensées se dirigent vers celles et ceux qui ont perdu un proche atteint par ce virus, mais aussi vers les familles dont un proche souffre encore aujourd’hui de ce mal.

J’adresse mes pensées les plus solidaires aux pays qui font face en ce moment même au pic épidémique ou à une reprise de l’épidémie sur leur territoire.

Force est de constater que cette pandémie s’est propagée à une très grande vitesse à travers le monde et qu’elle a mis à mal l’ensemble des structures de soins. C’est pourquoi les gouvernements ont été contraints de recourir au confinement pour limiter la propagation de la maladie et, ainsi, préserver les systèmes de soins d’un pic épidémique insoutenable pour nos organisations.

Toutefois, les services vitaux pour la Nation ont maintenu leur activité : notre système de soins, évidemment, mais aussi, les premiers secours, les ambulanciers, les forces de sécurité, les personnels de l’éducation nationale, les crèches chargées d’accueillir les enfants des soignants, les services d’aide à domicile, les salariés des pompes funèbres, la grande distribution, la logistique.

Les auteurs de cette proposition de loi estiment, à juste titre, que ces personnels ont été plus exposés que les autres à l’épidémie puisqu’ils ne pouvaient rester confinés, mis en arrêt maladie, en chômage partiel ou encore en télétravail. Ils estiment par ailleurs qu’une rupture d’égalité est apparue entre les soignants et les autres personnes mobilisées lorsque le ministre des solidarités et de la santé a annoncé que la Covid-19 serait reconnue comme maladie professionnelle pour les seuls soignants.

Toutefois, concernant les autres travailleurs, monsieur le secrétaire d’État, vous avez annoncé le mardi 16 juin, lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, que lorsqu’ils ont été contaminés dans le cadre de leur activité professionnelle, ils pourront bénéficier d’une indemnisation au titre des maladies professionnelles. Vous avez également annoncé la publication, avec la ministre du travail, des décrets permettant cette évolution de la réglementation.

Cependant, si cette mesure supprime la rupture d’égalité que nous évoquions précédemment, elle ne répond pas au champ de l’indemnisation prévue par le présent texte. En effet, comme l’a présenté notre collègue rapporteure Corinne Féret, que nous remercions de son excellent travail, les auteurs de cette proposition de loi ajoutent au forfait de prise en charge au titre des maladies professionnelles un principe de réparation intégrale des préjudices des personnes souffrant d’une maladie ou d’une pathologie consécutive à la contamination par la Covid-19 et qui, préalablement à cette contamination, ont, dans l’exercice de leur profession ou d’une activité bénévole sur le territoire de la République française, été en contact régulier avec des personnes elles-mêmes contaminées ou avec des objets susceptibles de l’être, ainsi que leurs ayants droit.

Pour ce faire, ils proposent de créer un fonds d’indemnisation des victimes de la Covid-19, géré par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, en définissent son financement en créant une taxe additionnelle de 1, 5 % à la taxe Gafam et en affectant une fraction des cotisations des employeurs à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale.

Enfin, ils définissent la procédure de demande d’indemnisation auprès du fonds.

Tel qu’il est présenté, ce texte nous invite à formuler plusieurs remarques.

D’abord, il apparaît particulièrement difficile de caractériser l’origine de la contamination au SARS-CoV-2. En effet, cette maladie infectieuse se transmet par voie aérienne.

Le docteur Élisabeth Bouvet, présidente de la commission technique des vaccinations au sein de la Haute Autorité de santé, professeure des universités à la faculté de médecine Xavier-Bichat et spécialiste des maladies infectieuses et tropicales, précisait notamment lors de la cinquantième journée Claude-Bernard en novembre 2007 que la transmission aérienne est définie par le passage de micro-organismes depuis une source à une personne à partir d’aérosols, entraînant une infection de la personne exposée.

Elle ajoutait, d’une part, que, pour les petites particules, la transmission peut se faire jusqu’à une distance supérieure à 1, 8 mètre et qu’un contact direct avec la source est inutile. Elle précisait que les maladies se transmettant par petites particules sont à l’origine d’épidémies brutales et explosives.

Elle indiquait, d’autre part, que lorsque l’exposition s’opère par de grosses particules telles que des gouttelettes, il faut un contact proche, inférieur à 1 mètre.

Pour les maladies ne se transmettant pas par petites particules, mais requérant des gouttelettes, la diffusion est lente, intermittente, variable et sans cluster.

Enfin, si la contamination ne peut se faire que par contact direct avec les sécrétions respiratoires de la source, alors la transmission s’opère uniquement par le biais des sécrétions infectées depuis les mains jusqu’aux muqueuses respiratoires.

En conclusion, en matière de maladies infectieuses, il est peu probable que nous puissions caractériser le lieu de la contamination.

Ensuite, si nous n’ignorons pas que certaines personnes ont été mises en situation d’une surexposition, nous considérons qu’il ne faut pas confondre surexposition au danger du fait de son activité professionnelle et contraction de la maladie à l’occasion de la réalisation de cette activité.

Présupposer qu’il y a eu contamination sur le lieu de travail paraît pour le moins particulièrement délicat en matière infectieuse, contrairement à l’exposition à l’amiante, dont le lien de causalité était certain et pouvait assurément être imputé à la charge de la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

Reconnaître ici cette fiction juridique revient par ailleurs à faire porter aux employeurs la charge symbolique de la responsabilité de la contamination de leurs employés. Or le lien de causalité entre activité professionnelle et contraction de la maladie ne pouvant pas être justifié, nous regrettons que la voie de la reconnaissance au titre des maladies professionnelles ait été privilégiée.

J’ajoute que faire peser cette charge symbolique sur les employeurs privés, publics, ou sur les associations, alors que nous n’étions pas en capacité de leur permettre de protéger suffisamment leurs employés du fait de la pénurie de masques chirurgicaux et autres équipements de protection individuelle paraît d’autant plus injuste.

C’est pourquoi, afin d’éviter toute différence de traitement entre les soignants et les autres professionnels mobilisés durant le confinement et afin d’éviter de faire porter aux employeurs la charge symbolique que je viens de décrire, je m’interroge sur le recours à une autre solution que le Gouvernement aurait peut-être pu privilégier plutôt que de faire porter cette charge par la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

Monsieur le secrétaire d’État, n’aurait-il pas été plus juste de garantir à ces travailleurs une prise en charge intégrale de la maladie, voire du préjudice, directement par l’assurance maladie sur présentation d’une attestation démontrant leur mobilisation durant le confinement ? C’est une réflexion.

Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera contre cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de nombreux travailleurs et bénévoles ont poursuivi leur activité professionnelle ou associative pendant le confinement mis en place pour lutter contre la propagation de l'épidémie de Covid-19.

Les professionnels de santé, hospitaliers et libéraux, étaient sur le front, et l'ensemble des personnes mobilisées pour assurer la continuité de services essentiels à la vie de la Nation l'étaient également. Mais le manque de protections les a exposés à un risque accru d'infection. Certaines de ces personnes ont développé des formes graves de la Covid-19 qui ont pu donner lieu à une hospitalisation dans un service de réanimation, mais aussi à des atteintes respiratoires, neurologiques, cardiaques ou dermatologiques. Malheureusement, le pire s'est produit pour d'autres de ces professionnels, décédés des suites de cette contamination.

Le texte soumis à notre examen ce matin par notre collègue Victoire Jasmin prévoit la création d'un fonds d'indemnisation des victimes de la Covid-19. Les auteurs de cette proposition de loi partent du principe qu'il appartient à la société dans son ensemble, et donc à l'État, d'assurer aux victimes de l'épidémie de Covid-19 une réparation simple, rapide et équitable de tous les préjudices subis.

Nous avons tous été sollicités par des associations ou des fédérations professionnelles. En tant que rapporteure sur le suivi du Covid-19 en lien avec la branche assurance maladie, j'ai notamment auditionné des représentants de la Fédération de l'hospitalisation privée, qui m'ont également proposé l'organisation d'un dispositif juridique unique à l'échelon national destiné à indemniser les victimes du Covid-19. Je les remercie de leur contribution.

Nous sommes très nombreux à avoir applaudi les soignants tous les soirs à vingt heures, sans pouvoir contribuer à la lutte contre cette épidémie sans précédent autrement qu'en restant chez nous.

Aujourd'hui, nous ne pouvons que partager cet objectif visant à témoigner notre légitime reconnaissance, et celle de la Nation tout entière, aux personnels soignants qui se sont retrouvés en première ligne durant toute cette période, et à tous ceux qui ont pris en charge au quotidien nos concitoyens contaminés au cours des soins ou dans le cadre de l'organisation des soins de suite, et à tous les travailleurs et bénévoles, qui, au péril de leur vie, ont permis la continuité de secteurs prioritaires.

L'article 1er de la proposition de loi définit les personnes potentiellement bénéficiaires. Le cadre est très large : il s'agit des personnes « souffrant d'une maladie ou d'une pathologie consécutive à la contamination par le Covid-19 et qui, préalablement à cette contamination, ont, dans l'exercice de leur profession ou d'une activité bénévole, été en contact régulier avec des personnes elles-mêmes contaminées ». Les ayants droit sont également concernés.

Les autres articles concernent, d'une part, la reconnaissance de la Covid comme maladie professionnelle et, d'autre part, la création d'un fonds d'indemnisation.

Je salue votre travail, madame la rapporteure. Cependant, malgré les aménagements que vous aviez proposés lors de l'examen du texte en commission, le double dispositif continue à s'inscrire dans le cadre des maladies professionnelles.

Vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État, une reconnaissance en maladie professionnelle implique une prise en charge à 100 % des frais médicaux, des indemnités journalières majorées par rapport à un simple arrêt de travail et la possibilité d'une rente d'incapacité si les personnes gardent des séquelles.

La mise en place d'un fonds d'indemnisation pour une contamination par une maladie infectieuse constituerait un précédent majeur qui bouleverserait les principes ayant jusqu'à présent prévalu pour engager la responsabilité de l'État et justifier d'une indemnisation.

C'est un sujet complexe, et nous exprimons des réserves, lesquelles ont justifié notre abstention en commission. Comme le rappelait notre collègue Gérard Dériot, rapporteur de la branche AT-MP, « les maladies professionnelles sont établies en fonction des risques encourus dans le cadre d'une activité économique définie. Si l'on s'engage dans cette voie, nous créons un précédent pour les prochaines épidémies qui frapperont notre pays ».

Cependant, nous saluons la mise en place du dispositif de reconnaissance automatique en maladie professionnelle de la contamination des soignants hospitaliers ou libéraux que vous avez présenté, monsieur le secrétaire d'État, dès lors que ceux-ci ont été exposés à un risque accru d'infection. Mais un risque accru en l'absence de matériel de protection suffisant, ce qui n'est pas sans poser la question de la responsabilité de cette absence de protection.

Toutefois, cette proposition de loi va bien au-delà en instituant un principe de réparation intégrale des préjudices subis pour l'ensemble des personnes qui auraient exposé en milieu professionnel ou bénévole. Or, pour ces personnes, il sera particulièrement difficile d'établir l'origine professionnelle de leur contamination.

L'adossement du fonds à l'Oniam, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, me paraît peu appropriée. La vocation de l'Oniam, je le rappelle, est d'indemniser les dommages causés par un accident médical ou des dommages imputables à une activité de recherche biomédicale, une infection iatrogène liée à un traitement médical ou nosocomiale, contractée dans un établissement de santé.

D'ailleurs les associations et les fédérations proposant une indemnisation de ce type n'ont pas toutes la même approche. Si l'Association des accidentés de la vie, la Fnath, propose la création d'une commission d'indemnisation qui déterminerait les critères et les modalités d'accès à un fonds d'indemnisation déjà existant comme l'Oniam, d'autres, comme l'association Coronavictimes, ont demandé au Gouvernement de créer un fonds d'indemnisation des victimes du Covid-19 sur le modèle de celui des victimes de l'amiante, le FIVA, pour aller plus loin que la reconnaissance en maladie professionnelle. Cette association dénonce une faute de l'État – et même un empilement de fautes –, lequel n'a pas mis en place les mesures de protection nécessaires et n'a pas assuré l'accès aux soins hospitaliers de tous les malades.

Alors, compte tenu des incertitudes scientifiques qui persistent encore dans la connaissance du Covid-19, puisqu'on en apprend tous les jours sur cette maladie, compte tenu du fait que l'épidémie n'a pas pris fin, que les contaminations se poursuivent et qu'il est difficile d'en évaluer les effets sur la santé à long terme – des études sont en cours sur des patients continuant à souffrir de pathologies incapacitantes assez lourdes et conservant de graves symptômes à distance de la contamination –, il nous semble qu'il sera difficile pour une commission médicale indépendante du fonds d'envisager un mécanisme d'indemnisation et il nous semble donc prématuré de créer ce dispositif.

Pour toutes ces raisons, nous n'apporterons pas notre soutien à cette proposition de loi et, après nous être abstenus en commission, nous votons contre ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, de nombreux travailleurs et bénévoles ont poursuivi leur activité professionnelle ou associative pendant le confinement mis en place pour lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19.

Les professionnels de santé, hospitaliers et libéraux, étaient sur le front, et l’ensemble des personnes mobilisées pour assurer la continuité de services essentiels à la vie de la Nation l’étaient également. Mais le manque de protections les a exposés à un risque accru d’infection. Certaines de ces personnes ont développé des formes graves de la Covid-19 qui ont pu donner lieu à une hospitalisation dans un service de réanimation, mais aussi à des atteintes respiratoires, neurologiques, cardiaques ou dermatologiques. Malheureusement, le pire s’est produit pour d’autres de ces professionnels, décédés des suites de cette contamination.

Le texte soumis à notre examen ce matin par notre collègue Victoire Jasmin prévoit la création d’un fonds d’indemnisation des victimes de la Covid-19. Les auteurs de cette proposition de loi partent du principe qu’il appartient à la société dans son ensemble, et donc à l’État, d’assurer aux victimes de l’épidémie de Covid-19 une réparation simple, rapide et équitable de tous les préjudices subis.

Nous avons tous été sollicités par des associations ou des fédérations professionnelles. En tant que rapporteure sur le suivi du Covid-19 en lien avec la branche assurance maladie, j’ai notamment auditionné des représentants de la Fédération de l’hospitalisation privée, qui m’ont également proposé l’organisation d’un dispositif juridique unique à l’échelon national destiné à indemniser les victimes du Covid-19. Je les remercie de leur contribution.

Nous sommes très nombreux à avoir applaudi les soignants tous les soirs à vingt heures, sans pouvoir contribuer à la lutte contre cette épidémie sans précédent autrement qu’en restant chez nous.

Aujourd’hui, nous ne pouvons que partager cet objectif visant à témoigner notre légitime reconnaissance, et celle de la Nation tout entière, aux personnels soignants qui se sont retrouvés en première ligne durant toute cette période, et à tous ceux qui ont pris en charge au quotidien nos concitoyens contaminés au cours des soins ou dans le cadre de l’organisation des soins de suite, et à tous les travailleurs et bénévoles, qui, au péril de leur vie, ont permis la continuité de secteurs prioritaires.

L’article 1er de la proposition de loi définit les personnes potentiellement bénéficiaires. Le cadre est très large : il s’agit des personnes « souffrant d’une maladie ou d’une pathologie consécutive à la contamination par le Covid-19 et qui, préalablement à cette contamination, ont, dans l’exercice de leur profession ou d’une activité bénévole, été en contact régulier avec des personnes elles-mêmes contaminées ». Les ayants droit sont également concernés.

Les autres articles concernent, d’une part, la reconnaissance de la Covid comme maladie professionnelle et, d’autre part, la création d’un fonds d’indemnisation.

Je salue votre travail, madame la rapporteure. Cependant, malgré les aménagements que vous aviez proposés lors de l’examen du texte en commission, le double dispositif continue à s’inscrire dans le cadre des maladies professionnelles.

Vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, une reconnaissance en maladie professionnelle implique une prise en charge à 100 % des frais médicaux, des indemnités journalières majorées par rapport à un simple arrêt de travail et la possibilité d’une rente d’incapacité si les personnes gardent des séquelles.

La mise en place d’un fonds d’indemnisation pour une contamination par une maladie infectieuse constituerait un précédent majeur qui bouleverserait les principes ayant jusqu’à présent prévalu pour engager la responsabilité de l’État et justifier d’une indemnisation.

C’est un sujet complexe, et nous exprimons des réserves, lesquelles ont justifié notre abstention en commission. Comme le rappelait notre collègue Gérard Dériot, rapporteur de la branche AT-MP, « les maladies professionnelles sont établies en fonction des risques encourus dans le cadre d’une activité économique définie. Si l’on s’engage dans cette voie, nous créons un précédent pour les prochaines épidémies qui frapperont notre pays ».

Cependant, nous saluons la mise en place du dispositif de reconnaissance automatique en maladie professionnelle de la contamination des soignants hospitaliers ou libéraux que vous avez présenté, monsieur le secrétaire d’État, dès lors que ceux-ci ont été exposés à un risque accru d’infection. Mais un risque accru en l’absence de matériel de protection suffisant, ce qui n’est pas sans poser la question de la responsabilité de cette absence de protection.

Toutefois, cette proposition de loi va bien au-delà en instituant un principe de réparation intégrale des préjudices subis pour l’ensemble des personnes qui auraient exposé en milieu professionnel ou bénévole. Or, pour ces personnes, il sera particulièrement difficile d’établir l’origine professionnelle de leur contamination.

L’adossement du fonds à l’Oniam, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, me paraît peu approprié. La vocation de l’Oniam, je le rappelle, est d’indemniser les dommages causés par un accident médical ou des dommages imputables à une activité de recherche biomédicale, une affection iatrogène liée à un traitement médical ou une infection nosocomiale contractée dans un établissement de santé.

D’ailleurs les associations et les fédérations proposant une indemnisation de ce type n’ont pas toutes la même approche. Si l’Association des accidentés de la vie, la Fnath, propose la création d’une commission d’indemnisation qui déterminerait les critères et les modalités d’accès à un fonds d’indemnisation déjà existant comme l’Oniam, d’autres, comme l’association Coronavictimes, ont demandé au Gouvernement de créer un fonds d’indemnisation des victimes du Covid-19 sur le modèle de celui des victimes de l’amiante, le FIVA, pour aller plus loin que la reconnaissance en maladie professionnelle. Cette association dénonce une faute de l’État – et même un empilement de fautes –, lequel n’a pas mis en place les mesures de protection nécessaires et n’a pas assuré l’accès aux soins hospitaliers de tous les malades.

Alors, compte tenu des incertitudes scientifiques qui persistent encore dans la connaissance du Covid-19, puisqu’on en apprend tous les jours sur cette maladie, compte tenu du fait que l’épidémie n’a pas pris fin, que les contaminations se poursuivent et qu’il est difficile d’en évaluer les effets sur la santé à long terme – des études sont en cours sur des patients continuant à souffrir de pathologies incapacitantes assez lourdes et conservant de graves symptômes à distance de la contamination –, il nous semble qu’il sera difficile pour une commission médicale indépendante du fonds d’envisager un mécanisme d’indemnisation et il nous semble donc prématuré de créer ce dispositif.

Pour toutes ces raisons, nous n’apporterons pas notre soutien à cette proposition de loi et, après nous être abstenus en commission, nous votons contre ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, si les conséquences de l'épidémie de Covid-19 occupent les esprits et influencent nos prises de décision depuis plusieurs semaines, cette proposition de loi a le mérite de s'attaquer à l'un des sujets de préoccupation des malades et de leurs familles.

Toutefois, en proposant la création d'un fonds dédié à l'indemnisation rapide de toutes les victimes du coronavirus, les auteurs posent un certain nombre de questions aux législateurs que nous sommes, sans que la rédaction de la proposition de loi apporte, à notre sens, les réponses attendues. Car il s'agit bien ici de déroger au principe de la déclaration en maladie professionnelle pour une maladie infectieuse, ce qui constituerait une première et, pour certains, ouvrirait le risque à un champ de contentieux considérables.

La reconnaissance et l'indemnisation des maladies professionnelles font l'objet d'un financement dédié à travers la branche AT-MP de l'assurance maladie et sont soumises à des critères stricts qui en garantissent une utilisation raisonnée et équitable.

Ce mode de fonctionnement éprouvé permet aux victimes de maladie professionnelle de bénéficier de la gratuité des frais médicaux. En cas d'arrêt de travail, il leur donne accès à des indemnités versées par la sécurité sociale et l'employeur. En cas d'incapacité permanente de travail, une indemnité complémentaire leur est octroyée.

Certes, ce système est loin d'être parfait. Une réflexion sur les réformes à envisager pourrait en effet être menée, afin de répondre aux critiques relatives à la complexité et à la lenteur des procédures, ce que certains décrivent comme un véritable parcours du combattant.

J'ai cru comprendre, en écoutant votre propos liminaire, que vous vous y engagiez, monsieur le secrétaire d'État.

Néanmoins, est-ce notre rôle, aujourd'hui, avec cette proposition de loi, de remettre en question toute cette organisation d'indemnisation ? D'autant que le Gouvernement a annoncé son intention de prendre des mesures pour garantir l'automaticité de la reconnaissance en maladie professionnelle pour tous les soignants et pour garantir aux non-soignants un accès à la procédure normale lorsqu'ils été contraints à travailler pour assurer la continuité de services essentiels à la vie de notre pays.

Des inquiétudes doivent toutefois être levées pour les professionnels de santé libéraux, qui ont aussi été en première ligne malgré le manque de matériel et qui ont payé un lourd tribut face à la maladie. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous confirmer que, conformément à ce qui a été annoncé, tous les soignants bénéficieront de la reconnaissance en maladie professionnelle, y compris ceux qui n'ont pas cotisé pour le risque professionnel, ce qui est un sujet d'inquiétude sur le terrain ?

Cette proposition de loi nous semble prématurée. On ne connaît pas encore toutes les décisions qui seront prises par le Gouvernement pour adapter le système à la crise actuelle. Surtout, on ignore l'évolution du Covid-19 à moyen et long termes, compte tenu de l'état parcellaire des connaissances scientifiques et médicales sur cette maladie émergente. Je fais donc miennes les nombreuses réserves que soulève l'examen de cette proposition de loi.

Bien sûr, nous entendons les revendications, toutes légitimes, des patients et de leurs familles. Certains d'entre eux sont morts ; d'autres ressentent encore des troubles de la période aiguë, et nous ne connaissons pas encore les séquelles, à long terme, de cette pathologie.

Par ailleurs – je l'ai dit –, la création d'un fonds pour les victimes d'une maladie contagieuse ayant largement circulé dans la population créerait un précédent : nous devons faire preuve de prudence. Des maladies infectieuses apparaissent et disparaissent chaque année dans notre pays.

Certes, la crise du Covid-19 a surpris par sa violence. Elle laissera des marques indélébiles en France et dans le monde entier. Néanmoins, une situation exceptionnelle n'appelle pas toujours des réponses exceptionnelles. Dans un premier temps, nous devons nous appuyer sur le système existant, quitte à l'adapter aux réalités de cette crise sanitaire.

Ce virus a fait de nombreuses victimes dans tous les pans de notre société. D'autres épidémies suivront probablement, hélas. Je suis donc convaincue que la création d'un tel fonds d'indemnisation ne répondrait pas totalement aux demandes légitimes de nos concitoyens ; en outre, elle ajouterait de la complexité. Ce que les intéressés attendent, c'est surtout la mise en place d'un système performant, protecteur, équitable pour toutes les personnes exposées aux maladies professionnelles et qui ne laisse personne au bord du chemin.

J'entends ceux qui invoquent la responsabilité de l'État pour justifier la création d'un fonds spécial. Certaines critiques font état d'un retard à l'allumage et d'un manque de matériels de protection sur le terrain, qui a été une réalité pour de nombreuses professions. Les commissions d'enquête de l'Assemblée nationale et du Sénat se pencheront sur cette question de la responsabilité de l'État. Elles permettront d'identifier les limites du système actuel et les réformes à mener. C'est dans ce cadre que des leçons pourront être tirées quant aux capacités de réaction de l'État.

Si nous espérons qu'une crise de cette ampleur demeurera un phénomène exceptionnel, on ne peut pas oublier que l'augmentation des échanges internationaux, le réchauffement climatique et la mondialisation dans son ensemble provoqueront certainement de nouvelles épidémies. C'est en gardant cette réalité en tête que nous devons penser la prise en charge globale des victimes de maladies infectieuses dans le cadre de leur profession. Il y va de l'équité, valeur à laquelle nous sommes tous attachés.

Pour résumer, cette proposition de loi part d'un bon sentiment : elle vise à offrir aux victimes graves du Covid une réparation simple, rapide et équitable pour tous les préjudices subis. Je fais mienne cette ambition, mais mes collègues du groupe du RDSE et moi-même n'approuvons pas l'option choisie. Comme je l'ai indiqué, nous manquons de recul sur l'évolution de la maladie et sur la capacité d'adaptation du système à la crise que nous vivons.

Ceux qui ont continué à travailler pendant le confinement ont été davantage exposés à la contamination. Pour eux, un processus d'indemnisation plus simple et plus rapide doit être mis en place : c'est la volonté de l'État. Laissons donc au Gouvernement le temps de passer de la parole aux actes. Les membres du RDSE ne voteront pas ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, si les conséquences de l’épidémie de Covid-19 occupent les esprits et influencent nos prises de décision depuis plusieurs semaines, cette proposition de loi a le mérite de s’attaquer à l’un des sujets de préoccupation des malades et de leurs familles.

Toutefois, en proposant la création d’un fonds dédié à l’indemnisation rapide de toutes les victimes du coronavirus, les auteurs posent un certain nombre de questions aux législateurs que nous sommes, sans que la rédaction de la proposition de loi apporte, à notre sens, les réponses attendues. Car il s’agit bien ici de déroger au principe de la déclaration en maladie professionnelle pour une maladie infectieuse, ce qui constituerait une première et, pour certains, ouvrirait le risque à un champ de contentieux considérables.

La reconnaissance et l’indemnisation des maladies professionnelles font l’objet d’un financement dédié à travers la branche AT-MP de l’assurance maladie et sont soumises à des critères stricts qui en garantissent une utilisation raisonnée et équitable.

Ce mode de fonctionnement éprouvé permet aux victimes de maladie professionnelle de bénéficier de la gratuité des frais médicaux. En cas d’arrêt de travail, il leur donne accès à des indemnités versées par la sécurité sociale et l’employeur. En cas d’incapacité permanente de travail, une indemnité complémentaire leur est octroyée.

Certes, ce système est loin d’être parfait. Une réflexion sur les réformes à envisager pourrait en effet être menée, afin de répondre aux critiques relatives à la complexité et à la lenteur des procédures, ce que certains décrivent comme un véritable parcours du combattant.

J’ai cru comprendre, en écoutant votre propos liminaire, que vous vous y engagiez, monsieur le secrétaire d’État.

Néanmoins, est-ce notre rôle, aujourd’hui, avec cette proposition de loi, de remettre en question toute cette organisation d’indemnisation ? D’autant que le Gouvernement a annoncé son intention de prendre des mesures pour garantir l’automaticité de la reconnaissance en maladie professionnelle pour tous les soignants et pour garantir aux non-soignants un accès à la procédure normale lorsqu’ils ont été contraints de travailler pour assurer la continuité de services essentiels à la vie de notre pays.

Des inquiétudes doivent toutefois être levées pour les professionnels de santé libéraux, qui ont aussi été en première ligne malgré le manque de matériel et qui ont payé un lourd tribut face à la maladie. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous confirmer que, conformément à ce qui a été annoncé, tous les soignants bénéficieront de la reconnaissance en maladie professionnelle, y compris ceux qui n’ont pas cotisé pour le risque professionnel, ce qui est un sujet d’inquiétude sur le terrain ?

Cette proposition de loi nous semble prématurée. On ne connaît pas encore toutes les décisions qui seront prises par le Gouvernement pour adapter le système à la crise actuelle. Surtout, on ignore l’évolution du Covid-19 à moyen et long termes, compte tenu de l’état parcellaire des connaissances scientifiques et médicales sur cette maladie émergente. Je fais donc miennes les nombreuses réserves que soulève l’examen de cette proposition de loi.

Bien sûr, nous entendons les revendications, toutes légitimes, des patients et de leurs familles. Certains d’entre eux sont morts ; d’autres ressentent encore des troubles de la période aiguë, et nous ne connaissons pas encore les séquelles, à long terme, de cette pathologie.

Par ailleurs – je l’ai dit –, la création d’un fonds pour les victimes d’une maladie contagieuse ayant largement circulé dans la population créerait un précédent : nous devons faire preuve de prudence. Des maladies infectieuses apparaissent et disparaissent chaque année dans notre pays.

Certes, la crise du Covid-19 a surpris par sa violence. Elle laissera des marques indélébiles en France et dans le monde entier. Néanmoins, une situation exceptionnelle n’appelle pas toujours des réponses exceptionnelles. Dans un premier temps, nous devons nous appuyer sur le système existant, quitte à l’adapter aux réalités de cette crise sanitaire.

Ce virus a fait de nombreuses victimes dans tous les pans de notre société. D’autres épidémies suivront probablement, hélas. Je suis donc convaincue que la création d’un tel fonds d’indemnisation ne répondrait pas totalement aux demandes légitimes de nos concitoyens ; en outre, elle ajouterait de la complexité. Ce que les intéressés attendent, c’est surtout la mise en place d’un système performant, protecteur, équitable pour toutes les personnes exposées aux maladies professionnelles et qui ne laisse personne au bord du chemin.

J’entends ceux qui invoquent la responsabilité de l’État pour justifier la création d’un fonds spécial. Certaines critiques font état d’un retard à l’allumage et d’un manque de matériels de protection sur le terrain, qui a été une réalité pour de nombreuses professions. Les commissions d’enquête de l’Assemblée nationale et du Sénat se pencheront sur cette question de la responsabilité de l’État. Elles permettront d’identifier les limites du système actuel et les réformes à mener. C’est dans ce cadre que des leçons pourront être tirées quant aux capacités de réaction de l’État.

Si nous espérons qu’une crise de cette ampleur demeurera un phénomène exceptionnel, on ne peut pas oublier que l’augmentation des échanges internationaux, le réchauffement climatique et la mondialisation dans son ensemble provoqueront certainement de nouvelles épidémies. C’est en gardant cette réalité en tête que nous devons penser la prise en charge globale des victimes de maladies infectieuses dans le cadre de leur profession. Il y va de l’équité, valeur à laquelle nous sommes tous attachés.

Pour résumer, cette proposition de loi part d’un bon sentiment : elle vise à offrir aux victimes graves du Covid une réparation simple, rapide et équitable pour tous les préjudices subis. Je fais mienne cette ambition, mais mes collègues du groupe du RDSE et moi-même n’approuvons pas l’option choisie. Comme je l’ai indiqué, nous manquons de recul sur l’évolution de la maladie et sur la capacité d’adaptation du système à la crise que nous vivons.

Ceux qui ont continué à travailler pendant le confinement ont été davantage exposés à la contamination. Pour eux, un processus d’indemnisation plus simple et plus rapide doit être mis en place : c’est la volonté de l’État. Laissons donc au Gouvernement le temps de passer de la parole aux actes. Les membres du RDSE ne voteront pas ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous l'avons tous dit, mais nous ne le répéterons jamais assez : l'engagement de nombre de nos concitoyens, qu'ils soient professionnels ou bénévoles, et quel que soit le stade de l'épidémie de la Covid-19, a suscité l'émotion et l'admiration de tous.

Dès l'apparition des premiers foyers de contamination sur le territoire de la République française, médecins urgentistes, infirmières en réanimation, personnels d'Ehpad ou même jeunes internes, tous se sont mobilisés pour prendre en charge les malades. À cette occasion, ils ont été exposés à un risque parfois élevé de contamination.

Bien au-delà du seul secteur du soin, de nombreuses personnes ont, tant bien que mal, maintenu leur activité pendant cette période afin d'assurer la permanence des services essentiels à la vie de la Nation. Je pense aux pompiers, aux ambulanciers, aux policiers et gendarmes, aux élus, aux enseignants chargés d'accueillir les enfants de soignants, aux aides à domicile, aux éboueurs, aux caissiers ou encore aux transporteurs routiers : qu'ils soient tous remerciés, et que ceux que j'oublie veuillent bien m'excuser.

Parmi ces femmes et ces hommes, certains auraient développé des formes graves de la pathologie, pouvant entraîner des séquelles invalidantes ou incapacitantes – comme des atteintes respiratoires, cardiaques, dermatologiques ou neurologiques – ou provoquer des décès.

Parce que, à leurs yeux, « il appartient à la société dans son ensemble et, donc, à l'État » d'assurer aux victimes de l'épidémie de Covid-19 « une réparation simple, rapide et équitable de tous les préjudices subis », Victoire Jasmin et plusieurs de ses collègues ont déposé, le 12 mai dernier, sur le bureau du Sénat une proposition de loi visant à « créer un fonds d'indemnisation spécifique pour les victimes de l'épidémie de Covid-19, qu'elles soient salariés du privé, fonctionnaires, indépendants ou bénévoles ».

Ce texte comprend dix articles.

L'article 1er pose le principe de la réparation intégrale des préjudices des personnes souffrant d'une maladie ou d'une pathologie consécutive à la contamination par le virus de la Covid-19 et qui, préalablement à cette contamination, ont été, dans l'exercice de leur profession ou d'une activité bénévole sur le territoire de la République française, en contact régulier avec des personnes elles-mêmes contaminées ou avec des objets susceptibles de l'être, ainsi que ceux de leurs ayants droit.

L'article 2 crée un fonds d'indemnisation des victimes de la covid-19, géré par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), le financement de ce fonds étant défini à l'article 7. Enfin, la procédure de demande d'indemnisation auprès du fonds est détaillée aux articles 3 à 5, ainsi qu'à l'article 8.

L'intention de Mme Jasmin et de ses collègues est louable, mais la mise en œuvre de cette initiative parlementaire constituerait un précédent majeur en matière d'indemnisation pour une contamination par une maladie infectieuse ; à cette date, nous n'avons pas encore le recul scientifique nécessaire pour établir les éventuels effets à long terme d'une telle contamination sur la santé.

De plus, le fonds d'indemnisation créé par le présent texte serait adossé à l'Oniam. Permettez-moi de rappeler que, comme son nom l'indique, cet office a vocation à assurer l'indemnisation des « accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ». Ainsi, il a été mobilisé récemment en faveur des victimes du Mediator.

La réparation par l'Oniam suppose en principe que soient en cause des accidents médicaux imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soin. La contamination par le virus de la Covid-19 n'entre pas dans ce champ, et il serait inconcevable de créer un champ spécifique pour une maladie virale de ce type.

Conscient de ce problème et des conséquences auxquelles les personnels concernés peuvent être confrontés, le ministre des solidarités et de la santé a annoncé que les soignants bénéficieraient d'une reconnaissance automatique comme maladie professionnelle, avec indemnisation en cas d'incapacité temporaire ou permanente. Cette règle s'appliquera aux soignants quels qu'ils soient et « quel que soit leur lieu d'exercice, à l'hôpital, en Ehpad ou en ville ». Les professionnels libéraux bénéficieraient eux aussi de ce mécanisme. Pour les autres travailleurs cités précédemment qui auraient pu être contaminés sur leur lieu de travail, il s'agira également de permettre une indemnisation au titre de la maladie professionnelle sans que celle-ci soit automatique.

Cette reconnaissance sera mise en œuvre dans les prochains jours, à la suite de la publication des décrets. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie d'en avoir clairement détaillé les modalités et de vous être engagé à agir au plus vite : c'est l'essentiel.

Mes chers collègues, pour ces raisons, les membres du groupe La République En Marche voteront en défaveur de cette proposition de loi visant à créer un fonds d'indemnisation spécifique pour les victimes de l'épidémie de Covid-19.

Debut de section - PermalienPhoto de Martin Lévrier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous l’avons tous dit, mais nous ne le répéterons jamais assez : l’engagement de nombre de nos concitoyens, qu’ils soient professionnels ou bénévoles, et quel que soit le stade de l’épidémie de la Covid-19, a suscité l’émotion et l’admiration de tous.

Dès l’apparition des premiers foyers de contamination sur le territoire de la République française, médecins urgentistes, infirmières en réanimation, personnels d’Ehpad ou même jeunes internes, tous se sont mobilisés pour prendre en charge les malades. À cette occasion, ils ont été exposés à un risque parfois élevé de contamination.

Bien au-delà du seul secteur du soin, de nombreuses personnes ont, tant bien que mal, maintenu leur activité pendant cette période afin d’assurer la permanence des services essentiels à la vie de la Nation. Je pense aux pompiers, aux ambulanciers, aux policiers et gendarmes, aux élus, aux enseignants chargés d’accueillir les enfants de soignants, aux aides à domicile, aux éboueurs, aux caissiers ou encore aux transporteurs routiers : qu’ils soient tous remerciés, et que ceux que j’oublie veuillent bien m’excuser.

Parmi ces femmes et ces hommes, certains auraient développé des formes graves de la pathologie, pouvant entraîner des séquelles invalidantes ou incapacitantes – comme des atteintes respiratoires, cardiaques, dermatologiques ou neurologiques – ou provoquer des décès.

Parce que, à leurs yeux, « il appartient à la société dans son ensemble et, donc, à l’État » d’assurer aux victimes de l’épidémie de Covid-19 « une réparation simple, rapide et équitable de tous les préjudices subis », Victoire Jasmin et plusieurs de ses collègues ont déposé, le 12 mai dernier, sur le bureau du Sénat une proposition de loi visant à « créer un fonds d’indemnisation spécifique pour les victimes de l’épidémie de Covid-19, qu’elles soient salariés du privé, fonctionnaires, indépendants ou bénévoles ».

Ce texte comprend dix articles.

L’article 1er pose le principe de la réparation intégrale des préjudices des personnes souffrant d’une maladie ou d’une pathologie consécutive à la contamination par le virus de la Covid-19 et qui, préalablement à cette contamination, ont été, dans l’exercice de leur profession ou d’une activité bénévole sur le territoire de la République française, en contact régulier avec des personnes elles-mêmes contaminées ou avec des objets susceptibles de l’être, ainsi que ceux de leurs ayants droit.

L’article 2 crée un fonds d’indemnisation des victimes de la covid-19, géré par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), le financement de ce fonds étant défini à l’article 7. Enfin, la procédure de demande d’indemnisation auprès du fonds est détaillée aux articles 3 à 5, ainsi qu’à l’article 8.

L’intention de Mme Jasmin et de ses collègues est louable, mais la mise en œuvre de cette initiative parlementaire constituerait un précédent majeur en matière d’indemnisation pour une contamination par une maladie infectieuse ; à cette date, nous n’avons pas encore le recul scientifique nécessaire pour établir les éventuels effets à long terme d’une telle contamination sur la santé.

De plus, le fonds d’indemnisation créé par le présent texte serait adossé à l’Oniam. Permettez-moi de rappeler que, comme son nom l’indique, cet office a vocation à assurer l’indemnisation des « accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ». Ainsi, il a été mobilisé récemment en faveur des victimes du Mediator.

La réparation par l’Oniam suppose en principe que soient en cause des accidents médicaux imputables à des activités de prévention, de diagnostic ou de soin. La contamination par le virus de la Covid-19 n’entre pas dans ce champ, et il serait inconcevable de créer un champ spécifique pour une maladie virale de ce type.

Conscient de ce problème et des conséquences auxquelles les personnels concernés peuvent être confrontés, le ministre des solidarités et de la santé a annoncé que les soignants bénéficieraient d’une reconnaissance automatique comme maladie professionnelle, avec indemnisation en cas d’incapacité temporaire ou permanente. Cette règle s’appliquera aux soignants quels qu’ils soient et « quel que soit leur lieu d’exercice, à l’hôpital, en Ehpad ou en ville ». Les professionnels libéraux bénéficieraient eux aussi de ce mécanisme. Pour les autres travailleurs cités précédemment qui auraient pu être contaminés sur leur lieu de travail, il s’agira également de permettre une indemnisation au titre de la maladie professionnelle sans que celle-ci soit automatique.

Cette reconnaissance sera mise en œuvre dans les prochains jours, à la suite de la publication des décrets. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie d’en avoir clairement détaillé les modalités et de vous être engagé à agir au plus vite : c’est l’essentiel.

Mes chers collègues, pour ces raisons, les membres du groupe La République En Marche voteront en défaveur de cette proposition de loi visant à créer un fonds d’indemnisation spécifique pour les victimes de l’épidémie de Covid-19.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise de la Covid-19 a mis en lumière les « héros en blouse blanche » applaudis tous les soirs à 20 heures. Mais leurs efforts n'ont pas été sans risque : un grand nombre d'entre eux ont été contaminés. Certains ont conservé des séquelles, tandis que d'autres sont malheureusement décédés.

Au 11 juin dernier, on dénombrait 30 675 cas de contamination dans les établissements de santé ; 84 % des personnes concernées étaient des professionnels de santé et près de 10 % des professionnels non soignants. Parmi les soignants et soignantes, 29 % étaient des infirmières et infirmiers et 24 % des aides-soignantes et aides-soignants. Nous espérons que les efforts et les sacrifices de ces femmes et de ces hommes ne seront pas oubliés lors du Ségur de la santé.

De même, lorsque la République rendra hommage aux victimes, il ne faudra pas oublier de citer les seize professionnels de santé décédés en essayant de sauver la vie des autres.

Cela étant, les personnels hospitaliers n'ont pas été les seuls à prendre des risques durant la pandémie en poursuivant leur activité. Il y a également eu les pompiers, les policiers, les caissières des magasins d'alimentation, les livreurs des plateformes, les égoutiers, les postiers, les éboueurs et l'ensemble des travailleuses et des travailleurs qui ont œuvré pour le pays, eux aussi au péril de leur santé, parfois de leur vie.

Permettez-moi d'avoir une pensée particulière pour ces intérimaires envoyés en première ligne, souvent sans protection particulière, sans formation aux gestes de sécurité ou sanitaires, que ce soit chez Amazon ou sur les plateformes logistiques, pour ne citer que ces deux exemples.

À ce titre, chers collègues du groupe socialiste et républicain, la proposition de mettre à contribution les géants du numérique pour financer le dispositif paraît tout à fait pertinente. Certaines de ces entreprises ont profité de la pandémie en réalisant un chiffre d'affaires exceptionnel tout en laissant leurs salariés sans dispositif de protection.

L'enjeu est donc d'accorder reconnaissance et réparation à toutes les victimes de la Covid-19 – salariés du privé, fonctionnaires, indépendants ou bénévoles, quel que soit leur statut – qui ont apporté leur aide dans la lutte contre l'épidémie et qui en gardent de graves séquelles. C'est l'objet de cette proposition de loi créant un fonds d'indemnisation spécifique pour l'ensemble des victimes de la Covid-19.

Ce texte vise à trouver une solution face à une situation exceptionnelle, pour laquelle notre système actuel de réparation des maladies professionnelles ne semble pas adapté. Actuellement, il faut en moyenne huit mois pour qu'une demande de reconnaissance d'une pathologie non inscrite au tableau des maladies professionnelles – c'est le cas de la Covid-19 – aboutisse, et la réparation n'est jamais intégrale.

S'ajoutent des difficultés spécifiques, dont l'absence de tests au début de la pandémie, qui compliquent encore l'établissement du lien direct de la maladie avec l'exposition professionnelle.

Enfin, cette pandémie aveugle a touché à la fois des fonctionnaires, des salariés, des travailleurs indépendants et des bénévoles, catégories pour lesquelles les voies de reconnaissance des risques professionnels sont multiples.

La solution préconisée par nos collègues socialistes afin de ne pas décourager les victimes d'une maladie qui n'entre pas dans les cases de notre système de réparation actuel nous semble judicieuse.

Toutefois – j'insiste sur ce point –, selon nous, la création de ce fonds doit aller de pair avec la reconnaissance de la Covid-19 comme maladie professionnelle. C'est une revendication de l'ensemble des organisations syndicales et des associations de victimes, comme la coordination des associations des victimes de l'amiante et de maladies professionnelles (Cavam), l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante et autres maladies professionnelles (Andeva) et la Fédération nationale des accidentés de la vie et des handicapés (Fnath).

J'ai d'ailleurs sous les yeux un courrier que m'ont adressé l'association Covid-19 Grand Est, le comité de défense des travailleurs frontaliers de Moselle, l'association de défense des victimes de l'amiante et autres maladies professionnelles (Adevat-ANP) et le docteur Lucien Privet. Ils demandent que la Covid-19 soit inscrite au tableau 76 des maladies professionnelles, car « si elle n'est pas inscrite dans un tableau, une reconnaissance au titre d'une maladie professionnelle d'une pathologie Covid-19 s'apparentera à une mission impossible ».

Les élus de notre groupe avaient déposé un amendement tendant à inscrire la Covid-19 dans le tableau de classification des maladies professionnelles, mais il a été jugé irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution, ce qui m'attriste.

Selon nous, ce texte représente une avancée pour les victimes, même si nous avons quelques critiques à formuler.

Tout d'abord, nous aurions préféré que la gouvernance du fonds de réparation soit confiée au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, au sein duquel sont représentées les organisations de victimes, comme l'Andeva et la Fnath, sachant que, dans sa composition actuelle, l'Oniam n'accorde qu'une place très minoritaire aux organisations syndicales : il est loin d'être paritaire.

En outre, nous nous inquiétons du message potentiellement adressé au patronat, qui se plaint beaucoup de sa contribution à la branche accidents du travail-maladies professionnelles. Il ne faudrait pas envoyer, même involontairement, un signal de délaissement de cette branche au profit de fonds spécifiques pris en charge par d'autres acteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise de la Covid-19 a mis en lumière les « héros en blouse blanche » applaudis tous les soirs à 20 heures. Mais leurs efforts n’ont pas été sans risque : un grand nombre d’entre eux ont été contaminés. Certains ont conservé des séquelles, tandis que d’autres sont malheureusement décédés.

Au 11 juin dernier, on dénombrait 30 675 cas de contamination dans les établissements de santé ; 84 % des personnes concernées étaient des professionnels de santé et près de 10 % des professionnels non soignants. Parmi les soignants et soignantes, 29 % étaient des infirmières et infirmiers et 24 % des aides-soignantes et aides-soignants. Nous espérons que les efforts et les sacrifices de ces femmes et de ces hommes ne seront pas oubliés lors du Ségur de la santé.

De même, lorsque la République rendra hommage aux victimes, il ne faudra pas oublier de citer les seize professionnels de santé décédés en essayant de sauver la vie des autres.

Cela étant, les personnels hospitaliers n’ont pas été les seuls à prendre des risques durant la pandémie en poursuivant leur activité. Il y a également eu les pompiers, les policiers, les caissières des magasins d’alimentation, les livreurs des plateformes, les égoutiers, les postiers, les éboueurs et l’ensemble des travailleuses et des travailleurs qui ont œuvré pour le pays, eux aussi au péril de leur santé, parfois de leur vie.

Permettez-moi d’avoir une pensée particulière pour ces intérimaires envoyés en première ligne, souvent sans protection particulière, sans formation aux gestes de sécurité ou sanitaires, que ce soit chez Amazon ou sur les plateformes logistiques, pour ne citer que ces deux exemples.

À ce titre, chers collègues du groupe socialiste et républicain, la proposition de mettre à contribution les géants du numérique pour financer le dispositif paraît tout à fait pertinente. Certaines de ces entreprises ont profité de la pandémie en réalisant un chiffre d’affaires exceptionnel tout en laissant leurs salariés sans dispositif de protection.

L’enjeu est donc d’accorder reconnaissance et réparation à toutes les victimes de la Covid-19 – salariés du privé, fonctionnaires, indépendants ou bénévoles, quel que soit leur statut – qui ont apporté leur aide dans la lutte contre l’épidémie et qui en gardent de graves séquelles. C’est l’objet de cette proposition de loi créant un fonds d’indemnisation spécifique pour l’ensemble des victimes de la Covid-19.

Ce texte vise à trouver une solution face à une situation exceptionnelle, pour laquelle notre système actuel de réparation des maladies professionnelles ne semble pas adapté. Actuellement, il faut en moyenne huit mois pour qu’une demande de reconnaissance d’une pathologie non inscrite au tableau des maladies professionnelles – c’est le cas de la Covid-19 – aboutisse, et la réparation n’est jamais intégrale.

S’ajoutent des difficultés spécifiques, dont l’absence de tests au début de la pandémie, qui compliquent encore l’établissement du lien direct de la maladie avec l’exposition professionnelle.

Enfin, cette pandémie aveugle a touché à la fois des fonctionnaires, des salariés, des travailleurs indépendants et des bénévoles, catégories pour lesquelles les voies de reconnaissance des risques professionnels sont multiples.

La solution préconisée par nos collègues socialistes afin de ne pas décourager les victimes d’une maladie qui n’entre pas dans les cases de notre système de réparation actuel nous semble judicieuse.

Toutefois – j’insiste sur ce point –, selon nous, la création de ce fonds doit aller de pair avec la reconnaissance de la Covid-19 comme maladie professionnelle. C’est une revendication de l’ensemble des organisations syndicales et des associations de victimes, comme la coordination des associations des victimes de l’amiante et de maladies professionnelles (Cavam), l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante et autres maladies professionnelles (Andeva) et la Fédération nationale des accidentés de la vie et des handicapés (Fnath).

J’ai d’ailleurs sous les yeux un courrier que m’ont adressé l’association Covid-19 Grand Est, le comité de défense des travailleurs frontaliers de Moselle, l’association de défense des victimes de l’amiante et autres maladies professionnelles (Adevat-ANP) et le docteur Lucien Privet. Ils demandent que la Covid-19 soit inscrite au tableau 76 des maladies professionnelles, car « si elle n’est pas inscrite dans un tableau, une reconnaissance au titre d’une maladie professionnelle d’une pathologie Covid-19 s’apparentera à une mission impossible ».

Les élus de notre groupe avaient déposé un amendement tendant à inscrire la Covid-19 dans le tableau de classification des maladies professionnelles, mais il a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, ce qui m’attriste.

Selon nous, ce texte représente une avancée pour les victimes, même si nous avons quelques critiques à formuler.

Tout d’abord, nous aurions préféré que la gouvernance du fonds de réparation soit confiée au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, au sein duquel sont représentées les organisations de victimes, comme l’Andeva et la Fnath, sachant que, dans sa composition actuelle, l’Oniam n’accorde qu’une place très minoritaire aux organisations syndicales : il est loin d’être paritaire.

En outre, nous nous inquiétons du message potentiellement adressé au patronat, qui se plaint beaucoup de sa contribution à la branche accidents du travail-maladies professionnelles. Il ne faudrait pas envoyer, même involontairement, un signal de délaissement de cette branche au profit de fonds spécifiques pris en charge par d’autres acteurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Enfin, la complexité du processus actuel de reconnaissance d'une maladie professionnelle doit nous amener à lancer une réflexion globale pour en améliorer l'accès, réduire les délais et accorder aux victimes une meilleure réparation.

Les membres du groupe CRCE voteront ce texte, qui va dans le sens du progrès pour les victimes directes ou indirectes de l'épidémie, tout en rappelant la nécessité de reconnaître la Covid-19 comme maladie professionnelle.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Enfin, la complexité du processus actuel de reconnaissance d’une maladie professionnelle doit nous amener à lancer une réflexion globale pour en améliorer l’accès, réduire les délais et accorder aux victimes une meilleure réparation.

Les membres du groupe CRCE voteront ce texte, qui va dans le sens du progrès pour les victimes directes ou indirectes de l’épidémie, tout en rappelant la nécessité de reconnaître la Covid-19 comme maladie professionnelle.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie Mme Jasmin, auteur de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, et Mme Féret, rapporteur.

Ce texte vise à instaurer un fonds d'indemnisation pour les victimes du Covid-19 qui auraient été contaminées par le virus dans le cadre de leurs activités professionnelles ou bénévoles. Ces personnes courageuses ont permis à notre pays de tenir malgré de graves difficultés.

Pour la prise en charge des victimes du Covid-19, deux doctrines coexistent : la reconnaissance de cette pathologie comme maladie professionnelle et la création d'un fonds d'indemnisation ad hoc.

Le 29 mars dernier, le Gouvernement a opté pour une reconnaissance au titre des maladies professionnelles pour tous les soignants malades du Covid-19. Cette reconnaissance donne accès à une couverture totale des frais médicaux, à une indemnité d'incapacité de travail et, en cas de décès, à la perception d'une pension par les ayants droit. Cette règle s'appliquera aux soignants quel que soit leur lieu d'activité, à l'hôpital, en ville ou en Ehpad.

Nous saluons cette annonce, mais nous comprenons les critiques qu'elle a suscitées. En effet, les soignants n'étaient pas les seuls à prendre des risques lors du confinement. Je pense notamment aux pompiers, professionnels et bénévoles, aux membres des forces de l'ordre, aux caissiers, aux agents de propreté, aux livreurs, aux enseignants et aux ambulanciers, pour ne citer que quelques professions.

Monsieur le secrétaire d'État, afin de compléter utilement ce dispositif, vous avez annoncé la semaine dernière que le Gouvernement allait étendre cette couverture à ces travailleurs qui se sont mobilisés pour assurer la continuité de leurs missions malgré l'épidémie et le confinement.

Cette mesure, approuvée par l'Académie nationale de médecine, vise les personnes dont l'activité est indispensable au fonctionnement du pays et qui n'étaient pas en mesure de respecter les règles de distanciation sociale. Ces personnes ont pris des risques, pour elles-mêmes et pour leurs familles, dans des conditions d'hygiène et de sécurité parfois difficiles, compte tenu des difficultés d'approvisionnement en masques de protection ou de la nature de leurs tâches.

Cette reconnaissance existe déjà pour les cas de cancers dus à l'amiante, d'intoxication au plomb ou de troubles musculo-squelettiques. Lorsque les critères définis sont remplis, l'établissement du lien entre la pathologie et l'activité professionnelle est automatique et les frais médicaux sont pris en charge à 100 %. De plus, en cas d'incapacité temporaire ou permanente, le salarié bénéficie d'une indemnité, dont le financement est assuré par la branche AT-MP de la sécurité sociale. Il repose sur les cotisations des entreprises, lesquelles sont proportionnelles à leur sinistralité.

Une fois le décret pris, après examen par le conseil d'orientation des conditions de travail (COCT), la création d'un fonds d'indemnisation, dont on maîtrise mal les mécanismes, ne sera plus nécessaire, même si nos connaissances sur cette maladie restent imparfaites, notamment en ce qui concerne la grande diversité des symptômes et des séquelles associés. Cela créerait de surcroît un précédent.

Pour être aussi effective que possible, cette mesure devra prendre en compte certains professionnels de santé exerçant hors du milieu hospitalier et ne pas se limiter à la période du confinement, mais couvrir l'ensemble de la période d'urgence sanitaire. Vous le savez, des foyers ont été détectés après le confinement, notamment dans les abattoirs.

Les membres du groupe Les Indépendants sont favorables à la reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle, pour tous les professionnels et bénévoles qui étaient ou sont exposés au virus. Le dernier décret doit normalement couvrir tous les travailleurs en contact avec le public et être adapté aux réalités. Si tel est le cas, la proposition de loi de Mme Jasmin, texte généreux dont j'approuve l'objectif, fera doublon. M. le secrétaire d'État nous assure que ce décret entrera en vigueur rapidement. Il nous semble propre à permettre de traiter de manière équitable toutes les victimes du Covid-19.

En conclusion, les membres du groupe Les Indépendants ne soutiendront pas cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie Mme Jasmin, auteur de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, et Mme Féret, rapporteur.

Ce texte vise à instaurer un fonds d’indemnisation pour les victimes du Covid-19 qui auraient été contaminées par le virus dans le cadre de leurs activités professionnelles ou bénévoles. Ces personnes courageuses ont permis à notre pays de tenir malgré de graves difficultés.

Pour la prise en charge des victimes du Covid-19, deux doctrines coexistent : la reconnaissance de cette pathologie comme maladie professionnelle et la création d’un fonds d’indemnisation ad hoc.

Le 29 mars dernier, le Gouvernement a opté pour une reconnaissance au titre des maladies professionnelles pour tous les soignants malades du Covid-19. Cette reconnaissance donne accès à une couverture totale des frais médicaux, à une indemnité d’incapacité de travail et, en cas de décès, à la perception d’une pension par les ayants droit. Cette règle s’appliquera aux soignants quel que soit leur lieu d’activité, à l’hôpital, en ville ou en Ehpad.

Nous saluons cette annonce, mais nous comprenons les critiques qu’elle a suscitées. En effet, les soignants n’étaient pas les seuls à prendre des risques lors du confinement. Je pense notamment aux pompiers, professionnels et bénévoles, aux membres des forces de l’ordre, aux caissiers, aux agents de propreté, aux livreurs, aux enseignants et aux ambulanciers, pour ne citer que quelques professions.

Monsieur le secrétaire d’État, afin de compléter utilement ce dispositif, vous avez annoncé la semaine dernière que le Gouvernement allait étendre cette couverture à ces travailleurs qui se sont mobilisés pour assurer la continuité de leurs missions malgré l’épidémie et le confinement.

Cette mesure, approuvée par l’Académie nationale de médecine, vise les personnes dont l’activité est indispensable au fonctionnement du pays et qui n’étaient pas en mesure de respecter les règles de distanciation sociale. Ces personnes ont pris des risques, pour elles-mêmes et pour leurs familles, dans des conditions d’hygiène et de sécurité parfois difficiles, compte tenu des difficultés d’approvisionnement en masques de protection ou de la nature de leurs tâches.

Cette reconnaissance existe déjà pour les cas de cancers dus à l’amiante, d’intoxication au plomb ou de troubles musculo-squelettiques. Lorsque les critères définis sont remplis, l’établissement du lien entre la pathologie et l’activité professionnelle est automatique et les frais médicaux sont pris en charge à 100 %. De plus, en cas d’incapacité temporaire ou permanente, le salarié bénéficie d’une indemnité, dont le financement est assuré par la branche AT-MP de la sécurité sociale. Il repose sur les cotisations des entreprises, lesquelles sont proportionnelles à leur sinistralité.

Une fois le décret pris, après examen par le conseil d’orientation des conditions de travail (COCT), la création d’un fonds d’indemnisation, dont on maîtrise mal les mécanismes, ne sera plus nécessaire, même si nos connaissances sur cette maladie restent imparfaites, notamment en ce qui concerne la grande diversité des symptômes et des séquelles associés. Cela créerait de surcroît un précédent.

Pour être aussi effective que possible, cette mesure devra prendre en compte certains professionnels de santé exerçant hors du milieu hospitalier et ne pas se limiter à la période du confinement, mais couvrir l’ensemble de la période d’urgence sanitaire. Vous le savez, des foyers ont été détectés après le confinement, notamment dans les abattoirs.

Les membres du groupe Les Indépendants sont favorables à la reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle, pour tous les professionnels et bénévoles qui étaient ou sont exposés au virus. Le dernier décret doit normalement couvrir tous les travailleurs en contact avec le public et être adapté aux réalités. Si tel est le cas, la proposition de loi de Mme Jasmin, texte généreux dont j’approuve l’objectif, fera doublon. M. le secrétaire d’État nous assure que ce décret entrera en vigueur rapidement. Il nous semble propre à permettre de traiter de manière équitable toutes les victimes du Covid-19.

En conclusion, les membres du groupe Les Indépendants ne soutiendront pas cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons ce matin une proposition de loi socialiste qui vise à réparer une profonde injustice.

Nous souhaitons voir reconnaître et indemniser un préjudice, celui d'avoir été contaminé par le virus de la Covid en ayant permis à notre pays de vivre, lorsque la plupart d'entre nous se confinaient.

Cette proposition de loi s'inscrit dans une continuité : le soutien aux victimes est défendu de longue date par les socialistes et par la gauche en général.

Dernièrement, les travaux que le député de la Martinique Serge Letchimy a dédiés à l'indemnisation des victimes du chlordécone ont fait écho aux propositions d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques soutenues ici depuis 2012 par notre collègue Nicole Bonnefoy.

Dans un autre domaine de risque, avec mon collègue Yannick Vaugrenard et bien d'autres, je soutiens régulièrement les démarches engagées par les associations de victimes de l'amiante pour une juste reconnaissance du préjudice subi.

Je pourrais également citer les travaux en vue d'une juste indemnisation des catastrophes naturelles menés par Nelly Tocqueville ou pour une meilleure reconnaissance des victimes des essais nucléaires en métropole ou en Polynésie française.

Cet historique nous rappelle que ces débats sont âpres et longs. Souvenons-nous de Martin Nadaud : c'est après dix-huit années de luttes parlementaires, menées entre 1880 et 1898, que ce député-ouvrier républicain socialiste obtint l'instauration, par la loi, d'une protection contre les accidents du travail. Il fut ainsi le précurseur de la branche AT-MP.

Ces débats sont longs, car le rapport de force qu'ils cherchent à rééquilibrer est souvent en défaveur des victimes. Si ces dernières sont nombreuses, leur indemnisation coûte cher et suscite des réserves et des précautions pour abonder les fonds. Si elles sont peu nombreuses et isolées, la tentation est forte de les ignorer et de les oublier.

Le 21 avril dernier, le Gouvernement a annoncé l'indemnisation des soignantes et des soignants contaminés dans l'exercice de leurs fonctions. Outre que ce dispositif tarde à démontrer son efficacité – j'y reviendrai –, il écarte une part non négligeable de la population concernée.

Les précédents orateurs l'ont dit : les professionnels de santé n'étaient pas seuls « mobilisés », « sur le front ». La société dans son ensemble s'est montrée solidaire et une myriade de professions a contribué à « l'effort de guerre », pour reprendre les termes du Président de la République.

À mon tour, j'en nomme quelques-unes : les hôtes et hôtesses de caisses de supermarchés et d'épiceries, à qui, par un sourire masqué, nous avons témoigné notre soutien ; les professionnels de la chaîne logistique, qui s'affairaient dans l'ombre ; les camionneurs et transporteurs, que leurs tournées exposaient à de multiples reprises ; les éboueurs, toujours au rendez-vous, même quand le moindre emballage devenait suspect ; les conductrices et les conducteurs de transports en commun, confinés dans leurs cabines ; les membres des forces de l'ordre et de sécurité, les agents pénitentiaires, exposés sur le terrain, qui ont observé un régime de quatorzaines pour éviter de contaminer leurs unités ; l'ensemble des personnels des Ehpad, chargés des soins, de l'accompagnement, de l'entretien, des services de restauration et d'hébergement ou des tâches administratives ; les aides à domicile, dont les associations étaient souvent les dernières à recevoir les masques et les protections distribués par les agences régionales de santé (ARS) ; les travailleuses sociales chargées d'accompagner les femmes victimes de violences conjugales ; les animateurs et les animatrices qui ont accueilli les enfants des personnels mobilisés, dans une ambiance éducative à l'opposé de leurs habitudes de travail, sans proximité ni activité collective, afin de protéger tout ce petit monde, tout en croisant, le soir venu, des pompiers, des infirmières potentiellement contaminés ; enfin, les employés funéraires, confrontés à l'anxiété d'être contaminés au contact des défunts et à la douleur, parfois à l'incompréhension, des familles devant se conformer aux mesures de précaution. Évidemment, cette liste n'est pas exhaustive.

Mes chers collègues, il a fallu toute une nation pour faire face à cette pandémie et contenir sa propagation. Les personnes contaminées ont éprouvé la souffrance de la maladie, la détresse respiratoire, l'intubation, qui peut laisser des séquelles, et bien des symptômes. Après de longues semaines d'épuisement, certaines d'entre elles ont guéri, d'autres sont décédées.

Ces personnes sont des victimes ; leurs proches et leurs ayants droit sont des victimes. Nous le reconnaissons pleinement et nous souhaitons les indemniser, parce qu'il serait injuste d'appauvrir davantage encore ces malades, qui ne sont en rien responsables de la pandémie. Bien qu'étant en deuxième ligne, ils étaient souvent les premiers et les premières de corvée.

Tel est l'objet de cette proposition de loi, préparée par notre collègue Victoire Jasmin et construite avec l'appui du secteur associatif et des organisations syndicales. Saluons l'expertise de l'Andeva, de Coronavictimes et de la Fnath, le soutien de la CFDT, de Force ouvrière et de la Confédération générale des cadres (CGC). Leur regard acéré a permis d'éviter les écueils de la réglementation actuelle, liés au régime de la reconnaissance comme maladie professionnelle, l'établissement de la preuve incombant à la victime.

Depuis le dépôt du présent texte, ces discussions nous ont conduits à adapter le dispositif : nous examinerons donc des amendements socialistes visant à préciser le champ d'application du dispositif, la période couverte et le mode de financement du fonds d'indemnisation.

Nous souhaitons élargir le bénéfice de ce fonds à toutes celles et tous ceux, salariés ou bénévoles, qui ont assuré la continuité des activités essentielles. Ils furent légion à affronter le risque pour exercer leurs compétences, en tant que secouristes par exemple.

Nous ciblons les activités exercées au cours de la période de risque maximal : entre le 16 mars dernier et le 10 juillet prochain, c'est-à-dire entre le début du confinement strict et la fin de l'état d'urgence sanitaire. Au cours de cette période, nombre de nos concitoyens ont pu bénéficier d'autorisations spéciales d'absence, d'un régime d'activité partielle ou de travail à domicile ; pour les autres, l'exposition au risque fera l'objet d'une présomption irréfragable : c'est la seule manière d'inverser la charge de la preuve.

Enfin, nous prévoyons que les connaissances scientifiques viennent compléter, par décret, l'appréciation de cette exposition et de ses conséquences devant faire l'objet d'un dédommagement.

En ce qui concerne le « nerf de la guerre », à savoir le financement, point sur lequel achoppe souvent la mise en place d'un fonds d'indemnisation, nous proposerons par voie d'amendement de solliciter la solidarité nationale, à savoir l'État, d'une part, et la branche AT-MP, d'autre part, celle-ci étant excédentaire, comme l'a rappelé la Fnath.

Ces dispositions ont été préparées par la rapporteure, notre collègue Corinne Féret, dont je salue le travail. En commission des affaires sociales, les membres du groupe Les Républicains ont rejeté ces amendements, ce que nous regrettons. Je salue toutefois leur abstention constructive sur le texte, qui permet son examen en séance publique. Mes chers collègues, il n'est jamais trop tard pour bien faire…

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons ce matin une proposition de loi socialiste qui vise à réparer une profonde injustice.

Nous souhaitons voir reconnaître et indemniser un préjudice, celui d’avoir été contaminé par le virus de la Covid en ayant permis à notre pays de vivre, lorsque la plupart d’entre nous se confinaient.

Cette proposition de loi s’inscrit dans une continuité : le soutien aux victimes est défendu de longue date par les socialistes et par la gauche en général.

Dernièrement, les travaux que le député de la Martinique Serge Letchimy a dédiés à l’indemnisation des victimes du chlordécone ont fait écho aux propositions d’indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques soutenues ici depuis 2012 par notre collègue Nicole Bonnefoy.

Dans un autre domaine de risque, avec mon collègue Yannick Vaugrenard et bien d’autres, je soutiens régulièrement les démarches engagées par les associations de victimes de l’amiante pour une juste reconnaissance du préjudice subi.

Je pourrais également citer les travaux en vue d’une juste indemnisation des catastrophes naturelles menés par Nelly Tocqueville ou pour une meilleure reconnaissance des victimes des essais nucléaires en métropole ou en Polynésie française.

Cet historique nous rappelle que ces débats sont âpres et longs. Souvenons-nous de Martin Nadaud : c’est après dix-huit années de luttes parlementaires, menées entre 1880 et 1898, que ce député-ouvrier républicain socialiste obtint l’instauration, par la loi, d’une protection contre les accidents du travail. Il fut ainsi le précurseur de la branche AT-MP.

Ces débats sont longs, car le rapport de force qu’ils cherchent à rééquilibrer est souvent en défaveur des victimes. Si ces dernières sont nombreuses, leur indemnisation coûte cher et suscite des réserves et des précautions pour abonder les fonds. Si elles sont peu nombreuses et isolées, la tentation est forte de les ignorer et de les oublier.

Le 21 avril dernier, le Gouvernement a annoncé l’indemnisation des soignantes et des soignants contaminés dans l’exercice de leurs fonctions. Outre que ce dispositif tarde à démontrer son efficacité – j’y reviendrai –, il écarte une part non négligeable de la population concernée.

Les précédents orateurs l’ont dit : les professionnels de santé n’étaient pas seuls « mobilisés », « sur le front ». La société dans son ensemble s’est montrée solidaire et une myriade de professions a contribué à « l’effort de guerre », pour reprendre les termes du Président de la République.

À mon tour, j’en nomme quelques-unes : les hôtes et hôtesses de caisses de supermarchés et d’épiceries, à qui, par un sourire masqué, nous avons témoigné notre soutien ; les professionnels de la chaîne logistique, qui s’affairaient dans l’ombre ; les camionneurs et transporteurs, que leurs tournées exposaient à de multiples reprises ; les éboueurs, toujours au rendez-vous, même quand le moindre emballage devenait suspect ; les conductrices et les conducteurs de transports en commun, confinés dans leurs cabines ; les membres des forces de l’ordre et de sécurité, les agents pénitentiaires, exposés sur le terrain, qui ont observé un régime de quatorzaines pour éviter de contaminer leurs unités ; l’ensemble des personnels des Ehpad, chargés des soins, de l’accompagnement, de l’entretien, des services de restauration et d’hébergement ou des tâches administratives ; les aides à domicile, dont les associations étaient souvent les dernières à recevoir les masques et les protections distribués par les agences régionales de santé (ARS) ; les travailleuses sociales chargées d’accompagner les femmes victimes de violences conjugales ; les animateurs et les animatrices qui ont accueilli les enfants des personnels mobilisés, dans une ambiance éducative à l’opposé de leurs habitudes de travail, sans proximité ni activité collective, afin de protéger tout ce petit monde, tout en croisant, le soir venu, des pompiers, des infirmières potentiellement contaminés ; enfin, les employés funéraires, confrontés à l’anxiété d’être contaminés au contact des défunts et à la douleur, parfois à l’incompréhension, des familles devant se conformer aux mesures de précaution. Évidemment, cette liste n’est pas exhaustive.

Mes chers collègues, il a fallu toute une nation pour faire face à cette pandémie et contenir sa propagation. Les personnes contaminées ont éprouvé la souffrance de la maladie, la détresse respiratoire, l’intubation, qui peut laisser des séquelles, et bien des symptômes. Après de longues semaines d’épuisement, certaines d’entre elles ont guéri, d’autres sont décédées.

Ces personnes sont des victimes ; leurs proches et leurs ayants droit sont des victimes. Nous le reconnaissons pleinement et nous souhaitons les indemniser, parce qu’il serait injuste d’appauvrir davantage encore ces malades, qui ne sont en rien responsables de la pandémie. Bien qu’étant en deuxième ligne, ils étaient souvent les premiers et les premières de corvée.

Tel est l’objet de cette proposition de loi, préparée par notre collègue Victoire Jasmin et construite avec l’appui du secteur associatif et des organisations syndicales. Saluons l’expertise de l’Andeva, de Coronavictimes et de la Fnath, le soutien de la CFDT, de Force ouvrière et de la Confédération générale des cadres (CGC). Leur regard acéré a permis d’éviter les écueils de la réglementation actuelle, liés au régime de la reconnaissance comme maladie professionnelle, l’établissement de la preuve incombant à la victime.

Depuis le dépôt du présent texte, ces discussions nous ont conduits à adapter le dispositif : nous examinerons donc des amendements socialistes visant à préciser le champ d’application du dispositif, la période couverte et le mode de financement du fonds d’indemnisation.

Nous souhaitons élargir le bénéfice de ce fonds à toutes celles et tous ceux, salariés ou bénévoles, qui ont assuré la continuité des activités essentielles. Ils furent légion à affronter le risque pour exercer leurs compétences, en tant que secouristes par exemple.

Nous ciblons les activités exercées au cours de la période de risque maximal : entre le 16 mars dernier et le 10 juillet prochain, c’est-à-dire entre le début du confinement strict et la fin de l’état d’urgence sanitaire. Au cours de cette période, nombre de nos concitoyens ont pu bénéficier d’autorisations spéciales d’absence, d’un régime d’activité partielle ou de travail à domicile ; pour les autres, l’exposition au risque fera l’objet d’une présomption irréfragable : c’est la seule manière d’inverser la charge de la preuve.

Enfin, nous prévoyons que les connaissances scientifiques viennent compléter, par décret, l’appréciation de cette exposition et de ses conséquences devant faire l’objet d’un dédommagement.

En ce qui concerne le « nerf de la guerre », à savoir le financement, point sur lequel achoppe souvent la mise en place d’un fonds d’indemnisation, nous proposerons par voie d’amendement de solliciter la solidarité nationale, à savoir l’État, d’une part, et la branche AT-MP, d’autre part, celle-ci étant excédentaire, comme l’a rappelé la Fnath.

Ces dispositions ont été préparées par la rapporteure, notre collègue Corinne Féret, dont je salue le travail. En commission des affaires sociales, les membres du groupe Les Républicains ont rejeté ces amendements, ce que nous regrettons. Je salue toutefois leur abstention constructive sur le texte, qui permet son examen en séance publique. Mes chers collègues, il n’est jamais trop tard pour bien faire…

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

J'évoquais à l'instant l'annonce gouvernementale d'accorder la reconnaissance du caractère de maladie professionnelle pour les soignantes et les soignants contaminés par le coronavirus. Monsieur le secrétaire d'État, cette réponse qui divise au lieu de rassembler semble loin d'être immédiatement efficace, y compris pour les professionnels de santé : faute de décret, les médecins libéraux qui ne cotisent pas à l'assurance facultative AVAT voient leur demande d'indemnisation rejetée. Le Gouvernement mesure-t-il l'injustice de sa réponse, très partielle ?

C'est avant tout pour mieux protéger les plus faibles que les socialistes ont déposé cette proposition de loi, qui constitue une réponse unique, claire et ambitieuse, témoignant d'une prise en considération de l'ensemble de la société, et pas simplement de la première ligne de front contre le Covid-l9.

L'examen de ce texte se poursuivra, je l'espère, à l'Assemblée nationale. Il pourra enrichir les travaux de nos collègues députés socialistes Régis Juanico et Christian Hutin, qui ont déposé une proposition de loi analogue.

Je l'ai dit, c'est un long combat que nous entamons. Il faut consolider le dispositif pas à pas, comme cela a souvent été le cas pour les démarches d'indemnisation que j'ai citées au début de mon propos. Nous avons conscience que ce dispositif n'a pas vocation à répondre à tous les besoins, mais il vise large et n'instaure pas de tri : c'est là notre fierté.

Sourires.

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

J’évoquais à l’instant l’annonce gouvernementale d’accorder la reconnaissance du caractère de maladie professionnelle pour les soignantes et les soignants contaminés par le coronavirus. Monsieur le secrétaire d’État, cette réponse qui divise au lieu de rassembler semble loin d’être immédiatement efficace, y compris pour les professionnels de santé : faute de décret, les médecins libéraux qui ne cotisent pas à l’assurance facultative AVAT voient leur demande d’indemnisation rejetée. Le Gouvernement mesure-t-il l’injustice de sa réponse, très partielle ?

C’est avant tout pour mieux protéger les plus faibles que les socialistes ont déposé cette proposition de loi, qui constitue une réponse unique, claire et ambitieuse, témoignant d’une prise en considération de l’ensemble de la société, et pas simplement de la première ligne de front contre le Covid-l9.

L’examen de ce texte se poursuivra, je l’espère, à l’Assemblée nationale. Il pourra enrichir les travaux de nos collègues députés socialistes Régis Juanico et Christian Hutin, qui ont déposé une proposition de loi analogue.

Je l’ai dit, c’est un long combat que nous entamons. Il faut consolider le dispositif pas à pas, comme cela a souvent été le cas pour les démarches d’indemnisation que j’ai citées au début de mon propos. Nous avons conscience que ce dispositif n’a pas vocation à répondre à tous les besoins, mais il vise large et n’instaure pas de tri : c’est là notre fierté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Photo de Catherine Troendle

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L'amendement n° 1, présenté par M. Daudigny, Mmes Meunier, Féret et Jasmin, M. Kanner, Mme Grelet-Certenais, M. Jomier, Mmes Lubin et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Les personnes souffrant d'une maladie consécutive à la contamination par le virus responsable de la covid-19 et qui, préalablement à cette contamination, ont exercé une activité professionnelle ou bénévole les ayant exposées à un risque de contamination par ce virus pendant la période du 16 mars 2020 à la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré en application de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19. La liste des activités professionnelles ou bénévoles susceptibles d'avoir exposé, pendant cette période, des personnes à un risque de contamination par le virus responsable de la covid-19 et les critères permettant de présumer avec une assurance raisonnable que cette contamination a été acquise à l'occasion d'une activité professionnelle ou bénévole, notamment la durée d'exposition au risque de contamination et, le cas échéant, la liste des travaux exposant à ce risque, sont définis par décret en Conseil d'État, pris au plus tard le 31 décembre 2020. Cette liste et ces critères sont révisés en fonction de l'évolution de l'état des connaissances scientifiques. Les activités professionnelles ou bénévoles inscrites sur cette liste ne sauraient être limitées aux seules activités exercées en milieu de soins et leur définition tient compte du maintien en activité, pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire déclaré en application de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 précitée, d'opérateurs publics ou privés ayant trait à la production et la distribution de biens ou de services indispensables à la continuité de la vie de la nation ;

La parole est à M. Yves Daudigny.

Sans préjudice, le cas échéant, de la réparation obtenue au titre d’une maladie professionnelle, peuvent obtenir la réparation intégrale de leurs préjudices :

1° Les personnes souffrant d’une maladie ou d’une pathologie consécutive à la contamination par la covid-19 et qui, préalablement à cette contamination, ont, dans l’exercice de leur profession ou d’une activité bénévole sur le territoire de la République française, été en contact régulier avec des personnes elles-mêmes contaminées ou avec des objets susceptibles de l’être ;

2° Les ayants droit des personnes mentionnées au 1°.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Cet amendement tend à préciser les critères de présomption irréfragable de contamination en milieu professionnel ou bénévole et à limiter dans le temps le risque de contamination par le virus responsable de la covid-19 rendant éligible au fonds une personne contaminée en milieu professionnel ou bénévole.

Les critères d'éligibilité prévus dans la rédaction initiale de l'article 1er ne sont pas opérationnels en pratique, compte tenu de l'impossibilité d'établir la réalité de contacts réguliers avec des personnes ou objets contaminés. Leur application serait source de différences de traitement, et donc de contentieux.

Il convient de poser les conditions d'une présomption irréfragable de contamination par le virus en milieu professionnel ou bénévole en définissant par décret une liste d'activités professionnelles ou bénévoles ayant exposé à un risque de contamination, étant précisé que cette liste ne saurait se limiter aux seules activités soignantes et qu'elle devra tenir compte du maintien en activité de secteurs publics ou privés d'importance vitale pour la Nation, ainsi que des critères objectivables permettant de présumer raisonnablement d'une contamination en milieu professionnel ou bénévole. Ces critères peuvent inclure la durée d'exposition au risque en milieu professionnel ou bénévole et, éventuellement, la liste des travaux exposant au risque.

Ces éléments permettront d'organiser une procédure d'accès facilité à une indemnisation par le fonds, les victimes n'ayant plus à apporter la preuve de contacts réguliers avec des personnes ou objets contaminés, ce qui est matériellement impossible. Il est prévu que le décret devant définir cette liste et ces critères devra être pris au plus tard le 31 décembre 2020.

Par ailleurs, cet amendement tend à prendre acte du fait que, pendant la phase aiguë de l'épidémie, les personnes ayant assuré la continuité de certains services ont été plus exposées à un risque de contamination que celles qui ont pu rester confinées à leur domicile. À cet égard, la date de départ de la période concernée qui paraît la plus pertinente est le 16 mars, qui marque le début du confinement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 1, présenté par M. Daudigny, Mmes Meunier, Féret et Jasmin, M. Kanner, Mme Grelet-Certenais, M. Jomier, Mmes Lubin et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Les personnes souffrant d’une maladie consécutive à la contamination par le virus responsable de la covid-19 et qui, préalablement à cette contamination, ont exercé une activité professionnelle ou bénévole les ayant exposées à un risque de contamination par ce virus pendant la période du 16 mars 2020 à la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré en application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19. La liste des activités professionnelles ou bénévoles susceptibles d’avoir exposé, pendant cette période, des personnes à un risque de contamination par le virus responsable de la covid-19 et les critères permettant de présumer avec une assurance raisonnable que cette contamination a été acquise à l’occasion d’une activité professionnelle ou bénévole, notamment la durée d’exposition au risque de contamination et, le cas échéant, la liste des travaux exposant à ce risque, sont définis par décret en Conseil d’État, pris au plus tard le 31 décembre 2020. Cette liste et ces critères sont révisés en fonction de l’évolution de l’état des connaissances scientifiques. Les activités professionnelles ou bénévoles inscrites sur cette liste ne sauraient être limitées aux seules activités exercées en milieu de soins et leur définition tient compte du maintien en activité, pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire déclaré en application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 précitée, d’opérateurs publics ou privés ayant trait à la production et la distribution de biens ou de services indispensables à la continuité de la vie de la nation ;

La parole est à M. Yves Daudigny.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Cet amendement tend à préciser les critères de présomption irréfragable de contamination en milieu professionnel ou bénévole et à limiter dans le temps le risque de contamination par le virus responsable de la covid-19 rendant éligible au fonds une personne contaminée en milieu professionnel ou bénévole.

Les critères d’éligibilité prévus dans la rédaction initiale de l’article 1er ne sont pas opérationnels en pratique, compte tenu de l’impossibilité d’établir la réalité de contacts réguliers avec des personnes ou objets contaminés. Leur application serait source de différences de traitement, et donc de contentieux.

Il convient de poser les conditions d’une présomption irréfragable de contamination par le virus en milieu professionnel ou bénévole en définissant par décret une liste d’activités professionnelles ou bénévoles ayant exposé à un risque de contamination, étant précisé que cette liste ne saurait se limiter aux seules activités soignantes et qu’elle devra tenir compte du maintien en activité de secteurs publics ou privés d’importance vitale pour la Nation, ainsi que des critères objectivables permettant de présumer raisonnablement d’une contamination en milieu professionnel ou bénévole. Ces critères peuvent inclure la durée d’exposition au risque en milieu professionnel ou bénévole et, éventuellement, la liste des travaux exposant au risque.

Ces éléments permettront d’organiser une procédure d’accès facilité à une indemnisation par le fonds, les victimes n’ayant plus à apporter la preuve de contacts réguliers avec des personnes ou objets contaminés, ce qui est matériellement impossible. Il est prévu que le décret devant définir cette liste et ces critères devra être pris au plus tard le 31 décembre 2020.

Par ailleurs, cet amendement tend à prendre acte du fait que, pendant la phase aiguë de l’épidémie, les personnes ayant assuré la continuité de certains services ont été plus exposées à un risque de contamination que celles qui ont pu rester confinées à leur domicile. À cet égard, la date de départ de la période concernée qui paraît la plus pertinente est le 16 mars, qui marque le début du confinement.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

La date de fin coïnciderait, quant à elle, avec celle de la cessation de l'état d'urgence sanitaire, fixée aujourd'hui au 10 juillet 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

La date de fin coïnciderait, quant à elle, avec celle de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, fixée aujourd’hui au 10 juillet 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Cet amendement, qui reprend une proposition que j'avais soumise à la commission, tend à circonscrire le champ des bénéficiaires et de garantir le caractère opérationnel du fonds. Toutefois, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Cet amendement, qui reprend une proposition que j’avais soumise à la commission, tend à circonscrire le champ des bénéficiaires et de garantir le caractère opérationnel du fonds. Toutefois, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Laurent Pietraszewski

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, même s'il en comprend le sens.

Au-delà, je voudrais répondre rapidement aux questions qui m'ont été posées lors de la discussion générale.

Madame Gréaume, le Gouvernement va bien inscrire la Covid-19 au tableau des maladies professionnelles. Sur ce point au moins, vous serez satisfaite par le décret.

Monsieur Chasseing, la période de reconnaissance automatique du caractère de maladie professionnelle pour les soignants ne sera bien évidemment pas limitée.

Madame Guillotin, je vous confirme que tous les professionnels libéraux, même ceux qui ne souscrivent pas à l'assurance AT-MP, bénéficieront d'une indemnisation par l'État.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - Permalien
Laurent Pietraszewski

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, même s’il en comprend le sens.

Au-delà, je voudrais répondre rapidement aux questions qui m’ont été posées lors de la discussion générale.

Madame Gréaume, le Gouvernement va bien inscrire la Covid-19 au tableau des maladies professionnelles. Sur ce point au moins, vous serez satisfaite par le décret.

Monsieur Chasseing, la période de reconnaissance automatique du caractère de maladie professionnelle pour les soignants ne sera bien évidemment pas limitée.

Madame Guillotin, je vous confirme que tous les professionnels libéraux, même ceux qui ne souscrivent pas à l’assurance AT-MP, bénéficieront d’une indemnisation par l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Je voterai cet amendement, tout en exprimant une réserve : ses auteurs entendent confier au Gouvernement le soin de fixer par décret la liste des activités ouvrant accès au dispositif. Or peut-on faire confiance à ce gouvernement, qui confond maladies professionnelles et fonds d'indemnisation pour exposition à un risque ?

Monsieur le secrétaire d'État, le 16 mars dernier, tous les Français ont été protégés par la décision du Gouvernement de les confiner, sauf certains d'entre eux qui étaient obligés d'aller travailler. Je pense aux soignants, aux personnes travaillant dans le secteur de la distribution alimentaire ou aux livreurs, ainsi qu'aux élus locaux qui ont continué à exercer leur fonction dans les centres communaux d'action sociale (CCAS), par exemple, et qui ont pu être contaminés par le virus de la Covid-19. Il y a eu des cas en Alsace.

Dans un tel contexte, on ne peut réduire la question de l'indemnisation à celle des maladies professionnelles : il y a aussi tous les autres cas. Quand des citoyennes et des citoyens sont obligés d'assurer la continuité de services essentiels à la Nation tandis que les autres sont protégés par la décision de confinement général, ils doivent pouvoir bénéficier d'un fonds d'indemnisation.

En ne parlant que de maladies professionnelles, ce gouvernement, chantre de l'« ubérisation », pense-t-il à ces jeunes qui ont livré des commandes, prétendument en exerçant une activité libérale ? Nous considérons pour notre part que ce sont des salariés, mais vous avez refusé les textes visant à leur reconnaître ce statut que nous avons proposés. Si ces jeunes sont atteints par la Covid-19 parce qu'ils ont travaillé et livré des marchandises ou servi des gens, ils ne seront pas couverts. C'est à tous ceux-là qu'il faut penser !

Nous avons la conviction que pour faire face à la Covid la solidarité est nécessaire, à l'égard non seulement des entreprises, mais aussi de toutes les victimes, dont nous espérons qu'elles seront très peu nombreuses à conserver des séquelles de l'infection. Il faut anticiper ces questions, raison pour laquelle je remercie Victoire Jasmin et mes collègues d'avoir déposé ce texte.

Je voterai cet amendement, car la présomption irréfragable est indispensable !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Je voterai cet amendement, tout en exprimant une réserve : ses auteurs entendent confier au Gouvernement le soin de fixer par décret la liste des activités ouvrant accès au dispositif. Or peut-on faire confiance à ce gouvernement, qui confond maladies professionnelles et fonds d’indemnisation pour exposition à un risque ?

Monsieur le secrétaire d’État, le 16 mars dernier, tous les Français ont été protégés par la décision du Gouvernement de les confiner, sauf certains d’entre eux qui étaient obligés d’aller travailler. Je pense aux soignants, aux personnes travaillant dans le secteur de la distribution alimentaire ou aux livreurs, ainsi qu’aux élus locaux qui ont continué à exercer leur fonction dans les centres communaux d’action sociale (CCAS), par exemple, et qui ont pu être contaminés par le virus de la Covid-19. Il y a eu des cas en Alsace.

Dans un tel contexte, on ne peut réduire la question de l’indemnisation à celle des maladies professionnelles : il y a aussi tous les autres cas. Quand des citoyennes et des citoyens sont obligés d’assurer la continuité de services essentiels à la Nation tandis que les autres sont protégés par la décision de confinement général, ils doivent pouvoir bénéficier d’un fonds d’indemnisation.

En ne parlant que de maladies professionnelles, ce gouvernement, chantre de l’« ubérisation », pense-t-il à ces jeunes qui ont livré des commandes, prétendument en exerçant une activité libérale ? Nous considérons pour notre part que ce sont des salariés, mais vous avez refusé les textes visant à leur reconnaître ce statut que nous avons proposés. Si ces jeunes sont atteints par la Covid-19 parce qu’ils ont travaillé et livré des marchandises ou servi des gens, ils ne seront pas couverts. C’est à tous ceux-là qu’il faut penser !

Nous avons la conviction que pour faire face à la Covid la solidarité est nécessaire, à l’égard non seulement des entreprises, mais aussi de toutes les victimes, dont nous espérons qu’elles seront très peu nombreuses à conserver des séquelles de l’infection. Il faut anticiper ces questions, raison pour laquelle je remercie Victoire Jasmin et mes collègues d’avoir déposé ce texte.

Je voterai cet amendement, car la présomption irréfragable est indispensable !

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.

L'amendement n'est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L'article 1 er n'est pas adopté.

Article 2

Il est créé un fonds d’indemnisation des victimes de la covid-19, géré par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Ce fonds a pour mission de réparer les préjudices définis à l’article 1er. Il comprend un conseil de gestion dont la composition est fixée par décret. Il est représenté à l’égard des tiers par le directeur de la caisse centrale d’assurance maladie.

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

Le demandeur justifie de sa contamination par la covid-19 dans les conditions prévues à l’article 1er et de la maladie ou de la pathologie qui en est résulté.

Il informe le fonds des autres procédures relatives à l’indemnisation des préjudices définis à l’article 1er éventuellement en cours. Si une action en justice est intentée, il en informe le juge de la saisine du fonds.

Le fonds examine si les conditions d’indemnisation sont réunies. Il procède ou fait procéder à toute investigation et expertise utile sans que puisse lui être opposé le secret professionnel.

Au sein du fonds, une commission médicale indépendante se prononce sur l’existence d’un lien entre la contamination par la covid-19 et la survenue de la pathologie. Sa composition est fixée par un arrêté du ministre chargé de la santé.

Le fonds peut requérir de tout service de l’État, collectivité publique, organisme assurant la gestion des prestations sociales, organisme assureur susceptible de réparer tout ou partie du préjudice, la communication des renseignements relatifs à l’exécution de leurs obligations éventuelles.

Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d’autres fins que l’instruction de la demande faite au fonds d’indemnisation et leur divulgation est interdite. Les personnes qui ont à connaître des documents et informations fournis au fonds sont tenues au secret professionnel.

Le demandeur peut obtenir la communication de son dossier, sous réserve du respect du secret médical.

L'article 3 n'est pas adopté.

Article 4

Dans les six mois à compter de la réception d’une demande d’indemnisation, le fonds présente au demandeur une offre d’indemnisation. Il indique l’évaluation retenue pour chaque chef de préjudice, ainsi que le montant des indemnités qui lui reviennent compte tenu des prestations énumérées à l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, et des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d’autres débiteurs du chef du même préjudice. À défaut de consolidation de l’état de la victime, l’offre présentée par le fonds a un caractère provisionnel.

Le fonds présente une offre dans les mêmes conditions en cas d’aggravation de l’état de santé de la victime.

L’offre définitive est faite dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle le fonds a été informé de cette consolidation.

Le paiement doit intervenir dans un délai d’un mois à compter de la réception par le fonds de l’acceptation de son offre par la victime, que cette offre ait un caractère provisionnel ou définitif.

L’acceptation de l’offre ou la décision juridictionnelle définitive rendue dans l’action en justice prévue à l’article 5 de la présente loi vaut désistement des actions juridictionnelles en indemnisation en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle future en réparation du même préjudice. Il en va de même des décisions juridictionnelles devenues définitives allouant une indemnisation intégrale pour les conséquences de la contamination par la covid-19.

L'article 4 n'est pas adopté.

Article 5

Le demandeur ne dispose du droit d’action en justice contre le fonds d’indemnisation que si sa demande d’indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans l’un des délais mentionnés à l’article 4 ou s’il n’a pas accepté l’offre qui lui a été faite.

Cette action est intentée devant la cour d’appel dans le ressort de laquelle se trouve le domicile du demandeur.

L'article 5 n'est pas adopté.

Article 6

Le fonds est subrogé, à due concurrence des sommes versées, dans les droits que possède le demandeur contre les personnes ou organismes tenus à un titre quelconque d’assurer la réparation totale ou partielle du dommage subi par celui-ci dans la limite du montant des prestations à la charge desdites personnes.

Le fonds intervient devant les juridictions civiles, y compris celles du contentieux de la sécurité sociale, notamment dans les actions en faute inexcusable, et devant les juridictions de jugement en matière répressive, même pour la première fois en cause d’appel, en cas de constitution de partie civile du demandeur contre le ou les responsables des préjudices ; il intervient à titre principal et peut user de toutes les voies de recours ouvertes par la loi.

Si le fait générateur du dommage a donné lieu à des poursuites pénales, le juge civil n’est pas tenu de surseoir à statuer jusqu’à décision définitive de la juridiction répressive.

L'article 6 n'est pas adopté.

Article 7

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L'amendement n° 2, présenté par M. Daudigny, Mmes Meunier, Féret et Jasmin, M. Kanner, Mme Grelet-Certenais, M. Jomier, Mmes Lubin et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Une contribution de l'État prenant la forme d'une affectation de recettes dans des conditions et montants fixés chaque année par la loi de finances ;

La parole est à M. Yves Daudigny.

Le fonds est financé par :

1° L’affectation du produit d’une taxe additionnelle à la taxe prévue à l’article 299 du code général des impôts ; le taux de cette taxe est fixé à 1, 5 % de l’assiette définie en application du I de l’article 299 quater du même code ;

2° L’affectation d’une fraction des cotisations des employeurs à la branche « accidents du travail et maladies professionnelles » de la Sécurité sociale ;

3° Les sommes perçues en application de l’article 6 de la présente loi ;

4° Les produits divers, dons et legs.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Les difficultés rencontrées dans la mise à disposition de masques non seulement pour les soignants, mais également pour des agents de l'État tels que les membres des forces de sécurité, les enseignants ou encore les agents des transports publics plaident pour une participation de l'État au financement du fonds d'indemnisation des victimes de la covid-19.

À l'instar des dispositions que la commission avait adoptées en première et en nouvelle lectures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 concernant le financement du fonds d'indemnisation des victimes des pesticides, il pourrait être envisagé de prévoir, dans le respect des règles de recevabilité financière posées par l'article 40 de la Constitution, une participation de l'État au financement du fonds d'indemnisation des victimes de la covid-19, en précisant que la contribution de l'État prendra la forme d'une affectation de recettes dans des conditions et montants fixés chaque année par la loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 2, présenté par M. Daudigny, Mmes Meunier, Féret et Jasmin, M. Kanner, Mme Grelet-Certenais, M. Jomier, Mmes Lubin et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Une contribution de l’État prenant la forme d’une affectation de recettes dans des conditions et montants fixés chaque année par la loi de finances ;

La parole est à M. Yves Daudigny.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Les difficultés rencontrées dans la mise à disposition de masques non seulement pour les soignants, mais également pour des agents de l’État tels que les membres des forces de sécurité, les enseignants ou encore les agents des transports publics plaident pour une participation de l’État au financement du fonds d’indemnisation des victimes de la covid-19.

À l’instar des dispositions que la commission avait adoptées en première et en nouvelle lectures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 concernant le financement du fonds d’indemnisation des victimes des pesticides, il pourrait être envisagé de prévoir, dans le respect des règles de recevabilité financière posées par l’article 40 de la Constitution, une participation de l’État au financement du fonds d’indemnisation des victimes de la covid-19, en précisant que la contribution de l’État prendra la forme d’une affectation de recettes dans des conditions et montants fixés chaque année par la loi de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Cet amendement, que j'avais également déposé en commission, concerne la participation de l'État au financement du fonds. La commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

Cet amendement, que j’avais également déposé en commission, concerne la participation de l’État au financement du fonds. La commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Laurent Pietraszewski

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

En ce qui concerne le financement, l'État participera bien, comme employeur, à l'indemnisation. Comme je l'ai déjà souligné, il y prendra aussi toute sa part s'agissant des professionnels libéraux qui ne cotisent pas au titre de la branche AT-MP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - Permalien
Laurent Pietraszewski

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

En ce qui concerne le financement, l’État participera bien, comme employeur, à l’indemnisation. Comme je l’ai déjà souligné, il y prendra aussi toute sa part s’agissant des professionnels libéraux qui ne cotisent pas au titre de la branche AT-MP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

M. Jacques Bigot. Je voudrais remercier Yves Daudigny d'avoir présenté cet amendement : « les plus désespérés sont les chants les plus beaux ». Devant ce refus de solidarité de la part du Gouvernement et de la majorité sénatoriale, qui ne proposent même pas autre chose, nous pouvons dire que nous sommes ceux qui défendent cette valeur dans notre République !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

M. Jacques Bigot. Je voudrais remercier Yves Daudigny d’avoir présenté cet amendement : « les plus désespérés sont les chants les plus beaux ». Devant ce refus de solidarité de la part du Gouvernement et de la majorité sénatoriale, qui ne proposent même pas autre chose, nous pouvons dire que nous sommes ceux qui défendent cette valeur dans notre République !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Comment peut-on parler de liberté, d'égalité et de fraternité et rejeter l'idée de créer ce fonds d'indemnisation, en ramenant simplement la question posée à celle des maladies professionnelles, pour la reconnaissance desquelles, comme l'a rappelé Michelle Meunier, la gauche s'est battue ? Mes chers collègues, soyons fiers de ce chant désespéré !

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Comment peut-on parler de liberté, d’égalité et de fraternité et rejeter l’idée de créer ce fonds d’indemnisation, en ramenant simplement la question posée à celle des maladies professionnelles, pour la reconnaissance desquelles, comme l’a rappelé Michelle Meunier, la gauche s’est battue ? Mes chers collègues, soyons fiers de ce chant désespéré !

Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Mme Michelle Gréaume applaudit également.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L'amendement n° 3, présenté par M. Daudigny, Mmes Meunier, Féret et Jasmin, M. Kanner, Mme Grelet-Certenais, M. Jomier, Mmes Lubin et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Une contribution, dont le montant est défini selon des modalités fixées par décret, de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale ;

La parole est à M. Yves Daudigny.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

L'affectation d'une recette exclusive des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ne peut résulter que d'une disposition d'une loi de financement de la sécurité sociale. Le troisième alinéa de l'article 7 de la proposition de loi, en ce qu'il prévoit l'affectation d'une partie du produit des cotisations AT-MP, est donc irrecevable au titre de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

Cet amendement vise à récrire cette disposition en prévoyant que le financement du fonds sera en partie assis sur une contribution de la branche AT-MP. Idéalement, il conviendrait que cette contribution soit prélevée sur les excédents cumulés depuis 2013 par la branche, afin d'éviter une augmentation de la part mutualisée des cotisations AT-MP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

L’amendement n° 3, présenté par M. Daudigny, Mmes Meunier, Féret et Jasmin, M. Kanner, Mme Grelet-Certenais, M. Jomier, Mmes Lubin et Rossignol, M. Tourenne, Mme Van Heghe et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Une contribution, dont le montant est défini selon des modalités fixées par décret, de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale ;

La parole est à M. Yves Daudigny.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

L’affectation d’une recette exclusive des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ne peut résulter que d’une disposition d’une loi de financement de la sécurité sociale. Le troisième alinéa de l’article 7 de la proposition de loi, en ce qu’il prévoit l’affectation d’une partie du produit des cotisations AT-MP, est donc irrecevable au titre de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.

Cet amendement vise à récrire cette disposition en prévoyant que le financement du fonds sera en partie assis sur une contribution de la branche AT-MP. Idéalement, il conviendrait que cette contribution soit prélevée sur les excédents cumulés depuis 2013 par la branche, afin d’éviter une augmentation de la part mutualisée des cotisations AT-MP.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

La commission est défavorable à cet amendement qui tend à prévoir la contribution de la branche AT-MP au financement du fonds.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Feret

La commission est défavorable à cet amendement qui tend à prévoir la contribution de la branche AT-MP au financement du fonds.

Debut de section - Permalien
Laurent Pietraszewski

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

J'entends votre propos sur la solidarité, monsieur Bigot, mais je rappelle que la branche AT-MP est un bien commun. C'est une richesse de notre société. Je crois que nous pouvons tous lui faire confiance pour reconnaître l'ensemble des Françaises et des Français qui auront contracté la Covid-19 dans un cadre professionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - Permalien
Laurent Pietraszewski

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

J’entends votre propos sur la solidarité, monsieur Bigot, mais je rappelle que la branche AT-MP est un bien commun. C’est une richesse de notre société. Je crois que nous pouvons tous lui faire confiance pour reconnaître l’ensemble des Françaises et des Français qui auront contracté la Covid-19 dans un cadre professionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je n'avais pas prévu d'intervenir, préférant laisser s'exprimer les auteurs de la proposition de loi et ceux de mes collègues ayant travaillé en commission des affaires sociales sur ce texte, qui a sa crédibilité et sa légitimité.

On évoque les excédents de la branche AT-MP, mais la situation actuelle des finances publiques est très difficile du fait de la crise sanitaire.

Je pense que tout le monde a fait preuve de solidarité, à tous les niveaux. Il convient de témoigner le plus grand respect aux soignants, mais aussi à l'ensemble des professionnels ayant continué à travailler durant le confinement. Dans nos départements respectifs, nous avons pu mesurer l'engagement des bénévoles, des salariés, des élus, des entreprises…

Ce n'est pas parce que la commission et le Gouvernement émettent des avis défavorables qu'ils ne sont pas sensibles à la solidarité. Il faut aussi tenir compte de l'état des finances publiques. Nul ne néglige l'aspect humain. Nous avons tous reçu beaucoup de leçons, à tous les niveaux, au cours de cette crise. Je suivrai l'avis de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Marques d'approbation sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je n’avais pas prévu d’intervenir, préférant laisser s’exprimer les auteurs de la proposition de loi et ceux de mes collègues ayant travaillé en commission des affaires sociales sur ce texte, qui a sa crédibilité et sa légitimité.

On évoque les excédents de la branche AT-MP, mais la situation actuelle des finances publiques est très difficile du fait de la crise sanitaire.

Je pense que tout le monde a fait preuve de solidarité, à tous les niveaux. Il convient de témoigner le plus grand respect aux soignants, mais aussi à l’ensemble des professionnels ayant continué à travailler durant le confinement. Dans nos départements respectifs, nous avons pu mesurer l’engagement des bénévoles, des salariés, des élus, des entreprises…

Ce n’est pas parce que la commission et le Gouvernement émettent des avis défavorables qu’ils ne sont pas sensibles à la solidarité. Il faut aussi tenir compte de l’état des finances publiques. Nul ne néglige l’aspect humain. Nous avons tous reçu beaucoup de leçons, à tous les niveaux, au cours de cette crise. Je suivrai l’avis de la commission.

Marques d ’ approbation sur des travées du groupe Les Républicains.

L'amendement n'est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L'article 7n'est pas adopté.

Article 8

Les demandes d’indemnisation doivent être adressées au fonds dans un délai de quatre ans suivant la date du premier certificat médical constatant la maladie ou la pathologie ou son aggravation.

L'article 8 n'est pas adopté.

Article 9

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mes chers collègues, je vous rappelle que si cet article n'est pas adopté, l'article 10 constituant le gage de la proposition de loi, il n'y aura plus lieu de voter sur l'ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les articles qui la composent auront été supprimés. Il n'y aura donc pas d'explication de vote sur l'ensemble.

La parole est à M. Bernard Jomier, sur l'article.

Les modalités d’application de la présente loi sont fixées par décret en Conseil d’État.

L’activité du fonds fait l’objet d’un rapport annuel remis au Gouvernement et au Parlement avant le 30 avril de chaque année.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Merci de ce rappel utile de procédure, madame la présidente.

Je trouve cette discussion un peu triste. Beaucoup de choses ont été dites qui ne sont pas tout à fait exactes. À situation exceptionnelle, il n'y aurait pas forcément lieu d'apporter une réponse exceptionnelle ? Au fond, ai-je entendu dire, il ne s'agit que de la transmission d'un virus respiratoire… Mais les conséquences sociales et économiques de cette crise sont totalement exceptionnelles !

Nos dispositifs actuels, comme l'ont très bien dit mes collègues du groupe socialiste et républicain, ne permettent pas de répondre à la situation de certains de nos compatriotes qui, présents à leur poste de travail en première ligne, ont été atteints par la maladie, avec des conséquences qui dépassent largement le champ sanitaire.

J'accueille avec beaucoup d'intérêt la déclaration du secrétaire d'État concernant la branche AT-MP. Je lui rappellerai simplement que, depuis trois ans, toutes nos propositions sénatoriales visant à améliorer le régime AT-MP –qui mérite à l'évidence de l'être – ont été rejetées par le Gouvernement. Pourtant, le tableau des maladies professionnelles, qui date, doit être revu en urgence et refondé dans ses principes. Aucune modification n'ayant pu intervenir, il aura fallu le covid-19 pour que l'on réalise que notre dispositif social ne répond pas à la situation de certaines personnes...

Cette proposition de loi est certes imparfaite, ce n'est pas faire insulte à son auteur que de le dire, mais elle a le grand mérite de mettre le débat sur la table. À quoi sert la navette parlementaire, sinon à prolonger la discussion et à gommer les imperfections des textes ? Vous ne répondez qu'aux soignants. Aux autres catégories, vous dites « circulez, il n'y a rien à voir, on tourne la page du Covid ». Ce n'est pas ainsi que l'on peut lutter contre la fragmentation de notre société, comme l'a très bien souligné Michelle Meunier. Nous devons répondre à l'ensemble de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mes chers collègues, je vous rappelle que si cet article n’est pas adopté, l’article 10 constituant le gage de la proposition de loi, il n’y aura plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les articles qui la composent auront été supprimés. Il n’y aura donc pas d’explication de vote sur l’ensemble.

La parole est à M. Bernard Jomier, sur l’article.

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Merci de ce rappel utile de procédure, madame la présidente.

Je trouve cette discussion un peu triste. Beaucoup de choses ont été dites qui ne sont pas tout à fait exactes. À situation exceptionnelle, il n’y aurait pas forcément lieu d’apporter une réponse exceptionnelle ? Au fond, ai-je entendu dire, il ne s’agit que de la transmission d’un virus respiratoire… Mais les conséquences sociales et économiques de cette crise sont totalement exceptionnelles !

Nos dispositifs actuels, comme l’ont très bien dit mes collègues du groupe socialiste et républicain, ne permettent pas de répondre à la situation de certains de nos compatriotes qui, présents à leur poste de travail en première ligne, ont été atteints par la maladie, avec des conséquences qui dépassent largement le champ sanitaire.

J’accueille avec beaucoup d’intérêt la déclaration du secrétaire d’État concernant la branche AT-MP. Je lui rappellerai simplement que, depuis trois ans, toutes nos propositions sénatoriales visant à améliorer le régime AT-MP –qui mérite à l’évidence de l’être – ont été rejetées par le Gouvernement. Pourtant, le tableau des maladies professionnelles, qui date, doit être revu en urgence et refondé dans ses principes. Aucune modification n’ayant pu intervenir, il aura fallu le covid-19 pour que l’on réalise que notre dispositif social ne répond pas à la situation de certaines personnes…

Cette proposition de loi est certes imparfaite, ce n’est pas faire insulte à son auteur que de le dire, mais elle a le grand mérite de mettre le débat sur la table. À quoi sert la navette parlementaire, sinon à prolonger la discussion et à gommer les imperfections des textes ? Vous ne répondez qu’aux soignants. Aux autres catégories, vous dites : « Circulez, il n’y a rien à voir, on tourne la page du Covid. » Ce n’est pas ainsi que l’on peut lutter contre la fragmentation de notre société, comme l’a très bien souligné Michelle Meunier. Nous devons répondre à l’ensemble de nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Je voudrais remercier tous ceux qui ont apporté leur contribution. J'ai une pensée pour toutes les personnes qui sont décédées et toutes celles qui ont perdu l'un des leurs.

Quel que soit le devenir de ce texte, j'aurai tenté d'œuvrer pour toutes les familles touchées. Elles attendent de nous beaucoup plus que ce que nous leur donnons aujourd'hui. §

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je mets aux voix l'article 9.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Je voudrais remercier tous ceux qui ont apporté leur contribution. J’ai une pensée pour toutes les personnes qui sont décédées et toutes celles qui ont perdu l’un des leurs.

Quel que soit le devenir de ce texte, j’aurai tenté d’œuvrer pour toutes les familles touchées. Elles attendent de nous beaucoup plus que ce que nous leur donnons aujourd’hui.

Le scrutin a lieu.

Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je mets aux voix l’article 9.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Voici, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 126 :

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, l'article 10 n'a plus d'objet.

Mes chers collègues, les articles de la proposition de loi ayant été successivement supprimés par le Sénat, je constate qu'un vote sur l'ensemble n'est pas nécessaire.

En conséquence, la proposition de loi, dans le texte de la commission, n'est pas adoptée.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq,

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 126 :

Le Sénat n’a pas adopté.

En conséquence, l’article 10 n’a plus d’objet.

Mes chers collègues, les articles de la proposition de loi ayant été successivement supprimés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire.

En conséquence, la proposition de loi, dans le texte de la commission, n’est pas adoptée.

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

Photo de Philippe Dallier

J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Patrice Gélard, qui fut sénateur de la Seine-Maritime de 1995 à 2014. Un hommage lui sera rendu ultérieurement par M. le président du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe La République En Marche, de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne (proposition n° 317, texte de la commission n° 533, rapport n° 532).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Franck Riester, ministre de la culture

Monsieur le président, madame la présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je suis ému d'apprendre le décès de votre ancien collègue Patrice Gélard, que j'ai eu l'occasion de bien connaître. J'ai une pensée pour toute sa famille.

Le numérique apporte son lot d'opportunités nouvelles. Nous avons eu l'occasion de le vérifier au cours des derniers mois. La crise sanitaire nous a obligés à réinventer notre rapport à la culture et à l'éducation, à repenser nos moyens de communication et nos modes de travail. À bien des égards, c'est le numérique qui nous a permis de continuer à vivre en ces temps troublés.

Cependant, il apporte également son lot de risques. Là encore, la période singulière que nous venons de vivre l'a rappelé : le harcèlement en ligne n'a pas cessé, bien au contraire. J'en veux pour preuve la recrudescence des actes de pornodivulgation sur Snapchat – ce n'est qu'un exemple parmi d'autres des nombreuses menaces qui ont émergé avec le numérique.

Face à ces menaces, nous avons une responsabilité : celle de faire respecter les règles par tous, de les adapter s'il le faut, de combler les vides juridiques afférents à ces nouveautés, avec pragmatisme, avec ambition, avec résolution, sans renoncer à nos principes et sans nous résigner. Ce n'est pas parce que les géants du numérique sont des « géants », en effet, qu'ils peuvent échapper à toute régulation. Non, internet n'est pas un espace de non-droit.

Je veux vous le dire avec force : nous partageons le même état d'esprit. Nous ne pouvons pas nous contenter de ne rien faire alors que notre souveraineté est accaparée par des acteurs numériques étrangers. Il nous faut donc agir.

C'est cet état d'esprit qui présidait hier à la proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information, ainsi qu'à la directive sur le droit d'auteur, dont vous avez déjà assuré une partie de la transposition, pour ce qui concerne le droit voisin des éditeurs de presse. Je tiens d'ailleurs à saluer l'engagement de David Assouline, de votre commission de la culture et du Sénat tout entier sur ce sujet : votre action a permis de prendre les devants, d'anticiper la directive européenne et d'aller vite une fois celle-ci adoptée. Le reste de la directive, qui était très attendue par les acteurs de la création, sera transposé prochainement, et nous aurons très bientôt l'occasion d'en parler avec les membres de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat.

C'est ce même état d'esprit qui préside au texte que vous examinez aujourd'hui. Il étend à l'univers numérique une protection qui existe déjà pour les enfants du secteur du spectacle et les enfants mannequins.

Ce texte s'inscrit dans la lignée du discours tenu par le Président de la République devant l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, l'Unesco, le 20 novembre dernier. Le Gouvernement tout entier, rappelait-il, est mobilisé pour la protection de l'enfance, aux côtés du secrétaire d'État chargé de ce sujet, Adrien Taquet.

La discussion de cette proposition de loi en est une preuve supplémentaire : la protection des enfants dans l'espace numérique est une priorité du Gouvernement, et nous sommes en train de renforcer cette protection.

Nous voulons notamment mieux protéger les mineurs contre la pornographie en ligne. La directive Services de médias audiovisuels y contribue. Elle impose aux plateformes de partage vidéo de mettre en place des mesures pour empêcher l'accès des mineurs aux contenus qui leur sont particulièrement préjudiciables, parmi lesquels figurent les contenus pornographiques. Elle sera rapidement transposée.

La proposition de loi de la députée Bérangère Couillard, que vous avez adoptée à l'unanimité il y a deux semaines, va également dans ce sens. Elle a permis de préciser, dans le code pénal, que le simple fait de déclarer son âge en ligne ne constitue pas une protection suffisante contre l'accès des mineurs à la pornographie. Il s'agissait là d'un engagement du Président de la République, que le Gouvernement a soutenu, permettant sa traduction dans la loi.

Sur le modèle de ce qui existe pour les jeux en ligne, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, sera chargé de vérifier que les sites contrôlent l'âge des internautes qui les fréquentent, sans quoi les fournisseurs d'accès bloqueront la diffusion des sites concernés en France. C'est le moyen le plus efficace de protéger les mineurs.

Un comité de suivi a en outre été mis en place pour encourager le recours au contrôle parental sur les terminaux, avec une obligation de résultat dans les six mois. Ce comité implique l'ensemble des acteurs concernés, ainsi que les associations. C'est l'un des chantiers que conduisent en commun le CSA et l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) ; de tels travaux ont vocation à se multiplier, et je m'en félicite. Je salue, en l'espèce, l'engagement de Roch-Olivier Maistre et de Sébastien Soriano, présidents respectivement du CSA et de l'Arcep, pour mener à bien cette coopération entre régulateurs, qui sonne comme un rappel : nous n'arriverons pas seuls à protéger efficacement les enfants des dangers du numérique ; pour protéger, il faut s'unir.

Cette ambition, nous devons par conséquent la promouvoir au niveau européen, parce que l'Europe est notre meilleure protection – j'ai eu l'occasion de le dire à de multiples reprises à cette tribune. Face aux géants du numérique, elle est même notre seule protection efficace et crédible. Devant eux, nous ne ferons le poids que si nous faisons front commun. C'est le cas pour la question de la protection de l'enfance, comme c'était le cas pour la question du droit voisin, et comme cela sera évidemment le cas pour d'autres sujets à l'avenir.

Justement, la Commission européenne prépare en ce moment même sa stratégie numérique. Elle vient de lancer une consultation publique sur la future législation relative aux services numériques, le Digital Services Act, qui doit permettre de renforcer le marché commun et de clarifier les responsabilités en matière de services numériques. Il y a là, pour nous, une véritable occasion de promouvoir la vision française en la matière, par des initiatives ambitieuses concernant la régulation des contenus et la responsabilité des plateformes numériques.

Je suis pleinement mobilisé, avec mon collègue Cédric O, secrétaire d'État chargé du numérique, et je sais que vous êtes nombreux à vous être penchés sur ces sujets ; je vous en remercie. Je pense en particulier à vous, évidemment, madame la présidente de la commission de la culture du Sénat, chère Catherine Morin-Desailly, et à votre engagement réitéré concernant la défense de la souveraineté numérique. Cet engagement ne sera pas vain : il nous sera éminemment utile pour bâtir la régulation européenne de demain.

Cette régulation devra être à la fois souple et exigeante.

Souple, d'abord : le monde numérique change rapidement, et la régulation doit pouvoir changer tout aussi rapidement ; il faut donc fixer des objectifs, mais laisser les acteurs choisir les solutions les plus adaptées.

Exigeante, ensuite ; cette exigence, nous l'atteindrons en dotant le régulateur de moyens pour contrôler les efforts et les résultats des plateformes, ainsi que pour sanctionner les manquements à leurs obligations.

La question de l'accès aux contenus est essentielle, mais elle ne saurait être seule à être prise en considération.

Justement, le texte de loi que vous examinez a pour objet une situation différente. Il vise à protéger non pas les enfants qui sont spectateurs de contenus vidéo, mais ceux qui en sont les acteurs. Il vise à protéger non pas les publics, mais les créateurs. Or, depuis quelques années, les créateurs de vidéos se sont multipliés de manière exponentielle, sur YouTube principalement, mais aussi sur TikTok, Twitch ou, hier, Vine.

Les plateformes de partage de vidéos sont, le plus souvent, une chance. Ce sont des espaces de liberté. Il s'y déploie une extraordinaire créativité. Des talents formidables s'y expriment, s'y révèlent, se trouvent un public, sans intermédiaires : talents pour raconter des histoires, talents artistiques, musicaux, comiques... Ces plateformes sont aussi une source de revenus pour les créateurs. Avec la monétisation des contenus, certains en ont même fait leur activité professionnelle – ils sont parfois qualifiés d'« influenceurs ».

Néanmoins, aujourd'hui, de plus en plus de vidéos, de plus en plus de chaînes sont consacrées à l'exposition d'enfants. Des enfants sont mis en scène en train de jouer, de manger, de cuisiner. Évidemment, derrière, ce sont souvent les parents qui sont aux manettes, qui mettent en scène leurs enfants, qui réalisent les vidéos, qui, le cas échéant, imposent un rythme de tournage ou certains types de contenus ou de produits commerciaux. Ce sont les parents qui, in fine, récupèrent la rémunération.

Le risque pour les enfants est évident. Avec cette loi voulue par Bruno Studer, le président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, et par les députés, il s'agit de mieux protéger ces enfants « influenceurs ».

Pour protéger, il faut encadrer. Cela implique de faire entrer cette activité dans le droit commun du code du travail, pour le cas où l'activité des mineurs est assimilable au travail salarié. C'est déjà le cas – je le disais – pour les enfants qui jouent dans une pièce de théâtre, dans un film, ou qui font du cirque. Je salue d'ailleurs l'engagement de ma collègue Muriel Pénicaud en ce sens.

Cela implique également de créer un régime de déclaration administrative, pour le cas où il ne s'agit pas de salariat, mais où le nombre et la durée des contenus ou le montant des revenus liés à la diffusion des vidéos justifient une vigilance particulière et une pédagogie auprès des parents.

Pour protéger, il faut s'unir, associer les plateformes numériques à ce combat, les responsabiliser en matière d'information des parents sur la réglementation et de lutte contre les situations d'abus.

Enfin, pour protéger, il faut garantir le droit à l'oubli. C'est ce que proposent les auteurs de cette proposition de loi pour les mineurs figurant sur des vidéos mises en ligne sur les plateformes numériques. Il importe tout particulièrement que le mineur n'ait pas besoin de demander l'autorisation de ses parents pour faire valoir ce droit.

Je tiens à remercier tous ceux qui ont travaillé à ce texte. Je remercie en particulier le président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, Bruno Studer, d'avoir déposé cette proposition de loi, et le rapporteur du texte au Sénat, Jean-Raymond Hugonet. Nous avions déjà travaillé ensemble sur la proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique, dont vous étiez également rapporteur, monsieur Hugonet. C'est une nouvelle fois un plaisir de travailler avec vous.

Ce texte est nécessaire, même indispensable. Le Gouvernement a donc souhaité participer activement à ce travail législatif. Tel est le sens des amendements que je souhaite vous soumettre au nom du Gouvernement ; l'un est rédactionnel, l'autre vise à préciser les règles applicables aux annonceurs afin de renforcer la réalité juridique du régime des sanctions, au regard notamment du principe de légalité des délits et des peines.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, si cette proposition de loi est nécessaire, elle n'est malheureusement pas suffisante. Il nous faut, plus largement, lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans ; c'est l'objet d'une proposition de loi que je vous remercie d'avoir présentée, madame la présidente Catherine Morin-Desailly.

Il nous faudra aussi mobiliser les services de l'État pour détecter les situations particulièrement problématiques et garantir sans relâche la protection de l'enfance. Sur ce sujet, je peux vous assurer de la mobilisation pleine et entière du Gouvernement. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui se situe à la convergence de deux préoccupations essentielles.

La première d'entre elles est la protection des mineurs.

Le travail des enfants est interdit dans notre pays depuis la loi de 1874. Pensons bien sûr aux Misérables de Victor Hugo ou à l'œuvre de Charles Dickens, qui ont contribué, au XIXe siècle, à l'éveil des consciences sur ce sujet. Les rares dérogations à ce principe, qui concernent les enfants du spectacle et du mannequinat, sont soigneusement encadrées par la loi. Il faut bien le dire, l'enfance n'est pas le temps du travail et des préoccupations professionnelles. Si l'on peut concevoir une activité limitée, il nous appartient de préserver ce temps de l'insouciance.

Or, si la révolution numérique a ouvert de nouveaux espaces de liberté et de créativité, ce dont il faut se réjouir, elle a également permis le développement de nouvelles formes d'exploitation, d'autant plus insidieuses qu'elles ont l'air parfaitement innocentes et ludiques. Il ne s'agit plus de travail « à la mine », certes, mais, depuis plusieurs années, les chaînes mettant en scène des enfants filmés par leurs parents se multiplient sur les plateformes de partage de vidéos en ligne.

Certaines d'entre elles bénéficient, en France et dans le monde, d'une audience très importante, qui peut atteindre plusieurs millions d'abonnés et des dizaines de millions de vues. Il arrive qu'elles représentent, de surcroît, une source de revenus importante pour les parents, par le biais de la publicité et des placements de produits.

Comment croire, dès lors, à la fiction soigneusement entretenue de vidéos tournées et produites de manière « naturelle », sans pressions ni contrainte ?

Quand des sommes aussi considérables que celles qui ont été évoquées durant les auditions – parfois plusieurs dizaines de milliers d'euros par mois ! – sont en jeu, comment penser une seule seconde que l'équilibre de ces enfants est préservé ?

Or – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre – il n'existe, à l'heure actuelle, aucun cadre, aucune garantie pour protéger ces enfants dits « youtubeurs », en termes de temps de tournage et de partage des bénéfices notamment.

Le grand mérite de la proposition de loi de Bruno Studer, président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, qui a été adoptée à l'unanimité par les députés, est de commencer à constituer un cadre juridique qui réponde à ces nouveaux défis. Je tiens d'ailleurs à saluer la présence en tribune de M. Bruno Studer, qui marque ainsi son engagement total sur ce texte et son respect pour les travaux du Sénat.

Protéger : tel est, en un mot, l'objet de la présente proposition de loi, qui s'inscrit dans un mouvement amorcé depuis déjà plusieurs années, consistant à réguler internet pour éviter que celui-ci ne soit un espace de non-droits, « sans foi ni loi ». C'est là un exercice délicat pour le législateur, qui doit mettre en balance la sauvegarde des libertés publiques, au premier rang desquelles figure la liberté de communication, et la protection du « vivre ensemble » et des plus vulnérables.

La récente décision du Conseil constitutionnel sur la proposition de loi Avia visant à lutter contre la haine en ligne nous a montré, si besoin était, qu'il fallait suivre un chemin de crête particulièrement étroit et que l'on a toujours intérêt à écouter très attentivement, en la matière comme en bien d'autres, les justes préconisations de Philippe Bas, éminent président de la commission des lois du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Je souhaite attirer votre attention sur trois points qui font, selon moi, la pertinence de ce texte.

En premier lieu, cette proposition de loi prend en compte la nature profondément mouvante de l'espace numérique et la pluralité des pratiques qui s'y développent.

Ses auteurs ont ainsi veillé à distinguer les vidéos « professionnelles » des vidéos « amateurs » et de celles, enfin, qui s'inscrivent aujourd'hui dans une « zone grise », jouant sur la porosité des frontières entre travail et loisir. Plusieurs régimes juridiques sont définis pour s'adapter au mieux à la diversité des situations rencontrées.

Ce souci du réel se retrouve aussi dans la disposition qui élargit le fameux « droit à l'oubli ». Les mineurs pourront désormais exercer ce droit sans le consentement de leurs représentants légaux, lesquels peuvent avoir un intérêt au maintien de certains contenus en ligne.

En deuxième lieu, cette proposition de loi a le mérite de placer chaque acteur face à ses responsabilités, ce qui n'est pas superflu.

Les parents, tout d'abord, sont les premiers responsables non seulement de ces vidéos, mais surtout de la sauvegarde du bien-être de leur enfant. Hélas, ils sont encore trop nombreux à ne pas mesurer les risques d'une telle exposition de l'image de leur enfant sur internet, d'où la nécessité et l'urgence de mieux éduquer l'ensemble de la société aux enjeux du numérique – sujet cher à notre présidente Catherine Morin-Desailly.

Je salue d'ailleurs l'excellente initiative de notre collègue Sylvie Robert, qui propose, par un judicieux amendement, d'élargir les obligations de sensibilisation des plateformes en direction des mineurs eux-mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Au-delà de celle des parents, ce texte prévoit, dans les limites autorisées par le régime protecteur de la directive e-commerce, une responsabilisation des plateformes. Celles-ci auront pour obligation d'adopter, sous le contrôle du CSA et de Roch-Olivier Maistre, des chartes destinées par exemple à favoriser la mise en place de procédures de signalement par les utilisateurs des contenus problématiques portant atteinte à la dignité ou à l'intégrité d'un mineur.

Soulignons enfin que, si ce texte n'a vocation à s'appliquer qu'à une minorité d'enfants et de parents, sa portée symbolique est considérable. Combien de parents rêvent, devant leurs écrans, en contemplant le succès de quelques-uns ? Combien d'enfants envient l'existence de ces jeunes stars inondées de cadeaux ?

Lors de ses travaux, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat a veillé en particulier à la qualité rédactionnelle du texte et s'est attachée à préciser certains points dans le sens d'une meilleure garantie des droits des mineurs.

Dans un souci de transparence et de pédagogie, il nous a également semblé essentiel d'assurer aux parents une meilleure information sur le contenu de leurs obligations financières – je remercie une nouvelle fois notre collègue Laurent Lafon pour ses amendements en ce sens.

Soyons clairs : les auteurs de cette proposition de loi ne prétendent pas traiter l'ensemble du sujet de la protection des mineurs sur internet, ni même apporter une réponse parfaite à un phénomène que nous savons complexe. J'entends les interrogations qui subsistent quant à l'effectivité du texte. Il appartiendra certainement à la jurisprudence d'affiner, au fur et à mesure, les distinctions entre ces nouveaux régimes juridiques.

Néanmoins, mes chers collègues, cette proposition de loi est – j'en suis intimement persuadé – la solution la plus convaincante dont nous disposons à ce stade. Là où règnent pour l'heure le vide et le silence, elle institue un cadre voulu équilibré, pionnier à l'échelle internationale, mais surtout protecteur et à même de garantir l'intérêt de l'enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, le Parlement est amené à réfléchir et à légiférer sur l'exposition aux écrans des mineurs, en particulier des jeunes enfants, la nature de cette exposition ayant fortement évolué avec l'émergence du numérique. Je citerai l'examen de la proposition de loi relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique et le débat sur la proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans, déposée par la présidente de la commission de la culture du Sénat.

Aujourd'hui, nous sommes conduits à discuter de l'exploitation commerciale des vidéos mettant en scène des mineurs de moins de seize ans mises en ligne sur des plateformes de partage telles que YouTube. Dans leur finalité, les différents textes précités se rejoignent : ils ont pour objet de protéger les enfants en tenant compte de l'évolution des usages, et singulièrement des usages numériques.

Après l'euphorie des premières années internet, nous avons collectivement pris conscience que l'entrée dans la « troisième révolution industrielle » s'accompagnait d'enjeux auxquels il s'avérait absolument impératif d'apporter des réponses : protection des données, notamment des données à caractère personnel, séparation entre vie professionnelle et vie privée, éducation au numérique, régulation des Gafam.

La protection des mineurs à l'égard du numérique et de toute forme d'exploitation fait partie intégrante de ces défis contemporains, d'autant que notre arsenal juridique, en la matière, est encore bien léger.

Le numérique soulève en effet des questions aiguës concernant les droits des mineurs. Notre ordre juridique interne, reposant sur le postulat selon lequel ses représentants légaux agissent au nom du mineur, n'est pas suffisamment opérant ni approprié pour appréhender l'ensemble des usages numériques et protéger ainsi efficacement les mineurs.

Progressivement, la législation évolue, octroyant directement des droits aux mineurs ; ainsi de l'article 56 de la loi de 2016 pour une République numérique : « le mineur âgé de quinze ans ou plus peut s'opposer à ce que les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale aient accès aux données le concernant recueillies au cours [de projets de recherche] ». L'article 5 de la présente proposition de loi est une autre illustration probante d'une telle évolution, puisqu'il confère aux mineurs un droit à l'oubli sans que le consentement des titulaires de l'autorité parentale soit requis.

En d'autres termes, nous sommes bel et bien dans une phase de régulation consécutive à l'augmentation exponentielle des usages du numérique, ayant pour objet de préserver les équilibres sociaux et de renforcer les droits des personnes, notamment des plus vulnérables, ainsi que l'effectivité de ces droits.

Ainsi, cette proposition de loi comble un vide juridique afférent à une pratique de plus en plus courante : la réalisation et la publication de contenus mettant en scène des enfants sur des plateformes en ligne. Plus précisément, elle crée deux régimes juridiques distincts pour ces « enfants youtubeurs », l'un, aligné sur le régime applicable aux « enfants du spectacle », valant pour une pratique professionnelle, l'autre, détaillé à l'article 3, concernant une pratique semi-professionnelle.

Ces deux régimes visent à protéger l'enfant et à lui assurer que les bénéfices qui pourraient être tirés par les parents de l'exploitation commerciale de ces vidéos lui soient réservés. Il ne faut pas omettre que certains comptes ont des millions d'abonnés et génèrent des revenus substantiels qui, actuellement, peuvent totalement échapper aux mineurs, alors même qu'ils sont les acteurs principaux.

Par-delà l'aspect matériel et financier, les auteurs de ce texte insistent surtout sur l'information et la pédagogie nécessaires à destination des parents et du public s'agissant de la réalisation et du contenu de ces vidéos. Il est en effet indispensable de porter une vive attention aux risques, notamment psychologiques, inhérents aux conditions et à la fréquence de production de ces vidéos, mais aussi – vous l'avez dit, cher rapporteur – au respect de la dignité physique et morale de ces enfants, en veillant à ce que les contenus mis en ligne n'y portent aucunement atteinte.

Cependant, étrangement, cette sensibilisation, essentielle, qui passe notamment par la responsabilisation des plateformes, lesquelles devront édicter des chartes, ne s'adresse pas aux principaux acteurs concernés, c'est-à-dire aux mineurs eux-mêmes. Pourtant, il s'avère fondamental de faire preuve de pédagogie à leur égard, dans un souci d'éducation, de responsabilisation et de protection.

C'est pourquoi nous proposons d'informer et d'alerter ces mineurs sur les conséquences de la diffusion de leur image, tant sur leur vie privée qu'en termes de risques psychologiques et juridiques, ainsi que sur les moyens dont ils disposent pour protéger leurs droits, leur dignité et leur intégrité morale et physique. Cette disposition serait de nature à renforcer la protection de leurs droits à l'ère numérique, en favorisant l'appropriation de ces droits et en permettant un accompagnement direct des mineurs concernés. Elle permettrait également d'englober dans le périmètre de cette proposition de loi les mineurs de moins de seize ans qui réalisent et diffusent par eux-mêmes des vidéos – ils sont nombreux dans ce cas – sans avoir nécessairement conscience des risques qui en découlent.

Cette logique alliant pédagogie et responsabilisation est pertinente pour garantir l'effectivité des droits de ces mineurs. Ainsi, la disposition de l'article 5 leur permettra de se prévaloir, en dehors de toute autorité parentale, d'un droit à l'effacement de leurs données personnelles sur les plateformes. J'aimerais d'ailleurs rappeler qu'un problème aigu se pose, sur ce point, s'agissant des plateformes où peuvent être postées des vidéos temporaires – je pense notamment à TikTok –, l'absence de visibilité de ces contenus ne signifiant nullement leur effacement.

Nous le voyons, mes chers collègues : sur tous ces sujets, notre droit est en construction. Souhaitons qu'il soit respecté par tous, mais n'oublions pas que, face à la « perfusion numérique » et à l'omniprésence des écrans, la pédagogie est indispensable. Elle doit devenir une priorité, notamment à l'école. Le présent texte va bien sûr dans le bon sens, et les membres du groupe socialiste et républicain seront très heureux de le voter. §

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Jouve

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, depuis la diffusion large de l'internet, à compter du début des années 2000, l'usage qui en est fait soulève fréquemment de nouvelles problématiques. Cet espace de création et d'expression, qui s'affranchit volontiers des frontières, connaît naturellement aussi ses dérives et ses excès. Toute forme de régulation y est rendue difficile, tout particulièrement si elle est mise en place de façon isolée sur le plan international.

Ainsi, il apparaît incontournable d'apporter une réponse concertée et coordonnée à l'échelle des États européens, comme le rappelle souvent Mme la présidente Catherine Morin-Desailly au sein de notre commission. Le législateur français a pu en faire aisément le constat lorsqu'il a souhaité s'emparer de problématiques relatives à l'encadrement de l'expression au sein de ce nouvel espace.

La majorité présidentielle a ainsi, à plusieurs reprises depuis le début de la législature, déjà entrepris d'apporter des réponses, qu'il s'agisse de lutter contre la manipulation de l'information ou contre la diffusion de contenus haineux.

Dans le premier cas de figure, sur la majorité des travées de cet hémicycle, nous avons estimé que l'objectif visé n'était pas correctement ciblé par les nouvelles dispositions introduites par les députés de la majorité et que ces dernières pouvaient même, in fine, s'avérer pernicieuses.

Dans le second cas de figure, c'est le Conseil constitutionnel lui-même qui a censuré le principal apport du texte, pointant que l'obligation faite aux réseaux sociaux de supprimer dans les vingt-quatre heures, sous peine de lourdes amendes, les contenus « haineux » qui leur sont signalés risquait de porter « une atteinte à l'exercice de la liberté d'expression et de communication qui n'est pas nécessaire, adaptée et proportionnée ».

C'est cette fois sur l'initiative de M. le président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale, soutenu dans sa démarche par le groupe LaREM, que nous sommes amenés à réfléchir à l'encadrement de l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.

Ces dernières, telles que YouTube, hébergent des chaînes sur lesquelles des mineurs de moins de seize ans sont mis en scène, la plupart du temps par des membres de leur famille, l'ambition créatrice des vidéos ainsi produites étant généralement toute relative…

En effet, l'unique objectif est souvent tout autre. Les audiences de ces vidéos étant tout à fait significatives, elles sont susceptibles d'engendrer des revenus tout aussi significatifs !

L'intention du législateur, au travers de ce texte, est, d'une part, de faire bénéficier les mineurs filmés des garanties prévues pour les enfants du spectacle en matière de temps de travail et de rémunération, et, d'autre part, de prévenir les conséquences psychologiques de long terme susceptibles d'affecter ces enfants.

Le groupe RDSE partage pleinement la préoccupation de l'auteur de la proposition de loi. Il nous faut globalement mieux appréhender l'éducation au numérique des jeunes générations, mais également celle des moins jeunes.

La prévention peut et doit, par le biais notamment, dans les années à venir, de l'action d'enseignants pour lesquels ce type d'outils sera sans doute plus familier, permettre une utilisation plus raisonnée et modérée de l'internet chez beaucoup d'entre nous, notamment les plus jeunes.

Ces derniers, tout comme leurs parents, doivent pouvoir mieux appréhender les conséquences, tout particulièrement psychologiques, qui peuvent être liées à une surexposition de leur image sur la « toile ».

Cette mobilisation pour donner à chacun les meilleures clés de compréhension d'un outil numérique capable de broyer des individus nous paraît toujours aussi indispensable.

Nous saluons donc l'initiative du président Studer, qui propose d'instaurer un cadre légal équilibré et pionnier en la matière, en opérant notamment un distinguo entre vidéos professionnelles, vidéos semi-professionnelles et vidéos amateurs, et en soumettant chacune de ces catégories à un cadre juridique spécifique.

La responsabilisation voulue par le législateur porte en outre sur les parents, mais également sur les entreprises susceptibles de conclure des contrats de placement de produits, ainsi que sur les plateformes accueillant ces vidéos.

Nous saluons aussi le travail approfondi de notre rapporteur qui, par des précisions opportunes et un renforcement des contraintes appelées à peser sur les plateformes, est venu affiner le caractère opérationnel de cette proposition de loi.

Eu égard aux remarques formulées au début de mon intervention sur l'impérieuse nécessité de trouver une réponse internationalement concertée, au moins à l'échelon européen, qui soit la plus à même d'imposer aux géants de l'internet des garde-fous, nous sommes tentés d'émettre des réserves sur-la portée véritable de ce texte.

Toutefois, cette proposition de loi nous apparaît pertinente et équilibrée sur le plan du droit. Ce ne fut pas toujours le cas des textes relatifs à la régulation du web précédemment présentés par la majorité présidentielle : ils ont pu parfois contenir des dispositions potentiellement pernicieuses.

Nous soutiendrons donc cette initiative qui permet de poser clairement le débat, un débat essentiel puisqu'il a trait à la protection de l'enfance en matière numérique. Le groupe RDSE votera la présente proposition de loi.

M. le rapporteur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, je tiens à saluer la présence en tribune de Bruno Studer, auteur de cette proposition de loi et président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale. Je remercie très chaleureusement notre collègue et ami Jean-Raymond Hugonet pour le travail de grande qualité qu'il a réalisé dans des délais, disons-le, particulièrement courts. Le fait qu'il ait été désigné rapporteur et, surtout, son approche résolument constructive de l'examen du texte en commission témoignent du caractère éminemment transpartisan de cette proposition de loi. Je trouve personnellement essentiel que nos deux chambres, quelle que soit leur coloration politique respective, soient capables d'œuvrer en pleine syntonie lorsqu'il y va de la protection de nos enfants, de leur épanouissement et de leur santé mentale.

La soumission à une mode d'un jour qui perdure dans le temps pour devenir le symbole d'une génération ne doit pas nous faire oublier « la cause des enfants », pour reprendre le titre d'un des plus fameux ouvrages de Françoise Dolto.

Il y a maintenant quinze ans apparaissaient pour la première fois, sur les plateformes de partage de vidéos nouvellement créées, des vidéos mettant en scène des enfants dans leur vie quotidienne.

Il y a quelques années, partout dans le monde, de jeunes enfants, à l'instar du désormais célèbre Ryan Kaji, commençaient à être filmés presque quotidiennement par leurs parents, les vidéos ainsi réalisées totalisant des millions, parfois même des milliards, de visionnages.

L'année dernière, le « jeter de fromage » au visage de bébés, provoquant souvent, hélas ! l'hilarité des parents qui les filment, est devenu un phénomène viral sur ces mêmes plateformes et sur les réseaux sociaux.

Il faut d'ailleurs rappeler que ce type de vidéos prétendument novateur n'est en réalité qu'une reprise au goût du jour, pour ne pas dire au mauvais goût du jour, de l'émission américaine America's Funniest Home Videos, adaptée en France sous le nom de Vidéo Gag et qui a fait les beaux jours d'une de nos chaînes de télévision pendant près de dix-huit ans. Comme le dit l'Ecclésiaste, « ce qui fut sera, ce qui s'est fait se refera, et il n'y a rien de nouveau sous le soleil ». J'aurais pu citer les principes d'éducation de Krishnamurti, mais j'aurais eu moins de succès dans cet hémicycle. §

Ce rapide rappel chronologique fait apparaître, vous l'aurez compris, ce que l'on pourrait appeler un « vide juridique » et, surtout, les tristes dérives qui en découlent. Ce vide juridique qu'il faut combler et ces dérives qu'il faut empêcher nous renvoient, nous, parlementaires, à notre responsabilité de législateur.

Le législateur est pleinement dans son rôle lorsqu'il met en lumière des situations de travail qui demeurent inconnues de nombre de nos concitoyens. Il est dans son rôle quand il s'agit d'étendre le régime protecteur des enfants du spectacle et de la mode aux enfants dits « youtubeurs » et lorsqu'il place les plateformes face à leurs responsabilités en les contraignant au retrait des contenus lorsque les diffuseurs de ces derniers font fi de l'obligation d'autorisation préalable. Il est également dans son rôle, chers collègues, quand il instaure un droit à l'oubli que les mineurs peuvent solliciter pour obtenir le retrait des vidéos où ils apparaissent. Il est dans son rôle comme il l'était déjà, il y a près de quatre ans, lorsque vous avez accepté de voter la proposition de loi que je présentais visant à interdire la publicité dans les programmes jeunesse du service public de l'audiovisuel. En somme, vous l'aurez compris, le législateur est dans son rôle quand il protège !

J'aimerais d'ailleurs, à ce titre, rappeler combien ce texte est consubstantiel de l'esprit qui anime notre République, la République des droits de l'homme, la République qui protège les plus fragiles, la République qui montre le chemin à suivre aux autres pays quand il s'agit de garantir les droits de chacun, particulièrement des plus vulnérables. La France est en effet le premier pays au monde à s'emparer de ce sujet. La France est intransigeante quand il s'agit de garantir les droits de tous ; elle l'est a fortiori quand il s'agit de garantir les droits des plus jeunes enfants.

J'entends dire, ici et là, que cette proposition de loi ne sanctionne pas assez, qu'elle ne résout pas tous les problèmes. À cela, je réponds que l'avènement du monde numérique et des plateformes de partage de vidéos a engendré une myriade de problèmes que nous ne réglerons pas d'un seul coup, que ce texte représente une avancée majeure, qu'il faut progresser pas à pas et que notre pays est pionnier en la matière.

Soyons donc fiers de ce texte innovant qui constituera, espérons-le, la première pierre d'un édifice plus vaste et plus protecteur encore, qu'il nous faudra bâtir ensemble.

Les chers collègues, je vous invite, à l'instar des autres membres du groupe LaREM, à adopter l'ensemble des amendements et la totalité de ce texte, déjà excellent en l'état.

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM . – Mme Colette Mélot applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Herzog

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'adoption du texte que nous examinons aujourd'hui aura une grande importance pour l'avenir de ces enfants « youtubeurs » ou « influenceurs » de moins de seize ans.

En effet, il n'existe pas, pour l'heure, de cadre légal les concernant, puisqu'ils ne bénéficient pas des protections en vigueur pour les enfants travaillant dans le cinéma, le mannequinat ou la publicité. Ce vide juridique les expose à des abus, y compris de la part de leurs parents, qui ne maîtrisent pas toujours les dérives liées à la diffusion de ces vidéos.

Plusieurs risques doivent être écartés. Parmi les plus graves figurent les commentaires haineux, l'agressivité et le cyber-harcèlement, qui peuvent avoir des conséquences dramatiques sur leur santé mentale. Des adolescents sont poussés au suicide par la violence des réseaux sociaux. Nous avons le devoir de prévenir ces tragédies.

Un autre risque doit nous inquiéter, celui du décrochage éducatif. Tous les parents sont aujourd'hui confrontés aux excès dans l'usage du numérique par les adolescents. Le contrôle parental est devenu un combat quotidien, dans lequel les adultes sont de plus en plus démunis, faute de moyens. Là encore, il faut poser des limites, pour éviter que ces enfants ne s'éloignent de la vie scolaire en consacrant un temps excessif aux plateformes en ligne.

Enfin, le traitement des questions relatives aux conditions de travail et aux revenus engendrés par ces activités constitue un pilier essentiel de la future loi. Ce pilier législatif a été largement enrichi par la commission de la culture du Sénat, qui a précisé les responsabilités légales des parents, à la fois « employeurs » et propriétaires des chaînes YouTube de leurs enfants.

Je souscris également au renforcement par le Sénat du droit à l'oubli, qui leur permettra aux enfants eux-mêmes de demander le retrait des contenus les concernant.

La version du texte modifiée par notre commission de la culture constitue une avancée majeure ; je voterai donc pour son adoption.

M. le rapporteur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à combler le vide juridique dans lequel se trouve aujourd'hui l'exploitation commerciale des enfants sur les plateformes numériques. C'est un premier pas que nous saluons, même si nous avons été nombreux à souligner que l'atteinte réelle des objectifs visés au travers de ce texte n'était malheureusement pas complètement garantie.

La transposition de la directive Services de médias audiovisuels et le projet de loi, que je qualifierai de « rétréci », sur l'audiovisuel public doivent également nous permettre d'aller plus loin dans la régulation d'un secteur en développement exponentiel, qu'il s'agisse de la protection des enfants ou des droits et de la rémunération des créateurs et des auteurs.

En effet, malgré la bonne volonté des équipes de YouTube France, les difficultés à faire appliquer le droit français par des entreprises numériques étrangères, qui ont pourtant une audience, des salariés et des utilisateurs, parfois même professionnels, dans notre pays, sont nombreuses.

Cela doit nous amener à redéfinir aussi la fiscalité à laquelle sont soumis les Gafam et YouTube. Chacun sait en effet que le montant des taxes qu'ils acquittent est bien en deçà de ce que l'on pourrait imaginer. Ces plateformes numériques doivent contribuer au financement de la création, puisqu'elles en tirent des ressources colossales.

L'enjeu central de cette proposition de loi est de faire respecter les droits de l'enfant. Le problème est très complexe, nous en avons tous conscience. Cela implique de les protéger des rythmes effrénés de tournage qui leur sont parfois imposés et de contrôler si les contenus dans lesquels ils figurent sont compatibles avec leur âge.

Cela nécessite aussi de réexaminer la nature de ces nouvelles pratiques et leur compatibilité, par exemple, avec l'obligation scolaire. Être filmé déballant des cadeaux d'anniversaire ou visitant un parc d'attractions pourrait devenir du travail déguisé. Cette question du travail caché derrière des activités ludiques est primordiale, comme le souligne la Défenseure des enfants. Vous avez vous-même parlé d'exploitation, monsieur le rapporteur : je ne saurais mieux dire !

Il est légitime d'ouvrir aux enfants acteurs des vidéos diffusées sur les plateformes le régime spécial applicable aux enfants travaillant dans le secteur du spectacle. Ce statut leur permettra d'être encadrés et évitera que leur rémunération ne soit détournée. C'est l'objet de l'article 1er.

Il ne faut pas non plus négliger les risques psychologiques que peut comporter la diffusion des images d'enfants sur les plateformes numériques. Différentes études mettent en évidence de nombreux effets pervers, comme la désocialisation, la déscolarisation, le surmenage, voire des épisodes dépressifs, sans parler de l'impact que peuvent avoir sur des enfants les commentaires et les réactions de « spectateurs ».

Se pose enfin la question de l'« après », quand l'enfant-star devient adolescent ou adulte. L'émergence des plateformes marque l'avènement d'une société où le « succès » arrive aussi vite qu'il repart. Chacun mesure les dommages que cela peut causer sur des esprits en construction. Nous devons continuer à nous interroger collectivement et à construire des réponses concrètes en termes de protection des enfants et des jeunes. C'est un sujet de réflexion dont aurait pu s'emparer la délégation aux droits des enfants que notre groupe avait proposé de créer au Sénat.

Il en va de même s'agissant des contenus diffusés par les plateformes à destination des jeunes. Vous avez eu raison de souligner, monsieur le ministre, que ces plateformes peuvent faire émerger des talents extraordinaires, qui n'auraient peut-être pas pu se révéler via des canaux plus traditionnels. Mais, malheureusement, les contenus ne sont pas toujours épanouissants et éducatifs. Cette réalité n'est d'ailleurs pas l'apanage de ces nouveaux canaux : il suffit de voir les programmes que diffusent parfois aujourd'hui certaines chaînes de télévision !

Face à ce constat, un acteur doit se réaffirmer avec force : le service public. Qu'il offre une alternative éducative, ludique et culturelle, et nous ferons vivre l'exception culturelle française ! À cet égard, la disparition programmée de France 4 du réseau hertzien, que je ne peux manquer d'évoquer aujourd'hui, va affaiblir sa visibilité. S'il est vrai que les jeunes regardent de moins en moins la télévision et passent de plus en plus de temps sur internet, le petit écran reste un repère pour bon nombre d'entre eux.

Pour conclure, nous nous félicitons que la France soit le premier pays à légiférer pour protéger les enfants de l'utilisation commerciale de leur image sur les plateformes numériques. Le groupe CRCE se joint pleinement à cet effort ! §

M. André Gattolin applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans la lignée des récentes dispositions adoptées par le Parlement visant à adapter notre législation aux évolutions rapides de notre société.

Qu'il s'agisse de la loi dite « Avia » contre les contenus haineux sur internet, de la loi relative à la modernisation de la distribution de la presse ou encore de la loi tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse, l'objectif est toujours d'adapter le cadre législatif existant au monde numérique. Ce processus de mise à jour de notre corpus juridique demande une attention soutenue pour ne laisser aucun domaine sans protection.

La proposition de loi visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne offre des réponses adaptées et mesurées au phénomène en pleine expansion des enfants « youtubeurs ».

Des vidéos sont réalisées, parfois quotidiennement, par des parents ou des proches, à un âge où les principaux intéressés ne sont pas en mesure d'apporter un consentement éclairé à la diffusion de leurs faits et gestes auprès de millions d'abonnés dans le monde entier, qui plus est lorsqu'il s'agit de faire la promotion d'un produit ou d'une marque.

Qu'il s'agisse de vidéos monétisées ou visant au placement de produits, certaines situations seraient qualifiables de travail illicite d'enfants, d'autres pourraient donner lieu à des poursuites pour maltraitance. Par ailleurs, nous connaissons encore mal l'impact psychologique d'une exposition aussi précoce, régulière et massive de la vie privée d'un enfant aux regards de tous. Nous sommes d'ores et déjà conscients du risque de cyber-harcèlement auquel les enfants filmés sont exposés.

L'autre versant de la question qu'il nous faut considérer, c'est l'impact de ces nouveaux modèles auxquels s'identifient des millions d'enfants. Leurs héros ne sont plus des personnages de la littérature pour la jeunesse – Le Petit Prince, Le Club des cinq, Matilda, Les Malheurs de Sophie –, désormais devancés par Swan et Néo, Kalys et Athena ou encore Josh et Jen. « La lecture est une porte ouverte sur un monde enchanté », disait François Mauriac. La culture du livre se fonde sur une recherche de sens au moyen de la narration. La culture des écrans, elle, repose sur la délivrance immédiate d'une information disponible de façon illimitée. Le passage brutal de l'une à l'autre inquiète un certain nombre de chercheurs, qui craignent l'émergence d'une génération sans repères et sans discernement.

Un certain nombre de dérives et d'incertitudes existent. Il est grand temps de dissiper le flou législatif qui entoure la diffusion de vidéos de mineurs sur des chaînes familiales. Dans cette perspective, ce texte, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale – je remercie le président de sa commission des affaires culturelles et de l'éducation d'être présent en tribune aujourd'hui –, comporte trois avancées importantes en matière de protection de l'enfance.

Tout d'abord, l'article 1er vise à étendre le cadre juridique applicable aux enfants du spectacle aux enfants dont l'image est exploitée commercialement sur les plateformes. Ce cadre prévoit un encadrement des durées et conditions de travail, une demande préalable d'autorisation, ainsi que l'ouverture d'un compte à la Caisse des dépôts et consignations.

L'article 3 tend à mettre en place un dispositif intermédiaire entre le statut amateur et le statut professionnel de parent producteur. Il s'agit d'un cadre semi-professionnel, prévoyant une limitation de la durée des activités à laquelle le mineur participe, ainsi qu'un partage des revenus générés. Ce statut s'appliquera lorsque l'activité en question dépassera un certain seuil en termes de durée ou de rémunération.

Autre avancée importante de cette proposition de loi, l'article 5 vise à étendre l'exercice du droit à l'oubli aux mineurs. Je remercie la commission de la culture du Sénat d'avoir adopté mon amendement tendant à inscrire cette nouvelle possibilité dans le cadre de la loi du 6 janvier 1978.

Je souhaite remercier le rapporteur, Jean-Raymond Hugonet, de son travail, en particulier sur l'article 2, qui tend à conférer au juge judiciaire la possibilité d'ordonner le déréférencement des vidéos illégales sur signalement de l'administration.

L'adoption de cette proposition de loi est une occasion importante de renforcer notre législation en matière de protection de l'enfance. Notre groupe y est favorable. §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Vérien

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier, en préparant mon intervention, je suis tombée sur une chaîne YouTube, « Gabin et Lily », mettant en scène un frère et une sœur de moins de dix ans. Cette chaîne ne compte pas moins de 800 000 abonnés et certaines vidéos de « prestation » des enfants ont donné lieu à plus de 8 millions de visionnages –c'est le nombre d'entrées du film E.T., l'extra-terrestre ! Pour comparaison, Titanic, le numéro un au box-office, comptabilise 20 millions d'entrées. Cela permet de mettre en perspective la publicité et les revenus que peuvent générer de telles activités.

Si j'ai parlé de « prestation », c'est bien parce que ces vidéos doivent être considérées comme telles. Les enfants comédiens, qui sont protégés par la loi lorsqu'il s'agit d'activités artistiques de l'« ancien monde » – je veux parler du cinéma, du théâtre, du cirque, de la danse, de l'art vivant en général, mais aussi du mannequinat –, doivent l'être également, et même surtout, quand ils se produisent sur le net.

En effet, un enfant qui tourne dans un film n'est pas en relation directe avec ceux qui vont le voir, tandis que, sur le net, les enfants peuvent communiquer en direct avec leurs followers. J'ai à l'esprit l'exemple d'une jeune fille qui s'enregistrait régulièrement sur TikTok, plateforme sur laquelle des jeunes reproduisent des chorégraphies. Elle a été victime de harcèlement et a dû arrêter ses vidéos.

Je rappelle que les pédocriminels sont friands de ces vidéos. La chaîne de télévision qu'ils regardent le plus en prison, c'est Gulli. Ce n'est pas ma collègue Catherine Deroche, qui a présidé la mission commune d'information sur les politiques publiques de prévention, de détection, d'organisation des signalements et de répression des infractions sexuelles susceptibles d'être commises par des personnes en contact avec des mineurs dans le cadre de l'exercice de leur métier ou de leurs fonctions, qui me contredira !

Je m'éloigne du sujet de cette proposition de loi, me direz-vous ? Et pourtant… Le seul fait d'évoquer TikTok nous amène au cœur du sujet !

Nous attendons des plateformes qu'elles régulent la diffusion des contenus qui ne seraient pas conformes au respect de la personne humaine, et de l'enfant particulièrement.

Nous attendons des plateformes qu'elles signalent, à l'avenir, le fait que la diffusion des images d'un mineur génère des revenus sans qu'il ait été procédé à la déclaration prévue par cette proposition de loi.

YouTube semblait, lors des auditions, disposé à s'inscrire dans cette démarche, mais quid des autres ? S'il leur venait la mauvaise idée de ne pas s'y conformer, c'est au Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, qu'il appartiendrait de faire le gendarme, puis au juge si cela ne suffisait pas. Je considère qu'il faut donner ce pouvoir au CSA, mais je redoute que l'on ne découvre rapidement qu'un juge français n'a pas grand pouvoir sur une multinationale dont le siège est implanté bien loin de chez nous !

Une nouvelle fois, ce sujet nous renvoie à la nécessité de traiter la question de la souveraineté numérique au niveau européen, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre. Cette réflexion européenne a d'ailleurs débuté, elle a même déjà donné de premiers résultats, mais la route est encore longue, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas la poursuivre. À ce titre, nous vous remercions de votre engagement, monsieur le ministre.

Pour autant, ce texte est utile ; il comporte de très bonnes mesures.

Je pense à la création de statuts spécifiques pour encadrer l'exploitation de l'image des mineurs, à savoir un statut professionnel et un statut semi-professionnel correspondant assez bien aux pratiques des créateurs de contenus sur les plateformes numériques.

Je pense aussi à la déclaration obligatoire a priori pour le statut professionnel et a posteriori pour le statut semi-professionnel. Ce système de déclaration a d'ailleurs été amélioré en commission par le rapporteur.

Je pense également à la sécurisation des revenus et à la garantie que les enfants bénéficieront, à leur majorité, du fruit de leur travail. Je salue, au passage, l'amendement de mon collègue Laurent Lafon visant à améliorer l'information des parents à ce sujet.

Je pense à la communication à destination des utilisateurs sur la réglementation en vigueur et les risques associés à la diffusion de l'image d'un enfant. C'est une excellente mesure, qui permettra de faire un peu d'éducation et de prévention au numérique.

Je pense enfin à la reconnaissance comme tel d'un enfant acteur ou danseur, quel que soit le média sur lequel il se produit.

Avec ce texte, la loi intègre les outils du XXIe siècle. De surcroît, elle nous offre, en matière de protection des mineurs, une arme de plus. Le groupe Union Centriste votera ce texte sans réserve. §

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Boulay-Espéronnier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parfois la loi anticipe, parfois elle s'adapte. Dans le domaine du numérique, pour de multiples raisons notamment liées à la protection de la liberté d'expression et à la mondialisation, force est de constater que la législation a un retard considérable sur l'innovation.

YouTube a été créé en 2005, a atteint le milliard d'abonnés en 2010 et compte plus de 2 milliards d'utilisateurs en 2020. Chaque minute, plus de 300 heures de vidéos sont mises en ligne. Chaque mois, plus de 1 milliard d'utilisateurs uniques se connectent à YouTube et visionnent près de 6 milliards d'heures de vidéo.

Parmi les chaînes YouTube ayant produit le plus de revenus en 2019, on compte celles de deux enfants de moins de huit ans. À eux deux, ils auraient perçu près de 44 millions de dollars en un an. Que ce succès soit le fruit d'un buzz accidentel, d'une opportunité exploitée ou d'un business plan élaboré, la diffusion de vidéos constitue désormais une activité professionnelle à part entière pour ces deux enfants.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui constitue donc une avancée indispensable en la matière, en ce qu'elle vise à encadrer l'exploitation commerciale de l'image des mineurs. Je remercie mon collègue Jean-Raymond Hugonet pour son travail et son implication en tant que rapporteur, ainsi que l'ensemble de la commission, très mobilisée sur ces sujets.

L'article 1er crée, pour les mineurs de moins de seize ans, le cadre légal d'exercice de la profession d'« influenceur » sur l'ensemble des plateformes en ligne. Il s'agit d'une avancée considérable pour la reconnaissance de la professionnalisation de cette activité, mais aussi et surtout en matière de lutte contre le travail dissimulé des mineurs.

Les dispositions relatives à l'information des parents sur les droits de l'enfant, les modalités de réalisation des vidéos et les conséquences de l'exposition de son image sont également essentielles et leur effectivité sera, je l'espère, appuyée par la nouvelle mission attribuée au CSA par l'article 4.

L'article 3 constitue également une avancée importante, puisqu'il pose les bases législatives permettant de dissocier l'usage récréatif de l'usage professionnel des plateformes en ligne pour les mineurs de moins de seize ans, tout en garantissant la protection de leurs revenus.

L'article 5 vient compléter le droit à l'oubli en précisant son application stricte, sans condition de consentement des titulaires de l'autorité parentale, pour les mineurs. Par là même, il répond à une problématique de plus en plus récurrente dans le monde entier.

Ce texte est un excellent premier pas, mais il faudra se poser, à terme, la question beaucoup plus large de la protection de la vie privée des mineurs dans un monde toujours plus connecté et numérisé.

Pour ma part, dès 2017, avec le concours de notre collègue Philippe Bas, président de la commission des lois, j'avais déposé une proposition de loi prévoyant la création d'un cadre légal définissant la notion de vie privée des mineurs. La création d'un cadre pénal fixant les sanctions d'un délit d'atteinte reposant sur la présomption de consentement me semble indispensable à l'avenir. Ce mécanisme imposerait de rendre les parents pénalement responsables de la protection de la vie privée de leurs enfants mineurs. Comme dans tous les domaines relatifs à la protection de l'enfance, il est nécessaire de s'interroger sur le rôle du responsable légal et sur ses devoirs à l'égard du mineur.

Dans quelle mesure les parents sont-ils responsables en cas d'atteinte à la vie privée de leur enfant, mais également en cas d'atteinte à la vie privée d'un autre mineur commise par leur enfant ? La réponse me semble comprise dans la question.

Alors que la dictature de l'image devient omniprésente dans la vie des enfants, et ce dès leur plus jeune âge, que nous assistons à une progression fulgurante de troubles mentaux et comportementaux liés à l'anxiété qui en découle – je pense au phénomène du cyber-harcèlement – et que les réseaux sociaux font désormais partie intégrante de tous les aspects de leur existence, cette problématique me paraît fondamentale. J'appelle de mes vœux une évolution en ce sens de la législation relative à la protection de l'enfance. §

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plusieurs années, les « chaînes » mettant en scène des enfants se multiplient sur les plateformes de partage de vidéos en ligne. Elles sont souvent réalisées et diffusées par des membres de la famille. Ces nouvelles pratiques rencontrent un succès croissant en France comme à l'étranger.

De nombreuses questions se posent en termes d'éthique quant au contenu des vidéos, aux heures de tournage ou aux revenus produits.

La proposition de loi de notre collègue député Bruno Studer, que je salue, vise à combler le vide juridique existant, en mettant en place un cadre légal protecteur, pour les enfants de moins de seize ans acteurs de vidéos diffusées sur des plateformes en ligne, de l'exploitation de leur image sur internet.

Je tiens à remercier et à féliciter notre collègue rapporteur Jean-Raymond Hugonet, dont le rapport pose bien les enjeux sur ce sujet essentiel.

Cette proposition de loi offre des garanties en matière de durée du travail des enfants et de protection de leurs revenus ; c'est l'objet de l'article 1er.

L'article 2 oblige les plateformes de partage de vidéos à coopérer avec les autorités publiques.

Le texte crée, à l'article 3, un cadre juridique protecteur pour les enfants de moins de seize ans qui participent à des vidéos partagées sur des plateformes, mais qui ne relèvent pas des procédures d'autorisation ou d'agrément prévues par le code du travail.

L'article 5 autorise les mineurs à exercer eux-mêmes le droit à l'effacement des données institué par le règlement général sur la protection des données (RGPD) lorsque leur image est diffusée par un service de plateforme de partage de vidéos, y compris dans le cas où leurs représentants légaux s'y opposeraient. C'est une avancée salutaire.

Je concentrerai mon propos sur l'article 4, qui introduit l'obligation, pour les services de plateforme de partage de vidéos, d'adopter des chartes ayant notamment pour objet de favoriser le signalement, par leurs utilisateurs, de contenus qui porteraient atteinte à la dignité ou à l'intégrité morale ou physique des enfants et d'améliorer, en lien avec des associations de protection de l'enfance, la détection de situations qui porteraient atteinte à la dignité ou à l'intégrité morale ou physique des mineurs.

En 2019, dans le cadre de la mission commune d'information sur les politiques publiques de prévention, de détection, d'organisation des signalements et de répression des infractions sexuelles susceptibles d'être commises par des personnes en contact avec des mineurs dans le cadre de l'exercice de leur métier ou de leurs fonctions, nous avions préconisé de nombreuses mesures, dont la création d'un observatoire des violences sexuelles et le lancement de campagnes de communication sur les risques et sur les canaux de signalement.

Diffuser sur internet l'image d'un enfant, que l'on en soit ou non le parent, engage la responsabilité et peut s'avérer dangereux. De sordides affaires ont fait l'actualité ces dernières années dans le monde entier, comme la découverte de sites hébergeant des millions de photos d'enfants, récupérées sur les réseaux sociaux puis classées dans des catégories ne laissant guère de doutes sur le caractère pédophile de la plateforme et son activité criminelle. Ne négligeons pas le traumatisme que subira un jour l'enfant en découvrant sur internet ses propres photos. On sait quel rôle jouent les réseaux sociaux dans le drame du suicide des jeunes !

Comme le précise Interpol, en matière de lutte contre la pédocriminalité, le meilleur moyen de protéger nos enfants est d'entretenir un dialogue franc et ouvert avec eux sur l'utilisation des médias sociaux, des applications, des jeux vidéo et d'internet. Il faut les sensibiliser aux dangers d'internet dès que possible, idéalement dès qu'ils commencent à le fréquenter. La protection des enfants est de la responsabilité des plateformes, des entreprises de placement de produits, mais aussi des parents.

Ce texte a fait l'objet d'évolutions lors de son examen à l'Assemblée nationale et a été largement amélioré par notre commission de la culture. Il va dans le bon sens en servant les intérêts des enfants, et c'est bien volontiers que le groupe Les Républicains le votera. §

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Le livre Ier de la septième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° À l'intitulé, après le mot : « professionnels », il est inséré le signe : «, » et, après le mot : « spectacle », sont insérés les mots : «, de l'audiovisuel » ;

2° À l'intitulé du titre II, après le mot : « spectacle », sont insérés les mots : «, de l'audiovisuel » ;

3° À l'intitulé du chapitre IV du même titre II, après le mot : « ambulantes », sont insérés les mots : «, l'audiovisuel » ;

4° L'article L. 7124-1 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « télévision », la fin du 2° est ainsi rédigée : «, d'enregistrements sonores ou d'enregistrements audiovisuels, quels que soient leurs modes de communication au public ; »

b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« 5° Par un employeur dont l'activité consiste à réaliser des enregistrements audiovisuels dont le sujet principal est un enfant de moins de seize ans, en vue d'une diffusion à titre lucratif sur un service de plateforme de partage de vidéos.

« En cas d'obtention de l'autorisation mentionnée au 5° du présent article, l'autorité administrative délivre aux représentants légaux une information relative à la protection des droits de l'enfant dans le cadre de la réalisation de ces vidéos, qui porte notamment sur les conséquences, sur la vie privée de l'enfant, de la diffusion de son image sur une plateforme de partage de vidéos. Cette information porte également sur les obligations financières qui leur incombent, en application de l'article L. 7124-25 du code du travail. » ;

5° La section 2 du chapitre IV du titre II est ainsi modifiée :

a) À l'intitulé, les mots : « agences de mannequins » sont remplacés par le mot : « personnes » ;

b) Après l'article L. 7124-4, il est inséré un article L. 7124-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 7124 -4 -1. – Lorsque l'enfant est engagé, en application du 5° de l'article L. 7124-1, l'autorisation individuelle prend la forme d'un agrément. » ;

6° L'article L. 7124-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 7124 -5. – Les agréments prévus aux articles L. 7124-4 et L. 7124-4-1 pour l'engagement des enfants de moins de seize ans sont accordés par l'autorité administrative pour une durée déterminée renouvelable.

« Ils peuvent être retirés à tout moment.

« En cas d'urgence, ils peuvent être suspendus pour une durée limitée. » ;

6° bis

a) Au second alinéa, après les mots: « jusqu'à la majorité de l'enfant », sont insérés les mots : « ou son émancipation » ;

b) Le dernier alinéa est supprimé ;

7° Le premier alinéa de l'article L. 7124-10 est ainsi modifié :

a) La référence : « de l'article L. 7124-4 » est remplacée par les références : « des articles L. 7124-4 et L. 7124-4-1 » ;

b) À la fin, les mots : « de l'agence de mannequin qui emploie l'enfant » sont remplacés par les mots : « prévue à l'article L. 7124-5 » ;

a) Au premier alinéa, les références : « articles L. 7124-1 et L. 7124-2 » sont remplacées par les références : « aux 1° à 4° de l'article L. 7124-1 et à l'article L. 7124-2 » ;

b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Une même amende s'applique si les représentants légaux des enfants mentionnés au 5° de l'article L. 7124-1 ne remplissent pas les obligations mentionnées à l'article L. 7124-9. »

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'amendement n° 5 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 28

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Est puni de la même peine le fait pour toute personne employant des enfants mentionnés au 5° de l'article L. 7124-1 de ne pas respecter l'obligation mentionnée au second alinéa de l'article L. 7124-9. »

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Cet amendement rédactionnel vise à préciser que la sanction prévue s'applique à toute personne, employant des enfants de moins de seize ans pour la réalisation de vidéos diffusées en ligne à titre lucratif, qui ne respecterait pas l'obligation de versement des fonds récoltés à la Caisse des dépôts et consignations, qu'il s'agisse ou non des représentants légaux de l'enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

La commission est favorable à cet amendement qui vise à préciser le volet répressif du texte.

L'amendement est adopté.

L'article 1 er est adopté.

Après l'article 6-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, il est inséré un article 6-2 ainsi rédigé :

« Art. 6 -2. – Lorsque l'autorité administrative compétente mentionnée à l'article L. 7124-1 du code du travail constate qu'un contenu audiovisuel est mis à la disposition du public sur une plateforme mentionnée au 5° du même article L. 7124-1 en méconnaissance de l'obligation d'agrément préalable prévu au titre du même 5° de l'article L. 7124-1 ou de l'obligation déclarative prévue à l'article 3 de la loi n° … du … visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfant de moins de seize ans sur les plateformes en ligne, elle peut saisir l'autorité judiciaire selon les modalités et dans les conditions prévues par voie réglementaire afin que cette dernière ordonne toute mesure propre à prévenir un dommage imminent ou à faire cesser un trouble manifestement illicite. » –

Adopté.

I. – Hors des cas mentionnés à l'article L. 7124-1 du code du travail, la diffusion de l'image d'un enfant de moins de seize ans sur un service de plateforme de partage de vidéos, lorsque l'enfant en est le sujet principal, est soumise à une déclaration auprès de l'autorité compétente par les représentants légaux :

1° Lorsque la durée cumulée ou le nombre de ces contenus excède, sur une période de temps donnée, un seuil fixé par décret en Conseil d'État ;

2° Ou lorsque la diffusion de ces contenus occasionne, au profit de la personne responsable de la réalisation, de la production ou de la diffusion de ceux-ci, des revenus directs ou indirects supérieurs à un seuil fixé par décret en Conseil d'État.

II. – L'autorité mentionnée au premier alinéa du I du présent article formule des recommandations aux représentants légaux de l'enfant relatives :

1° Aux horaires, à la durée, à l'hygiène et à la sécurité des conditions de réalisation des vidéos ;

2° Aux risques, notamment psychologiques, associés à la diffusion de celles-ci ;

3° Aux dispositions visant à permettre une fréquentation scolaire normale ;

4° Aux obligations financières qui leur incombent en application du III du présent article.

III. –

Non modifié

IV. –

Non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'amendement n° 3 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 9, première phrase

1° Remplacer les mots :

La part des

par les mots :

Lorsque les

2° Remplacer les mots :

qui excède

par les mots :

excèdent, sur une période de temps donnée,

3° Remplacer les mots :

est versée

par les mots :

, les revenus perçus à compter de la date à laquelle ce seuil est dépassé sont versés sans délai

4° Remplacer les mots :

gérée

par le mot :

gérés

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Cet amendement vise à préciser que, au-delà du seuil prévu, les revenus directs et indirects tirés sur une période donnée de la diffusion des vidéos doivent être versés à la Caisse des dépôts et consignations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Cet amendement du Gouvernement tend à récrire partiellement l'article 3, en prévoyant surtout le versement sans délai des revenus perçus au-delà du seuil à la Caisse des dépôts et consignations. La commission émet un avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Rédiger ainsi cet alinéa :

IV. – Tout annonceur qui effectue un placement de produit dans un programme audiovisuel diffusé sur une plateforme de partage de vidéos dont le sujet principal est un enfant de moins de seize ans est tenu de vérifier auprès de la personne responsable de la diffusion si celle-ci déclare être soumise à l'obligation mentionnée au III du présent article. En pareil cas, l'annonceur verse la somme due en contrepartie du placement de produit, minorée, le cas échéant, de la part déterminée en application de la troisième phrase du même III, à la Caisse des dépôts et consignations, qui est chargée de la gérer jusqu'à la majorité de l'enfant ou, le cas échéant, jusqu'à la date de son émancipation. Les dispositions de la deuxième phrase dudit III sont applicables. Le non-respect de l'obligation fixée à la deuxième phrase du présent IV est puni de 3 750 euros d'amende.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Cet amendement de simplification vise à améliorer le dispositif en renforçant la sécurité juridique des parties concernées. Il s'agit de s'aligner sur le régime de droit commun prévu par le code du travail. L'amendement prévoit ainsi que les annonceurs devront vérifier auprès des parents si l'obligation de consignation des revenus s'applique. Sur la base de cette déclaration, le cas échéant, ils verseront les fonds à la Caisse des dépôts et consignations. Enfin, le montant de l'amende est aligné sur le régime de droit commun prévu par le code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Comme vient de le dire M. le ministre, il s'agit de « coller » au code du travail, ce qui est une excellente chose. Par ailleurs, les annonceurs seront clairement responsabilisés. L'avis est favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Cet amendement sécurise en partie les différents acteurs, mais le fait qu'il concerne seulement les plateformes de vidéos nous inquiète quelque peu. Les plateformes diffusant des photos mériteraient d'être soumises aux mêmes règles.

En outre, le montant de l'amende, initialement fixé à 75 000 euros, est ramené à 3 750 euros. J'entends qu'il s'agit de s'aligner sur le code du travail, mais nous parlons, en l'occurrence, des droits des enfants : la pertinence d'un tel alignement ne nous paraît pas évidente. Nous manquons là, à mon avis, une occasion de mieux cadrer les choses.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Madame la sénatrice, ce texte concerne la diffusion de vidéos. Il me semble que le dispositif, tel qu'il a été prévu par Bruno Studer et voté par l'Assemblée nationale, couvre néanmoins un grand nombre des problématiques qui ont été évoquées. Je propose que nous continuions à travailler ensemble sur d'autres sujets, par exemple la diffusion de photos.

L'amendement est adopté.

L'article 3 est adopté.

Les services de plateforme de partage de vidéos adoptent des chartes qui ont notamment pour objet :

1° De favoriser l'information des utilisateurs sur les dispositions de nature législative ou règlementaire applicables en matière de diffusion de l'image d'enfants de moins de seize ans par le biais de leurs services et sur les risques, notamment psychologiques, associés à la diffusion de cette image ;

2° De favoriser le signalement, par leurs utilisateurs, de contenus audiovisuels mettant en scène des enfants de moins de seize ans qui porteraient atteinte à la dignité ou à l'intégrité morale ou physique de ceux-ci ;

4° D'améliorer, en lien avec des associations de protection de l'enfance, la détection des situations dans lesquelles la réalisation ou la diffusion de tels contenus porteraient atteinte à la dignité ou à l'intégrité morale ou physique des mineurs de moins de seize ans qu'ils font figurer ;

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'amendement n° 1, présenté par Mme S. Robert, MM. Kanner, Antiste et Assouline, Mmes Blondin, Ghali et Lepage, MM. Lozach, Magner et Manable, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° De favoriser l'information et la sensibilisation, en lien avec des associations de protection de l'enfance, des mineurs de moins de seize ans sur les conséquences de la diffusion de leur image sur une plateforme de partage de vidéos, sur leur vie privée et en termes de risques psychologiques et juridiques et sur les moyens dont ils disposent pour protéger leurs droits, leur dignité et leur intégrité morale et physique ;

La parole est à Mme Sylvie Robert.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Un angle mort demeure : l'information et la sensibilisation des mineurs eux-mêmes sur les conséquences de la diffusion de leur image, singulièrement en matière de vie privée et de risques psychologiques. C'est pourquoi nous proposons que les chartes éditées par les plateformes en ligne abordent cette problématique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Raymond Hugonet

Les auteurs de cet amendement, qui va dans le bon sens, ont tenu compte de nos échanges en commission. Le dispositif a une dimension pédagogique. Il ne faudrait pas, en effet, que les enfants croient que tourner des vidéos pour les diffuser sur YouTube ou TikTok représente une voie d'avenir ou un quelconque nirvana professionnel. La commission émet un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Franck Riester

Je suis totalement en phase avec le rapporteur. Cet amendement, qui est tout à fait dans l'esprit du texte de Bruno Studer, complète utilement le dispositif : il est important de sensibiliser les mineurs aux conséquences de la diffusion de leur image. L'avis du Gouvernement est également favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 4 est adopté.

Après l'article 15 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré un article 15-1 ainsi rédigé :

« Art. 15 -1. – Le Conseil supérieur de l'audiovisuel promeut l'adoption par les services de plateforme de partage de vidéos des chartes prévues à l'article 4 de la loi n° … du … visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.

« Il publie un bilan périodique de l'application et de l'effectivité de ces chartes. À cette fin, il recueille auprès de ces services, dans les conditions fixées à l'article 19 de la présente loi, toutes les informations nécessaires à l'élaboration de ce bilan. » –

Adopté.

Le consentement des titulaires de l'autorité parentale n'est pas requis pour la mise en œuvre, par une personne mineure, du droit à l'effacement des données à caractère personnel prévu à l'article 51 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. –

Adopté.

(Suppression maintenue)

(Non modifié)

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, un rapport évaluant le renforcement de la protection des données des mineurs depuis la mise en place du règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données). –

Adopté.

(Non modifié)

La présente loi entre en vigueur six mois après sa publication. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Au terme de ce débat, je tiens à saluer l'excellent travail du rapporteur. Cette proposition de loi fait partie de ces textes qui contribuent à faire progresser, au fil du temps, la nécessaire régulation du numérique.

Monsieur le ministre, vous savez que je milite pour cette cause depuis 2011. Les propositions de loi sur ce sujet, qu'elles émanent du Sénat ou de l'Assemblée nationale, la font avancer bon an mal an. Cela étant, vous l'avez souligné, c'est une ambition européenne qui permettra in fine de résoudre structurellement cette question de la régulation du numérique.

Je me réjouis que Thierry Breton commence à évoquer un réexamen de la directive « e-commerce ». Nous avions abordé le sujet dans cet hémicycle il y a quelques mois, à la faveur de la discussion de la loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information. Le Sénat a voté, sur mon initiative, une proposition de résolution européenne sur ce sujet.

Le modèle économique de ces plateformes en ligne, fondé sur l'économie de l'attention et le « clic » rémunérateur, est selon nous pervers. Il ne s'agit en effet que d'entraîner les jeunes vers un monde virtuel qui n'est ni des plus vertueux ni des plus satisfaisants, comme nous avons pu le voir. La redevabilité et la responsabilité des plateformes ne sont toujours pas établies ; c'est au niveau européen que l'on pourra y remédier.

Je salue la présence en tribune de l'auteur de cette proposition de loi, mon homologue de l'Assemblée nationale Bruno Studer. Comme lui, j'ai commis des rapports sur l'éducation et la formation au numérique des plus jeunes. Je veux, à cet égard, remercier mes collègues qui ont voté à l'unanimité la proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans. Dieu sait si la récente période de confinement a mis en lumière, une fois de plus, cette problématique ! J'espère que la proposition de loi précitée, que le Sénat a votée voilà dix-huit mois, pourra être adoptée à l'Assemblée nationale. Ainsi, la boucle du travail réalisé par nos deux commissions sur ce sujet très important sera bouclée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Je me félicite de la discussion de cette proposition de loi. Dès juin 2018, à la suite du travail mené sur la protection de l'enfance, j'avais pointé le vide juridique qu'elle vient combler fort à propos. Je me réjouis qu'une réponse adaptée et adéquate soit apportée aux parents et à l'Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique (OPEN) concernant la protection des mineurs contre l'exploitation et le travail dissimulé. Je voterai bien évidemment cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l'ensemble de la proposition de loi visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.

Je constate que le texte a été adopté à l'unanimité des présents.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.