La décentralisation nécessite d’être plus aboutie, plus particulièrement, selon nous, au profit des collectivités territoriales de proximité que sont les communes et les départements. Un tel mouvement de décentralisation ne pourrait cependant se faire sans repenser, au moins en partie, l’organisation de l’État territorial. La crise sanitaire a prouvé que son organisation reste perfectible – j’ai entendu ces dernières semaines, comme nombre d’entre vous, beaucoup de choses sur le fonctionnement des ARS…
Le couple maire-préfet a plus que jamais démontré qu’il fonctionne. Il nous faudra donc tout faire pour le renforcer. Ce mouvement a d’ailleurs déjà été entamé. La loi Engagement et proximité, examinée dans notre hémicycle il y a quelques mois, a déjà œuvré en faveur des maires et, plus largement, du bloc communal. L’intuition sur laquelle elle reposait, celle que le bloc communal doit être le premier acteur d’une République décentralisée, est d’autant plus forte aujourd’hui.
Mes chers collègues, je l’ai dit, nous partageons amplement le constat qui a fait naître cette proposition de résolution. Notre République décentralisée est perfectible : parfois, des doublons de compétences existent ; parfois, la lisibilité pour savoir qui fait quoi, qui paie quoi, qui assume quoi n’est pas au rendez-vous. Doit-on pour autant tout remettre en cause ? Telle est au fond la question que nous devons nous poser.
Pour répondre à cette question lourde, complexe et sérieuse, cette proposition de résolution ne constitue ni le bon véhicule ni la bonne méthode. Cette question ne saurait simplement être abordée au détour d’une proposition de résolution. Je crois au contraire qu’une telle question, qui fait résonner les fibres les plus profondes de notre histoire politique, qui touche à l’organisation de ce qui fait notre État – l’État à la française –, mérite un vrai débat et que nous engagions toute notre responsabilité en l’examinant et en la tranchant.
Ce débat sera sans doute animé, il l’a toujours été – l’éternelle opposition des Jacobins et des Girondins l’a prouvé –, mais il sera essentiel. N’amoindrissons pas notre ambition pour la République en la privant d’un réel débat.
Pouvons-nous vraiment affirmer aujourd’hui la position du Sénat sur des questions aussi complexes que l’autonomie fiscale des collectivités, la limitation constitutionnelle des compétences de l’État, la répartition des blocs de compétences par échelon de collectivité, l’évolution des nomenclatures budgétaires, la révision des dotations de l’État, le transfert à la carte des compétences, la création d’un pouvoir réglementaire des collectivités ou encore la participation citoyenne, pour ne citer que ces sujets ?
Pouvons-nous vraiment prétendre énoncer notre position sur ces sujets, tous vastes et complexes, dont les implications législatives et budgétaires sont majeures, sans avoir réellement débattu, chiffres à l’appui ? Je ne le crois pas – cela d’ailleurs ne ferait pas honneur à la réputation de sérieux législatif du Sénat.
Vous l’aurez compris, le groupe La République En Marche partage la déclaration d’intention de nos collègues qui en appellent à une meilleure décentralisation. Cependant, nous ne saurions accepter de restreindre cette question à une simple proposition de résolution. Notre débat parlementaire mérite mieux. Nous en sommes persuadés, le Sénat doit être en mesure de jouer pleinement son rôle de chambre de représentation des collectivités territoriales face à cette problématique. Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.