Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, dans cette France du 25 juin 2020, qui commence progressivement à panser les plaies de cette terrible pandémie, la proposition de loi que j'ai l'honneur de vous présenter est un texte attendu et espéré par beaucoup.
Mes premières pensées sont évidemment pour les victimes de la Covid-19 et leurs familles.
Je tiens également à associer à nos travaux mes collègues du groupe socialiste et républicain, qui ont, avec moi, déposé cette proposition de loi, plus particulièrement le sénateur Lurel. Je les remercie tous de la confiance qu'ils m'ont accordée.
J'en profite enfin pour saluer l'excellent rapport fait, au nom de la commission des affaires sociales, par ma collègue Corinne Féret, que je remercie pour les amendements proposés afin d'améliorer le texte initial.
Ce texte, rédigé durant les heures les plus tragiques de la propagation de l'épidémie de la Covid-19 en France et partout dans le monde, répond à un engagement, celui de certains de nos concitoyens qui, aujourd'hui, en sont décédés – à nouveau, j'ai une pensée particulière pour eux et pour leurs proches. Il aborde certaines difficultés rencontrées par ceux qui, parmi nous, ont été directement confrontés à cette épidémie.
Bien sûr, au fil des jours, les applaudissements à vingt heures et les manifestations de gratitude envers les premiers de corvée se sont faits plus discrets, mais la gratitude demeure envers toutes les personnes qui ont assuré la continuité des services essentiels à la vie de la Nation. Je pense évidemment aux professionnels et aux bénévoles de santé, ainsi qu'aux personnels des premiers secours, aux pompiers, aux ambulanciers, aux techniciens de laboratoire, aux forces de sécurité, aux services d'aide à la personne, aux services de propreté et de salubrité publique, aux salariés des pompes funèbres, aux salariés de la grande distribution ou aux agents de la RATP. Je pense aussi aux bénévoles de la réserve sanitaire, et à tant d'autres qui se sont mobilisés pendant le confinement.
Cette proposition de loi repose sur un constat assez simple : la période que nous venons de connaître a été sans précédent, tant par sa gravité que par la rapidité de la propagation de l'épidémie à l'échelle mondiale.
Face aux risques accrus de contagion et de morbidité associées au coronavirus SARS-CoV-2, nous avons en urgence dû adopter des mesures exceptionnelles de confinement, afin de mettre à l'abri le plus grand nombre d'entre nous. Ces mesures de salubrité publique nous ont permis d'épargner de nombreuses vies, et, même si le bilan des décès suite à l'infection reste trop lourd, nous pouvons collectivement nous féliciter de la réussite de ce confinement.
Pour autant, certains travailleurs et bénévoles ayant poursuivi leurs activités professionnelles ou associatives pendant cette période ont été exposés à un risque accru de contamination, d'autant plus accru que les équipements de protection individuelle et collective, nous le savons, faisaient alors cruellement défaut.
Parmi les malades de la Covid-19, peu sont des professionnels qui ont dû maintenir leurs activités pendant le confinement. Heureusement, l'immense majorité de ces professionnels ont été atteint d'une forme bénigne, parfois passée totalement inaperçue et sans aucun impact sur leur état de santé. Malheureusement, certains ont développé des formes sévères de l'infection. Pour un nombre très limité d'entre eux, ils en garderont des séquelles, lourdes pour les malades et pour leurs familles, souvent irréversibles au plan psychologique et allant jusqu'à la mort dans les cas les plus graves.
Quand il y a eu décès, alors que les personnes s'étaient retrouvées seules, sans contact avec leurs proches, les services funéraires se sont déroulés dans des conditions particulièrement difficiles, rendant d'autant plus pénible le travail de deuil pour de nombreuses familles.
Comme cela fut annoncé par le ministre des solidarités et de la santé, le 23 avril dernier, certains pourront prétendre à des réparations au titre de la maladie professionnelle. Il est heureux qu'à l'approche de l'examen de cette proposition de loi le Gouvernent se soit enfin décidé à accélérer la publication des ordonnances et décrets permettant cette reconnaissance de la Covid-19 comme maladie professionnelle pour les soignants.
Mais cette avancée réglementaire ne permettra pas de reconnaître les services rendus à la Nation par tous ceux qui ont travaillé. C'est pourquoi, afin de matérialiser notre reconnaissance et faire preuve de notre humanisme envers ceux qui étaient mobilisés sur le front – nous étions en guerre ! –, nous leur devons de faire évoluer la loi.
Voilà pourquoi cette proposition de loi institue un fonds d'indemnisation des victimes graves de la Covid-19, destiné à offrir, à ces victimes ou à leurs ayants droit, une réparation intégrale de leur préjudice.
Les attentes sont grandes et légitimes, comme nous l'ont montré les auditions des associations représentant les victimes, mais aussi celles de la Caisse nationale d'assurance maladie et de la Direction de la sécurité sociale. Ces entretiens ont mis en lumière la nécessité d'instituer un processus d'indemnisation simplifié et équitable de tous les travailleurs ou bénévoles qui, par obligation, auraient été exposés à un risque accru de contamination pendant le confinement.
Il va sans dire que le fonds qu'il vous est proposé de créer ne se substitue pas au régime d'indemnisation des maladies professionnelles. Il en est clairement complémentaire ! D'ailleurs, opposer les deux mécanismes serait un non-sens : ils s'articulent ensemble, dans le respect d'une même logique, mais avec des modalités techniques d'application différentes.
J'entends évidemment les réserves exprimées par certains à l'idée de lier maladie contagieuse, infectieuse, et maladie professionnelle. Ils font valoir le risque, à l'avenir, d'une multiplication excessive des contentieux.
Pour autant, alors qu'il y a aussi eu des réclamations pour ouvrir la réparation de ce fonds à l'ensemble de la population, il apparaît qu'une circonscription, comme le proposent la rapporteure Mme Féret et l'ensemble du groupe socialiste, par la réduction du champ d'application à une période limitée – la période de l'état d'urgence – apporte les gages et les garde-fous nécessaires, levant ainsi les obstacles au vote de cette proposition de loi.
S'agissant du financement, point clé de tout principe de réparation, si l'on peut légitimement repenser une contribution de l'État ou celle des employeurs par le biais de la branche AT-MP de la sécurité sociale, le choix de la création d'une taxe additionnelle à la taxe Gafam, au vu des énormes bénéfices engrangés par les géants du numérique pendant le confinement, apporterait une forme d'équité sociale et de pragmatisme fiscal.
L'orientation proposée dans ce texte est donc réaliste, équilibrée et juste.
Durant le confinement, ils ont été qualifiés de « premiers de corvée », parfois de soldats exposés au risque de contamination, à un moment, faut-il le rappeler, où la France manquait cruellement de masques.
Je suis certaine que le Gouvernement a tiré les premières leçons et que nous ne reproduirons pas à l'identique les mesures exceptionnelles du confinement – même en cas de seconde vague, nous serons prêts à faire autrement.
La gratitude de la Nation doit donc maintenant s'exprimer. À cet effet, je vous propose un outil simple et juste, fondé sur des principes clairs et des critères objectivables, afin de permettre la réparation intégrale des préjudices subis par un nombre limité de personnes, professionnels ou bénévoles ayant dû poursuive leurs activités pendant le confinement pour que nous soyons là, aujourd'hui, et qui en sont décédés ou gardent des séquelles importantes de la maladie ainsi contractée.
C'est donc avec humilité, gravité et confiance que je vous soumets cette proposition de loi.