Intervention de Catherine Deroche

Réunion du 25 juin 2020 à 9h00
Création d'un fonds d'indemnisation des victimes du covid-19 — Rejet d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de nombreux travailleurs et bénévoles ont poursuivi leur activité professionnelle ou associative pendant le confinement mis en place pour lutter contre la propagation de l'épidémie de Covid-19.

Les professionnels de santé, hospitaliers et libéraux, étaient sur le front, et l'ensemble des personnes mobilisées pour assurer la continuité de services essentiels à la vie de la Nation l'étaient également. Mais le manque de protections les a exposés à un risque accru d'infection. Certaines de ces personnes ont développé des formes graves de la Covid-19 qui ont pu donner lieu à une hospitalisation dans un service de réanimation, mais aussi à des atteintes respiratoires, neurologiques, cardiaques ou dermatologiques. Malheureusement, le pire s'est produit pour d'autres de ces professionnels, décédés des suites de cette contamination.

Le texte soumis à notre examen ce matin par notre collègue Victoire Jasmin prévoit la création d'un fonds d'indemnisation des victimes de la Covid-19. Les auteurs de cette proposition de loi partent du principe qu'il appartient à la société dans son ensemble, et donc à l'État, d'assurer aux victimes de l'épidémie de Covid-19 une réparation simple, rapide et équitable de tous les préjudices subis.

Nous avons tous été sollicités par des associations ou des fédérations professionnelles. En tant que rapporteure sur le suivi du Covid-19 en lien avec la branche assurance maladie, j'ai notamment auditionné des représentants de la Fédération de l'hospitalisation privée, qui m'ont également proposé l'organisation d'un dispositif juridique unique à l'échelon national destiné à indemniser les victimes du Covid-19. Je les remercie de leur contribution.

Nous sommes très nombreux à avoir applaudi les soignants tous les soirs à vingt heures, sans pouvoir contribuer à la lutte contre cette épidémie sans précédent autrement qu'en restant chez nous.

Aujourd'hui, nous ne pouvons que partager cet objectif visant à témoigner notre légitime reconnaissance, et celle de la Nation tout entière, aux personnels soignants qui se sont retrouvés en première ligne durant toute cette période, et à tous ceux qui ont pris en charge au quotidien nos concitoyens contaminés au cours des soins ou dans le cadre de l'organisation des soins de suite, et à tous les travailleurs et bénévoles, qui, au péril de leur vie, ont permis la continuité de secteurs prioritaires.

L'article 1er de la proposition de loi définit les personnes potentiellement bénéficiaires. Le cadre est très large : il s'agit des personnes « souffrant d'une maladie ou d'une pathologie consécutive à la contamination par le Covid-19 et qui, préalablement à cette contamination, ont, dans l'exercice de leur profession ou d'une activité bénévole, été en contact régulier avec des personnes elles-mêmes contaminées ». Les ayants droit sont également concernés.

Les autres articles concernent, d'une part, la reconnaissance de la Covid comme maladie professionnelle et, d'autre part, la création d'un fonds d'indemnisation.

Je salue votre travail, madame la rapporteure. Cependant, malgré les aménagements que vous aviez proposés lors de l'examen du texte en commission, le double dispositif continue à s'inscrire dans le cadre des maladies professionnelles.

Vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'État, une reconnaissance en maladie professionnelle implique une prise en charge à 100 % des frais médicaux, des indemnités journalières majorées par rapport à un simple arrêt de travail et la possibilité d'une rente d'incapacité si les personnes gardent des séquelles.

La mise en place d'un fonds d'indemnisation pour une contamination par une maladie infectieuse constituerait un précédent majeur qui bouleverserait les principes ayant jusqu'à présent prévalu pour engager la responsabilité de l'État et justifier d'une indemnisation.

C'est un sujet complexe, et nous exprimons des réserves, lesquelles ont justifié notre abstention en commission. Comme le rappelait notre collègue Gérard Dériot, rapporteur de la branche AT-MP, « les maladies professionnelles sont établies en fonction des risques encourus dans le cadre d'une activité économique définie. Si l'on s'engage dans cette voie, nous créons un précédent pour les prochaines épidémies qui frapperont notre pays ».

Cependant, nous saluons la mise en place du dispositif de reconnaissance automatique en maladie professionnelle de la contamination des soignants hospitaliers ou libéraux que vous avez présenté, monsieur le secrétaire d'État, dès lors que ceux-ci ont été exposés à un risque accru d'infection. Mais un risque accru en l'absence de matériel de protection suffisant, ce qui n'est pas sans poser la question de la responsabilité de cette absence de protection.

Toutefois, cette proposition de loi va bien au-delà en instituant un principe de réparation intégrale des préjudices subis pour l'ensemble des personnes qui auraient exposé en milieu professionnel ou bénévole. Or, pour ces personnes, il sera particulièrement difficile d'établir l'origine professionnelle de leur contamination.

L'adossement du fonds à l'Oniam, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, me paraît peu appropriée. La vocation de l'Oniam, je le rappelle, est d'indemniser les dommages causés par un accident médical ou des dommages imputables à une activité de recherche biomédicale, une infection iatrogène liée à un traitement médical ou nosocomiale, contractée dans un établissement de santé.

D'ailleurs les associations et les fédérations proposant une indemnisation de ce type n'ont pas toutes la même approche. Si l'Association des accidentés de la vie, la Fnath, propose la création d'une commission d'indemnisation qui déterminerait les critères et les modalités d'accès à un fonds d'indemnisation déjà existant comme l'Oniam, d'autres, comme l'association Coronavictimes, ont demandé au Gouvernement de créer un fonds d'indemnisation des victimes du Covid-19 sur le modèle de celui des victimes de l'amiante, le FIVA, pour aller plus loin que la reconnaissance en maladie professionnelle. Cette association dénonce une faute de l'État – et même un empilement de fautes –, lequel n'a pas mis en place les mesures de protection nécessaires et n'a pas assuré l'accès aux soins hospitaliers de tous les malades.

Alors, compte tenu des incertitudes scientifiques qui persistent encore dans la connaissance du Covid-19, puisqu'on en apprend tous les jours sur cette maladie, compte tenu du fait que l'épidémie n'a pas pris fin, que les contaminations se poursuivent et qu'il est difficile d'en évaluer les effets sur la santé à long terme – des études sont en cours sur des patients continuant à souffrir de pathologies incapacitantes assez lourdes et conservant de graves symptômes à distance de la contamination –, il nous semble qu'il sera difficile pour une commission médicale indépendante du fonds d'envisager un mécanisme d'indemnisation et il nous semble donc prématuré de créer ce dispositif.

Pour toutes ces raisons, nous n'apporterons pas notre soutien à cette proposition de loi et, après nous être abstenus en commission, nous votons contre ce texte.

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