Je salue mes collègues qui assistent à la réunion en visioconférence.
Nous examinons aujourd'hui, dans des délais extrêmement contraints, le projet de loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire. Je m'en suis plaint, avec le soutien du Président du Sénat et de plusieurs présidents de groupe, au cours de la dernière Conférence des présidents. Le cabinet du ministre chargé des relations avec le Parlement a expliqué ces délais courts par la nécessité de laisser davantage de temps au Conseil constitutionnel pour examiner le texte... Je comprends cette exigence, mais j'estime que la représentation nationale ne devrait pas en faire les frais.
Par ailleurs, compte tenu de la complexité du projet de loi, j'avais souhaité que notre commission puisse entendre le ministre des solidarités et de la santé jeudi dernier, mais ce dernier n'a pas cru devoir se mettre à notre disposition.
Voilà pourquoi nous nous réunissons un lundi matin, alors même que l'urgence sanitaire est toujours présente et qu'un certain nombre de nos collègues, qui sont renouvelables, peuvent difficilement être présents à Paris.
Ce projet de loi n'organise pas la sortie de l'état d'urgence sanitaire, mais proroge en réalité les principales mesures de cet état d'urgence que sont la restriction à la liberté de circulation, la fermeture d'établissements recevant du public et des contraintes pouvant allant jusqu'à l'interdiction de réunions et de manifestations. D'autres pouvoirs avaient été octroyés au Gouvernement. Après des débats tendus avec ce dernier, nous avions accepté, dans la loi du 23 mars dernier, de prévoir la possibilité de porter des atteintes limitées à la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre : aucune mesure n'a été prise en application de cette disposition. Nous avions aussi confié au Gouvernement des pouvoirs qu'il détenait déjà sur le fondement d'autres textes, notamment le code de la santé publique.
Le précédent texte autorisait la prorogation de l'état d'urgence sanitaire pour deux mois, comme nous l'avions souhaité, pour pouvoir contrôler des mesures portant atteinte à nos libertés et aux droits fondamentaux ; celui-ci prévoit une prorogation de quatre mois. On peut certes justifier ce délai par des raisons pratiques : il serait plus difficile de nous faire siéger avant le 11 octobre en raison des élections sénatoriales. Mais si les circonstances nationales exigeaient une réunion du Parlement en septembre, nous serions là ! Nous ne pouvons donc accepter cette durée de quatre mois.
Nous pouvons marquer notre mauvaise humeur et rejeter le texte, mais le concept de sortie de l'état d'urgence sanitaire ne peut être balayé d'un revers de manche. Nous devons être pragmatiques et vérifier s'il y a lieu de permettre au Gouvernement de décider de mesures que le droit commun ne lui permet pas de prendre. Je crois que tel est le cas.
C'est la raison pour laquelle je proposerai non pas de reconduire l'état d'urgence, mais d'autoriser le Gouvernement à prendre des mesures beaucoup plus circonscrites que celles qu'il avait initialement prévues.
La situation sanitaire s'est évidemment améliorée, au point que la plupart des restrictions mises en oeuvre ont été levées ; il en subsiste néanmoins. Nous ne sommes pas certains que nous n'aurons pas besoin de nouvelles mesures de protection de la santé publique, d'autant que, dans certaines parties du territoire - la Guyane et, dans une moindre part, Mayotte - des mesures restrictives des libertés doivent être maintenues.
Avec mes amendements, je vous proposerai d'autoriser certaines restrictions à la liberté d'aller et de venir, sans aller jusqu'au confinement ; de prévoir la possibilité de maintenir la fermeture de certains établissements recevant du public, y compris pour sanctionner des établissements rouverts sans respect des gestes barrières, ou de restreindre leurs conditions d'ouverture. S'agissant de la liberté de réunion et de rassemblement, les interdictions générales sont aujourd'hui disproportionnées : un régime d'autorisation préalable systématique est incompatible avec notre tradition de liberté ; il faut donc des mesures intermédiaires.
Nous devons également prévoir dans le texte des mesures permettant le dépistage des personnes arrivant par avion sur le territoire métropolitain ou en outre-mer, y compris, dans ce dernier cas, en provenance de métropole ou d'autres collectivités outre-mer.
L'article 2 du projet de loi présenté par le Gouvernement tendait initialement à revenir sur l'accord trouvé en commission mixte paritaire sur la durée de conservation des données issues des systèmes d'information mis en oeuvre pour lutter contre l'épidémie de Covid-19, pour faciliter le dépistage de la maladie et assurer le suivi des « cas contacts ». Nous avions alors tenu, vous vous en souvenez, à encadrer strictement ce dispositif, et nous avions notamment prévu, à titre de garantie, que la durée de conservation des données personnelles collectées soit spécifiquement limitée et ne dépasse pas trois mois - un délai déjà très large, les données étant périmées au-delà d'une quinzaine de jours. Le projet de loi initial visait à permettre par décret de larges dérogations à cette durée, dans la limite de six mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire. L'Assemblée nationale a limité cette possibilité de prolongation aux seules données pseudonymisées collectées et aux seules fins de surveillance épidémiologique et de recherche sur le virus.
La version initiale du Gouvernement n'était pas acceptable, mais avec ces modifications, il me semble que nous sommes désormais parvenus à un équilibre satisfaisant.