Intervention de Adeline Hazan

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 24 juin 2020 à 10h30
Audition de Mme Adeline Hazan contrôleure générale des lieux de privation de liberté pour la présentation de son rapport annuel d'activité pour 2019

Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté :

Jusqu'au 31 décembre 2019, le détenu ne pouvait pas faire de recours contre la décision de l'orienter dans un QPR. Un décret a modifié cette situation.

La suppression de la quasi-totalité des aménagements de peines ne permet pas l'individualisation des mesures. Certes, il n'est pas question d'accorder une libération conditionnelle à un détenu qui a commis un attentat. Mais les détenus radicalisés forment un agrégat composé de djihadistes convaincus et de très jeunes gens qui avaient simplement manifesté leur envie de partir en Syrie.

Madame Mercier, il y a effectivement un problème de moyens, mais pas seulement : il existe aussi un problème de gouvernance et de culture. Pour répondre à votre question, la décision avait été prise par un psychiatre de garde, qui n'était pas celui qui gérait cette unité, et par un membre de la direction. Ces unités Covid avaient été placées sous la responsabilité d'un médecin somaticien, et non d'un psychiatre. La décision n'avait donc pas été prise par les personnes idoines. Deux jours après notre passage, la directrice et les médecins siégeant au sein de la commission médicale d'établissement (CME) ont mis fin à la situation problématique.

Madame Troendlé, je ne suis pas certaine que Mme Alliot-Marie ait pris ces instructions. Le problème vient souvent du fait que les textes précisent qu'il faut une proportionnalité entre le respect des droits fondamentaux et la sécurité. Ainsi, il ne faudrait pas enlever systématiquement le soutien-gorge. Mais en pratique le personnel le fait toujours, car il estime qu'en cas de problème la hiérarchie ne les couvrira pas.

Nous proposons - mais c'est si peu dans la culture administrative que j'ai peu d'espoir que la situation évolue un jour - d'instaurer une obligation de moyens et non de résultat pour ces personnels de surveillance. Les agents seraient moins inquiets des suites de leurs agissements et respecteraient davantage les droits fondamentaux des personnes. Il est, par exemple, illégal qu'une femme accouche ou subisse un examen gynécologique en étant attachée et en présence d'une surveillante. À chaque fois que j'évoque ces situations avec un garde des sceaux, il me répond que c'est inadmissible, et pourtant la pratique perdure. Les directeurs d'établissement ne sont souvent même pas au courant... Par crainte d'un incident, c'est l'agent sur le terrain qui prend la décision d'une surveillance maximale.

Monsieur Sueur, le rapport sera publié dans quelques jours. Si les gouvernants ne « profitent » pas de la diminution de la population carcérale occasionnée par la crise de la Covid-19, ils porteront une responsabilité historique. Il faut inscrire dans la loi la régulation carcérale, sinon dans moins d'un an nous serons de nouveau à 140 % de taux d'occupation. La représentation nationale peut déposer une proposition de loi sur cette question. Jusqu'à présent, la régulation carcérale ne faisait l'objet que d'une expérimentation dans onze établissements.

Sur le travail du CGLPL, nous manquons certes de quelques postes. Les quarante contrôleurs sont assez débordés, car ils doivent réaliser 150 visites par an - un engagement pris devant le Parlement et auquel je tiens beaucoup. Nous avons mis en place une méthodologie de rédaction des rapports, afin qu'ils soient rendus plus rapidement. Il faut surtout que les pouvoirs publics entendent davantage nos propositions. Nous avons établi un suivi des recommandations à n+3 : trois ans après chaque recommandation, nous vérifions ce qu'il en est advenu. Nous avons eu du mal à obtenir ces réponses. Il faudrait que les ministères établissent un tableau de bord des recommandations.

Certaines recommandations ne sont pas suivies : j'ai cité l'exemple des examens dans les hôpitaux sous surveillance, alors que la personne n'est pas dangereuse.

Sur la question de la drogue évoquée par Mme Delattre, les surveillants étaient inquiets au moment du confinement et de l'arrêt des parloirs que la drogue n'arrive plus jusqu'aux détenus. Cela montre bien le niveau de tolérance sur cette question... De fait, la drogue a continué à arriver, par projections ou par les surveillants.

Concernant la formation professionnelle, les informations dont je dispose montrent qu'elle a commencé à reprendre.

Dans les EPM, il y a effectivement un problème d'accès aux pédopsychiatres. Mais comme il n'y en plus dans la société, il y en a encore moins en prison.

Monsieur Reichardt, depuis que le nombre de détenus a baissé, on observe une amélioration de la situation. Nous avons repris nos visites, et certains surveillants nous confient qu'ils parviennent enfin à faire leur travail correctement.

Pour mettre fin à la logique punitive soulignée par M. Kerrouche, il faut prévoir des alternatives à la détention. J'espère que la mise en place du « bloc peines » depuis le 24 mars 2020 produira ses effets, même si la loi n'est pas allée assez loin. C'est une bonne chose d'avoir supprimé les peines d'un mois et d'avoir incité, pour les peines de moins de six mois, à rechercher des alternatives, mais nous n'avons touché ni aux critères de détention provisoire ni à la procédure de comparution immédiate, qui est une vraie justice « d'abattage ». On met les magistrats en situation de prononcer des peines d'emprisonnement ferme, tant ils ont peu de temps et d'information pour prononcer une peine alternative.

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