La réunion

Source

La commission soumet au Sénat la nomination de MM. Philippe Bas, André Reichardt, Mme Muriel Jourda, M. Yves Détraigne, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Pierre Sueur et Martin Lévrier comme membres titulaires, et de Mmes Jacky Deromedi, Catherine Di Folco, Catherine Troendlé, MM. Jean-François Longeot, Yannick Vaugrenard et Ronan Dantec et Pierre-Yves Collombat comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire réunie pour examiner les dispositions restant en discussion sur la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux.

La commission soumet au Sénat la nomination de M. Philippe Bas, Mmes Marie Mercier, Jacky Deromedi, Annick Billon, Marie-Pierre de la Gontrie, Laurence Rossignol, et M. Thani Mohamed Soilihi comme membres titulaires, et de M. François Bonhomme, Mmes Catherine Di Folco, Jacqueline Eustache-Brinio, Dominique Vérien, Laurence Harribey, Maryse Carrère et Esther Benbassa comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire réunie pour examiner les dispositions restant en discussion sur la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales.

La commission soumet au Sénat la nomination de MM. Philippe Bas, Christophe-André Frassa, Mme Muriel Jourda, MM. Yves Détraigne, Jean-Yves Leconte, Jean-Pierre Sueur et Richard Yung comme membres titulaires, et de Mmes Jacky Deromedi, Catherine Di Folco, Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Hervé Marseille, Éric Kerrouche, Mme Nathalie Delattre et M. Pierre-Yves Collombat comme membres suppléants de l'éventuelle commission mixte paritaire réunie pour examiner les dispositions restant en discussion du projet de loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et sénateurs représentant les Français établis hors de France.

La commission désigne M. Jean-Yves Leconte rapporteur sur le projet de loi organique (2019-2020) prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental, sous réserve de son dépôt.

La commission désigne Mme Jacqueline Eustache-Brinio rapporteur sur la proposition de loi n° 544 (2019-2020) instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je salue nos collègues reliés à nous par téléconférence.

Nous entendons aujourd'hui Mme Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, pour la présentation de son rapport annuel d'activité pour 2019.

Debut de section - Permalien
Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Je vous remercie de m'avoir invitée pour la présentation de mon rapport annuel, d'autant que j'achève dans quelques semaines mon mandat, dont je souhaiterais tirer devant vous quelques enseignements.

Le contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) est la seule institution de la République qui peut visiter à tout moment ces lieux. Nos quarante contrôleurs font 150 visites par an dans des établissements que nous rendons, de ce fait, visibles, ce qui est un plus pour la démocratie.

Depuis 2008 - j'ai pris mes fonctions en 2014 -, les libertés fondamentales et les droits fondamentaux des personnes détenues et retenues ont beaucoup régressé. Auparavant, il existait un socle de droits fondamentaux inaliénables ; depuis la loi relative à la rétention de sûreté de 2008, les choses ont changé. Au pénal, on examine davantage la dangerosité d'une personne que sa culpabilité. À ce propos, je m'inquiète de la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine, récemment adoptée à l'Assemblée nationale, qui permet de condamner une personne non pas pour ce qu'elle a fait, mais pour ce qu'elle est susceptible de faire.

Le CGLPL a joué un rôle de vigie des droits fondamentaux depuis sa création. Je commencerai par répondre au questionnaire que vous m'avez envoyé, avant de formuler quelques réflexions sur ce qui s'est passé dans les lieux de privation de liberté durant la crise sanitaire.

En ce qui concerne les prisons, nous avons visité 22 établissements en 2019. La surpopulation est le principal problème : en mars 2020, les prisons comptaient 71 000 détenus, vivant dans des conditions extrêmement dégradées. On relève un manque de personnel, un problème de violence - entre les détenus, et entre ces derniers et les surveillants -, et un mauvais accès aux soins. La Cour européenne des droits de l'homme a, dans une décision du 30 janvier 2020, condamné la France pour la surpopulation carcérale et l'absence de voies de recours suffisantes pour les détenus. J'ose espérer que cette condamnation fera bouger les choses...

En ce qui concerne la psychiatrie, nous avons visité 34 établissements. Une prise de conscience commence à naître depuis la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé, qui comprenait des mesures sur l'isolement et la contention. J'ai fait de ce secteur une priorité de mon mandat. L'hospitalisation sans consentement ne doit pas nécessairement signifier l'enfermement - et dans ce cas, il faut veiller à limiter les atteintes aux droits fondamentaux.

Néanmoins, beaucoup reste à faire : le regard sur le patient doit changer. Le respect des droits des patients hospitalisés sans leur consentement, ce n'est pas simplement apporter un supplément d'âme, c'est une partie intégrante du soin.

Nous avons récemment publié un rapport thématique sur l'hospitalisation sans consentement, dans lequel nous dénonçons le recours trop fréquent à cette procédure. Depuis trente ans, nous avons supprimé deux tiers des lits d'hôpitaux psychiatriques, ce qui est énorme. Mais les économies budgétaires faites n'ont pas été affectées à l'amélioration des soins de ville. Actuellement, une personne qui commence à avoir des symptômes psychiatriques doit souvent attendre six mois pour obtenir un rendez-vous dans un centre médico-psychologique (CMP) : durant ce délai, les troubles vont empirer, ce qui peut conduire à une hospitalisation.

Nous avons publié il y a une dizaine de jours une recommandation en urgence portant sur l'hôpital de Moisselles, dans le Val-d'Oise. Je m'y suis rendue avec mon équipe à l'improviste, en pleine crise de la Covid-19, à la suite d'une alerte : les patients, en soins libres et en soins sans consentement, atteints de la Covid-19 ou soupçonnés de l'être, étaient enfermés à double tour jour et nuit. Une patiente s'est défenestrée - heureusement, elle n'est pas décédée. J'ai alerté le ministre, car certains établissements faisaient une confusion entre le confinement pour la Covid-19 et la mise à l'isolement. Deux jours plus tard, les organes de gouvernance de l'hôpital ont décidé d'arrêter cette pratique. Personne n'a envie d'enfermer ou d'attacher des patients par plaisir, mais le personnel de l'hôpital ne voyait pas le problème, estimant que les gestes barrières ne pouvaient pas être assimilés par ces patients, alors que ceux-ci avaient bien compris - ils nous l'ont dit - qu'ils ne devaient pas sortir de leur chambre. Notre discussion avec les membres de la direction a permis de trouver une autre organisation.

Debut de section - Permalien
Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Il faut fermer, mais pas à clé, la porte des chambres, en expliquant aux patients qu'il ne faut pas sortir. S'ils font mine de sortir, il faut aller les voir et discuter avec eux. Nous leur avons aussi proposé de mieux organiser le stockage du matériel de désinfection, qui était disposé juste devant les chambres : le personnel craignait que les malades contaminent ce matériel en le touchant.

Il faut rappeler que ces pratiques sont illégales, contraires à l'intégrité physique et psychique des personnes. Les personnels en conviennent et font autrement.

Par ailleurs, nous avons visité 24 centres de rétention administrative (CRA), ainsi qu'une zone d'attente. Aucune amélioration n'a été constatée. J'étais opposée au doublement de la durée maximale de rétention, portée de 45 à 90 jours en 2018. Nous commençons à en constater les dégâts : une telle mesure est inutile et génère des tensions. Cela a peut-être permis une toute petite augmentation du nombre de personnes reconduites à la frontière, mais les personnes sont souvent libérées au final, après être restées dans ces centres trois mois au lieu de 45 jours. Les CRA connaissent une évolution sécuritaire, qui les fait ressembler de plus en plus à des prisons.

Lors du débat sur la loi Asile et immigration en 2018, je m'étais prononcée en faveur d'une interdiction du placement des enfants en rétention. Ma proposition n'a pas été retenue. J'ai été entendue dans le cadre de l'examen, par l'Assemblée nationale, de la proposition de loi visant à encadrer strictement la rétention administrative des familles avec mineurs : ce texte prévoit de fixer la durée de rétention à 48 heures, avec une intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) au bout de 24 heures, et de prévoir la possibilité de prolonger le délai jusqu'à cinq jours. C'est un pas en avant par rapport à la situation actuelle, mais cela me semble insuffisant, d'autant qu'il n'y a apparemment pas de possibilité de faire adopter rapidement cette proposition de loi.

Dans les 60 commissariats et gendarmeries que nous avons visités, nous continuons de constater un hébergement indigne, une politique immobilière inadaptée, et des conditions d'hygiène épouvantables. Les gendarmeries posent toujours un problème de surveillance de nuit : en l'absence de permanence, les gardés à vue sont seuls, sans bouton d'appel, avec un passage seulement toutes les deux ou trois heures - en cas de problème, la personne a le temps de mourir. Nous avons évoqué ce problème depuis longtemps, mais force est de constater que très peu de boutons d'appel ont été installés.

Nous dénonçons également la garde à vue de « confort administratif » : en région parisienne, les gardes à vue sont souvent notifiées en début de soirée, puis il ne se passe rien avant le lendemain matin, quand débutent les auditions.

Autre pratique choquante : les commissariats retirent systématiquement tous les objets - montre, ceinture, lunettes, soutien-gorge pour les femmes - à l'ensemble des gardés à vue. Pour certaines personnes, dangereuses ou agitées, cette pratique est normale ; pour les autres, c'est une atteinte à l'intégrité et à la dignité. D'autant qu'on oublie souvent de leur rendre ces objets pour la comparution devant le juge...

S'agissant des centres éducatifs fermés (CEF), la situation n'a pas évolué par rapport aux années précédentes. La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) est d'accord avec nous, les inspections diverses et variées font les mêmes constats, et pourtant rien ne change... Il aurait fallu tenir compte des évaluations avant de décider de construire d'autres CEF. Les difficultés sont connues : d'énormes problèmes de personnel, des équipes en crise, une qualité inégale du suivi éducatif, une politique contrastée de l'ordre et de la sécurité, parfois trop souple et parfois trop sévère. Heureusement, les fouilles de mineurs, interdites par la PJJ, sont de moins en moins fréquentes.

Nous avons publié un fascicule intitulé « Recommandations minimales pour le respect de la dignité et des droits fondamentaux des personnes privées de liberté », en quelque sorte un droit souple de la privation de liberté. Depuis la création du CGLPL, des milliers de recommandations ont été publiées, et nous avons souhaité les rassembler. Ce sont des règles minimales valables dans tous les lieux de privation de la liberté, de la prise en charge au retour à la vie normale de la personne en passant par les modalités de son séjour dans ces lieux. Ce fascicule sera utile aux professionnels, aux avocats, aux magistrats, aux parlementaires et aux gouvernants.

Nous avons également publié le 10 juin dernier le troisième rapport sur la prise en charge des détenus radicalisés. Le premier datait de juin 2015, avec un avis assez négatif sur les unités dédiées : il était inefficace de regrouper des catégories de personnes qui n'avaient rien à faire ensemble. Les changements apportés à la prise en charge de ces détenus par la Chancellerie nous ont conduits à produire un deuxième rapport, en juin 2016 : nous avons également donné une appréciation négative sur les unités de prévention et de prise en charge.

Depuis 2018, un nouveau dispositif, articulé autour de la mise en place des quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR) et les quartiers d'évaluation de la radicalisation (QER), a été mis en oeuvre : c'est la raison pour laquelle nous avons rédigé ce nouveau rapport. Depuis 2014, à chaque drame, la prise en charge de ces détenus est modifiée sans réelle évaluation des dispositifs précédents. J'ai bien conscience que ce dossier est extrêmement difficile, et qu'aucun pays n'a trouvé de solution idéale ; d'ailleurs, je n'ai pas de proposition à faire.

Beaucoup de choses ne vont pas dans le nouveau dispositif : il n'existe pas de définition de ce qu'est la radicalisation en prison, et la prise en charge ne présente pas de garanties suffisantes, notamment en termes déontologiques. On fait suivre des détenus que l'on soupçonne d'être radicalisés par des binômes de soutien, formés de psychologues et d'éducateurs : les détenus ne sont pas informés des soupçons à leur encontre, et les rapports consécutifs à ces entretiens finissent dans leur dossier et dans celui du juge. Cette absence totale de contradictoire me semble tout à fait contraire aux droits de la procédure pénale. Quant à la prise en charge, elle est largement insuffisante : on met à l'écart une certaine catégorie de détenus dans des conditions insatisfaisantes et sans aucune préparation à la sortie. Depuis une loi de 2016, ont été supprimées presque toutes les possibilités de réduction de peine, de permission de sortir, de semi-liberté. Maintenant, on s'aperçoit que ces détenus vont sortir l'année prochaine, et on cherche comment les condamner une deuxième fois...

Pour tous ces détenus, les mesures de sécurité sont exorbitantes. Aucune individualisation n'est prévue, alors qu'il n'y a rien de commun entre un jeune arrêté parce qu'il allait partir en Syrie et une personne très ancrée dans le djihadisme et qui a perpétré des crimes terroristes.

J'en viens à la crise sanitaire. Nous avons immédiatement alerté sur les deux dangers particuliers auxquels étaient confrontés les lieux de privation de la liberté : un risque plus important de contamination et des risques d'atteinte aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté. Nous avons mis en place un dispositif de suivi des établissements par téléphone, sauf pour les situations jugées extrêmement graves : nous nous sommes ainsi déplacés dans trois lieux - les CRA de Vincennes et du Mesnil-Amelot et l'hôpital de Moisselles.

Nous allons publier un rapport de fin de crise dans une quinzaine de jours. Dans tous les lieux de privation de liberté, les mesures de protection ont été mises en place plus tardivement qu'ailleurs : les psychiatres ont reçu des directives nationales et des masques plus tard que les autres médecins, le personnel n'a été doté de masques que le 29 mars. L'arrêt des visites extérieures a été insuffisamment compensé : en prison, j'ai sollicité la gratuité totale du téléphone, plutôt qu'un crédit forfaitaire de 40 euros, et la mise en place de parloirs par visioconférence - malheureusement, cela n'a pas été fait. Par ailleurs, les recours devant le juge judiciaire sont devenus plus difficiles, le summum ayant été atteint par l'ordonnance du 25 mars permettant la poursuite de tous les mandats de dépôts en cours sans comparution devant le juge. D'autres mesures ont posé problème : l'absence de présentation devant le juge de l'application des peines (JAP) ou le JLD en matière de psychiatrie, même en visioconférence - les décisions étaient uniquement prises sur la base du dossier -, l'absence des avocats qui soit se plaignaient d'un respect insuffisant des gestes barrières soit devaient répondre à un véritable interrogatoire avant de voir leurs clients.

Néanmoins, la crise sanitaire a eu une conséquence positive. Le nombre de détenus a diminué de 13 000, ce qui s'explique par la libération de 6 000 détenus et, pour le reste, par des personnes qui ne sont pas entrées en prison : nous sommes revenus à un seuil de 100 % d'occupation, que nous n'avions pas connu depuis trente ans. La garde des sceaux a demandé aux magistrats, qui n'avaient pas attendu ses instructions du 25 mars, de libérer des détenus avant la fin de leur peine.

Je suis favorable à ce système de régulation carcérale : lorsque le seuil d'occupation des prisons approche les 100 %, une coordination entre les magistrats et l'administration pénitentiaire devrait permettre de déterminer, au cas par cas, les détenus qui peuvent, sans risque pour eux et la société, sortir de manière anticipée. Il aurait fallu inscrire dans la loi de programmation et de réforme pour la justice ce principe de régulation carcérale. Avoir mis en oeuvre cette régulation pendant la crise a montré que c'était possible ; il faudrait maintenant la rendre obligatoire.

En psychiatrie, je veux saluer la décision du Conseil constitutionnel du 19 juin dernier, qui a déclaré inconstitutionnel l'article sur les mesures d'isolement et de contention de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, au motif qu'il ne prévoit pas l'intervention du juge judiciaire pour contrôler ces mesures. La loi a constitué un progrès, car elle a apporté des précisions sur ces mesures, qui doivent être très courtes et prises en dernier recours, mais elle n'avait pas prévu de recours au juge pour prendre de telles décisions. Le Conseil constitutionnel a donné six mois au législateur pour modifier cette loi.

Depuis le déconfinement, l'administration pénitentiaire a diffusé deux notes, l'une pour la période allant du 11 mai au 2 juin, l'autre du 2 juin au 22 juin. Les parloirs ont repris, mais avec un visiteur seulement, une fois par semaine et sans enfant ; les activités collectives étaient très réduites jusqu'au 2 juin ; depuis le 11 mai, tous les agents, et pas seulement ceux qui sont au contact des détenus, portent un masque. Depuis le 2 juin, on assiste à une reprise progressive des transferts, les parloirs sont étendus à deux visiteurs et aux enfants de plus de seize ans. En revanche, les unités de vie familiale et les parloirs familiaux n'ont pas repris. La reprise des ateliers se fait progressivement. Malgré ces prescriptions de l'administration pénitentiaire, on nous a signalé un endroit où les mineurs sont toujours refusés, un autre où le père d'un détenu a été refoulé parce qu'il avait plus de 70 ans...

Durant ce mandat, je suis satisfaite de voir que j'ai pu faire bouger les choses dans le domaine de la psychiatrie. Nous avons lancé un pavé dans la mare en 2016 avec une recommandation en urgence à Bourg-en-Bresse, où des personnes étaient attachées depuis un an. Cet électrochoc a permis de déboucher sur une loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Votre propos confirme que l'institution que vous incarnez est indispensable. Vous parlez au nom de personnes vulnérables qui n'ont pas voix au chapitre. Cela ne signifie pas que nous serons toujours d'accord avec vos propositions, même si nous devons davantage prendre en compte leur vulnérabilité et rééquilibrer en leur faveur les conditions de détention ou d'hébergement.

Pouvez-vous nous apporter des précisions sur la rétention de sûreté, applicable depuis la loi de 2008 aux auteurs de crimes sexuels qui ont purgé leur peine ? Nous travaillons à la transposition de cette loi aux personnes radicalisées, qui relèvent d'une forme d'emprise sectaire nécessitant non pas de les condamner, mais de les surveiller. Il s'agit moins de justice que de police. Cette loi a fait bouger les lignes, et vous dénoncez le tournant qui a été pris à l'époque. Nous avons néanmoins à nous préoccuper d'un danger pour la société : quelle autre mesure pourrions-nous prendre ?

Vous avez évoqué le fait que les personnes condamnées pour des actes liés à une entreprise terroriste ne pouvaient pas bénéficier d'un accompagnement permettant d'éviter une sortie sèche. Par conséquent, nous n'aurions qu'à nous en prendre à nous-mêmes si nous devons maintenant gérer ce type de situations. Là aussi, que pouvons-nous faire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie Mercier

Je vous remercie, madame la Contrôleure générale, pour la pugnacité avec laquelle vous avez exercé votre mission. Transparaît de votre exposé un problème de moyens et de gouvernance. Dans le centre pénitentiaire de mon département, la Saône-et-Loire, le directeur a pris les choses en mains durant la crise sanitaire : tests du personnel, aile affectée à la quarantaine... Aucun détenu n'a été infecté.

La psychiatrie, c'est prévoir des réactions imprévisibles. Vous avez évoqué les mesures prises par l'hôpital psychiatrique de Moisselles. Qui avait mis en place les mesures d'enfermement que vous avez dénoncées ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

S'agissant des détenus condamnés pour des actes terroristes, vous avez indiqué que la préparation de la sortie était insuffisante. La question est ancienne, et l'État tâtonne, entre logique de regroupement et logique de dispersion des détenus, pour trouver un système qui permette d'éviter la propagation des idées terroristes au sein de l'espace carcéral. Le rapport de nos collègues Catherine Troendlé et Esther Benbassa avait montré, dès 2017, les limites des centres de déradicalisation, qui ont été - on peut le dire - un échec total.

L'Assemblée nationale vient de voter la possibilité de prendre des mesures de sûreté par un placement sous bracelet électronique, ce qui a suscité des réactions de la Commission nationale consultative des droits de l'homme et du Conseil d'État, qui a émis des réserves tout en reconnaissant les difficultés d'appréciation.

Vous avez évoqué le fait qu'il n'y ait pas de définition de la radicalisation. Je ne suis pas sûr qu'on en aura une un jour... Mais ce phénomène existe bel et bien, et la société se doit d'essayer de prévenir la perpétration d'actes terroristes par des personnes radicalisées. Je le rappelle, 31 détenus radicalisés vont être libérés cette année, 62 en 2021 et 50 en 2022.

Comment intégrer l'éthique de responsabilité ? Comment prendre en compte les conséquences pour la société des mesures prises, et ne pas s'en tenir au seul respect des droits fondamentaux des détenus ? Le procureur de la République antiterroriste a indiqué devant la commission des lois de l'Assemblée nationale : « Nous avons plus qu'une inquiétude, une vraie peur, s'agissant des dizaines de personnes qui vont sortir de prison, qui sont très dangereuses et dont les convictions sont absolues. Elles constituent la menace prioritaire aujourd'hui. » Comment conseiller au mieux le Gouvernement pour définir des mesures adaptées à ce risque ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Mme Troendlé a travaillé, avec Mme Benbassa, sur les questions de radicalisation, qui font actuellement l'objet d'une commission d'enquête dont la rapporteure est Mme Eustache-Brinio.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

En 2009, nous avions interrogé Mme Alliot-Marie, alors garde des sceaux, sur le retrait du soutien-gorge des femmes en garde à vue. Il me semble qu'elle avait donné des instructions pour mettre fin à cette pratique.

Pour avoir fait le tour des institutions qui prennent en charge les jeunes en difficulté, notamment les radicalisés, je suis convaincue que les CEF sont les plus appropriés. La prise en charge coûte extrêmement cher, car les intervenants sont nombreux. La seule difficulté, c'est le manque de personnel, notamment pour permettre à ces jeunes de réintégrer une scolarité normale. La plupart d'entre eux sont des prévenus. Ils ne sont pas dans une démarche volontaire de reconstruction, car ils attendent une décision de justice. Cela ne va pas vous plaire, mais je me demande s'ils ne devraient pas parfois être condamnés à des peines un peu plus longues pour permettre une prise en charge approfondie dans un cadre qui leur est, à mon sens, favorable, et en tout cas bien meilleur que celui proposé dans les quartiers pour mineurs des maisons d'arrêt.

Je laisserai Mme Jacqueline Eustache-Brinio évoquer la question de la déradicalisation. Pour les mineurs, il faut prévoir des moyens suffisants afin d'assurer leur prise en charge à la sortie des établissements, peut-être en renforçant les moyens de la PJJ.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Sur les CEF, vous avez souligné votre réticence à la construction de nouveaux centres. Comme Mme Troendlé, j'estime qu'ils sont nécessaires, car nous devons protéger la société des délinquants mineurs très violents. Personne ne souhaite que ces jeunes passent leur vie dans un CEF, mais ils n'arrivent pas là par hasard : ils ont un très long parcours socio-éducatif de prise en charge derrière eux. Des mesures éducatives en milieu ouvert sont prononcées très tôt. On veut les maintenir à tout prix dans leur famille, dans leur quartier, et pourtant ils finissent en CEF. C'est donc un échec de la prise en charge des mineurs délinquants. Que de temps perdu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Eustache-Brinio

Et de doctrine !

Sur la radicalisation, le contexte est compliqué, et nous ne pouvons pas le nier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J'ai prêté une grande attention à vos propos sur les effets de la crise de la Covid-19 sur le dépeuplement des prisons. On a le sentiment que les choses vont plutôt mieux. Nous l'avons souvent dit au sein de notre commission, il faut privilégier les alternatives à la détention et éviter les séjours courts, notamment de prévenus, car leurs effets sont négatifs. Vous avez émis le voeu que l'on continue sur cette voie. Estimez-vous que nous y parviendrons ? Cela permettrait aussi au personnel pénitentiaire de se concentrer sur les détenus condamnés à de plus longues peines.

À la fin de votre mandat, estimez-vous que les moyens du CGLPL sont suffisants ? Quelle analyse faites-vous de la suite donnée par les différents gouvernements à vos préconisations ? Vous avez évoqué avec le cri du coeur la psychiatrie, où vous avez eu le sentiment de marquer des points.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Delattre

Merci pour votre exposé remarquable. J'ai visité le centre pénitentiaire de Draguignan, dans lequel l'emprise de la drogue est importante. Les trafics n'ont pas cessé pendant le confinement. Quid de la problématique du sevrage ?

Je voulais également faire état des dysfonctionnements en matière de formation dans les prisons. Les cycles de formation ont du mal à reprendre après le confinement, ce qui me parait très regrettable dans la mesure où la formation constitue souvent la première étape dans un parcours de réinsertion professionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Costes

Ma question porte sur les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) et sur les quartiers pour mineurs, que j'ai eu l'occasion de visiter dans le cadre de la préparation d'un rapport pour la commission. J'ai été assez dubitative quant à la qualité de l'enseignement dispensé à ces jeunes. Quel regard portez-vous sur cette question ? Il faut préparer les jeunes à leur future insertion professionnelle.

Qu'en est-il de l'accès de ces jeunes, qui ont souvent des troubles psychologiques ou psychiatriques, à des pédopsychiatres ou à un suivi psychologique ? La situation m'a semblé assez chaotique et assez inégale. Voir un mineur enfermé est éprouvant : comment le préparer à la sortie ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Ma première question porte sur l'absence de contradictoire, pour reprendre vos termes, dans l'identification des personnes radicalisées en prison. Mais si l'on veut savoir si une personne est radicalisée, il ne faut pas lui poser la question... C'est davantage du ressort du renseignement pénitentiaire : est-il suffisamment efficace ? Nous savons que l'un des facteurs de la radicalisation est l'incarcération. L'accompagnement du détenu, en revanche, nécessite le contradictoire. Il faut éviter les sorties sèches qui présenteraient des risques pour la société.

Nous sommes nombreux à nous féliciter que les prisons aient retrouvé un taux d'occupation acceptable. Pour autant, avez-vous pu d'ores et déjà relever une amélioration de la situation, qui se traduirait par une baisse des troubles en prison ?

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

Ces dernières années, nous avons assisté à un durcissement de la politique pénale. L'emprisonnement est souvent envisagé comme la solution unique. D'après les enquêtes d'opinion, ceux qui sont emprisonnés devraient payer deux fois : par le fait d'être privés de liberté, et par des conditions de détention pénibles. Débloquer des crédits budgétaires pour améliorer la situation n'est jamais populaire... On entre dans une logique exclusivement punitive. Ne serait-il pas préférable de développer des mesures de substitution à l'emprisonnement, afin de concentrer les moyens sur les détenus posant le plus de problèmes ? La baisse de la population carcérale permet-elle d'apporter un service pénitentiaire de meilleure qualité ?

Pour faire écho à la question de Jean-Pierre Sueur, quelles évolutions seraient, selon vous, souhaitables pour donner plus de portée à l'activité du Contrôleur général ?

Debut de section - Permalien
Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

S'agissant de la loi de 2008 et de sa réplique - le texte adopté lundi dernier par l'Assemblée nationale -, je le redis, la question de la radicalisation en prison et du traitement des détenus radicalisés est extrêmement compliquée. Pour le moment, personne n'a trouvé de solution, ni en France ni ailleurs. Loin de moi l'idée de dire ce qu'il faut faire, et je ne suis d'ailleurs pas là pour ça.

Dans un État de droit, il faut s'en tenir à des principes fondateurs écrits dans la loi ou dans des textes de valeur supérieure, sinon toutes les dérives sont possibles. Notre droit prévoit qu'une personne est condamnée si elle est coupable de quelque chose, et non parce qu'une commission décide qu'elle est encore dangereuse.

Debut de section - Permalien
Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

En droit pénal, soumettre quelqu'un au port d'un bracelet électronique est une alternative à l'incarcération et donc une condamnation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Laissons de côté le bracelet électronique. Et pour le reste ?

Debut de section - Permalien
Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

On ne peut pas imposer une série de mesures de surveillance à une personne qui a totalement purgé sa peine. La possibilité d'un suivi administratif pour une durée d'un an existe déjà : c'est largement suffisant. On changerait totalement de paradigme si l'on décidait, par exemple, d'imposer le pointage trois fois par semaine dans un commissariat. Sur le plan de la procédure, il n'est pas en outre envisageable d'imposer des mesures de surveillance après que la peine a été prononcée. Pour les auteurs d'infractions à caractère sexuel, c'est au moment de la condamnation que les mesures de suivi sont décidées. Si la loi est adoptée, se posera un problème de rétroactivité : comment appliquer une loi pénale plus sévère à des personnes condamnées il y a déjà plusieurs années ?

Je n'ai pas de dispositif utile, efficient et respectueux des droits fondamentaux à proposer.

Le renseignement pénitentiaire fait son travail, et de façon non contradictoire. Il est très présent dans les établissements, surtout depuis qu'il appartient à la communauté du renseignement intérieur. Les commissions pluridisciplinaires uniques, qui décident du suivi des détenus, sont parfois présidées par un membre du renseignement pénitentiaire. Les dispositifs de prise en charge des détenus ne respectent pas le minimum de précaution éthique. Quand un psychologue fait des entretiens avec un détenu au motif de l'aider, son rapport peut finir par se retrouver dans le dossier du juge.

Debut de section - Permalien
Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Même si ces informations ne finissaient pas dans le dossier du juge, il faudrait tout de même dire au détenu que ses propos peuvent avoir des conséquences sur le déroulé de sa peine.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous sommes très partagés. Nous entendons vos arguments - le citoyen détenu n'a pas abdiqué tous ses droits -, mais nous avons la préoccupation de la surveillance.

Debut de section - Permalien
Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Jusqu'au 31 décembre 2019, le détenu ne pouvait pas faire de recours contre la décision de l'orienter dans un QPR. Un décret a modifié cette situation.

La suppression de la quasi-totalité des aménagements de peines ne permet pas l'individualisation des mesures. Certes, il n'est pas question d'accorder une libération conditionnelle à un détenu qui a commis un attentat. Mais les détenus radicalisés forment un agrégat composé de djihadistes convaincus et de très jeunes gens qui avaient simplement manifesté leur envie de partir en Syrie.

Madame Mercier, il y a effectivement un problème de moyens, mais pas seulement : il existe aussi un problème de gouvernance et de culture. Pour répondre à votre question, la décision avait été prise par un psychiatre de garde, qui n'était pas celui qui gérait cette unité, et par un membre de la direction. Ces unités Covid avaient été placées sous la responsabilité d'un médecin somaticien, et non d'un psychiatre. La décision n'avait donc pas été prise par les personnes idoines. Deux jours après notre passage, la directrice et les médecins siégeant au sein de la commission médicale d'établissement (CME) ont mis fin à la situation problématique.

Madame Troendlé, je ne suis pas certaine que Mme Alliot-Marie ait pris ces instructions. Le problème vient souvent du fait que les textes précisent qu'il faut une proportionnalité entre le respect des droits fondamentaux et la sécurité. Ainsi, il ne faudrait pas enlever systématiquement le soutien-gorge. Mais en pratique le personnel le fait toujours, car il estime qu'en cas de problème la hiérarchie ne les couvrira pas.

Nous proposons - mais c'est si peu dans la culture administrative que j'ai peu d'espoir que la situation évolue un jour - d'instaurer une obligation de moyens et non de résultat pour ces personnels de surveillance. Les agents seraient moins inquiets des suites de leurs agissements et respecteraient davantage les droits fondamentaux des personnes. Il est, par exemple, illégal qu'une femme accouche ou subisse un examen gynécologique en étant attachée et en présence d'une surveillante. À chaque fois que j'évoque ces situations avec un garde des sceaux, il me répond que c'est inadmissible, et pourtant la pratique perdure. Les directeurs d'établissement ne sont souvent même pas au courant... Par crainte d'un incident, c'est l'agent sur le terrain qui prend la décision d'une surveillance maximale.

Monsieur Sueur, le rapport sera publié dans quelques jours. Si les gouvernants ne « profitent » pas de la diminution de la population carcérale occasionnée par la crise de la Covid-19, ils porteront une responsabilité historique. Il faut inscrire dans la loi la régulation carcérale, sinon dans moins d'un an nous serons de nouveau à 140 % de taux d'occupation. La représentation nationale peut déposer une proposition de loi sur cette question. Jusqu'à présent, la régulation carcérale ne faisait l'objet que d'une expérimentation dans onze établissements.

Sur le travail du CGLPL, nous manquons certes de quelques postes. Les quarante contrôleurs sont assez débordés, car ils doivent réaliser 150 visites par an - un engagement pris devant le Parlement et auquel je tiens beaucoup. Nous avons mis en place une méthodologie de rédaction des rapports, afin qu'ils soient rendus plus rapidement. Il faut surtout que les pouvoirs publics entendent davantage nos propositions. Nous avons établi un suivi des recommandations à n+3 : trois ans après chaque recommandation, nous vérifions ce qu'il en est advenu. Nous avons eu du mal à obtenir ces réponses. Il faudrait que les ministères établissent un tableau de bord des recommandations.

Certaines recommandations ne sont pas suivies : j'ai cité l'exemple des examens dans les hôpitaux sous surveillance, alors que la personne n'est pas dangereuse.

Sur la question de la drogue évoquée par Mme Delattre, les surveillants étaient inquiets au moment du confinement et de l'arrêt des parloirs que la drogue n'arrive plus jusqu'aux détenus. Cela montre bien le niveau de tolérance sur cette question... De fait, la drogue a continué à arriver, par projections ou par les surveillants.

Concernant la formation professionnelle, les informations dont je dispose montrent qu'elle a commencé à reprendre.

Dans les EPM, il y a effectivement un problème d'accès aux pédopsychiatres. Mais comme il n'y en plus dans la société, il y en a encore moins en prison.

Monsieur Reichardt, depuis que le nombre de détenus a baissé, on observe une amélioration de la situation. Nous avons repris nos visites, et certains surveillants nous confient qu'ils parviennent enfin à faire leur travail correctement.

Pour mettre fin à la logique punitive soulignée par M. Kerrouche, il faut prévoir des alternatives à la détention. J'espère que la mise en place du « bloc peines » depuis le 24 mars 2020 produira ses effets, même si la loi n'est pas allée assez loin. C'est une bonne chose d'avoir supprimé les peines d'un mois et d'avoir incité, pour les peines de moins de six mois, à rechercher des alternatives, mais nous n'avons touché ni aux critères de détention provisoire ni à la procédure de comparution immédiate, qui est une vraie justice « d'abattage ». On met les magistrats en situation de prononcer des peines d'emprisonnement ferme, tant ils ont peu de temps et d'information pour prononcer une peine alternative.

Debut de section - PermalienPhoto de François Bonhomme

Vous déplorez la relative autonomie du renseignement pénitentiaire, mais il a fait la preuve de son efficacité.

Concernant la surveillance des personnes radicalisées, le Conseil d'État évoquait des mesures disproportionnées par rapport aux exigences de sûreté de l'État. Mais pointer trois fois par semaine - à ma connaissance, c'est une fois par semaine - ne me paraît pas disproportionné eu égard au risque de survenance de nouveaux actes terroristes. Lors du débat de lundi dernier à l'Assemblée nationale, la garde des sceaux a mentionné le risque d'enfermer les terroristes dans leur misanthropie. On introduit des notions psychologiques qui sont extérieures au droit !

Debut de section - Permalien
Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Le renseignement pénitentiaire a été renforcé. Je ne suis pas certaine que son intégration dans la communauté du renseignement était une bonne idée, car les surveillants et les agents du renseignement ne font pas le même métier. La situation se complique quand le délégué local au renseignement pénitentiaire - en général, un cadre de l'établissement - a des informations dont même le directeur de l'établissement ne dispose pas, d'autant qu'il est soumis hiérarchiquement à ce dernier, sauf pour sa mission de renseignement.

Par ailleurs, sur la rétention de sûreté, nous devons tous les deux avoir raison : le pointage se fait soit une fois soit trois fois par semaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Les mesures mobilisables dans le cadre de la loi renforçant la sécurité intérieure permettent de mettre en place, pendant une durée limitée, un dispositif qui ressemble à l'assignation à résidence de la loi sur l'état d'urgence. Ce dispositif a semblé insuffisant ; c'est la raison pour laquelle le texte actuellement en discussion prévoit des mesures de sûreté qui permettent de porter à trois par semaine le nombre de pointages, et pour une durée beaucoup plus longue.

Debut de section - Permalien
Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Je ne sais pas s'il faut parler de misanthropie, mais je vois ce qu'a voulu dire la garde des sceaux : le renforcement des mesures exorbitantes du droit commun appliquées aux personnes radicalisées risque de les stigmatiser, voire d'accroître le danger qu'elles représentent.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Ces questions sont très compliquées, nous ne prétendons pas les trancher.

Je vous remercie d'avoir veillé à rendre compte à la commission des lois du Sénat des travaux du CGLPL durant toute la durée de votre mandat. Votre point de vue est important. Nous veillons au respect du droit dans les lieux privatifs de liberté, même si nous avons également d'autres préoccupations : nous cherchons le délicat équilibre entre tous ces objectifs.

Je remercie mes collègues d'avoir été présents soit physiquement soit par téléconférence.

La réunion est close à 12 h 25.