Intervention de Christophe Castaner

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 25 juin 2020 à 14h15
Audition de Mme Adeline Hazan contrôleure générale des lieux de privation de liberté pour la présentation de son rapport annuel d'activité pour 2019

Christophe Castaner , ministre :

Le budget de la sécurité - je ne parle pas du budget du ministère de l'intérieur - a augmenté de 1,7 % et 205 millions d'euros en 2018, de 2,6 % et 334 millions en 2019, et de 4,1 % et 519 millions en 2020. Il faut faire la différence entre le titre 2 et le hors-titre 2. L'an dernier, nous avons fait porter l'effort sur les rémunérations et le recrutement ; d'autres, à d'autres moments, ont fait des choix différents... À une époque, on comptait 12 500 policiers et gendarmes de moins sur le territoire national et je ne suis pas sûr que l'équipement était meilleur... Nous arrivons à peine à rattraper le retard grâce à l'effort engagé depuis 2016 par le gouvernement précédent.

Les crédits hors titre 2 n'ont jamais été aussi élevés : ils ont augmenté de 12 % et s'élèvent à 2,4 milliards d'euros. Est-ce pour autant suffisant ? Non. Les dépenses d'investissement dans l'immobilier atteignent 900 millions, un niveau qui n'a jamais été atteint, mais qui ne suffit pas à rattraper le retard. De la même façon, nous avons acheté 5 334 véhicules chaque année depuis 2017, soit une augmentation de 31 % par rapport à la précédente mandature. Fin 2016, la police disposait de 2 000 tablettes et smartphones, contre 50 000 à la fin de l'année 2019. Dans la gendarmerie, on est passé de 9 100 terminaux à 67 000. On ne comptait que 2 000 caméras-piétons fin 2016, contre 10 594 aujourd'hui, et je souhaite aller plus loin. Cela ne suffit pas, certes, mais il faut reconnaître l'effort qui a été réalisé : le budget du ministère de l'intérieur a été l'un de ceux qui ont connu la plus forte augmentation ces dernières années.

J'en reviens à la question de la technique. Comme vous, je ne suis pas un spécialiste. Aussi, quand les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales me présentent un rapport pour dire que cette technique, employée de façon marginale en intervention, ne devrait plus être enseignée, je ne peux que les suivre. Cette méthode qui vise à empêcher soit l'oxygène de parvenir au coeur, soit le sang d'irriguer le cerveau, semble dangereuse. C'est pour cette raison que j'ai suivi leur recommandation. Toute personne en responsabilité aurait pris la même décision. Il s'agit aussi de protéger les forces de l'ordre en ne leur enseignant pas une technique qui pourrait les conduire un jour devant un juge. J'aurais commis une faute en prenant une autre décision.

Il existe des techniques de substitution. Les gendarmes réalisent des interpellations et les personnels pénitentiaires parviennent à gérer les situations alors qu'ils n'ont pas le droit d'utiliser l'étranglement. J'ai donné deux mois et demi à un groupe de travail placé sous l'autorité d'un directeur départemental de sécurité publique expérimenté, M. Frédéric Lauze, qui comprend un médecin du Raid, un médecin légiste, un policier judoka, etc., pour définir les techniques de substitution. Je ne veux pas que les policiers soient désarmés dans leur capacité d'intervention. Comme ils ont été formés à cette technique, à la différence des gendarmes, nous leur devons une formation aux nouvelles techniques. En tout cas, cette technique est très marginale. L'usage de la contrainte doit être strictement nécessaire et proportionné. L'article 122-5 du code pénal autorise la légitime défense : en cas d'absolue nécessité, les agents peuvent légitimement utiliser tout mode de riposte face à une personne qui veut porter atteinte à leur intégrité physique. C'est la différence avec une interpellation. Cette distinction est essentielle.

On peut donc faire confiance à l'expérience de ceux qui m'ont rendu ce rapport pour savoir qu'ils ne voulaient absolument pas priver nos forces de capacités d'intervention ; ils savaient que cette technique n'était que très marginalement utilisée, ce que reconnaissent tous les policiers avec qui j'ai échangé. Ils m'ont aussi proposé cette décision après avoir fait une comparaison internationale des techniques d'interpellation. Je ne comparerai pas cette décision avec celle qui a été prise récemment par le président Trump. Cette technique ne sera dorénavant plus enseignée dans les écoles de police et nous devons trouver des moyens de substitution. J'attends des propositions dans un délai court et je souhaite que tous nos agents puissent avoir une formation individuelle.

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