Oui, effectivement, c'est un sujet qui m'irrite... Madame Eustache-Brinio, malgré nos différences d'approche sur certains sujets, nous nous rejoignons sur notre vision et notre ambition pour la protection de nos concitoyens.
Peu de gens tirent des feux d'artifice avec des mortiers ; en revanche, les mortiers sont très utilisés dans le cadre des violences urbaines. Les forces de l'ordre réussissent à interpeller, mais peu. La police de Gennevilliers que j'ai rencontrée hier a ainsi réussi à interpeller un marchand ambulant de cocktails Molotov, ainsi que, grâce à la vidéo-protection de la ville, les agresseurs de CRS par tirs de mortier.
J'ai demandé à mes services de travailler sur l'interdiction de la vente de ces produits, qui sont détournés de leurs fins. Mais cette autorisation relève des règles du Marché commun européen. Certains arrêtés préfectoraux ont été annulés, car contraires à la directive du 12 juin 2013 qui limite grandement nos marges de manoeuvre. J'ai cependant demandé à mes services de poursuivre leurs réflexions sur la question des usages non professionnels de ces produits.
S'agissant de la formation, je tiens à tordre le cou à certaines contre-vérités. La durée de la formation a été fortement revue à la baisse après 2015, car il fallait « trouver des bras » pour mener des missions de protection - un choix que j'avais soutenu à l'époque : de douze mois, elle est passée à dix mois et demi, auxquels s'ajoutaient six mois de stage. La formation sur le terrain sera désormais renforcée, avec huit mois en école et seize mois de formation dans un poste qui ne sera pas votre poste d'affectation, soit un total de vingt-quatre mois de formation.
S'agissant de la formation permanente, depuis 2015-2016, les policiers sont de plus en plus nombreux à pratiquer les trois tirs par an et à bénéficier des douze heures de formation annuelles prévues. Nous devons améliorer cette situation, sur les tirs, mais aussi sur la gestion des interpellations. Bien souvent, les agents hésitent à partir en formation afin de ne pas affaiblir leur équipe. Mais les agents affectés à la sécurité publique doivent bénéficier d'une formation continue plus active. La formation annuelle sera désormais obligatoire pour pouvoir rester sur le terrain. Nos forces mobiles bénéficient de beaucoup plus de formation, même si, pendant la crise des « gilets jaunes », l'intervention sur le terrain a parfois conduit à reporter les formations prévues. En 2018, 64,9 % des policiers avaient suivi la formation annuelle de douze heures.
Nous comptions, en 2020, 11 000 caméras mobiles, contre 2 000 en 2017. Le taux de compréhension de l'utilité de cet outil est élevé, car il a clairement permis de changer la relation avec l'interlocuteur. Mais la satisfaction n'est pas au rendez-vous sur la qualité du matériel en raison d'une durée d'autonomie et d'une facilité d'exploitation des images insuffisantes. Nous allons donc revoir notre marché et être plus offensifs sur ce sujet.
S'agissant de la réforme des inspections générales, je vous transmettrai les rapports de l'IGPN et de l'IGGN, qui montrent que 1 960 enquêtes judiciaires ont été conduites en 2019 par ces deux inspections. Elles sont craintes par nos forces de l'ordre, car elles fournissent un extrêmement bon travail. Qui pourrait les remplacer ? C'est un métier et il est bon qu'il soit fait par des policiers, car ils sont d'autant plus sensibles lorsqu'ils constatent qu'on leur a menti ou caché des choses.
Sur le volet administratif, la vision n'est pas toujours satisfaisante, comme nous l'avons constaté l'an dernier au moment de la disparition de Steve Maia Caniço à Nantes. Un rapport de l'IGPN m'avait été remis en juillet, mais j'ai également saisi l'Inspection générale de l'administration (IGA), car nous avions besoin d'une vision plus globale sur la gestion de l'ordre public ; c'est sur la base de ces deux rapports que j'ai annoncé des décisions au mois de septembre, notamment la révision de nos méthodes d'intervention de nuit ou au bord de l'eau. Je souhaite que désormais, sur les cas les plus sensibles, nous puissions réunir un collège des inspections, afin que l'IGA - dont la composition a été élargie - puisse mener des enquêtes avec une vision plus globale, en s'appuyant sur l'IGPN et l'IGGN. Cela nous permettra de dépasser le cadre policier et de porter un regard différent. Cette réforme a été lancée et sera opérationnelle très prochainement. Même si une mauvaise publicité a été injustement faite à l'IGPN, la plateforme de signalement ouverte au public est désormais mieux connue : les citoyens doivent avoir une réponse lorsqu'ils ont une question.
Sachez que ces inspections font actuellement un travail d'évaluation de l'accueil et du suivi des femmes victimes de violences, via notamment des inspections inopinées dans les commissariats et gendarmeries ainsi que des entretiens avec les femmes victimes. Plus généralement, elles interrogent les victimes confrontées aux forces de sécurité intérieure sur la qualité de l'accompagnement méthodologique et psychologique mis en oeuvre. Ne jetons donc pas le bébé avec l'eau du bain !