La formalisation des décisions de classement des armes relève du service central des armes du ministère de l'intérieur, que je vais interroger. Je vous communiquerai sa réponse technique sur le point précis que vous avez soulevé.
Le Conseil d'État a été saisi à plusieurs reprises, et notamment le 1er février 2019, de la question du retrait du LBD. Sa réponse a été très claire : l'usage de ce moyen de défense est encadré et il est rendu nécessaire par l'existence de violences et d'atteintes aux personnes et aux biens. C'est malheureusement une réalité, chaque jour, chaque nuit. Malgré ces tensions qui ne font que croître, sachez que le nombre de tirs de LBD a diminué de 43 % en 2019 par rapport à 2018. En outre, les tirs de LBD, sauf circonstances exceptionnelles liées notamment à la légitime défense, sont désormais systématiquement filmés. Il existe une doctrine différente entre la police et la gendarmerie et nous travaillons actuellement à élaborer une doctrine partagée. Je défends l'usage du LBD : je sais que nos forces de sécurité intérieure sont formées à son usage et qu'elles ne l'utilisent que dans un cadre strictement nécessaire, immédiat et proportionné. Bien sûr, il peut y avoir des fautes, mais elles conduisent alors à des contrôles, des enquêtes, voire des suites judiciaires. Il faut avoir les bonnes personnes, bien équipées, bien formées, au bon endroit. Nous avons été amenés, à certains moments de grande tension, à affecter à l'ordre public, pour défendre nos institutions et la sécurité de notre pays, des femmes et des hommes qui n'étaient pas formés à cet ordre public : ce n'est pas la solution, mais nous devions alors renforcer nos moyens d'intervention. Le LBD est une arme intermédiaire qui permet d'éviter le contact physique et d'avoir recours à d'autres techniques ou de moyens plus dangereux. Nos forces savent s'adapter et l'utiliser avec parcimonie : nous avons connu deux mois de manifestations des « gilets jaunes » en 2018, contre six en 2019 et pourtant l'on constate une baisse de son utilisation.
Je comprends le débat sur la diffusion des images filmées par la police, mais nous sommes aujourd'hui dans une situation asymétrique injuste. Mon rôle est de défendre nos forces. Le procès a déjà lieu dans la presse et sur les réseaux sociaux et il peut marquer l'opinion publique, car une vidéo, éventuellement tronquée, peut atteindre trois millions de vues ! Une vidéo, si elle est seule, peut mettre en cause les forces de sécurité intérieure. Tout en respectant le droit à l'image, nous devons protéger nos forces. Lors de l'attentat de Villejuif en janvier dernier, le premier film que j'ai visionné présentait comme des violences policières la neutralisation de l'agresseur terroriste qui venait de poignarder des passants. C'est un sujet d'équilibre, mais je ne veux pas que certains aient tous les droits, y compris celui de tronquer la réalité. Je ne suis pas favorable à l'interdiction de filmer, mais, à l'inverse, nos forces doivent pouvoir se défendre. Les forces de l'ordre doivent pouvoir se défendre dans le procès public qui leur est fait.
Je suis favorable à rendre publiques les conclusions du groupe de travail. Vous avez aussi souhaité avoir communication des rapports de l'IGPN et de l'IGGN sur les techniques d'intervention, mais je crois savoir que vous les rencontrerez en audition. Si les inspections me demandent l'autorisation de vous transmettre leurs travaux, ce sera sans difficulté pour moi.
L'expression « ouvriers de l'État » est belle, mais elle montre aussi toute la misère et la difficulté de la mission quotidienne des forces de sécurité intérieure. L'expression « fiers de servir » est porteuse de tout le sens de l'engagement des policiers et des gendarmes. J'ai visité ce matin l'école des officiers de la gendarmerie nationale de Melun : les élèves n'y cherchent pas un métier, mais à servir. Et je sais que demain, dans une école de commissaires de police que je visiterai, j'entendrai le même discours : leur engagement est porteur de sens. Mais quand ils sont victimes d'une société de plus en plus violente, dénoncés, instrumentalisés par le biais d'images, soumis à l'opprobre public, qu'on leur manque de respect, c'est beaucoup plus dur. L'enseignant, l'élu et le maire le vivent aussi, comme les policiers, les gendarmes, les militaires, les pompiers volontaires, qui incarnent la République. Il faut défendre nos 250 000 « ouvriers de l'État fiers de servir ». Ils sont en première ligne et nous devons les accompagner. Les auteurs de violences urbaines n'aiment pas la République et veulent atteindre ses institutions.
Nous avons identifié huit affaires de décès imputables à l'usage de la force depuis 2014, police et gendarmerie confondues : deux sont clôturées et ont débouché sur l'absence de responsabilité et six sont encore en cours. Il faut des enquêtes. Personne ne peut parler à la place de la justice. Il y va de notre démocratie. Nous devons respecter les décisions de justice, même lorsqu'elles ne nous conviennent pas.
En 2019, les deux inspections générales ont été saisies de 879 cas de violences policières alléguées. Les enquêtes sont en cours et lorsque cela est nécessaire, des éléments sont transmis aux autorités judiciaires. Le signalement est désormais plus facile, grâce à la plateforme : l'évolution des chiffres ne correspond donc pas nécessairement une aggravation de la situation. La qualité de la formation est essentielle, mais la formation continue doit devenir une priorité.
Nous devons faire mieux connaître nos forces de sécurité. La journée de la sécurité intérieure chaque année à la mi-octobre, l'accueil en stage des élèves de troisième, le dispositif des cadets, la réserve le permettent déjà. Mais il est important que chacun sache, dès le plus jeune âge, que la police est bienveillante. Assurer la sécurité des Français, c'est être bienveillant avec les Français.