Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en dépit des attentes élevées à l’égard du Conseil européen de vendredi dernier, les États membres n’ont pas réussi à progresser ni sur la détermination du prochain cadre financier pluriannuel ni sur la mise en œuvre d’un fonds de relance pour surmonter la crise actuelle.
Cet ordre du jour ambitieux s’inscrit au cœur des compétences de la commission des finances. En effet, celle-ci a examiné la semaine dernière, sur mon rapport, une proposition de résolution européenne sur ce sujet, devenue hier résolution du Sénat, présentée par le président Jean Bizet et Simon Sutour, au nom de la commission des affaires européennes.
Les débats au sein de la commission des finances ont souligné le caractère novateur de la proposition de la Commission européenne. Cette proposition, qui repose sur un couple formé par un CFP socle et un fonds de relance, présente deux avantages indéniables.
Premièrement, elle permet d’augmenter significativement la puissance de feu du budget européen sans peser à court terme sur les contributions nationales.
Deuxièmement, elle a le mérite de tenter de réconcilier plusieurs visions de cet attelage que constituent le CFP et le fonds de relance, en proposant que ce dernier intervienne majoritairement sous forme de subventions à hauteur de 500 milliards d’euros, mais pas uniquement, puisque 250 milliards d’euros de prêts pourront être octroyés. C’est donc une première forme de solidarité européenne qu’il est proposé de mettre en place pour traverser la crise que nous vivons, ce dont chacun se réjouit.
Toutefois, la commission des finances n’a pas donné de satisfecit tant les incertitudes et les points d’inquiétude demeurent nombreux.
Le premier d’entre eux concerne le calendrier des négociations. Alors que le Conseil européen de la semaine dernière a surtout permis de constater des désaccords déjà bien connus, le temps presse pour mettre la prochaine programmation financière sur les rails. Les négociations se sont ouvertes en 2018, avec l’objectif d’éviter des retards importants pour la mise en œuvre des programmes opérationnels en début de CFP tels que nous en avions connu en 2014.
Madame la secrétaire d’État, un accord entre les États membres en juillet vous semble-t-il à portée de main ? Dans le cas inverse, quelles mesures seraient alors prises pour assurer la continuité du budget européen ?
J’en viens au deuxième point d’inquiétude. La Commission relève que l’articulation du budget européen augmenté du fonds de relance et des plans de relance nationaux est cruciale pour assurer la reprise économique.
S’agissant des subventions prévues par la « facilité pour la reprise et la résilience », le calendrier de décaissement des crédits de paiement ne nous paraît pas adéquat. Le financement de la reprise doit intervenir dès le début du CFP. À cet égard, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous apporter des précisions – vous venez de le faire en partie – sur les projets d’investissement et les secteurs de notre économie qui pourront bénéficier en priorité du fonds de relance européen ?
Notre commission s’est également inquiétée des modalités de remboursement de l’emprunt réalisé par la Commission européenne. À partir de 2028, deux pistes sont possibles : soit le remboursement est permis par la mise en œuvre de nouvelles ressources propres de l’Union, soit il repose quasiment exclusivement sur une hausse significative des montants des contributions nationales des États membres.
En la matière, rien n’est donc acquis. Or, en l’absence de certitude sur le remboursement dont devra s’acquitter la France, nous ne pouvons pas déterminer le taux de retour dont elle bénéficiera au titre du fonds de relance ni l’ampleur de la hausse à venir de sa participation au budget européen.
La Commission européenne semble placer beaucoup d’espoir dans l’introduction d’un panier de nouvelles ressources propres. S’il est évident que cette solution offre une porte de sortie à un débat politiquement sensible, je crois qu’il est nécessaire d’aborder la question avec lucidité : malgré votre bonne volonté, l’Union européenne sera-t-elle en mesure de se doter de nouvelles ressources propres d’ici à 2028 eu égard aux réticences historiques des États membres en la matière ?
Ces réticences portent notamment sur la proposition de création d’une ressource nouvelle reposant sur une assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés, ou encore sur celle de création d’une taxe sur le numérique. La Commission européenne a également proposé une taxe sur les grandes entreprises qui risquerait de peser sur le tissu économique européen.
De plus, les recettes de plusieurs des ressources proposées ont vocation par nature à diminuer à mesure que les pratiques de consommation et de production évoluent, telles que les recettes de la taxe sur les déchets plastiques, ou encore les recettes issues de quotas d’émissions de carbone.
La dernière inquiétude réside dans la progression du montant de notre contribution nationale à compter de 2021, et plus encore à compter de 2028. Dans un contexte de négociation marqué par le Brexit, les propositions initiales de la Commission européenne se seraient traduites par un ressaut de 6, 9 milliards d’euros en moyenne par an. Cette hausse initiale n’incluant pas le remboursement du fonds de relance apparaît considérable compte tenu de la situation de nos finances publiques, encore plus dégradées à l’heure actuelle.
Madame la secrétaire d’État, en cas d’impasse sur le volet des ressources propres, quelle sera la part de remboursement annuel du fonds de relance assumée par la France à compter de 2028 ?