Séance en hémicycle du 23 juin 2020 à 21h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Valérie Létard.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

L’ordre du jour appelle le débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 18 et 19 juin 2020.

Dans le débat, la parole est à Mme la secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre invitation qui me permet de faire un point d’étape sur les discussions concernant notamment le plan de relance, ainsi que le prochain budget européen 2021-2027 et de répondre à vos questions à l’issue du débat.

Permettez-moi de saluer l’engagement du Sénat depuis le début de la crise pour promouvoir une réponse européenne ambitieuse et susceptible de répondre aux défis qui sont les nôtres aujourd’hui.

Ce débat intervient à un moment très important – peut-être crucial – pour l’Europe et pour notre pays, car si l’épidémie n’a pas disparu, ses conséquences économiques et sociales apparaissent.

La réunion des chefs d’État et de gouvernement de vendredi dernier a marqué le démarrage d’une négociation à l’échelon du Conseil européen sur le plan de relance et le prochain budget de l’Union pour la période 2021-2027.

Elle a été l’occasion de constater combien nous avions avancé ensemble en quelques semaines. Plus personne ne remet en cause aujourd’hui le principe d’un plan de relance européen ambitieux. Chacun a également pris conscience que personne ne pouvait sortir seul de ce qui s’annonce comme la plus grave crise économique depuis la Seconde Guerre mondiale. Personne ne conteste non plus l’utilité de répartir dans le temps long les coûts de la crise ni la nécessité d’un emprunt commun pour investir et relancer ensemble nos économies. Tel est le chemin qui a été parcouru en si peu de semaines.

Cette première réunion était une étape nécessaire. Elle a permis de comprendre les positions, les attentes et les sujets de préoccupation de chacun. Pour parvenir à un accord, une réunion « en présentiel » s’impose. Charles Michel en a fixé la date aux 17 et 18 juillet prochain. Si une réunion supplémentaire est nécessaire, nous l’organiserons, mais l’objectif du Président et de la Chancelière est d’arriver à un accord en juillet.

Il y a en effet urgence. Cela a été rappelé tant par le Président de la République que par la Chancelière devant le Bundestag la semaine dernière, alors que l’Allemagne prendra dans quelques jours – le 1er juillet – la présidence du Conseil de l’Union européenne jusqu’au mois de décembre.

Si nous n’agissons pas vite et si nous n’agissons pas ensemble, nous irons vers une récession durable. Or nul ne peut se satisfaire d’une telle situation. Elle entraînerait l’aggravation des inégalités entre États et contribuerait à fragmenter le marché intérieur ; elle pourrait alimenter un déclassement économique durable de l’Europe et, surtout, elle pourrait mettre en péril des millions d’emplois et aggraver une situation sociale déjà difficile.

Avant d’aborder en détail les lignes politiques que nous défendons avec le chef de l’État auprès des vingt-six autres États membres, je souhaite revenir quelques instants sur la méthode qui a été celle du Président de la République ces dernières semaines, car en diplomatie la méthode compte peut-être parfois plus que le contenu.

La France et l’Allemagne ont proposé dès le 28 mai un outil de relance fondé sur la solidarité et sur un objectif bien compris et pleinement partagé de souveraineté européenne. Cet accord est l’aboutissement d’un très long travail de conviction mené par le Président de la République avec la Chancelière. Sans la main tendue par le Président à l’Allemagne depuis 2017, que ce soit au travers du discours de la Sorbonne, des rencontres à Meseberg, ou encore très récemment lors du conseil des ministres franco-allemand de Toulouse, nous n’aurions pas pu arriver à cette compréhension commune des moyens et de la nécessité de rendre l’Europe plus forte et plus souveraine.

Je suis donc convaincue que s’il y a une victoire aujourd’hui, c’est celle de notre persévérance et de la persévérance du Président de la République à faire avancer le sujet d’une souveraineté européenne pleinement assumée et pleinement comprise au cours des dernières années.

Suivant cette dynamique franco-allemande favorable, la Commission a proposé un cadre budgétaire complet le 27 mai. Nous pensons que cette proposition est à la hauteur de l’enjeu historique et qu’elle démontre une réelle ambition politique. Ursula von der Leyen a compris l’enjeu existentiel auquel l’Europe est confrontée.

Notre responsabilité est maintenant de créer les conditions d’un accord dans les prochaines semaines en prenant en compte les besoins que chacun a exprimés. Ces besoins sont légitimes, car ils sont le reflet des situations politiques intérieures. Nous devons pleinement les apprécier.

À cet égard, la France détient une responsabilité particulière, car, d’une certaine manière, cette proposition franco-allemande nous oblige. Il est essentiel que l’accord que nous trouverons en respecte l’esprit de compromis.

C’est pourquoi nous multiplions les échanges avec nos partenaires. Le Président se trouve ce soir à La Haye pour un échange approfondi avec Mark Rutte. J’étais moi-même il y a dix jours en Autriche et, la semaine dernière, aux Pays-Bas. J’échange très régulièrement avec les pays du groupe de Visegrád et je me rendrai la semaine prochaine en Suède et dans les pays baltes.

Cet accord me paraît conditionné à deux points que nous devrons garder à l’esprit lors des négociations.

Premièrement, il nous faut sortir d’une logique de blocs. Trop souvent, par facilité ou par confort, nous décrivons l’Europe en opposant le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest, les pays frugaux et les pays de la cohésion. Mais ces blocs n’existent pas réellement. On observe des nuances très fortes et tout à fait perceptibles entre les membres de ces fameux blocs dès lors que l’on se rend sur place et que l’on approfondit les échanges avec les entreprises et les syndicats. La réalité politique de l’Autriche n’est pas celle de la Suède. Les réalités économiques et sociales et l’expérience de la crise propres à chaque pays entraînent des besoins et des attentes différents.

La méthode que nous mettons en œuvre depuis trois ans avec le Président de la République repose sur la conviction qu’il n’y a pas de grands et de petits pays. Chacun doit pouvoir lever le bras pour finalement trouver un accord à l’unanimité qui respecte pleinement les intérêts de tous les États, de tous les pays, de toutes les situations.

Deuxièmement, nous sommes au début d’une crise économique historique inédite. Il nous semble essentiel de garder à l’esprit que les premières personnes concernées sont les salariés, les travailleurs, les entrepreneurs, les personnes sans emploi ou celles qui pourraient perdre leur emploi. C’est pour cela que je veille lors de chacun de mes déplacements à rencontrer les partenaires sociaux, les syndicats, les représentants d’entreprises, qui jugent unanimement ce plan de relance plus que jamais nécessaire.

Aucun pays ne dispose de clients et de fournisseurs uniquement sur son sol national. Le marché intérieur, qui a fondé notre prospérité, nous a rendus interdépendants. Nous devons aujourd’hui en tirer les conséquences.

Les partenaires sociaux mènent parfois le combat en avance de leur gouvernement pour faire comprendre que c’est dans leur propre intérêt comme dans celui des salariés et des entreprises que nous devons agir.

Nous devons garder à l’esprit que nous agissons d’abord et avant tout pour les salariés, pour les familles, pour ceux qui voient l’économie de même que leur avenir personnel se fragiliser.

Il est de notre responsabilité de convaincre. C’est pourquoi je tiens à partager avec vous les cinq messages que je fais inlassablement passer à nos partenaires.

Le premier concerne l’urgence. Nous avons une obligation de résultat pour les travailleurs, pour les entreprises. Ce plan de relance doit être opérationnel au 1er janvier 2021. S’il n’est pas prêt pour la relance, autant vous dire qu’il ne servira à rien.

Le deuxième vise la crédibilité. Le plan de relance doit inclure une part significative de dotations budgétaires, car c’est ainsi que nous avons créé l’Europe : chacun contribue en fonction de ses moyens et reçoit selon ses besoins. Nous estimons que ces dotations budgétaires doivent s’élever à 500 milliards d’euros, pas moins – tel est le compromis que nous avons trouvé avec l’Allemagne. Ce chiffre ne sort pas de nulle part : il correspond aux besoins en investissements tels que calculés par la Commission européenne secteur par secteur pour réussir à protéger l’emploi, mais également pour atteindre les objectifs que nous nous étions fixés avant la crise en matière de transition écologique et numérique.

Le troisième message a trait à la solidarité. Si nous réduisons la relance à un système de prêts, nous ne ferions qu’alourdir la charge pesant sur les pays les plus touchés et nous aggraverions davantage encore les distorsions au sein du marché intérieur. Je tiens à le dire très fortement : il est question non pas de mutualiser les dettes du passé, mais d’investir ensemble dans les régions, dans les filières économiques les plus touchées, et cela au bénéfice de tous les États membres.

Le quatrième message vise l’efficacité. Pour être efficace, ce fonds de relance doit être cohérent avec les politiques économiques nationales, qu’il s’agisse de réformes ou de plans de relance nationaux. Je parle bien non pas de conditionnalité, mais de cohérence, afin d’articuler pleinement ce plan de relance et le semestre européen avec les recommandations spécifiques par pays et les recommandations pour la zone euro : c’est un critère essentiel pour créer de la convergence économique et de la synchronisation dans nos réformes plutôt que de la compétition.

Nous devons à tout prix éviter de tomber dans un fonctionnement de type « troïka » qui ne serait pas adapté à la situation actuelle. L’efficacité de notre action collective et notre confiance mutuelle dépendront du respect de la souveraineté des États qui seront ensuite amenés à présenter leur stratégie.

Si nous voulons être efficaces, il faut aussi que nous soyons capables de dépenser rapidement les fonds qui vont être mis à disposition, en particulier quand ils passent par les programmes existants, comme en matière de cohésion. Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais votre intérêt – et vous le mien – pour la simplification de l’accès aux fonds européens. Ce point sera essentiel. Nous souhaitons que ce plan de relance soit un plan condensé et non pas dilué. C’est pourquoi Bruno Le Maire a rappelé hier à Berlin que nous voulions que les fonds soient consommés en deux ans, en 2021 et en 2022.

Si nous voulons être efficaces, il faudra aussi nous assurer de la bonne articulation du fonds avec le plan de relance national, afin d’identifier les secteurs et les projets qui pourront en bénéficier et de ne pas nous disperser.

Tous les acteurs devront se mobiliser, y compris les collectivités locales. Je sais votre connaissance fine des besoins de chacun de vos territoires. Il faudra nous pencher ensemble très rapidement sur la meilleure manière de nous assurer d’une consommation rapide des fonds mis à disposition. L’intérêt stratégique de la mission de simplification que nous menons avec les régions à la demande du Premier ministre n’en sera que plus fort.

Le dernier message que je porte est celui de la cohérence. Ce plan de relance et le budget européen 2021-2027 doivent être des leviers d’investissement pour une Europe plus forte, plus solidaire et plus souveraine.

La transition écologique et numérique, mais également la protection de la santé, l’autonomie en matière sanitaire, industrielle et agricole, doivent être au cœur de ce que nous aurons à financer. Pendant cette crise, la souveraineté agricole a été une chance pour chacun de nos pays.

C’est donc ainsi qu’il faut envisager ce paquet global. Nous ne devons pas opposer reconstruire et investir. Le budget européen et le cadre financier pluriannuel, ou CFP, doivent être à la hauteur des ambitions de long terme. Je pense en particulier à des enveloppes qui contribuent à notre souveraineté, telles que celle de la politique agricole commune dont le premier pilier permet de soutenir le revenu des agriculteurs et de les aider à réussir la transition écologique et environnementale. Je pense aussi au Fonds européen de la défense et aux programmes spatiaux, dont les montants doivent être rehaussés.

Cette cohérence doit aussi s’appliquer au financement de l’Union. Nous devons réformer notre système de ressources propres pour le rendre plus lisible, réduire dans le temps le coût du remboursement de l’emprunt commun et mettre notre financement en cohérence avec nos objectifs, notamment environnementaux.

C’est pourquoi nous demandons la fin du système des rabais, et la création, dès 2021, d’une contribution sur la ressource dite ETS, sur les permis d’émissions de CO2, et sur le plastique. Nous souhaitons également travailler dès les prochaines semaines et les prochains mois à la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières au cours de la période 2021-2027. Pour avoir participé au débat sur votre proposition de résolution européenne dans cet hémicycle, je sais combien ce sujet vous est cher, mesdames, messieurs les sénateurs.

Nous voulons également continuer d’explorer d’autres ressources, comme la taxe sur le numérique, mais également la taxe sur les transactions financières. Ces ressources propres sont au cœur de l’accord final, car elles nous permettront d’investir ensemble sans augmenter le coût des contributions nationales.

Pour conclure, je tiens à vous rassurer sur un point. Ce plan n’est pas fait en catimini. Il n’est pas antidémocratique, au contraire. Il vous reviendra, d’ici à la fin de l’année, de ratifier le système de ressources propres. Le Parlement européen aura aussi un rôle crucial à jouer dans l’élaboration du plan de relance national pour nos entreprises, nos territoires et nos citoyens. Vous pouvez compter sur mon engagement et sur celui de l’ensemble des membres du Gouvernement pour conduire avec vous cette mission.

Il me faut rapidement ajouter que la réunion de vendredi dernier a également permis aux chefs d’État et de gouvernement d’aborder la poursuite des négociations avec le Royaume-Uni dans le cadre du Brexit, ainsi que le renouvellement des sanctions de l’Union européenne imposées à la Russie.

Vous le constatez, l’Europe avance, non pas pour elle-même, mais pour les Français. Je sais qu’en la matière je peux compter sur votre soutien.

Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Madame la secrétaire d’État, je vous remercie des clarifications que vous venez d’apporter. Je tiens en préambule à vous rendre hommage pour votre opiniâtreté à honorer les responsabilités ministérielles qui vous sont confiées dans un contexte particulièrement complexe.

En vérité, comme nous pouvions nous y attendre, le Conseil européen qui s’est tenu vendredi dernier n’a pas vraiment permis d’aboutir à un accord. Nous adhérons bien évidemment au concept défendu par le Président de la République d’une Europe plus forte et plus souveraine, mais il y a encore loin des mots à la réalité.

Vous avez décrit le risque d’absence d’un accord. Or le constat est terrible : une fois de plus, l’Europe a fait étalage de ses divisions, alors que les modalités de réponse à la crise sont en débat depuis mars dernier. Une décision rapide était pourtant absolument nécessaire. On évoque aujourd’hui un possible compromis en juillet, voire à la fin de l’été, mais vous l’avez dit vous-même, le temps presse.

Après les annonces du mois dernier, qui laissaient espérer qu’une enveloppe de 750 milliards d’euros serait allouée au plan de relance, la déception serait bien grande si les États se révélaient incapables d’aboutir.

L’enjeu est économique, bien sûr, mais il est aussi politique, et il aura des conséquences sur la perception que nos concitoyens auront du rôle de l’Europe. La crédibilité de l’Europe est en cause. Si nous ne sommes pas capables de nous mettre d’accord aujourd’hui face à une crise d’une telle ampleur, quand serons-nous véritablement capables de faire avancer l’Europe ?

Y a-t-il eu des avancées lors de la réunion du Conseil de la part des pays dits « frugaux » ? Le Président de la République – vous l’avez dit – est en ce moment même aux Pays-Bas pour tenter de convaincre l’un de ces pays les plus réticents. Vous nous redirez peut-être au cours de la discussion quel est votre véritable sentiment sur les chances d’aboutir lors du prochain Conseil européen qui se réunira en présentiel dès le mois de juillet.

Par ailleurs, des travaux ont enfin démarré pour donner une boussole stratégique à l’Union européenne. Quelle belle priorité ! S’il s’agit d’une forme de revue stratégique, cette initiative est bienvenue. Mais sans moyens ambitieux, quelle sera la crédibilité de cette boussole ?

Avec 9, 5 milliards d’euros, dont 8 milliards d’euros pour le Fonds européen de la défense, la défense européenne ne bénéficie pas de la relance. Quel contresens stratégique ! Nous avions pourtant la possibilité d’accompagner cette relance ô combien nécessaire.

Où sont les 17 milliards d’euros qui étaient proposés il y a seulement deux ans par la Commission pour le Fonds européen de la défense et pour la mobilité militaire ? Vous nous direz si le dernier Conseil européen permet d’espérer des avancées sur cette question.

J’évoquerai enfin la relation future entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Sous l’autorité de mon collègue Jean Bizet, je participe à un groupe de suivi qui entendra Michel Barnier jeudi prochain. Nous sommes très intéressés par cette audition, mais en vérité, nous sommes inquiets.

Les négociations avec la Grande-Bretagne sont dans l’impasse. La conférence de haut niveau entre les dirigeants européens et le Premier ministre Boris Johnson va-t-elle faire naître un espoir ? Rien n’est moins sûr !

Nous fêterons les dix ans des accords bilatéraux de défense de Lancaster House. Au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, j’appelle le Gouvernement à prendre une initiative forte de relance de la coopération franco-britannique dans le domaine de la défense. En effet, le Royaume-Uni est le seul partenaire qui fixe à la défense les mêmes objectifs et lui alloue les mêmes moyens que notre pays.

Le Sénat va s’y employer sur le plan parlementaire, car beaucoup de choses resteront à reconstruire avec le Royaume-Uni. Cette coopération doit rester au cours des prochaines années l’un des moteurs de la construction d’une défense européenne, à laquelle le Royaume-Uni a naturellement vocation à participer.

Madame la secrétaire d’État, tout en rendant encore une fois hommage à votre détermination, comprenez que nous doutions de cette volonté d’aboutir de la part d’un certain nombre de nos partenaires, même si nous espérons encore.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et LaREM, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

La parole est à M. Jean-François Rapin, au nom de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en dépit des attentes élevées à l’égard du Conseil européen de vendredi dernier, les États membres n’ont pas réussi à progresser ni sur la détermination du prochain cadre financier pluriannuel ni sur la mise en œuvre d’un fonds de relance pour surmonter la crise actuelle.

Cet ordre du jour ambitieux s’inscrit au cœur des compétences de la commission des finances. En effet, celle-ci a examiné la semaine dernière, sur mon rapport, une proposition de résolution européenne sur ce sujet, devenue hier résolution du Sénat, présentée par le président Jean Bizet et Simon Sutour, au nom de la commission des affaires européennes.

Les débats au sein de la commission des finances ont souligné le caractère novateur de la proposition de la Commission européenne. Cette proposition, qui repose sur un couple formé par un CFP socle et un fonds de relance, présente deux avantages indéniables.

Premièrement, elle permet d’augmenter significativement la puissance de feu du budget européen sans peser à court terme sur les contributions nationales.

Deuxièmement, elle a le mérite de tenter de réconcilier plusieurs visions de cet attelage que constituent le CFP et le fonds de relance, en proposant que ce dernier intervienne majoritairement sous forme de subventions à hauteur de 500 milliards d’euros, mais pas uniquement, puisque 250 milliards d’euros de prêts pourront être octroyés. C’est donc une première forme de solidarité européenne qu’il est proposé de mettre en place pour traverser la crise que nous vivons, ce dont chacun se réjouit.

Toutefois, la commission des finances n’a pas donné de satisfecit tant les incertitudes et les points d’inquiétude demeurent nombreux.

Le premier d’entre eux concerne le calendrier des négociations. Alors que le Conseil européen de la semaine dernière a surtout permis de constater des désaccords déjà bien connus, le temps presse pour mettre la prochaine programmation financière sur les rails. Les négociations se sont ouvertes en 2018, avec l’objectif d’éviter des retards importants pour la mise en œuvre des programmes opérationnels en début de CFP tels que nous en avions connu en 2014.

Madame la secrétaire d’État, un accord entre les États membres en juillet vous semble-t-il à portée de main ? Dans le cas inverse, quelles mesures seraient alors prises pour assurer la continuité du budget européen ?

J’en viens au deuxième point d’inquiétude. La Commission relève que l’articulation du budget européen augmenté du fonds de relance et des plans de relance nationaux est cruciale pour assurer la reprise économique.

S’agissant des subventions prévues par la « facilité pour la reprise et la résilience », le calendrier de décaissement des crédits de paiement ne nous paraît pas adéquat. Le financement de la reprise doit intervenir dès le début du CFP. À cet égard, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous apporter des précisions – vous venez de le faire en partie – sur les projets d’investissement et les secteurs de notre économie qui pourront bénéficier en priorité du fonds de relance européen ?

Notre commission s’est également inquiétée des modalités de remboursement de l’emprunt réalisé par la Commission européenne. À partir de 2028, deux pistes sont possibles : soit le remboursement est permis par la mise en œuvre de nouvelles ressources propres de l’Union, soit il repose quasiment exclusivement sur une hausse significative des montants des contributions nationales des États membres.

En la matière, rien n’est donc acquis. Or, en l’absence de certitude sur le remboursement dont devra s’acquitter la France, nous ne pouvons pas déterminer le taux de retour dont elle bénéficiera au titre du fonds de relance ni l’ampleur de la hausse à venir de sa participation au budget européen.

La Commission européenne semble placer beaucoup d’espoir dans l’introduction d’un panier de nouvelles ressources propres. S’il est évident que cette solution offre une porte de sortie à un débat politiquement sensible, je crois qu’il est nécessaire d’aborder la question avec lucidité : malgré votre bonne volonté, l’Union européenne sera-t-elle en mesure de se doter de nouvelles ressources propres d’ici à 2028 eu égard aux réticences historiques des États membres en la matière ?

Ces réticences portent notamment sur la proposition de création d’une ressource nouvelle reposant sur une assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés, ou encore sur celle de création d’une taxe sur le numérique. La Commission européenne a également proposé une taxe sur les grandes entreprises qui risquerait de peser sur le tissu économique européen.

De plus, les recettes de plusieurs des ressources proposées ont vocation par nature à diminuer à mesure que les pratiques de consommation et de production évoluent, telles que les recettes de la taxe sur les déchets plastiques, ou encore les recettes issues de quotas d’émissions de carbone.

La dernière inquiétude réside dans la progression du montant de notre contribution nationale à compter de 2021, et plus encore à compter de 2028. Dans un contexte de négociation marqué par le Brexit, les propositions initiales de la Commission européenne se seraient traduites par un ressaut de 6, 9 milliards d’euros en moyenne par an. Cette hausse initiale n’incluant pas le remboursement du fonds de relance apparaît considérable compte tenu de la situation de nos finances publiques, encore plus dégradées à l’heure actuelle.

Madame la secrétaire d’État, en cas d’impasse sur le volet des ressources propres, quelle sera la part de remboursement annuel du fonds de relance assumée par la France à compter de 2028 ?

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen du 19 juin ouvre la voie à un tournant fondateur dans l’histoire de l’Union.

Si aucun accord n’en a malheureusement expressément résulté, il n’a donné lieu à aucune remise en cause fondamentale de l’architecture générale de la proposition de la Commission européenne qui articule un projet révisé de cadre financier pluriannuel et un instrument de relance temporaire financé par un emprunt de la Commission, au nom de l’Union. Le premier serait doté de 1 100 milliards d’euros et le second de 750 milliards d’euros.

Nous vivons ainsi un moment critique où se confrontent l’urgence de la crise entraînée par la pandémie de Covid-19 et le temps long de la construction européenne. Les Vingt-Sept s’accordent sur la nécessité d’apporter maintenant une réponse au choc économique provoqué par le confinement qui vient de prendre fin – ou quasiment –, et c’est heureux.

Or l’ampleur du choc et donc de la réponse à élaborer est telle qu’elle oblige à bousculer le cadre existant et conduit à échafauder un nouvel étage à l’édifice européen qui se construit dans la durée.

La dénomination du nouvel instrument de relance telle que proposée par la Commission illustre ce paradoxe : c’est un plan de relance pour aujourd’hui, mais il se nomme « Union européenne de nouvelle génération » car il engage l’Union sur trente ans. C’est en effet à cet horizon qu’est envisagé le remboursement de l’emprunt proposé.

On conçoit donc l’extrême défi auquel étaient confrontés vendredi dernier les chefs d’État et de gouvernement encore réunis en visioconférence. Dans ce contexte difficile, on peut se féliciter que le principe d’un endettement commun ait fait l’objet d’un consensus.

Sans doute ce moment n’est-il pas « hamiltonien » à proprement parler, puisqu’il n’est pas question que l’Union européenne reprenne les dettes des États membres dans un grand saut fédéral, mais il est certainement historique dans la mesure où les Ving-Sept envisagent de s’endetter ensemble pour le bien de l’Union. Ils reconnaissent ainsi leur attachement à la construction européenne et leur responsabilité commune envers l’avenir. C’est le fruit inattendu et « savoureux » de la crise profonde dans laquelle le virus a plongé notre continent. Il appartiendra ensuite aux Parlements nationaux, qui détiennent la souveraineté budgétaire, d’y consentir ou non.

Avant d’en arriver là, beaucoup de sujets restent à régler. Car, au-delà de l’architecture globale du projet, l’essentiel est semble-t-il d’optimiser cet effort financier pour qu’il fortifie réellement l’Union européenne et lui garantisse une autonomie stratégique sur la scène mondiale.

Concrètement, cela implique des arbitrages précis. Je pense d’abord à des arbitrages au service de la souveraineté alimentaire, qui repose sur nos agriculteurs. Ces derniers ont besoin de garder le soutien qu’ils reçoivent du premier pilier de la politique agricole commune et d’être accompagnés dans les sauts technologiques contribuant au verdissement des pratiques agricoles.

Ensuite, les arbitrages doivent servir la souveraineté industrielle, qui passe bien sûr par la relocalisation de chaînes de production stratégiques, comme en matière sanitaire, mais aussi par le déploiement des réseaux mobiles 5G dans des conditions de sécurité satisfaisantes, et par une protection suffisante de nos entreprises stratégiques contre les investissements directs étrangers.

Les efforts doivent également être orientés en faveur de la souveraineté spatiale : il faut consentir, pour la politique spatiale de l’Union, un effort budgétaire cohérent avec l’élan donné par l’Agence spatiale européenne – Jean-François Rapin suit cette question avec beaucoup d’attention.

La priorité doit aussi aller à notre souveraineté énergétique, dans le respect de nos ambitions climatiques, en donnant au projet ITER les moyens appropriés.

Enfin, il faut des arbitrages au service de notre souveraineté aux frontières, en donnant à l’agence Frontex les moyens de surveiller les frontières extérieures de l’Union, et au service de notre souveraineté en matière de défense, comme le rappelait le président Cambon : je sais que l’abondement adéquat du Fonds européen de la défense est une préoccupation que partage non seulement la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mais aussi l’ensemble du Sénat.

Tous ces éléments figurent dans la résolution européenne adoptée par le Sénat sur l’initiative de la commission des affaires européennes. Ce texte insiste aussi pour que l’effort budgétaire considérable qui est envisagé bénéficie bien à l’Union, ce qui suppose qu’il s’accompagne d’une modernisation de la politique de la concurrence, ainsi que d’une optimisation et d’une réactivité accrue de nos outils de défense commerciale.

Je sais que c’est « en marche », si je puis dire. En revanche, j’insiste sur la section 232, qui permet aux États-Unis d’être extrêmement réactifs. J’aimerais bien que l’Union européenne se dote du même outil.

Il reste aussi à s’accorder sur les modalités de mise en œuvre du plan de relance. Certes, le principe d’un emprunt de la Commission au nom de tous semble acquis, mais les modalités de mise à disposition des États membres des fonds ainsi levés, par le biais de prêts ou de subventions, demeurent un sujet de discorde. Il en est de même des modalités de remboursement de cet emprunt, qui impliquent la création de ressources propres.

Comment s’accorder sur un budget sans savoir comment il sera financé ? De ce point de vue, on peut comprendre la frilosité des États dits « frugaux », même si des considérations de politique intérieure expliquent en partie leurs postures, notamment en ce qui concerne les Pays-Bas.

Lors du débat préalable au Conseil européen, madame la secrétaire d’État, vous nous aviez annoncé vous rendre en Autriche et aux Pays-Bas : pouvez-vous nous indiquer si vos rencontres vous ont rendue optimiste sur la possibilité de vaincre les réticences de ces pays ?

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Jouve

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’épidémie de Covid-19 conduisant l’Europe, comme le reste du monde, au confinement de sa population affecte durement l’économie du continent : une récession attendue autour d’au moins 8, 7 % pour la zone euro en 2020, une baisse des exportations de l’Union européenne estimée entre 9 % et 15 %, plusieurs millions d’emplois menacés. Selon les experts, nous serions face à la pire des crises connues en temps de paix. Aussi, nous sommes dans une situation d’urgence économique – c’est peu de le dire.

Cette situation exige plus que jamais l’exercice concret de la solidarité entre pays, un principe théoriquement gravé dans le marbre. Doit-on en effet rappeler aux pays dits « frugaux » l’article 3 du traité sur l’Union européenne, qui dispose que l’Europe « promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres » ?

Certes, les propositions de la Commission européenne concernant l’instrument de relance sont ambitieuses et, à ce titre, on peut comprendre qu’elles suscitent des crispations. Prévoir 750 milliards d’euros sous la forme de subventions et de prêts aux États membres les plus touchés par la crise sur le fondement d’un emprunt communautaire : osons le dire sans tabou, nous sommes sur la voie d’une dette européenne mutualisée.

Le RDSE salue cette avancée qui nous semble indispensable pour garantir la cohésion de la zone euro. L’heure n’est plus aux tergiversations. Comme l’a rappelé la semaine dernière la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), « plus vite le paquet sera adopté, mieux ce sera pour l’économie de l’Union ».

Même si l’on peut saluer l’esprit d’ouverture des Pays-Bas, de la Suède, du Danemark et de l’Autriche, nous savons que la répartition entre subventions et prêts les préoccupe. Pourtant, c’est bien à l’aune du niveau des subventions que sera jugée la capacité de l’Europe à garantir enfin un véritable soutien mutuel entre États membres.

Il faut donc s’en tenir à la proposition franco-allemande de 500 milliards d’euros sous la forme privilégiée de subventions. Déjà 540 milliards d’euros de prêts sont engagés au titre des premières mesures de soutien. Ajouter des prêts aux prêts n’aurait pas la même portée économique, car cela surendetterait les pays les plus exposés à la crise.

Madame la secrétaire d’État, nous savons bien ce que les « frugaux » vont mettre dans la balance : la conditionnalité des aides et le maintien des rabais. Si c’est le prix à payer pour obtenir un accord rapide et, surtout, le maintien d’un instrument reposant principalement sur des subventions, nous devrons nous y résoudre.

Cette fameuse question des rabais me conduit à revenir sur le prochain cadre financier pluriannuel auquel est adossé l’instrument de relance. Les mêmes pays ont demandé une révision à la baisse de son montant global. Sur ce point, madame la secrétaire d’État, quelle marge de manœuvre avons-nous ? La proposition de CFP du 27 mai est déjà assise sur un compromis. Raboter les 1 100 milliards d’euros sur la table ne permettrait pas de concilier les politiques traditionnelles et les nouvelles priorités.

Il a déjà fallu consentir des sacrifices dans certains domaines par rapport à ce que l’on aurait pu faire avec la proposition de la Commission européenne de mai 2018, laquelle – je le rappelle – prévoyait une enveloppe de 1 279 milliards d’euros.

Je pense en particulier aux moyens consacrés à la PAC et au développement rural. Certes, la dernière proposition de CFP renforce ce volet en prévoyant une enveloppe de 20 milliards d’euros, si l’on intègre le bonus tiré de l’instrument de relance, mais nous restons au-dessous du niveau du CFP en cours, alors que des filières agricoles, comme la viticulture ou l’horticulture, connaissent des difficultés considérables dans plusieurs États membres.

Avec 8 milliards d’euros, le Fonds européen de la défense est également sacrifié sur l’autel des économies, dans un contexte stratégique pourtant très sensible.

Par ailleurs, l’épidémie de Covid-19 impose une nouvelle priorité qu’il faudra doter de moyens : l’ébauche d’une Europe de la santé. Si l’organisation des systèmes de soins est une compétence exclusive des États, les traités ont toujours préconisé d’encourager un niveau élevé de protection de la santé des Européens. Nous voilà aujourd’hui face à cette nécessité. Je salue donc les efforts engagés en faveur du programme de l’Union européenne pour la santé dans le prochain cadre financier pluriannuel et au titre de l’instrument de relance, soit 9, 4 milliards d’euros au total.

J’espère, en outre, que la politique européenne de la santé permettra de répondre à la question de la dépendance européenne à l’égard de l’Asie pour des biens aussi fondamentaux que le matériel médical et les médicaments. Le chantier est en tout cas ouvert ; on peut s’en réjouir.

Tous ces engagements, avec pour toile de fond la transition verte, à laquelle mon groupe souscrit naturellement, supposent un réel effort financier dans la durée. S’agissant de l’instrument de relance, si le remboursement du capital n’intervenait qu’à partir de 2028 pour trente ans, il faudrait néanmoins envisager rapidement de nouvelles recettes pour ne pas alourdir les contributions nationales dans un contexte qui conjugue récession, départ du Royaume-Uni et probable maintien des rabais.

Dans ces conditions, il faut aboutir rapidement à un accord sur un panier de nouvelles ressources propres. Lundi dernier, la commission des budgets du Parlement européen a une nouvelle fois demandé au Conseil de les mettre en œuvre.

Le dossier de la taxe sur le numérique semble faire son chemin. C’est une bonne chose, et mon groupe y est favorable, mais cette taxe ne rapporterait que 5 milliards d’euros, tout comme la taxe sur les déchets plastiques. Un mécanisme d’inclusion carbone aux frontières de l’Union européenne est aussi attendu.

Enfin, madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur la question du filtrage des investissements. L’Europe s’apprête à déverser beaucoup d’argent pour sauver son économie, dont une majeure partie sera orientée vers les entreprises. Dans cette perspective, il est fondamental de mettre en place un instrument pour protéger les marchés européens. Le mécanisme de filtrage émergera-t-il avant la fin de l’année ?

Mon groupe attend aussi beaucoup de la mise en œuvre de la stratégie de l’Union face à la Chine, qui a été publiée en 2019, mais qui peine à se concrétiser, comme l’ont constaté les dirigeants européens réunis sur ce sujet le 22 juin dernier.

Mes chers collègues, pour conclure, je rappellerai cette fameuse citation de Robert Schuman donnant le coup d’envoi à la Communauté européenne : « La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. » À l’aube de la plus grave crise économique qu’elle a connue, l’Union européenne a plus que jamais besoin d’unité et de solidarité. Mon groupe espère que tous les États membres seront au rendez-vous de ces deux principes fondateurs du pacte européen.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la vie en « distanciel » n’est pas la vie en « présentiel ». Et en politique, comme ailleurs, nous en faisons tous quotidiennement la délicate expérience.

Difficile, en effet, de faire une campagne de proximité en distanciel à l’occasion du second tour des élections municipales, qui aura lieu ce dimanche. Difficile également de mener une réunion de commission en visioconférence un tant soit peu dynamique, de garder toute son attention lors de marathons virtuels, qui nous conduisent parfois à participer à quatre ou cinq téléconférences dans la même journée.

En dehors des interférences dues à certains micros que l’on oublie de couper, finis la spontanéité des échanges, les petites pauses et les apartés informels, deux à deux, qui permettent souvent d’esquisser un début de compromis ou de rapprochement.

Dans le mot « distanciel » – cela ne vous aura pas échappé –, il y a le terme « distance ». Et s’il est vrai que la communication en distanciel permet bel et bien aux différents points de vue de s’exprimer, ce « cadre particulier de l’expérience », pour reprendre une expression chère au sociologue Erving Goffman, ne permet guère en revanche de construire une relation véritablement interactionnelle et authentiquement dialogique.

Que signifie, en effet, un silence dans un échange distanciel et médiatisé par les nouvelles technologies de l’information ? Approbation, désapprobation, réflexion, inattention ou, tout simplement, problème de transmission ou de réception ?

Cette délicate expérience du distanciel est celle que les vingt-sept chefs d’État et de gouvernement, ainsi que les principaux dirigeants de l’Union ont pu vivre à l’occasion du sommet virtuel qui s’est tenu vendredi dernier. Mais cessons de geindre et de laisser croire que les maigres résultats qui ont résulté de cette réunion seraient le seul fait de la technologie employée.

Certes, la délicate question du prochain cadre financier pluriannuel et du plan de relance européen aurait peut-être pu connaître quelques avancées supplémentaires si ce Conseil avait eu lieu en présentiel. Mais rappelons quand même que les discussions autour du cadre budgétaire 2021-2027 durent depuis plus de deux ans et que, pour l’essentiel, elles se sont déroulées en présentiel, sans que le résultat final soit aujourd’hui clair, et ce à six mois à peine de la mise en œuvre effective de ce cadre.

Tout le monde le dit depuis deux semaines : ce Conseil européen ne pouvait être qu’un tour de chauffe, un round d’observation durant lequel les dirigeants des vingt-sept États membres ne feraient qu’exprimer leur avis sur cet audacieux projet de paquet budgétaire qui n’a – il faut le souligner – qu’un tout petit mois d’existence.

En dépit de cet étrange sommet « pour voir », il faut dire aussi que nos diplomaties respectives n’ont, en amont et en aval de celui-ci, pas chômé pour faire avancer les positions des uns et des autres. Parties à deux le 18 mai dernier, la France et l’Allemagne ont vite été appuyées par la Commission et suivies par une large majorité des États membres. Dans ces délais inaccoutumés à l’échelon de l’Europe, c’est déjà en soi un petit miracle…

Par ailleurs, et même s’ils formulent certaines réserves, c’est sans doute la première fois depuis plusieurs années que les pays du groupe dit de Visegrád ne sont pas au cœur de l’opposition à un procès d’approfondissement et de renforcement de l’Union européenne. Bel exploit !

Autre point positif, c’est l’Allemagne – elle prendra la présidence du Conseil le 1er juillet prochain – qui sera à la manœuvre lors des négociations finales sur ce grand paquet budgétaire. En outre, Mme la secrétaire d’État confirmera ou infirmera le fait que la présidence allemande devrait annoncer la tenue d’une seule grande réunion du Conseil en présentiel dans le courant du mois de juillet plutôt que de deux ou trois, comme on l’avait envisagé un temps : cela limitera probablement les risques d’une procrastination délétère de la part de certains États membres.

Ceux qui connaissent bien l’histoire de la construction européenne savent que les accords européens les plus importants ont toujours été conclus, par le passé, sous les auspices de la présidence d’un des grands pays membres de l’Union.

Au-delà des belles raisons d’espérer que je viens d’énoncer, on ne peut cependant pas occulter les actuels points de tension qui se font jour entre États membres, au premier rang desquels figurent les fortes réticences exprimées par les fameux pays dits « frugaux ». Peu ou prou, ces derniers contestent le recours à l’emprunt européen pour financer ce plan ou, tout au moins, la répartition entre subventions et prêts, qui penche actuellement nettement en faveur des premières.

Bénéficiaires de rabais sur leurs contributions nationales, ils refusent leur suppression en dépit du départ du Royaume-Uni. Ils insistent sur l’instauration de conditions contraignantes pour les pays qui devraient principalement bénéficier de ce plan de relance : un semestre européen plus exigeant et l’engagement d’importantes réformes structurelles par les pays bénéficiaires.

La question des ressources propres est centrale et même la clé de voûte d’un accord. Sans nouvelles ressources propres, le remboursement de la dette européenne risque, à terme, d’échoir principalement aux pays contributeurs nets au budget de l’Union. Et comme les décisions concernant les ressources sont adoptées tous les sept ans, à la fin de chaque cadre financier pluriannuel, un changement en profondeur dans ce domaine doit, selon les règles européennes, passer par la procédure législative spéciale, qui requiert l’unanimité du Conseil, la ratification du Parlement européen et celle des parlements nationaux.

Au sein du club des quatre « frugaux », les positions ne sont heureusement pas toutes aussi fermes qu’il y paraît à première vue.

La Suède et le Danemark pourraient être plus conciliants que l’Autriche et, surtout, les Pays-Bas.

Concernant l’Autriche, l’histoire des vingt-cinq dernières années, depuis son adhésion en 1995 à l’Union, montre qu’elle a souvent tendance à rallier au dernier moment son puissant voisin, l’Allemagne. De plus, cette dernière présidera l’Union à ce moment-là : elle pourrait trouver les mots justes pour la convaincre.

Le cas des Pays-Bas est plus délicat, car l’euroscepticisme est puissant dans l’opinion. Le Premier ministre, Mark Rutte, est actuellement à la tête d’une coalition assez hétérogène, qui ne dispose que d’un siège de majorité à la seconde chambre des États généraux.

Pour autant, les nouvelles du jour semblent laisser quelques espérances, si j’en crois un article paru cet après-midi dans un grand quotidien du soir. Le déplacement du Président de la République ce soir à La Haye pour rencontrer Mark Rutte n’est sans doute pas étranger à cette soudaine évolution. Bien sûr, et comme toujours dans une négociation européenne, il y aura certainement des concessions réciproques pour parvenir à un accord.

Madame la secrétaire d’État, vous êtes indubitablement combative, mais êtes-vous indubitablement optimiste quant à l’obtention d’un accord au sein du Conseil européen avant la fin du mois prochain ? Plus précisément, quelles sont les concessions acceptables qui vous semblent pouvoir être faites pour y arriver ?

Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi qu ’ au banc des commissions. – M. Claude Kern applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen était chargé d’adopter d’un même mouvement la nouvelle proposition de cadre financier pluriannuel et le plan de relance annoncé par Angela Merkel et Emmanuel Macron.

Ses résultats sont loin de correspondre aux élans d’enthousiasme vus ici ou là pour saluer l’étape historique que serait en train de franchir l’Union européenne face à la crise du Covid-19.

Certes, l’ampleur de la crise oblige les États membres, le Conseil et la Banque centrale européenne à réagir de manière inédite, faisant d’ailleurs voler en éclats des tabous budgétaires et monétaires qu’on nous disait indépassables il y a quelques mois encore.

Mais empêtrée dans son modèle compétitif et concurrentiel, arcboutée contre l’augmentation des dépenses sociales et publiques, sans lesquelles pourtant le désastre sanitaire aurait été plus grave encore, l’Union européenne affiche toujours les mêmes divisions, les mêmes concurrences et, surtout, la même incapacité à se projeter résolument dans un nouveau modèle solidaire, tourné vers l’avenir, le développement de la sécurité humaine et de la protection de la planète.

Un constat s’impose : aucun accord définitif n’a été trouvé au Conseil européen. On entre manifestement dans un marathon de négociations qui va durer tout l’été, et dont il faudra suivre les compromis successifs pour se faire une idée finale.

Première remarque : l’addition du CFP et du plan de relance masque les évolutions structurelles du cadre financier pluriannuel, globalement en recul, au détriment notamment de la PAC et des fonds de cohésion. On nous explique que le plan de relance fait davantage que compenser. Mais le maquis de l’accès aux nouvelles lignes budgétaires va encore se compliquer – et non se simplifier, madame la secrétaire d’État ! –, et les destinataires ne seront plus forcément les mêmes. Les inquiétudes persistent donc.

Deuxième remarque : même enrobé de déclarations ronflantes sur le caractère historique du plan de relance, le montant global de celui-ci reste très en deçà des besoins estimés. Ainsi, lors de sa dernière allocution télévisée, le président Macron a parlé de 500 milliards d’euros déjà engagés pour faire face à la crise rien que pour la France. Or on parle de 750 milliards d’euros pour toute l’Europe : on voit le gap, surtout quand on connaît les énormes besoins de notre pays et de ses voisins en termes de relance.

Troisième remarque : alors qu’une autre utilisation de la création monétaire serait nécessaire, une très grande majorité des mécanismes annoncés continue de recourir à l’endettement des États sur les marchés. Le problème du remboursement de cette dette restera plus que jamais devant nous et les plus fragiles seront tôt ou tard étranglés par la situation.

Si elle a accepté une part d’endettement mutualisée, Angela Merkel est loin d’avoir cédé sur les exigences imposées en retour aux pays créanciers. L’intégralité du plan de relance – on le dit peu – est soumise aux règles du semestre européen, dont on sait qu’il a joué un rôle important pour imposer aux États membres les politiques d’austérité si durement payées pendant la crise. Je pense notamment aux systèmes de santé publique ou au secteur de la recherche.

Il faudra inévitablement relancer – même si ce n’est pas l’objet de nos échanges d’aujourd’hui – le débat sur l’effacement progressif d’une grande partie de cette dette et, plus encore, sur une révision drastique de la politique monétaire de la BCE, si nous voulons donner réellement aux États membres les moyens d’investir massivement pour un changement de système et un futur modèle économique plus social, plus écologique, plus solidaire en Europe.

Quatrième remarque : qui maîtrisera vraiment les critères de distribution de ces énormes masses d’argent ? Aurons-nous un vrai débat, transparent, sur la gestion de ces fonds ou nous imposera-t-on une répartition dictée par les mécanismes budgétaires européens d’avant-crise ?

Par exemple, pour la santé et la recherche, qui devraient être des priorités absolues après ce que nous venons de vivre, les sommes restent modestes : le fonds Santé est doté de 9, 4 milliards d’euros pour toute l’Union européenne, alors que les besoins excèdent cette somme sur la période pour notre seul pays.

La France ne doit-elle pas tenter de flécher avec plus de rigueur cet argent, afin de financer prioritairement le développement d’investissements publics dans la transition écologique des secteurs de l’énergie, des transports, notamment ferroviaires, de l’habitat, comme le propose la Convention citoyenne pour le climat, ou pour permettre aux TPE et aux PME, aux caisses de sécurité sociale et aux hôpitaux d’accéder à un crédit à taux zéro ?

Enfin, sur quels critères reposera le versement de l’argent distribué aux entreprises ? On voit déjà les limites d’un financement motivé par la seule prétendue course à la compétitivité.

Le dernier exemple en date est particulièrement scandaleux, madame la secrétaire d’État : c’est celui de Nokia. Présenté comme une solution européenne aux défis de la 5G, voilà un groupe auquel nous avons vendu Alcatel, qui est gavé depuis des années de subventions publiques et d’exonérations fiscales et sociales, et qui annonce la suppression de plus de 1 000 emplois dans le secteur de la recherche et du développement.

Madame la secrétaire d’État, l’entreprise Nokia bénéficiera-t-elle du plan de relance européen ? Qui va décider ? Sur le fondement de quels critères ? Où est l’ambition de souveraineté industrielle tant clamée ces derniers temps si un groupe continue de toucher de l’argent, alors qu’il annonce des suppressions d’emplois ?

En vérité, il faut revoir en profondeur tous les critères pour en finir avec un système de conditionnalité draconien pour les dépenses sociales et publiques et d’inconditionnalité pour les grands groupes, qui mangent aux deux râteliers : les subventions publiques, d’un côté, le dumping social et l’évasion fiscale, de l’autre.

Pour réussir la relance, il ne suffira pas de brandir des chiffres, aussi nécessaires soient-ils. L’enjeu est de savoir quel sera le modèle sur lequel s’appuiera le fonds de relance : le modèle compétitif du monde d’avant ou un nouveau modèle solidaire, dont la crise a révélé l’urgente nécessité. Nous avons malheureusement l’impression que tout cela est très mal parti.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – M. Rémi Féraud applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai fait le rêve que, aujourd’hui, je prononçais ces mots : « Enfin, enfin, nous arrivons à une solution au sein de l’Union européenne ! C’est une véritable victoire pour nos peuples et notre destin commun. Nous venons de faire un pas important en faisant le choix de sortir vite et ensemble de cette crise. Nous ne pouvons que nous en réjouir et être fiers de nos accomplissements que l’histoire, j’en suis sûre, jugera à la hauteur de ce que nous venons de réaliser.

« Faire le choix de mutualiser notre dette, financée en partie par des ressources propres, bien construites, vertes, sociales et rétablissant l’équilibre recherché. Se mettre d’accord sur un budget européen puissant, donnant à l’Union les moyens de ses ambitions est un signe que cet espoir européen si nécessaire s’est réalisé. Les politiques historiques, tout comme les nouvelles priorités, seront financées de manière équilibrée.

« Ensemble, elles permettront aux citoyens européens d’avoir accès à une alimentation de qualité, de développer des projets dans nos territoires, de créer et de produire ensemble dans un tissu industriel innovant, d’agir pour notre protection commune, d’avoir accès à un numérique sain et encadré et, enfin, de vivre dans une Europe où l’impact sur la planète est mesuré, permettant aux générations futures d’entrevoir un avenir, qu’il y a quelque temps encore elles pensaient si sombre. L’Europe tient finalement le rôle de phare qu’elle se dessine depuis de nombreuses années.

« Enfin, nos relations futures avec les Britanniques seront claires et apaisées pour que nous contribuions ensemble à la progression du continent européen, à la construction et au respect de nos valeurs communes. »

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, comme j’aurais aimé pouvoir tenir ce discours ce soir ! Bien sûr, nous savions tous qu’il n’y aurait pas d’accord vendredi dernier. Le Conseil européen nous laisse tout de même espérer une issue favorable, tout en nous mettant en garde sur les difficultés qu’il reste à surmonter. Mais n’est-ce pas la définition même de l’Europe ?

Ce soir, cependant, l’Européenne convaincue que je suis souhaite tout de même murmurer ce rêve d’Europe, ce rêve qui est à réaliser demain. Demain, c’est désormais le sommet de la mi-juillet.

Une énième fois, mon discours reste le même : au nom de mon groupe, Les Indépendants, je soutiens un plan de relance juste et solidaire, qui permettra d’allouer subventions et prêts dans l’intérêt de tous. Je suis également en faveur de ressources propres, issues notamment d’une taxation du numérique, du plastique et du carbone, afin de financer cette relance, mais aussi le budget pluriannuel.

Concernant ce budget, nous sommes toujours en faveur d’un budget fort et équilibré entre les nouvelles orientations politiques de la Commission européenne et les politiques historiques : les unes ne peuvent aller sans les autres et la réciproque est vraie. Je veux rappeler que le temps presse si l’on veut qu’un accord soit effectif et que le budget soit opérationnel dès le début de l’année prochaine.

Comme nous l’avons tous fait, j’ai bien noté les difficultés auxquelles nous devons encore faire face. Des questions se posent en matière de mutualisation de la dette, de subventions, de répartition, d’ampleur du budget, ou encore de maintien des rabais, pour ne citer que ces sujets, et, je veux le dire, ces interrogations sont légitimes.

Nous comprenons les volontés, les enthousiasmes, les peurs, les résistances… et les calendriers aussi ! Mais il faut, pour certains, les dépasser, afin de trouver une solution équilibrée et positive pour tous les Européens. Personne ne peut être laissé derrière et personne ne pourra, seul, sortir grandi !

Dans un monde où les tensions s’accentuent, nous avons besoin d’une Europe forte. Nous devons retrouver une Europe sereine, juste et prospère, pour que les Européens, en plus de tirer fierté de leur modèle, puissent continuer à créer et vivre ensemble.

Je connais votre engagement européen, madame la secrétaire d’État, ainsi que celui du Gouvernement. C’est pourquoi je ne peux que vous assurer, ce soir, de notre soutien dans les négociations qui se profilent et souhaiter une réussite européenne.

Le président du Conseil européen, Charles Michel, pourrait proposer un plan de relance amendé lors de la prochaine rencontre, prévue dans le courant du mois de juillet. Quelles sont les lignes rouges pour la France ?

Les représentants des Pays-Bas et de la Suède ont déjà affirmé qu’un accord avant la pause estivale n’était ni probable ni forcément souhaitable. Quelle est la position de la France, compte tenu de la longueur du processus décisionnel en Europe, notamment de la nécessité de ratification par les États membres ?

Enfin, j’évoquerai simplement – s’il est possible de faire simple sur ce dossier – la question du Brexit.

Nous avons pris acte de la volonté du Premier ministre Boris Johnson d’évacuer ce sujet pour la fin de l’année. Je souhaite saluer le travail considérable du négociateur européen en chef, Michel Barnier, et de ses équipes.

Là encore, un accord a minima n’est pas envisageable. Un no deal, que nous voyons de nouveau se profiler, ne l’est pas davantage, même si nous devons nous préparer à cette éventualité.

Le dossier du secteur de la pêche est important, tout comme l’est la nécessité d’un accord global et de règles justes et équilibrées de libre concurrence entre les deux acteurs. La situation des citoyens européens et britanniques l’est tout autant, comme celle des entreprises.

Mais ne soyons pas naïfs non plus ! Nous devons faire de cette séparation un levier de coopération et de lutte conjointe pour la préservation de nos valeurs communes. Le Royaume-Uni reste notre allié et notre ami. Faisons en sorte que notre future relation repose sur des bases claires et nous permette de tisser de nouveaux liens dans le respect, à la fois, de l’Union européenne et du Royaume-Uni.

Madame la secrétaire d’État, les relations futures avec ce pays sont essentielles. Nous savons que la France se prépare à cette échéance, comme nous l’avons vu lors des discussions sur le projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Quelles autres actions sont engagées et envisagées, dans les prochains mois, pour parer à toute éventualité concernant ce dossier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen de la semaine dernière avait pour principal objet la relance de l’économie européenne, en particulier l’examen de la proposition de la Commission européenne relative à un instrument budgétaire commun.

Certes, mais cela était attendu, le Conseil n’a pas abouti à un accord sur le plan de relance. Cependant, cette rencontre a montré que le dialogue est possible, malgré les différentes lignes de fracture traversant le continent.

Le maintien d’un dialogue constructif entre les dirigeants des Vingt-Sept est bien sûr essentiel sur le fond, mais également crucial sur la forme.

En effet, comme l’a rappelé le Président de la République, il serait dangereux de présenter à nos opinions publiques l’image d’une Union européenne désunie, en proie aux conflits ouverts, alors que l’Europe traverse des heures sombres et que les citoyens exigent des mesures fortes, rapides et claires.

Parmi les fractures européennes, la plus nette en l’espèce est évidemment celle qui partage l’Union européenne entre le Nord et le Sud.

Depuis plusieurs mois, nous voyons que les pays du Nord, pays « frugaux » en tête, campent sur leur position, en défendant un cadre financier pluriannuel limité à 1 % du PIB de l’Union européenne et la nécessité de coupler les aides économiques à des réformes structurelles.

En face, ceux du Sud, en particulier l’Italie et la France, plaident pour une véritable solidarité européenne, qui bénéficierait à l’ensemble du continent.

Le fait que Berlin s’entende avec Paris pour défendre une position alignée sur les souhaits de Rome, ou encore de Madrid, est en soi un événement. Il permet, en outre, de faire véritablement bouger les lignes entre Européens, ouvrant la voie à un accord.

Pour l’Alsacien et l’Européen que je suis, retrouver un couple franco-allemand ambitieux et force de proposition ne peut que constituer une excellente nouvelle, surtout après ce que nous avons vécu pendant le confinement ! Maintenant que la Commission européenne a fait globalement sienne la proposition commune de Paris et Berlin, il nous appartient de convaincre les plus réticents parmi nos vingt-cinq partenaires du bien-fondé de cette dernière.

Le cadre financier pluriannuel en discussion doit être adapté pour permettre à l’Union européenne de faire face aux conséquences de la crise que nous traversons. Nous espérons donc que l’accord sera conclu rapidement, dans l’intérêt de nos entreprises et de nos territoires.

Toutefois, au-delà du plan de relance et de ses modalités, nous serons attentifs à ce que ce cadre financier pluriannuel ne délaisse pas pour autant les politiques traditionnelles de l’Union européenne, en particulier la politique agricole commune.

Les agriculteurs ont fait la preuve de leur résilience durant la crise et surtout, s’il en était besoin, de leur rôle absolument essentiel pour notre société. Si l’Europe n’a pas connu de pénurie, malgré le confinement pratiquement généralisé du continent, c’est grâce à eux ! Je souhaite, à ce titre, les saluer.

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles ! Doter l’Europe des moyens de sortir de cette crise plus forte qu’elle n’y est entrée : voilà l’enjeu des discussions qui doivent se poursuivre cet été ! Les propositions de la France sont à la hauteur de son histoire et à la hauteur du moment. Gageons qu’elles sauront être entendues à Bruxelles !

Applaudissements sur les travées des groupes UC et LaREM.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Harribey

Si l’on en croit les propos des uns et des autres, pour certains, tout est merveilleux ; pour d’autres, rien n’a changé ! Je fais partie de ceux qui pensent que l’Europe n’est pas une construction manichéenne et, lorsqu’à l’occasion des élections européennes on m’interrogeait pour savoir si j’étais une euro-optimiste ou une euro-pessimiste, je répondais tout simplement : une euro-réaliste.

Si vous le permettez, madame la secrétaire d’État, je voudrais donc en toute modestie, au nom de mon groupe, évoqué ce qui, à nos yeux, montre que les lignes ont bougé et ce qui, posant plus de problèmes, nous apparaît comme des points de vigilance que nous souhaiterions vous soumettre.

Oui, nous saluons la proposition formulée par la Commission européenne, dans la prolongation de l’initiative franco-allemande. Même si nous considérons que le plan de relance reste en deçà de la gravité de la crise et des menaces pesant sur l’économie européenne, il n’empêche qu’il innove, dans sa conception comme dans ses modalités.

Ainsi, on y trouve des subventions, et non simplement des prêts, et ce dans une proportion atteignant tout de même les deux tiers. Il s’agirait d’une première expérience significative de mutualisation des dettes à l’échelle européenne, ce qui est totalement nouveau.

En outre, lorsque, au-delà d’une certaine date, on en viendra à parler des remboursements, il pourrait ouvrir la voie à l’instauration de nouvelles ressources propres, un sujet trop souvent négligé dans les négociations budgétaires européennes.

Ce plan a donc le mérite de marquer un pas qualitatif dans l’approche budgétaire européenne. Pour nous, il a deux vertus.

La première vertu, c’est que la proposition entérine le principe de solidarité financière européenne. Johannes Hahn, le commissaire européen chargé des questions budgétaires, l’a bien précisé lorsqu’il a évoqué le fait de se donner « la force de solidarité nécessaire pour soutenir les États membres et l’économie. »

La seconde vertu, c’est que le plan de relance entérine la nécessité d’une cohésion sociale et d’une lutte contre les inégalités. La crise sanitaire a révélé des inégalités croissantes, des déficits dans le tissu social et des difficultés rencontrées par les États dans leur rôle de cohésion sociale, du fait des contraintes imposées par le cadre économique et budgétaire. La relance européenne, qui, comme vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, entend s’appuyer sur le pacte vert et les stratégies du numérique, doit nécessairement s’accompagner d’un projet social et inclusif, capable de créer les nouveaux emplois indispensables pour retrouver un équilibre.

Cela étant, le plan comprend trois éléments qui, s’ils présentent un intérêt, doivent à nos yeux être renforcés. Il s’agit du régime européen de réassurance chômage, le fameux SURE, qui propose un soutien à court terme – c’est relativement nouveau, aussi, dans le référentiel européen ; des ambitions affichées en matière d’équité des salaires minimaux et de contraintes de transparence salariale ; de l’intensification de la lutte contre l’évasion fiscale, qui aidera les États à créer des recettes.

J’en viens maintenant aux aspects qui, pour nous, doivent appeler à une certaine vigilance.

Premier point de vigilance, qu’en est-il réellement de la capacité du Conseil européen à jouer la solidarité européenne ?

Nous avons pu observer votre pugnacité – je la dirais éclairée, et pas béate – dans le cadre d’une négociation européenne qui, effectivement, n’est jamais manichéenne et doit se travailler à long terme. Nous voyons bien que certains États contributeurs nets, que l’on nomme les « frugaux », peuvent consentir à ce que la Commission européenne emprunte, mais ont beaucoup de mal à accepter que cet emprunt soit fléché, non pas vers des États, mais vers une communauté. On sent que cette évolution n’est pas acquise, même si, comme le gouvernement néerlandais l’a rappelé, c’est une base de négociation.

Se pose aussi la question de la conditionnalité de l’accès aux fonds, avec, toujours, ce référentiel européen qui revient depuis le traité de Maastricht. On peut voir, sur cette question, une ou des injonctions paradoxales : certaines approches privilégient la mutualisation, comme vecteur de la solidarité européenne et de l’interdépendance entre les États, quand d’autres l’enchaînent au dogme de la dette, alors même que le pacte de stabilité a été suspendu.

Deuxième point de vigilance, la revendication d’une reconquête d’une souveraineté économique industrielle, nationale et européenne, ne risque-t-elle pas de tomber, très vite, dans le registre incantatoire ?

Je voudrais citer plusieurs exemples.

Premier exemple, la politique commerciale commune. Nous souscrivons à la révision de cette politique. Mais que signifie « défendre une autonomie stratégique ouverte » ? Il y a là, aussi, une injonction paradoxale, avec une problématique d’articulation entre la politique commerciale – pour faire plaisir à notre président de la commission des affaires européennes, j’évoquerai la section 232, pour laquelle il a une véritable obsession – et la politique de concurrence.

Autre exemple, la question de la souveraineté technologique, qui a fait irruption dans le débat politique à la suite de la crise sanitaire. La pandémie, effectivement, a fait voler en éclats la démarcation traditionnelle entre secteurs public et privé dans la gestion des réseaux et des plateformes numériques. Elle accélère, d’une certaine manière, le changement de mains de pans entiers de l’économie, comme on a pu le constater sur le dossier du tracking – le chemin emprunté par la France pour cette technologie est devenu bien solitaire…

Autre exemple, encore, la souveraineté alimentaire et l’affirmation d’un nouveau modèle agricole. Certes, le plan européen induit notamment un renforcement du Fonds européen agricole pour le développement rural, le Feader, dont on sait qu’il est essentiellement destiné à la transition écologique et aux mutations structurelles du secteur rural. Mais le cadre financier pluriannuel ne propose pas vraiment de soutien clair et visible à ces mutations.

Dernier exemple, la nécessaire refondation d’une politique de recherche industrielle et de contrôle des investissements étrangers, ces derniers induisant des mutations dans la politique de concurrence. La commission des affaires européennes ayant récemment auditionné la commissaire européenne chargée de la concurrence, nous nous sommes bien rendu compte d’une certaine ambiguïté dans ce domaine, entre l’évolution vers un nouveau modèle et la tentation d’un retour à une politique des années 1950 – on connaît le cadre dans lequel elle a été inventée et on sait à quel point elle ne correspond plus aux réalités d’aujourd’hui. D’ailleurs, la commissaire n’a pas su répondre à la question de savoir si un patient était un consommateur…

Troisième et dernier point de vigilance – vous l’avez abordé dans vos propos, madame la secrétaire d’État ; assez logiquement, on ne le retrouve pas dans le plan, mais c’est un point important –, qu’en est-il de la territorialisation de cette politique industrielle et de cette relance économique ?

Je reste convaincue, comme d’autres, que l’innovation provient des territoires et, donc, qu’il faut d’une certaine manière articuler la dimension territoriale et la dimension de la solidarité européenne.

En conclusion, qui connaît un peu l’histoire européenne sait que toutes les crises ont fait avancer l’Europe. Si, aujourd’hui, nous disposons d’une politique régionale et de fonds structurels, nous le devons aux Britanniques, qui avaient marchandé, au début des années 1970, l’acceptation de la politique agricole commune contre une politique industrielle venant en soutien à certaines régions désindustrialisées. Si, aujourd’hui, nous avons l’ébauche d’une Europe sociale, nous le devons aux pays nordiques, tout comme nous leur devons de savoir ce qu’est une politique des consommateurs en Europe.

Chaque crise a donc apporté des progrès en matière européenne, mais, là, nous faisons face à une crise beaucoup plus systémique et fondamentale, atteignant l’économie réelle comme jamais. C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, nous vous demandons de faire des points de vigilance que j’ai tenté d’exposer de véritables axes prioritaires. Gardez cette pugnacité éclairée, mais essayez de mettre un peu d’humanité dans la position française !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise sanitaire a pris l’Europe de court. Sur un continent déjà en proie au doute, après l’effondrement de la Grèce, la crise migratoire, la vague de terrorisme, le Brexit, les tensions au voisinage immédiat – Ukraine, Syrie, Libye et Méditerranée orientale –, il faut probablement retenir de cette pandémie un certain nombre de leçons, faute de quoi ce plan de relance espéré ne ferait que prolonger artificiellement la vie du « malade européen » au prix d’un endettement lourd.

Cette pandémie, c’est d’abord, je crois, la fin d’une illusion. L’Union européenne n’est pas une bulle prospère, protégée du monde par la seule vertu du droit et des valeurs. On peut le regretter, mais c’est ainsi. Elle est interdépendante, au contact d’un monde en crise et en compétition. Ce n’est pas un monde de « Bisounours », pour reprendre le terme récent d’Hubert Védrine.

La question de la sécurité des frontières reste primordiale. Les Européens ne devront plus tergiverser pour les fermer en cas de besoin. À ce titre, la reprise de l’épidémie en Chine appelle à la prudence. Soyons réalistes et mesurons l’accroissement des risques sanitaires, environnementaux ou géopolitiques !

La probabilité de récurrence d’événements graves devrait s’accroître et aujourd’hui, à tort ou à raison, là aussi, aucun citoyen ne répond spontanément que l’Europe protège. Or, dans le monde de demain, il faudra peser.

Même si on peut le déplorer, il nous faut intégrer le durcissement des relations internationales, qu’elles soient politiques ou économiques, y compris dans nos rapports avec certains de nos alliés extracommunautaires et, en retour, très probablement, durcir notre posture.

La relance massive de l’économie européenne ne servira à rien si elle ne s’accompagne pas d’un changement d’état d’esprit. Partout ailleurs, lorsque les intérêts sont menacés, les États n’hésitent pas à préserver leurs filières et leurs entreprises : préférences, mesures douanières, extraterritorialité du droit, etc.

Dans ce contexte, l’Union européenne continue à présenter l’ouverture de son marché sous un seul jour bénéfique. Pourtant, le partenariat transatlantique, le Mercosur, les accords avec le Canada, la Nouvelle-Zélande ou l’Australie ont fini par susciter de vives inquiétudes, notamment en France, tant des consommateurs que des filières agricoles. L’Union européenne poursuit néanmoins sur cette voie, avec un accord commercial avec le Mexique, au moment où chacun aurait pu penser que la crise sanitaire amènerait à envisager la mondialisation autrement.

Dans les domaines sanitaire ou militaire, notamment, l’approbation par la France de l’axe franco-allemand ne doit pas emporter pour seule conséquence le renforcement des groupes industriels allemands. Il faut créer les conditions en France d’une réindustrialisation et mieux protéger les entreprises des prédations étrangères, en particulier extraeuropéennes, afin que le concept d’autonomie stratégique ne reste pas un vain mot.

Sur le plan environnemental, l’engagement de l’Union européenne en faveur du climat et des énergies renouvelables ne doit pas conduire à s’enfermer dans un choix entre les éoliennes chinoises ou allemandes.

Les actions en vue d’améliorer la résilience des systèmes de santé, d’accroître la promotion de l’innovation dans le secteur de la santé en Europe sont bienvenues, mais pourront-elles faire pièce aux moyens considérables des routes de la soie de la santé chinoises et limiter notre dépendance à la Chine pour certaines molécules ou certains équipements sanitaires ?

La somme des événements récents doit aussi amener un tournant pour l’Europe de la défense. Aux États-Unis, l’industrie de défense ne s’est pas arrêtée pendant l’épidémie et elle bénéficie d’un plan colossal de soutien, quand le budget du Fonds européen de la défense donne lieu, lui, à d’inquiétants atermoiements. En réalité, il sert de variable d’ajustement !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Une chose est sûre, les crises et dysfonctionnements des dernières années ont conduit – je le déplore – à une défiance à l’égard de l’Union européenne.

Compte tenu, d’une part, de la réaffirmation des grandes puissances et des acteurs régionaux, d’autre part, du montant des dettes engagées pour surmonter la crise sanitaire en Europe, nous ne pouvons pas, madame la secrétaire d’État, nous payer le luxe d’échouer. Ce serait à la fois déplorable et dangereux.

L’Europe, c’est vrai, n’est pas parfaite ; elle doit être adaptée à ces nouveaux paradigmes. C’est, je crois, non pas aux hauts fonctionnaires européens de le faire, mais bien aux États qui la composent d’en être les moteurs. Si cette crise doit amener un progrès, c’est peut-être celui-là !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le sommet qui s’est tenu vendredi dernier a donné lieu à des réactions ambivalentes. Il a été qualifié de première étape importante par certains, d’échec par d’autres. Une fois encore, la vérité se trouve sans doute entre les deux positions.

En effet, ce sommet entérine un changement de lignes sur notre continent.

Tout d’abord, il témoigne du retour d’un couple franco-allemand à l’initiative, donnant une impulsion politique nécessaire face à la menace existentielle de lignes de fracture irréconciliables qui s’étaient esquissées, en mars, entre le nord et le sud de l’Europe.

Ensuite, si le plan de relance, post-crise sanitaire, mais pré-crise économique, a été discuté pour la première fois et s’il est encore loin de faire l’unanimité, il marque un tournant majeur dans l’intégration du continent : celui de l’emprunt commun. Face à une crise imputable à personne, mais affectant tout le monde, la logique d’une dette mutualisée permet de casser la logique de blocs qui empoisonne les discussions européennes, tout en traduisant une souveraineté commune, sur laquelle je reviendrai.

S’agissant du cadre financier pluriannuel, je partage pleinement la position du Parlement européen : de nouvelles ressources fiscales propres à l’Union européenne permettant d’alléger les contributions des États membres sont indispensables.

Plusieurs pistes sont à l’étude, et ce depuis de nombreuses années déjà. Il reviendra aux chefs d’État de trancher afin d’avancer. Je défends, pour ma part, la position, adoptée par le Sénat le 14 janvier dernier, d’une taxe carbone aux frontières, mais je suis également favorable à un élargissement des recettes collectées sur le marché du carbone européen, ou encore à une taxe sur les transactions financières, mesure également défendue par le Sénat depuis 2013.

Madame la secrétaire d’État, concernant ce cadre financier et face aux nombreux sujets de désaccord, le maintien des rabais sera-t-il une des solutions pour, finalement, aboutir à un accord avant la fin de l’année ?

Enfin, plus généralement, face à la crise sanitaire, l’Union européenne a choisi de se mettre en retrait, qu’il s’agisse de la suspension des règles budgétaires et du droit de la concurrence, du rétablissement des frontières, ou encore de la suspension des principales libertés publiques. Les États-nations ont dès lors recouvré leur souveraineté pour répondre à l’urgence de la crise.

Mais face à la crise économique, il nous faut désormais investir à l’échelon européen une souveraineté nouvelle : commerciale, en filtrant les investissements dans les secteurs stratégiques ; industrielle, en développant des projets importants d’intérêt européen commun ; stratégique, en s’affirmant comme un pôle d’équilibre entre les États-Unis et la Chine.

À ce titre, madame la secrétaire d’État, alors que l’Europe et la Chine affichent l’ambition partagée d’un accord bilatéral sur la protection des investissements, quels sont les points d’attention de la France concernant un tel accord ?

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les chefs d’État et de gouvernement européens étaient réunis ce vendredi pour discuter du plan de relance européen de 750 milliards d’euros, censé aider le vieux continent à sortir d’une récession historique.

Comme il fallait s’y attendre, ce Conseil européen a une nouvelle fois mis au jour les profondes divergences entre les Vingt-Sept sur ce sujet. Les discussions achoppent toujours sur les modalités concrètes d’application de ce plan, que ce soit son volume total, la répartition des sommes, ou encore la nature des aides.

Les discussions n’ont pas non plus beaucoup progressé concernant le prochain cadre financier pluriannuel pour la période couvrant les années 2021 à 2027.

Quand les pays dits « frugaux » souhaitent une baisse importante du budget des politiques traditionnelles et s’accrochent à leurs rabais, les autres pays, dits « amis de la cohésion », plaident au contraire pour un budget ambitieux et doté de ressources propres pour éviter les coupes envisagées dans le budget de la cohésion et de la politique agricole commune.

À propos de cette dernière, saluons la majoration de 4 milliards d’euros sur le premier pilier et de 5 milliards d’euros sur le second, auxquels devrait s’ajouter un abondement de 15 milliards d’euros dans le cadre du plan de relance.

Cet effort sera toutefois loin de compenser la baisse de 8 % à 10 % du budget de la politique agricole commune en euros constants. Les Européens ne semblent toujours pas avoir pris conscience de l’importance stratégique de leur agriculture, alors même que celle-ci a démontré toute sa capacité à assurer l’approvisionnement alimentaire de 500 millions de consommateurs au plus fort de la crise !

À l’heure où l’on parle de relocalisation et de souveraineté retrouvée, n’oublions pas que le secteur agricole est l’un des rares domaines dans lesquels notre pays a gardé une réelle capacité à produire !

N’affaiblissons pas notre souveraineté alimentaire par des décisions hasardeuses, comme la proposition incompréhensible de la Commission européenne de baisser de 10 % la superficie des terres cultivables en Europe et, donc, en France.

Pour revenir à l’instrument de relance au centre des discussions des Vingt-Sept, plusieurs propositions doivent être saluées, comme la création d’un nouveau programme de santé, EU4health, doté de 7, 5 milliards d’euros et destiné à renforcer la sécurité sanitaire et à anticiper les futures crises.

La concentration des engagements de dépenses sur une période courte – 2021-2024 – est également un choix bienvenu ; elle soulève néanmoins des enjeux importants en termes de capacité de mise en œuvre, d’ingénierie et d’absorption des fonds.

Ne reproduisons pas la technicité de la politique de cohésion, qui aboutit souvent à une sous-consommation des fonds européens.

Enfin, la question des ressources propres de l’Union est un sujet majeur. La Commission souhaite les développer pour soulager les budgets nationaux et rendre le budget européen moins dépendant des contributions des États membres. Mais elle doit encore clarifier ses propositions et, surtout, veiller à maîtriser l’imposition globale pesant sur les ménages et les entreprises.

N’ajoutons pas encore à l’overdose fiscale qui touche beaucoup de pays européens, à commencer par la France.

L’Europe doit s’atteler rapidement au projet de barrière écologique aux frontières de l’Union européenne, comme l’a réclamé le Sénat dans une récente résolution soutenue par nos collègues Jean-François Husson et Bruno Retailleau.

En taxant les produits provenant de pays qui s’affranchissent de toute réglementation environnementale, nous renforcerons la compétitivité de nos entreprises et de nos agriculteurs, soumis à des normes beaucoup plus exigeantes que leurs partenaires commerciaux.

Pour conclure, mes chers collègues, je veux dire que les chefs d’État et de gouvernement se retrouveront en juillet pour tenter de débloquer la situation. Il y a urgence, et vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État. Un échec des négociations serait désastreux : politiquement, il alimenterait les tendances nationalistes ; économiquement, il aggraverait encore la récession et la hausse du chômage. Les Européens sont donc condamnés à réussir, sous peine de discréditer définitivement le projet européen.

Car l’Europe traverse depuis dix ans une succession de crises qui ont montré ses fragilités et ont accru la défiance des opinions publiques envers la construction européenne : crise économique et financière, crise sécuritaire avec la résurgence des attentats terroristes, crise migratoire, crise sanitaire.

Nos pays étant interdépendants, chacun doit prendre conscience que la bonne santé économique de tous est dans l’intérêt de chacun !

Le prochain Conseil européen de juillet devra donc incarner cette indispensable solidarité européenne et montrer à nos concitoyens que l’Europe est capable de les protéger, enfin. Pour cela, elle doit réussir à dépasser ses divisions pour se hisser à la hauteur des enjeux auxquels notre continent doit aujourd’hui faire face.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà près de soixante-dix ans que l’intégration européenne se poursuit et que les divers pays du continent européen collaborent, coopèrent et créent des liens toujours plus étroits.

La construction européenne n’a cependant pas toujours été aisée et a connu son lot de complications.

L’Union a traversé plusieurs crises, et nous ressentons encore aujourd’hui les effets de certaines d’entre elles. Mais, même s’il n’a pas toujours été facile de trouver des solutions satisfaisantes pour tous, l’Union européenne a jusqu’à présent réussi à les dépasser.

Avec l’arrivée de la pandémie sur le territoire européen, nous sommes de nouveau confrontés à une crise majeure, risquant d’ébranler le modèle européen. Et si nous voulons nous en relever, une réponse forte et coordonnée est nécessaire.

Cette collaboration a permis de faire aujourd’hui de l’Union européenne la deuxième puissance économique mondiale, et il faut tout mettre en œuvre pour la maintenir à ce niveau, pour le bien de l’Union comme de la France.

Mais si l’économie est une part essentielle de sa construction, l’Union européenne représente aussi le partage de valeurs et de principes démocratiques, d’entraide et de solidarité.

Le respect de ces valeurs sera essentiel pour maintenir ce qui a été construit jusqu’à présent. Il n’est pas possible, au regard de l’ampleur de la crise, de s’en sortir sans pouvoir compter sur nos partenaires européens, mais également sans qu’ils puissent compter sur notre soutien.

Ainsi, la proposition de la Commission européenne d’adosser au cadre financier pluriannuel un instrument de relance, outil de redistribution et de solidarité, composé de 500 milliards d’euros de subventions et de garanties qui ne devront pas être remboursés, ainsi que de 250 milliards d’euros distribués sous forme de prêts, est une solution forte et satisfaisante, qui reflète ces principes sur lesquels l’Union européenne s’est bâtie.

Des divergences entre les États membres se font pourtant sentir, et pour certains, dits « frugaux », l’absence de remboursement n’est pas envisageable. Ils estiment l’émission de prêts plus adaptée ou souhaitent voir ces subventions assorties de conditions, tel que cela avait été mis en place pour les pays en difficulté lors de la crise des dettes souveraines.

Émettre uniquement des prêts ne me semble cependant pas envisageable, comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État.

Assortir la distribution des subventions de conditions relatives au respect des priorités de la Commission – numérique, écologie, amélioration de la compétitivité économique – rappelle cependant de mauvais souvenirs aux pays ayant dû par le passé se plier à de nombreuses exigences, afin d’obtenir des prêts.

En outre, la facilité pour la reprise et la résilience s’intégrera dans le cadre du semestre européen, ce qui impliquera en tout état de cause un dialogue exigeant entre les États membres et l’Union.

Nous le savons, aucune proposition ne pourra pleinement satisfaire tous les États membres. Mais il est urgent de trouver une solution si nous souhaitons conserver la confiance des marchés financiers et éviter d’attiser un rejet massif du modèle européen par nos concitoyens, doutant de l’efficacité de l’Union.

Par ailleurs, il est important de rappeler que les États-Unis prévoient un plan de relance trois fois plus important que le nôtre. Si nous ne parvenons pas rapidement à un accord, de grands groupes américains pourraient alors en profiter pour acquérir de larges parts de marché en Europe.

Il devient donc de plus en plus impératif de trouver un compromis. Mais il faut aussi apprendre des erreurs du passé, et ne pas les reproduire.

Ainsi, des conditions trop strictes ne me semblent pas envisageables. Il serait toutefois intéressant, afin de parvenir le plus rapidement possible à un accord, de consentir à poser certaines conditions, sans qu’elles soient trop lourdes pour les États, comme cela a pu être le cas par le passé. Ainsi, madame la secrétaire d’État, j’aurais aimé connaître votre position au sujet de cette conditionnalité des subventions.

Par ailleurs, j’évoquerai le sujet de la défense.

La semaine dernière, l’Union européenne a sélectionné seize projets pour soutenir le développement des capacités de la défense et trois projets consacrés aux technologies de rupture qui seront menés à l’échelle paneuropéenne. Ceux-ci bénéficieront ainsi d’un financement à hauteur de 205 millions d’euros. C’est un pas important, et l’on peut s’en réjouir. Pourtant, dans les discussions sur le cadre financier pluriannuel, le Fonds européen de la défense apparaît toujours comme une variable d’ajustement.

En février dernier, Gisèle Jourda et moi-même avions présenté une proposition de résolution européenne qui soulignait la nécessité, si l’on veut réellement assurer l’autonomie stratégique de l’Union et renforcer sa base industrielle et technologique de défense, de doter ce fonds à la hauteur initialement prévue. La nouvelle proposition de CFP présentée par la Commission est, à cet égard, décevante. À l’issue de ce Conseil européen, madame la secrétaire d’État, pensez-vous encore possible de relever de manière significative les crédits consacrés au Fonds européen de la défense et, si oui, quelle est votre cible ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Avant de répondre à vos questions, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous faire part d’un sentiment. Au fond, ce débat a quelque chose d’un peu d’étrange : à droite comme à gauche, vous avez les uns et les autres oscillé entre une bonne dose de déception, considérant que les choses auraient pu aller plus vite, et une forme de pessimisme, considérant que nous n’y arriverions pas.

Plusieurs d’entre vous ont souligné que nous étions pugnaces et déterminés. C’est en effet le cas, et il faut vraiment beaucoup de détermination, de persévérance et de courage pour, comme l’a fait depuis maintenant trois ans le Président de la République, convaincre successivement la Chancelière, la Commission, une majorité d’États membres et le Parlement européen et parvenir à mettre sur la table ce plan de relance solidaire, ambitieux, qui répond à nos besoins.

Nous avons parcouru un long chemin. Voilà quelques semaines, nous nous demandions encore si un plan européen verrait le jour, si une réponse solidaire allait être apportée. L’idée d’un endettement commun, qui est désormais reconnue par tous comme possible, n’était même pas sur la table ! Force est de reconnaître que le déblocage de 500 milliards d’euros de subventions budgétaires est déjà en soi une réussite.

Faire adopter un tel plan de relance en quelques jours, ce n’est pas crédible. Le confinement est entré en vigueur en France le 16 mars et nous sommes aujourd’hui le 23 juin, trois mois après le début d’une crise inédite : l’Europe n’a jamais avancé aussi vite. Le rythme est peut-être encore trop lent, mais il faut rester lucide.

Je veux maintenant aborder une question non pas rhétorique, mais hautement politique. Les uns et les autres, vous avez dit que les Français exprimaient de la défiance à l’égard de ce projet européen. Pour moi, la clarté est la seule manière de combattre cette défiance, et chacun doit donc marquer très clairement son soutien politique ou son opposition à ce plan de relance.

Je le dis avec un peu de passion parce que j’ai entendu, à droite, François-Xavier Bellamy, président de la délégation française au sein du groupe PPE, ou Geoffroy Didier, auditionné tout à l’heure par l’Assemblée nationale, exprimer très explicitement leurs doutes, leurs suspicions permanentes sur ce que nous faisons, parlant même de fédéralisme au sujet de ces ressources propres.

Il ne faut pas mentir aux Français, il ne faut pas agiter les épouvantails habituels ; il faut être très clair : oui ou non la délégation française au sein du groupe PPE du Parlement européen soutient-elle ce plan de relance ? Nous avons besoin de clarté, parce que la crédibilité de la parole française dépend de moi, de vous aussi, mais également des votes qui seront exprimés au Parlement européen.

Dans cet hémicycle, vous devrez vous prononcer sur la décision de doter l’Union de ressources propres. Soit vous voterez pour, soit vous voterez contre, soit vous vous abstiendrez – sans qu’on sache vraiment ce que ce dernier choix signifierait. Oui ou non acceptera-t-on de contracter des dettes communes au profit de l’Italie ou de l’Espagne ?

À gauche, vous dites que ce plan ne doit bénéficier qu’à certaines entreprises, qu’aux secteurs les plus touchés. Je suis incapable, à ce jour, de fixer cette ligne de partage des eaux sachant que, derrière, ce sont des familles et des emplois qui sont en jeu, qu’il nous faut bien sûr engager la transition énergétique et la transition numérique. Le but, c’est de sauver l’emploi en Europe, et personne n’a envie que l’argent de l’Europe serve à créer des emplois ailleurs. Mais adhérez-vous à cette logique et estimez-vous que c’est là une bonne mesure ? Ce ne serait pas suffisant ; mais êtes-vous d’accord pour considérer que, avec 500 milliards d’euros, nous franchissons déjà une sacrée étape ?

Je répondrai précisément aux différentes questions qui ont été soulevées, mais, auparavant, je tiens à dire avec beaucoup de force, que, sans soutien – un soutien qui ne soit pas du bout des lèvres, un soutien qui n’aille pas de pair avec le regret que les choses n’aillent pas assez vite –, je ne pourrai pas, dans le sillage du Président de la République, mener le travail que je conduis partout en Europe.

Je ne vise personne ici en particulier, et, pour beaucoup d’entre vous, votre engagement est sincère et entier. Pour autant, la clarté s’impose au sein de vos familles politiques.

Je le constate également à l’occasion de mes déplacements : le débat sur le fonds de relance européen est hautement politique en Autriche et aux Pays-Bas ; il n’est question que de cela au sein des coalitions gouvernementales qui y sont au pouvoir et ce sujet y est matière à débat bien plus que d’autres questions politiques nationales. C’est là un enjeu existentiel, qui marque une ligne de partage entre la vision qu’a chacun de la souveraineté nationale et de la manière dont celle-ci doit s’appuyer ou non sur une souveraineté européenne.

Certains estiment qu’il convient de s’appuyer sur une Europe beaucoup plus forte pour s’en sortir, tandis que d’autres pensent le contraire.

Des questions se poseront dans les semaines qui viennent. Nous avons pris notre bâton de pèlerin et faisons notre part du travail. Mais, je le répète, les uns et les autres devront clarifier leur position, indiquer le sens de leur vote sur les ressources propres au Parlement européen et, à l’automne, à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Le Président de la République, le Gouvernement et moi-même, avec toute notre énergie, menons la bataille et sommes à la manœuvre. Maintenant, j’ai besoin de vous et j’ai besoin que vous nous aidiez à aider non pas l’Europe pour elle-même, mais les Français, parce que ce sont eux qui sont concernés par ce plan.

J’en viens maintenant à vos questions.

M. Rapin m’a interrogée sur le calendrier. Des discussions bilatérales sont menées par Charles Michel pour préparer la rencontre des 17 et 18 juillet. En parallèle, les États membres, en particulier l’Italie, la France et l’Allemagne, tentent ensemble d’identifier leurs besoins mutuels, ce qu’il faudra inclure dans le futur accord, notamment de manière à s’assurer, à l’automne, une majorité dans chacun des parlements nationaux sur cette question des ressources propres.

L’Allemagne prenant la présidence de l’Union à partir du 1er juillet, la Chancelière jouera bien sûr un rôle d’entraînement majeur pour parvenir, si, comme nous, elle le souhaite, à un accord avant la fin du mois de juillet.

Comme tous les parlements nationaux, le parlement français se prononcera à l’automne sur cette décision relative aux ressources propres, ce qui nous permettra d’engager le 1er janvier 2021 le plan de relance et le budget 2021-2027.

Y aura-t-il un plan de contingence, à défaut d’accord ? Nous ne travaillons pas dans l’optique d’un tel scénario. À l’échelon européen, plus personne n’a dans l’idée que nous pourrions nous offrir le luxe d’un budget transitoire ou d’un budget de contingence. Nous espérons donc que, au mois d’octobre au plus tard, quand le plan de relance européen sera connu, les plans de relance nationaux pourront être lancés, le dialogue politique engagé avec la Commission pour que, au 1er janvier 2021, l’ensemble de la machine se mette concrètement en marche.

Que se passera-t-il dans le cas où les ressources propres seraient insuffisantes, nécessitant que les remboursements soient assurés par les contributions nationales ?

Entre 2021 et 2027, dans le cadre du budget européen, nous paierons les intérêts, à savoir 20 milliards d’euros pour 500 milliards d’euros d’emprunts. En ce moment, l’argent ne coûte pas très cher. Pour la période postérieure à 2028, nous rembourserons le principal.

Les paramètres sont nombreux : les ressources propres, le volume des rabais – certains d’entre vous aimeraient bien qu’on en finisse avec cette dynamique de rabais et de juste retour, qui n’est pas cohérente avec la nature du marché intérieur –, les frais de collecte, la ressource liée à la TVA. Autant de paramètres dont la moindre variation a une incidence très forte sur notre propre équation, sachant que notre pays est contributeur net et ne bénéficie d’aucun rabais.

Monsieur le président Cambon, vous m’avez interrogée, comme d’autres, sur le Fonds européen de la défense. Doté initialement de 13 milliards d’euros, son montant a oscillé par la suite entre 6 et 7 milliards d’euros, pour atteindre aujourd’hui 9 milliards d’euros. Ces variations sont le signe que certains sont à la manœuvre… Paradoxalement, le fait que la présence des troupes américaines dans certains pays soit un sujet de questionnement remet le sujet d’une défense européenne sur le devant de la scène et montre qu’un engagement européen en faveur de notre propre sécurité est plus que jamais légitime.

Avec Thierry Breton, nous sommes à la manœuvre pour doter davantage ce fonds. De fait, je suis d’accord avec vous : la défense ne peut pas être une variable d’ajustement. Puisque nous avons vécu une crise de sécurité sanitaire, nous devons être conscients aussi des risques de sécurité à proprement parler.

Comme vous le savez, le Président de la République était à Londres le 18 juin pour montrer que, indépendamment du Brexit, notre relation bilatérale devait se développer et prospérer dans d’autres domaines. L’objectif est que se tienne un sommet bilatéral soit à la fin de l’année, soit au début de 2021 au plus tard, afin de mettre à jour les accords de Lancaster House pour, concernant les aspects de la défense et de la sécurité, faire face aux nouveaux défis et aux nouvelles menaces, qui sont une réalité géopolitique, et – c’est également le souhait de Boris Johnson – relancer de grands projets communs.

Monsieur le président Bizet, vous m’avez demandé ce que je retenais de mes déplacements en Autriche et aux Pays-Bas.

Comme je l’ai dit, j’ai mesuré à quel point ce plan de relance européen était un sujet hautement politique et pu constater qu’il était le sujet principal de débat entre les forces composant les différentes coalitions et les oppositions. C’est en soi une information intéressante. Dans ces deux pays, les syndicats de salariés et les représentants des entreprises sont très favorables à ce plan ; la population tout entière ne s’y oppose pas. De fait, on note un décalage assez fort entre la société civile, les salariés, les entreprises et leurs représentants politiques.

J’indique aussi qu’ils ne sont pas dans une logique de juste retour, dans une logique de type « si je mets un, je veux recevoir un ». Ils veulent plutôt être certains que leurs contributions nationales ne vont pas augmenter de façon vertigineuse ou exponentielle. Ainsi, l’Autriche, qui avait pris le leadership sur la taxe numérique pendant sa présidence de l’Union en 2018, se demande si la décision de doter l’Europe de ressources propres fonctionnera cette fois-ci et si l’on peut y croire.

Les Pays-Bas, quant à eux, sont potentiellement intéressés par le mécanisme d’inclusion carbone aux frontières et se demandent comment celui-ci pourrait fonctionner, combien il pourrait rapporter et comment il pourrait favorablement affecter leurs contributions.

Vous connaissez les chiffres : l’excédent commercial annuel des Pays-Bas avec l’Italie s’élève à 12 milliards d’euros. C’est beaucoup plus que ce que serait la part des Pays-Bas dans le pot commun au titre des garanties en cas d’éventuelles difficultés de remboursement de l’Italie.

Mme Jouve, notamment, m’a interrogée sur les outils de protection face à la concurrence.

S’agissant de la protection des actifs stratégiques, une étape très importante a été franchie la semaine dernière avec la présentation par Thierry Breton et Margrethe Vestager de leur Livre blanc, dans lequel ils proposent, dans trois domaines – la protection des marchés publics, la protection des prises de participations, notamment dans les entreprises, y compris d’ailleurs de grosses PME, et le contrôle des subventions étrangères –, une capacité accrue d’intervention de la Commission en appliquant notre régime relatif à la concurrence non pas seulement à nous-mêmes, mais à tous les acteurs économiques qui opèrent sur le marché européen, qui, eux, ne sont pas soumis à une telle vigilance – je pense notamment aux aides d’État qu’ils peuvent percevoir.

Par exemple, les industries chinoises hautement subventionnées peuvent pratiquer des prix moins élevés que leurs concurrentes, lesquelles, ne percevant pas de telles aides, ne peuvent pas faire jeu égal.

Autre pilier de la relance, l’outil destiné à faciliter les investissements stratégiques notamment pour renforcer le capital d’entreprises qui, fragilisées par la crise, pourraient être victimes de prises de participation hostiles.

La France est pleinement déterminée à avancer et cette crise nous ouvre les yeux sur la fragilité d’un certain nombre de secteurs.

Mme Jouve m’a également interrogée au sujet du plan Santé européen. Sa finalité est-elle de lutter contre notre dépendance à l’Asie ? Assurément oui : qu’il s’agisse de la recherche, des équipements médicaux ou des traitements, l’idée est de déployer des subventions et des actions de contrôle où elles sont nécessaires tout en constituant des stocks stratégiques.

Nous devons mettre en commun notre capacité d’anticipation pour être plus réactifs face aux crises à venir, en faisant à l’échelon européen ce qu’il est utile de faire à ce niveau. Je le dis souvent : on ne va pas gérer les hôpitaux depuis Bruxelles. La valeur ajoutée serait nulle. L’Europe, c’est aussi la subsidiarité et – j’y insiste – nous ne sommes pas des forcenés de la mise en commun à Bruxelles.

Monsieur Gattolin, vous me demandez quelles concessions nous faisons. Pour ma part, je ne me dis pas : que faut-il retrancher ? Je me demande : que faut-il ajouter ?

Quelles garanties donner aux parlementaires néerlandais ? Comme l’a dit le Premier ministre italien, nous devons prouver que cet argent n’est pas un pactole offert à qui que ce soit, mais un investissement. Bien sûr, à lui seul, il ne suffira pas face aux défis que chaque pays doit affronter, du fait de cette crise ou à cause de fragilités antérieures. La réussite du plan de relance européen suppose une responsabilité nationale.

Ainsi, au sujet des ressources propres, nous avons apporté de la clarté : que veut-on, quand et avec quels types de rendements ? Vous le voyez bien : ma logique n’est pas d’amoindrir le plan élaboré dans l’espoir de le rendre acceptable, mais d’y ajouter des garanties. En particulier, il faut préserver les 500 milliards d’euros de subventions.

Monsieur Laurent, vous avez évoqué la conditionnalité – c’est le point de votre intervention qui m’a le plus marquée. Nous ne sommes pas là pour recréer des troïkas ou des mises sous tutelle, pour instituer des diktats.

La Commission travaille à une architecture financière en vertu de laquelle chaque État, de manière souveraine, regarde comment articuler son plan de relance national, avec les moyens budgétaires dont il dispose, les priorités de son programme de réformes – en France, l’investissement hospitalier pourra bénéficier de l’argent européen ; du moins, c’est une option – et la relance européenne.

Certains pays nous diront peut-être qu’ils veulent financer les infrastructures de mobilité électrique ; d’autres qu’ils entendent soutenir le secteur du tourisme, lequel est particulièrement touché ; d’autres encore qu’ils souhaitent investir dans la formation. Ce qui importe, c’est que, suivant les principes édictés par la Commission, chaque État puisse choisir les secteurs où la valeur ajoutée européenne est, pour lui, la plus utile.

À mon sens, cette logique politique est tout à fait pertinente : ce n’est pas de Bruxelles que l’on va décider, ligne à ligne, comment seront répartis ces crédits dans chacune des régions de France…

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Monsieur le sénateur, le semestre européen n’implique aucune injonction : ce n’est pas une troïka. Il relève simplement que, pour accroître la compétitivité et la croissance de la zone euro, chaque État membre peut mener un certain nombre de réformes et, ainsi, mieux converger avec ses partenaires de l’Union.

Cela étant, comme je le dis souvent, nous faisons les réformes pour nous-mêmes : on n’a jamais vu un représentant de Bruxelles se rendre dans les parlements nationaux pour s’assurer que les États ont adopté la bonne ou la mauvaise réforme, le bon ou le mauvais amendement. Nous faisons les réformes pour nos concitoyens, mais il est intéressant de réfléchir à un cadre commun pour avancer.

Madame Mélot, vous abordez les conséquences du Brexit sur la pêche, sujet ô combien stratégique. Nous ne recherchons pas, comme vous le redoutez, un accord a minima ; nous ne construisons pas ce vaste plan de relance pour sacrifier, en catimini, un secteur économique pourvoyeur de dizaines de milliers d’emplois. Dans certains territoires, c’est même plus de la moitié de l’emploi qui dépend de la pêche et des filières de transformation du poisson.

En la matière, nous avons trois objectifs : premièrement, la stabilité relative de l’accès – il s’agit de conserver les droits de pêche coutumiers ; deuxièmement, la protection de la ressource – s’il n’y a pas de poisson, il n’y a pas de pêcheurs : nous devons bien sûr gérer cette ressource conjointement avec les Britanniques, car le poisson ne sait pas où se trouve la frontière ; et, troisièmement, la prévisibilité. On ne peut pas entrer dans un système en vertu duquel les droits de pêche seraient remis en cause tous les six mois.

Nous nous efforçons d’avancer sur ces trois dossiers. De plus, nous consacrons une étude d’impact extrêmement précise à ce que les Britanniques nomment l’« attachement zonal ». Ce dispositif semble intéressant, mais nous voulons savoir très précisément ce qu’il implique pour nos capacités de pêche.

Si blocage il devait y avoir, nous gardons à l’esprit que 70 % du poisson pêché dans les eaux britanniques est consommé au sein du marché intérieur européen. Si un bras de fer doit s’engager, si nos voisins nous refusent l’accès à leurs eaux territoriales, nous pourrons décréter que nous ne sommes plus en mesure de recevoir leur poisson. À ce petit jeu, les perdants ne seraient pas forcément ceux que l’on pense…

Bien sûr, comme par le passé, nous accorderons un soutien plein et entier à la filière en cas de cessation d’activité transitoire ; cette ligne a toujours été extrêmement claire. Il ne doit y avoir aucun doute sur ce point, même si ce n’est pas le scénario sur lequel nous travaillons. Le but n’est pas que les salariés du secteur soient contraints à l’activité partielle, mais qu’ils continuent à travailler selon les trois principes que j’ai énoncés.

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche est tout à fait approprié : il comprend à la fois un budget de base, à échéance normale, et des fonds de contingence dans l’hypothèse où les uns et les autres ne pourraient plus exercer leur métier.

Monsieur Kern, vous l’avez vu : dans le cadre du plan d’urgence, nous avons rehaussé de 4 milliards d’euros le budget de la PAC et de 15 milliards d’euros le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Ces mesures confirment ce que j’ai déjà eu l’occasion de vous dire dans cet hémicycle : la PAC n’est pas has been. Il s’agit au contraire d’un dispositif stratégique. La décision des instances européennes confirme qu’il s’agit d’un enjeu de souveraineté, et il faut s’en féliciter.

Madame Harribey, j’en suis intimement persuadée : nous n’avons pas oublié l’humanité. Je l’ai dit en préambule, nous agissons non pas pour l’Europe, mais pour des familles, des salariés et des entreprises. D’ailleurs, si ce plan est baptisé « nouvelle génération », c’est parce que nous mesurons ce que le choc sanitaire et économique représente pour la jeunesse, laquelle arrive sur le marché du travail, alors que – on le sait – le taux de chômage va augmenter dans tous les pays.

En la matière, notre vision est à la fois très humaine et très concrète ; nous nous efforçons de concevoir des actions ciblées et pragmatiques. Vous insistez sur le besoin de territorialisation. Les actions doivent bel et bien s’incarner. Il faut à tout prix éviter les comités Théodule ne débouchant sur rien : le but est de créer des emplois et de les préserver.

J’entends bien cette remarque ainsi que vos différentes questions. Peut-être devons-nous expliciter un certain nombre de concepts. Ce soir, il est un peu tard pour se lancer dans un débat relatif à « l’autonomie stratégique ouverte », mais nous devrons poursuivre cette discussion.

Monsieur Allizard, je l’ai déjà indiqué, la défiance se combat par la clarté. Je ne suis pas certaine d’avoir bien saisi votre propos, mais je doute que la fermeture des frontières ait été une bonne expérience pour nos concitoyens. Dans cet hémicycle, beaucoup de vos collègues, élus de régions frontalières, ont très mal vécu cette période ; ils mesurent de manière très concrète la richesse que dégagent les bassins de vie transfrontaliers…

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Je parlais des frontières extérieures de l’Union !

Debut de section - Permalien
Amélie de Montchalin

Je comprends mieux votre propos ; car, sans nous exposer à la menace d’une libre circulation effrénée, l’ouverture des frontières intérieures est un acquis et une richesse, permettant le transit des marchandises et la mobilité des travailleurs. D’ailleurs, nous pouvons remercier l’Allemagne d’avoir accueilli des patients français, alors même que la frontière entre nos deux pays était presque totalement fermée.

Enfin, monsieur Longeot, vous avez évoqué les relations avec la Chine. Le sommet entre l’Union européenne et la Chine qui devait se tenir à Leipzig en septembre prochain a été reporté. Toutefois, d’ici à la fin de cette année, nous souhaitons avancer sur quelques sujets en particulier. Nous voulons enclencher une véritable dynamique de réciprocité et conduire la Chine à prendre un certain nombre d’engagements dans trois domaines qui nous semblent clés.

Le premier, c’est l’environnement et la biodiversité. Vous le savez, la Chine va accueillir la conférence des parties (COP) dédiée à la biodiversité. À ce titre, nous devons fixer des objectifs ambitieux. De son côté, la Chine semble vouloir jouer le jeu, mais nous devons obtenir des engagements précis.

Le deuxième, c’est la santé. Dans ce domaine, il faut encourager la Chine à mener une action résolument multilatérale : c’est un impératif pour traiter les conséquences de la pandémie. En particulier, elle doit fournir une contribution plus substantielle aux fonds verticaux multilatéraux pour la santé.

Le troisième, ce sont les droits de l’homme. Nous exprimons régulièrement notre préoccupation à cet égard – je le fais une nouvelle fois, ce soir, devant le Sénat –, en particulier au sujet de la situation au Xinjiang. À ce titre, l’Union européenne promeut une politique active et je m’en réjouis : il est important que nous poursuivions ce dialogue sur ces différentes questions. Il y va de nos engagements réciproques.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois avoir couvert la majorité des sujets abordés au cours de ce débat, dont je vous remercie. Nous avons plusieurs combats à mener ; la classe politique tout entière n’a pas vocation à soutenir le Gouvernement, mais les uns et les autres doivent nous dire clairement où ils se situent. À l’instar des Français, tous nos partenaires de l’Union européenne bénéficieront de ce débat clarifié !

M. le président de la commission des affaires européennes et M. André Gattolin applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Pour conclure le débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant tout, je tiens à vous remercier de la qualité de ces échanges.

Madame la secrétaire d’État, vous avez pris le temps de répondre à l’ensemble des orateurs, et je fais mien le prisme au travers duquel vous nous invitez à regarder les progrès accomplis au cours des derniers mois.

Comme la France, l’Union européenne a hâte de franchir le cap de cette pandémie, de passer à l’après-Covid-19 ; au-delà de la crise économique, nous redoutons tous une crise sociale.

L’élan décisif a été donné par l’initiative franco-allemande du 18 mai dernier, laquelle a largement inspiré le projet présenté dix jours plus tard par la Commission européenne.

Je dois l’avouer : il y a quelques mois, nous commencions à douter de l’avenir du couple franco-allemand ; mais ce dernier a prouvé toute sa pertinence. L’Allemagne a fait le courageux pari de la solidarité avec les États les plus vulnérables, faisant oublier son intransigeance dans la crise financière grecque – c’était il y a seulement cinq ans. Aujourd’hui, elle s’emploie à convaincre les États d’Europe du Nord d’accepter la création d’un nouvel instrument de relance. Ce faisant, elle quitte le front des États frugaux, rassemblant naturellement les pays qui bénéficient d’un rabais sur la correction britannique.

L’Allemagne est donc particulièrement courageuse : alors qu’elle pourrait tirer profit de ces rabais, elle abandonne ses revendications à cet égard, lesquelles semblent, il est vrai, devenues anachroniques avec le départ de nos amis britanniques.

Cet engagement doit beaucoup à Angela Merkel, qui, devant le Bundestag, a dénoncé sans hésitation le coup de force du tribunal constitutionnel allemand. Je vous le rappelle : par son jugement du 5 mai dernier, la cour de Karlsruhe a remis en cause à la fois la primauté du droit de l’Union et la légalité de la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne, menaçant ainsi la survie de l’euro.

Dans dix jours, l’Allemagne prendra la présidence du Conseil de l’Union. Elle entend porter à son crédit un accord relatif au cadre financier pluriannuel et à l’instrument de relance. La part de fongibilité entre ces deux dispositifs, qui représente 190 milliards d’euros, me laisse admiratif.

L’ambition allemande a sans doute un double fondement : d’une part, l’esprit de responsabilité à l’égard de la construction européenne, dont elle a eu l’initiative en se réconciliant avec la France ; de l’autre, son intérêt bien compris. Madame la secrétaire d’État, vous l’avez souligné en évoquant les pays d’Europe du Nord : la santé économique de l’Allemagne dépend de celle de ses clients et de ses fournisseurs.

Cela étant, on ne peut manquer de s’inquiéter de la pérennité de l’engagement européen de notre plus proche voisin, au regard des tensions qu’il provoque, et dont le tribunal constitutionnel de Karlsruhe donne un puissant écho. À quinze mois des élections législatives allemandes – ce scrutin est prévu pour l’automne 2021 –, aucun successeur évident ne s’impose pour la Chancelière. Même si cette échéance est un peu lointaine, l’avenir du couple franco-allemand continue d’inspirer quelque inquiétude.

L’impasse des négociations engagées entre l’Union européenne et le Royaume-Uni est un autre sujet de préoccupation. La rencontre, la semaine dernière, entre Boris Johnson et les présidents du Conseil européen et de la Commission n’a pas porté les fruits espérés.

Londres refuse d’étendre la période de transition : dont acte. Les pourparlers avec les Britanniques butent encore et toujours sur ces quatre sujets : les conditions d’une concurrence équitable – le fameux level playing field –, l’accès de nos pêcheurs aux eaux britanniques, la gouvernance future de l’accord et la coopération judiciaire et policière.

Enfin – M. Cambon l’a dit –, dans quelques jours, nous recevrons Michel Barnier, dont je salue une nouvelle fois l’engagement et la ténacité. Il faut l’admettre : nous constatons une certaine lassitude de sa part. Espérons que, dans la dernière ligne droite, nos amis britanniques abandonneront leurs postures. Sinon, il faudra se résoudre à appliquer les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En d’autres termes, il faudra établir des barrières tarifaires, si nos partenaires optent pour des contingentements non tarifaires ne correspondant pas aux exigences que nous suivons depuis la création du marché unique en 1993.

Madame la secrétaire d’État, je tiens à vous remercier de nouveau. Comme l’a dit Laurence Harribey, votre « pugnacité éclairée » est appréciée ici, au Sénat. Au-delà des différences de sensibilités représentées dans cette maison, nous saurons appuyer la politique européenne du Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 18 et 19 juin 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, mercredi 24 juin 2020 :

À quinze heures :

Questions d’actualité au Gouvernement.

De seize heures trente à vingt heures trente :

Ordre du jour réservé au groupe RDSE

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Proposition de résolution en application de l’article 34-1 de la Constitution, visant à encourager le développement de l’assurance récolte, présentée par MM. Yvon Collin, Henri Cabanel, Mme Nathalie Delattre et plusieurs de leurs collègues (708, 2018-2019) ;

Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au droit des victimes de présenter une demande d’indemnité au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (texte de la commission n° 520, 2019-2020).

Le soir

Débat sur le thème : « Quelle réponse de la France au projet d’annexion de la vallée du Jourdain par l’État d’Israël ? ».

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures trente-cinq.