Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le sommet qui s’est tenu vendredi dernier a donné lieu à des réactions ambivalentes. Il a été qualifié de première étape importante par certains, d’échec par d’autres. Une fois encore, la vérité se trouve sans doute entre les deux positions.
En effet, ce sommet entérine un changement de lignes sur notre continent.
Tout d’abord, il témoigne du retour d’un couple franco-allemand à l’initiative, donnant une impulsion politique nécessaire face à la menace existentielle de lignes de fracture irréconciliables qui s’étaient esquissées, en mars, entre le nord et le sud de l’Europe.
Ensuite, si le plan de relance, post-crise sanitaire, mais pré-crise économique, a été discuté pour la première fois et s’il est encore loin de faire l’unanimité, il marque un tournant majeur dans l’intégration du continent : celui de l’emprunt commun. Face à une crise imputable à personne, mais affectant tout le monde, la logique d’une dette mutualisée permet de casser la logique de blocs qui empoisonne les discussions européennes, tout en traduisant une souveraineté commune, sur laquelle je reviendrai.
S’agissant du cadre financier pluriannuel, je partage pleinement la position du Parlement européen : de nouvelles ressources fiscales propres à l’Union européenne permettant d’alléger les contributions des États membres sont indispensables.
Plusieurs pistes sont à l’étude, et ce depuis de nombreuses années déjà. Il reviendra aux chefs d’État de trancher afin d’avancer. Je défends, pour ma part, la position, adoptée par le Sénat le 14 janvier dernier, d’une taxe carbone aux frontières, mais je suis également favorable à un élargissement des recettes collectées sur le marché du carbone européen, ou encore à une taxe sur les transactions financières, mesure également défendue par le Sénat depuis 2013.
Madame la secrétaire d’État, concernant ce cadre financier et face aux nombreux sujets de désaccord, le maintien des rabais sera-t-il une des solutions pour, finalement, aboutir à un accord avant la fin de l’année ?
Enfin, plus généralement, face à la crise sanitaire, l’Union européenne a choisi de se mettre en retrait, qu’il s’agisse de la suspension des règles budgétaires et du droit de la concurrence, du rétablissement des frontières, ou encore de la suspension des principales libertés publiques. Les États-nations ont dès lors recouvré leur souveraineté pour répondre à l’urgence de la crise.
Mais face à la crise économique, il nous faut désormais investir à l’échelon européen une souveraineté nouvelle : commerciale, en filtrant les investissements dans les secteurs stratégiques ; industrielle, en développant des projets importants d’intérêt européen commun ; stratégique, en s’affirmant comme un pôle d’équilibre entre les États-Unis et la Chine.
À ce titre, madame la secrétaire d’État, alors que l’Europe et la Chine affichent l’ambition partagée d’un accord bilatéral sur la protection des investissements, quels sont les points d’attention de la France concernant un tel accord ?