Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les chefs d’État et de gouvernement européens étaient réunis ce vendredi pour discuter du plan de relance européen de 750 milliards d’euros, censé aider le vieux continent à sortir d’une récession historique.
Comme il fallait s’y attendre, ce Conseil européen a une nouvelle fois mis au jour les profondes divergences entre les Vingt-Sept sur ce sujet. Les discussions achoppent toujours sur les modalités concrètes d’application de ce plan, que ce soit son volume total, la répartition des sommes, ou encore la nature des aides.
Les discussions n’ont pas non plus beaucoup progressé concernant le prochain cadre financier pluriannuel pour la période couvrant les années 2021 à 2027.
Quand les pays dits « frugaux » souhaitent une baisse importante du budget des politiques traditionnelles et s’accrochent à leurs rabais, les autres pays, dits « amis de la cohésion », plaident au contraire pour un budget ambitieux et doté de ressources propres pour éviter les coupes envisagées dans le budget de la cohésion et de la politique agricole commune.
À propos de cette dernière, saluons la majoration de 4 milliards d’euros sur le premier pilier et de 5 milliards d’euros sur le second, auxquels devrait s’ajouter un abondement de 15 milliards d’euros dans le cadre du plan de relance.
Cet effort sera toutefois loin de compenser la baisse de 8 % à 10 % du budget de la politique agricole commune en euros constants. Les Européens ne semblent toujours pas avoir pris conscience de l’importance stratégique de leur agriculture, alors même que celle-ci a démontré toute sa capacité à assurer l’approvisionnement alimentaire de 500 millions de consommateurs au plus fort de la crise !
À l’heure où l’on parle de relocalisation et de souveraineté retrouvée, n’oublions pas que le secteur agricole est l’un des rares domaines dans lesquels notre pays a gardé une réelle capacité à produire !
N’affaiblissons pas notre souveraineté alimentaire par des décisions hasardeuses, comme la proposition incompréhensible de la Commission européenne de baisser de 10 % la superficie des terres cultivables en Europe et, donc, en France.
Pour revenir à l’instrument de relance au centre des discussions des Vingt-Sept, plusieurs propositions doivent être saluées, comme la création d’un nouveau programme de santé, EU4health, doté de 7, 5 milliards d’euros et destiné à renforcer la sécurité sanitaire et à anticiper les futures crises.
La concentration des engagements de dépenses sur une période courte – 2021-2024 – est également un choix bienvenu ; elle soulève néanmoins des enjeux importants en termes de capacité de mise en œuvre, d’ingénierie et d’absorption des fonds.
Ne reproduisons pas la technicité de la politique de cohésion, qui aboutit souvent à une sous-consommation des fonds européens.
Enfin, la question des ressources propres de l’Union est un sujet majeur. La Commission souhaite les développer pour soulager les budgets nationaux et rendre le budget européen moins dépendant des contributions des États membres. Mais elle doit encore clarifier ses propositions et, surtout, veiller à maîtriser l’imposition globale pesant sur les ménages et les entreprises.
N’ajoutons pas encore à l’overdose fiscale qui touche beaucoup de pays européens, à commencer par la France.
L’Europe doit s’atteler rapidement au projet de barrière écologique aux frontières de l’Union européenne, comme l’a réclamé le Sénat dans une récente résolution soutenue par nos collègues Jean-François Husson et Bruno Retailleau.
En taxant les produits provenant de pays qui s’affranchissent de toute réglementation environnementale, nous renforcerons la compétitivité de nos entreprises et de nos agriculteurs, soumis à des normes beaucoup plus exigeantes que leurs partenaires commerciaux.
Pour conclure, mes chers collègues, je veux dire que les chefs d’État et de gouvernement se retrouveront en juillet pour tenter de débloquer la situation. Il y a urgence, et vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État. Un échec des négociations serait désastreux : politiquement, il alimenterait les tendances nationalistes ; économiquement, il aggraverait encore la récession et la hausse du chômage. Les Européens sont donc condamnés à réussir, sous peine de discréditer définitivement le projet européen.
Car l’Europe traverse depuis dix ans une succession de crises qui ont montré ses fragilités et ont accru la défiance des opinions publiques envers la construction européenne : crise économique et financière, crise sécuritaire avec la résurgence des attentats terroristes, crise migratoire, crise sanitaire.
Nos pays étant interdépendants, chacun doit prendre conscience que la bonne santé économique de tous est dans l’intérêt de chacun !
Le prochain Conseil européen de juillet devra donc incarner cette indispensable solidarité européenne et montrer à nos concitoyens que l’Europe est capable de les protéger, enfin. Pour cela, elle doit réussir à dépasser ses divisions pour se hisser à la hauteur des enjeux auxquels notre continent doit aujourd’hui faire face.