Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà près de soixante-dix ans que l’intégration européenne se poursuit et que les divers pays du continent européen collaborent, coopèrent et créent des liens toujours plus étroits.
La construction européenne n’a cependant pas toujours été aisée et a connu son lot de complications.
L’Union a traversé plusieurs crises, et nous ressentons encore aujourd’hui les effets de certaines d’entre elles. Mais, même s’il n’a pas toujours été facile de trouver des solutions satisfaisantes pour tous, l’Union européenne a jusqu’à présent réussi à les dépasser.
Avec l’arrivée de la pandémie sur le territoire européen, nous sommes de nouveau confrontés à une crise majeure, risquant d’ébranler le modèle européen. Et si nous voulons nous en relever, une réponse forte et coordonnée est nécessaire.
Cette collaboration a permis de faire aujourd’hui de l’Union européenne la deuxième puissance économique mondiale, et il faut tout mettre en œuvre pour la maintenir à ce niveau, pour le bien de l’Union comme de la France.
Mais si l’économie est une part essentielle de sa construction, l’Union européenne représente aussi le partage de valeurs et de principes démocratiques, d’entraide et de solidarité.
Le respect de ces valeurs sera essentiel pour maintenir ce qui a été construit jusqu’à présent. Il n’est pas possible, au regard de l’ampleur de la crise, de s’en sortir sans pouvoir compter sur nos partenaires européens, mais également sans qu’ils puissent compter sur notre soutien.
Ainsi, la proposition de la Commission européenne d’adosser au cadre financier pluriannuel un instrument de relance, outil de redistribution et de solidarité, composé de 500 milliards d’euros de subventions et de garanties qui ne devront pas être remboursés, ainsi que de 250 milliards d’euros distribués sous forme de prêts, est une solution forte et satisfaisante, qui reflète ces principes sur lesquels l’Union européenne s’est bâtie.
Des divergences entre les États membres se font pourtant sentir, et pour certains, dits « frugaux », l’absence de remboursement n’est pas envisageable. Ils estiment l’émission de prêts plus adaptée ou souhaitent voir ces subventions assorties de conditions, tel que cela avait été mis en place pour les pays en difficulté lors de la crise des dettes souveraines.
Émettre uniquement des prêts ne me semble cependant pas envisageable, comme vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État.
Assortir la distribution des subventions de conditions relatives au respect des priorités de la Commission – numérique, écologie, amélioration de la compétitivité économique – rappelle cependant de mauvais souvenirs aux pays ayant dû par le passé se plier à de nombreuses exigences, afin d’obtenir des prêts.
En outre, la facilité pour la reprise et la résilience s’intégrera dans le cadre du semestre européen, ce qui impliquera en tout état de cause un dialogue exigeant entre les États membres et l’Union.
Nous le savons, aucune proposition ne pourra pleinement satisfaire tous les États membres. Mais il est urgent de trouver une solution si nous souhaitons conserver la confiance des marchés financiers et éviter d’attiser un rejet massif du modèle européen par nos concitoyens, doutant de l’efficacité de l’Union.
Par ailleurs, il est important de rappeler que les États-Unis prévoient un plan de relance trois fois plus important que le nôtre. Si nous ne parvenons pas rapidement à un accord, de grands groupes américains pourraient alors en profiter pour acquérir de larges parts de marché en Europe.
Il devient donc de plus en plus impératif de trouver un compromis. Mais il faut aussi apprendre des erreurs du passé, et ne pas les reproduire.
Ainsi, des conditions trop strictes ne me semblent pas envisageables. Il serait toutefois intéressant, afin de parvenir le plus rapidement possible à un accord, de consentir à poser certaines conditions, sans qu’elles soient trop lourdes pour les États, comme cela a pu être le cas par le passé. Ainsi, madame la secrétaire d’État, j’aurais aimé connaître votre position au sujet de cette conditionnalité des subventions.
Par ailleurs, j’évoquerai le sujet de la défense.
La semaine dernière, l’Union européenne a sélectionné seize projets pour soutenir le développement des capacités de la défense et trois projets consacrés aux technologies de rupture qui seront menés à l’échelle paneuropéenne. Ceux-ci bénéficieront ainsi d’un financement à hauteur de 205 millions d’euros. C’est un pas important, et l’on peut s’en réjouir. Pourtant, dans les discussions sur le cadre financier pluriannuel, le Fonds européen de la défense apparaît toujours comme une variable d’ajustement.
En février dernier, Gisèle Jourda et moi-même avions présenté une proposition de résolution européenne qui soulignait la nécessité, si l’on veut réellement assurer l’autonomie stratégique de l’Union et renforcer sa base industrielle et technologique de défense, de doter ce fonds à la hauteur initialement prévue. La nouvelle proposition de CFP présentée par la Commission est, à cet égard, décevante. À l’issue de ce Conseil européen, madame la secrétaire d’État, pensez-vous encore possible de relever de manière significative les crédits consacrés au Fonds européen de la défense et, si oui, quelle est votre cible ?