Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, avant tout, je tiens à vous remercier de la qualité de ces échanges.
Madame la secrétaire d’État, vous avez pris le temps de répondre à l’ensemble des orateurs, et je fais mien le prisme au travers duquel vous nous invitez à regarder les progrès accomplis au cours des derniers mois.
Comme la France, l’Union européenne a hâte de franchir le cap de cette pandémie, de passer à l’après-Covid-19 ; au-delà de la crise économique, nous redoutons tous une crise sociale.
L’élan décisif a été donné par l’initiative franco-allemande du 18 mai dernier, laquelle a largement inspiré le projet présenté dix jours plus tard par la Commission européenne.
Je dois l’avouer : il y a quelques mois, nous commencions à douter de l’avenir du couple franco-allemand ; mais ce dernier a prouvé toute sa pertinence. L’Allemagne a fait le courageux pari de la solidarité avec les États les plus vulnérables, faisant oublier son intransigeance dans la crise financière grecque – c’était il y a seulement cinq ans. Aujourd’hui, elle s’emploie à convaincre les États d’Europe du Nord d’accepter la création d’un nouvel instrument de relance. Ce faisant, elle quitte le front des États frugaux, rassemblant naturellement les pays qui bénéficient d’un rabais sur la correction britannique.
L’Allemagne est donc particulièrement courageuse : alors qu’elle pourrait tirer profit de ces rabais, elle abandonne ses revendications à cet égard, lesquelles semblent, il est vrai, devenues anachroniques avec le départ de nos amis britanniques.
Cet engagement doit beaucoup à Angela Merkel, qui, devant le Bundestag, a dénoncé sans hésitation le coup de force du tribunal constitutionnel allemand. Je vous le rappelle : par son jugement du 5 mai dernier, la cour de Karlsruhe a remis en cause à la fois la primauté du droit de l’Union et la légalité de la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne, menaçant ainsi la survie de l’euro.
Dans dix jours, l’Allemagne prendra la présidence du Conseil de l’Union. Elle entend porter à son crédit un accord relatif au cadre financier pluriannuel et à l’instrument de relance. La part de fongibilité entre ces deux dispositifs, qui représente 190 milliards d’euros, me laisse admiratif.
L’ambition allemande a sans doute un double fondement : d’une part, l’esprit de responsabilité à l’égard de la construction européenne, dont elle a eu l’initiative en se réconciliant avec la France ; de l’autre, son intérêt bien compris. Madame la secrétaire d’État, vous l’avez souligné en évoquant les pays d’Europe du Nord : la santé économique de l’Allemagne dépend de celle de ses clients et de ses fournisseurs.
Cela étant, on ne peut manquer de s’inquiéter de la pérennité de l’engagement européen de notre plus proche voisin, au regard des tensions qu’il provoque, et dont le tribunal constitutionnel de Karlsruhe donne un puissant écho. À quinze mois des élections législatives allemandes – ce scrutin est prévu pour l’automne 2021 –, aucun successeur évident ne s’impose pour la Chancelière. Même si cette échéance est un peu lointaine, l’avenir du couple franco-allemand continue d’inspirer quelque inquiétude.
L’impasse des négociations engagées entre l’Union européenne et le Royaume-Uni est un autre sujet de préoccupation. La rencontre, la semaine dernière, entre Boris Johnson et les présidents du Conseil européen et de la Commission n’a pas porté les fruits espérés.
Londres refuse d’étendre la période de transition : dont acte. Les pourparlers avec les Britanniques butent encore et toujours sur ces quatre sujets : les conditions d’une concurrence équitable – le fameux level playing field –, l’accès de nos pêcheurs aux eaux britanniques, la gouvernance future de l’accord et la coopération judiciaire et policière.
Enfin – M. Cambon l’a dit –, dans quelques jours, nous recevrons Michel Barnier, dont je salue une nouvelle fois l’engagement et la ténacité. Il faut l’admettre : nous constatons une certaine lassitude de sa part. Espérons que, dans la dernière ligne droite, nos amis britanniques abandonneront leurs postures. Sinon, il faudra se résoudre à appliquer les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). En d’autres termes, il faudra établir des barrières tarifaires, si nos partenaires optent pour des contingentements non tarifaires ne correspondant pas aux exigences que nous suivons depuis la création du marché unique en 1993.
Madame la secrétaire d’État, je tiens à vous remercier de nouveau. Comme l’a dit Laurence Harribey, votre « pugnacité éclairée » est appréciée ici, au Sénat. Au-delà des différences de sensibilités représentées dans cette maison, nous saurons appuyer la politique européenne du Gouvernement !