Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de Mme Victoire Jasmin portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes de la Covid-19.
Avant toute chose, mes pensées se dirigent vers celles et ceux qui ont perdu un proche atteint par ce virus, mais aussi vers les familles dont un proche souffre encore aujourd’hui de ce mal.
J’adresse mes pensées les plus solidaires aux pays qui font face en ce moment même au pic épidémique ou à une reprise de l’épidémie sur leur territoire.
Force est de constater que cette pandémie s’est propagée à une très grande vitesse à travers le monde et qu’elle a mis à mal l’ensemble des structures de soins. C’est pourquoi les gouvernements ont été contraints de recourir au confinement pour limiter la propagation de la maladie et, ainsi, préserver les systèmes de soins d’un pic épidémique insoutenable pour nos organisations.
Toutefois, les services vitaux pour la Nation ont maintenu leur activité : notre système de soins, évidemment, mais aussi, les premiers secours, les ambulanciers, les forces de sécurité, les personnels de l’éducation nationale, les crèches chargées d’accueillir les enfants des soignants, les services d’aide à domicile, les salariés des pompes funèbres, la grande distribution, la logistique.
Les auteurs de cette proposition de loi estiment, à juste titre, que ces personnels ont été plus exposés que les autres à l’épidémie puisqu’ils ne pouvaient rester confinés, mis en arrêt maladie, en chômage partiel ou encore en télétravail. Ils estiment par ailleurs qu’une rupture d’égalité est apparue entre les soignants et les autres personnes mobilisées lorsque le ministre des solidarités et de la santé a annoncé que la Covid-19 serait reconnue comme maladie professionnelle pour les seuls soignants.
Toutefois, concernant les autres travailleurs, monsieur le secrétaire d’État, vous avez annoncé le mardi 16 juin, lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, que lorsqu’ils ont été contaminés dans le cadre de leur activité professionnelle, ils pourront bénéficier d’une indemnisation au titre des maladies professionnelles. Vous avez également annoncé la publication, avec la ministre du travail, des décrets permettant cette évolution de la réglementation.
Cependant, si cette mesure supprime la rupture d’égalité que nous évoquions précédemment, elle ne répond pas au champ de l’indemnisation prévue par le présent texte. En effet, comme l’a présenté notre collègue rapporteure Corinne Féret, que nous remercions de son excellent travail, les auteurs de cette proposition de loi ajoutent au forfait de prise en charge au titre des maladies professionnelles un principe de réparation intégrale des préjudices des personnes souffrant d’une maladie ou d’une pathologie consécutive à la contamination par la Covid-19 et qui, préalablement à cette contamination, ont, dans l’exercice de leur profession ou d’une activité bénévole sur le territoire de la République française, été en contact régulier avec des personnes elles-mêmes contaminées ou avec des objets susceptibles de l’être, ainsi que leurs ayants droit.
Pour ce faire, ils proposent de créer un fonds d’indemnisation des victimes de la Covid-19, géré par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, en définissent son financement en créant une taxe additionnelle de 1, 5 % à la taxe Gafam et en affectant une fraction des cotisations des employeurs à la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale.
Enfin, ils définissent la procédure de demande d’indemnisation auprès du fonds.
Tel qu’il est présenté, ce texte nous invite à formuler plusieurs remarques.
D’abord, il apparaît particulièrement difficile de caractériser l’origine de la contamination au SARS-CoV-2. En effet, cette maladie infectieuse se transmet par voie aérienne.
Le docteur Élisabeth Bouvet, présidente de la commission technique des vaccinations au sein de la Haute Autorité de santé, professeure des universités à la faculté de médecine Xavier-Bichat et spécialiste des maladies infectieuses et tropicales, précisait notamment lors de la cinquantième journée Claude-Bernard en novembre 2007 que la transmission aérienne est définie par le passage de micro-organismes depuis une source à une personne à partir d’aérosols, entraînant une infection de la personne exposée.
Elle ajoutait, d’une part, que, pour les petites particules, la transmission peut se faire jusqu’à une distance supérieure à 1, 8 mètre et qu’un contact direct avec la source est inutile. Elle précisait que les maladies se transmettant par petites particules sont à l’origine d’épidémies brutales et explosives.
Elle indiquait, d’autre part, que lorsque l’exposition s’opère par de grosses particules telles que des gouttelettes, il faut un contact proche, inférieur à 1 mètre.
Pour les maladies ne se transmettant pas par petites particules, mais requérant des gouttelettes, la diffusion est lente, intermittente, variable et sans cluster.
Enfin, si la contamination ne peut se faire que par contact direct avec les sécrétions respiratoires de la source, alors la transmission s’opère uniquement par le biais des sécrétions infectées depuis les mains jusqu’aux muqueuses respiratoires.
En conclusion, en matière de maladies infectieuses, il est peu probable que nous puissions caractériser le lieu de la contamination.
Ensuite, si nous n’ignorons pas que certaines personnes ont été mises en situation d’une surexposition, nous considérons qu’il ne faut pas confondre surexposition au danger du fait de son activité professionnelle et contraction de la maladie à l’occasion de la réalisation de cette activité.
Présupposer qu’il y a eu contamination sur le lieu de travail paraît pour le moins particulièrement délicat en matière infectieuse, contrairement à l’exposition à l’amiante, dont le lien de causalité était certain et pouvait assurément être imputé à la charge de la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
Reconnaître ici cette fiction juridique revient par ailleurs à faire porter aux employeurs la charge symbolique de la responsabilité de la contamination de leurs employés. Or le lien de causalité entre activité professionnelle et contraction de la maladie ne pouvant pas être justifié, nous regrettons que la voie de la reconnaissance au titre des maladies professionnelles ait été privilégiée.
J’ajoute que faire peser cette charge symbolique sur les employeurs privés, publics, ou sur les associations, alors que nous n’étions pas en capacité de leur permettre de protéger suffisamment leurs employés du fait de la pénurie de masques chirurgicaux et autres équipements de protection individuelle paraît d’autant plus injuste.
C’est pourquoi, afin d’éviter toute différence de traitement entre les soignants et les autres professionnels mobilisés durant le confinement et afin d’éviter de faire porter aux employeurs la charge symbolique que je viens de décrire, je m’interroge sur le recours à une autre solution que le Gouvernement aurait peut-être pu privilégier plutôt que de faire porter cette charge par la branche accidents du travail et maladies professionnelles.
Monsieur le secrétaire d’État, n’aurait-il pas été plus juste de garantir à ces travailleurs une prise en charge intégrale de la maladie, voire du préjudice, directement par l’assurance maladie sur présentation d’une attestation démontrant leur mobilisation durant le confinement ? C’est une réflexion.
Pour toutes ces raisons, le groupe Union Centriste votera contre cette proposition de loi.