Intervention de Marie Guévenoux

Commission mixte paritaire — Réunion du 25 juin 2020 à 11h30
Commission mixte paritaire sur le projet de loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire

Marie Guévenoux, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale :

Si j'éprouve beaucoup de plaisir à vous retrouver aujourd'hui, je mesure néanmoins la responsabilité qui est la nôtre sur ce troisième texte relatif à l'état d'urgence sanitaire. Même si la situation sanitaire n'a cessé de s'améliorer depuis la dernière fois que nous nous sommes réunis, je ne minimise pas l'importance de ce projet de loi : celui-ci doit permettre de conforter les efforts fournis collectivement pendant le confinement et le déconfinement progressif.

Rien ne serait pire que de « baisser la garde » et d'anéantir trois mois de vigilance constante face au virus.

Le 11 juillet prochain, nous entrerons dans une nouvelle phase qu'il nous faut anticiper. En effet, même si le virus est aujourd'hui sous contrôle sur le territoire métropolitain et dans la plupart des collectivités d'outre-mer, il continue néanmoins de circuler activement dans certaines zones. Je pense au Grand Est par exemple ou à la Guyane et à Mayotte. Entre une sortie « sèche » de l'état d'urgence sanitaire, imprudente, et sa prorogation, injustifiée, la seule voie crédible est celle qui nous a été proposée par le Gouvernement dans le projet de loi qu'il a déposé.

L'Assemblée nationale s'est saisie de ce texte en souhaitant, comme le Sénat l'a fait, renforcer les garanties qui encadraient ce dispositif transitoire appelé à succéder aux seize semaines d'état d'urgence sanitaire. Je pense que ce travail, mené en concertation avec l'ensemble des groupes politiques et le Gouvernement, a été utile : nous avons avancé l'échéance du dispositif transitoire au 30 octobre ; nous avons encadré les conditions de la limitation des rassemblements ; nous avons réduit et rendu plus transparentes les mesures individuelles d'application des décisions prises par le Premier ministre. Par ailleurs, nous avons souhaité maintenir le Conseil scientifique qui permettra d'éclairer les décisions prises pendant cette période.

Le Sénat a ensuite utilement approfondi le travail qui avait été engagé par l'Assemblée nationale et a souhaité que le dispositif transitoire qui succèdera à l'état d'urgence sanitaire s'en distingue davantage et soit strictement adapté à l'évolution de la situation sanitaire. Dans cette perspective, je me réjouis de certains rapprochements sur lesquels nous pouvons nous accorder, même si je prends acte de la vision plus pessimiste du rapporteur pour le Sénat sur notre capacité à aboutir à un accord : je pense, par exemple, à la question de la réglementation des rassemblements et des manifestations et, bien entendu, à l'article 2, relatif à la recherche et à la surveillance épidémiologique, sur laquelle nous sommes parvenus à un accord équilibré.

Maintenant que nous avons construit une base de travail commune à la fois protectrice des libertés fondamentales et adaptée aux circonstances sanitaires, nous devons nous assurer que le dispositif que nous élaborons est suffisamment abouti pour être également efficace et opérant.

Mon souci premier concerne la résurgence de clusters très localisés qui doivent être maîtrisés, sans tarder, afin d'éviter tout risque de reprise épidémique. Sans revenir à des mesures générales et absolues qui ne se justifient plus, nous devons être capables, dans les territoires, d'agir de manière rapide et efficace sans avoir nécessairement à déclencher l'état d'urgence sanitaire, même en cas de reprise de l'épidémie à l'échelle d'un département.

Cette préoccupation, d'autant plus vive que nous voyons bien ce qui se passe en Allemagne depuis quelques jours, doit être prise en compte en matière de circulation des personnes ou d'accueil du public dans certains établissements lorsque les circonstances locales le justifient.

Sur la question des tests à l'embarquement pour les passagers par transport public aérien, je souhaite que nous aboutissions à un dispositif opérant, protecteur des territoires les plus fragiles sans être pour autant discriminant envers ceux-ci.

Cet équilibre est parfois difficile à trouver et nous l'avons expérimenté lors de la dernière commission mixte paritaire : nous vous proposons de limiter la possibilité de placer en quarantaine des personnes provenant des outre-mer aux seuls territoires où circule activement le virus. Il ne s'agit donc pas d'une mesure discriminante ou excluante, mais d'une mesure sanitaire à rapprocher des propositions sur la gestion des clusters. Vous connaissez mon attachement à notre oeuvre collective et aux compromis que nous parvenons à bâtir ensemble : ce sujet en est un bon exemple.

Je remercie par ailleurs le rapporteur du Sénat d'avoir initié un travail utile de clarification de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique : ses faiblesses n'ont cessé d'être mises en évidence au cours de nos débats et personne ne saurait s'en satisfaire pour l'après-30 octobre. En effet, puisqu'il constituera le régime de droit commun pour répondre aux menaces sanitaires, il me paraît important de le clarifier mais aussi de le renforcer.

Je suis très attachée à la préservation de l'équilibre construit successivement par chacune de nos assemblées et à l'assurance que le dispositif que nous bâtissons soit efficace et adapté à l'évolution de la situation sanitaire.

Il n'y a, en définitive, qu'un seul sujet qui puisse véritablement nous empêcher d'aboutir aujourd'hui : il s'agit de la capacité pour le préfet d'agir, sur habilitation du Premier ministre, pour gérer, à l'échelle du département si cela est justifié ou au niveau infradépartemental si cela est pertinent, une reprise de l'épidémie pendant la période transitoire.

Se priver d'un outil d'action comme celui-ci alors que nous sortons de l'état d'urgence sanitaire nous obligerait, même en cas de cluster localisé, à rétablir l'état d'urgence sanitaire. Je pense que nous pouvons faire confiance à nos préfets qui ont montré dans la crise leur capacité à appréhender la situation locale et à agir rapidement et en responsabilité pour apprécier si des mesures sanitaires doivent être décidées au niveau d'une ville, d'une agglomération ou du département. C'est donc un dispositif proportionné et utile que je vous propose en guise de compromis entre nos deux assemblées.

J'admets avoir une vision plus optimiste que celle du rapporteur pour le Sénat s'agissant de l'issue de nos discussions. J'insiste sur le fait que ce dispositif ne permettrait en aucun cas le retour à un confinement généralisé sur le territoire national ou sur une partie de celui-ci. Il s'agit, à la lumière de ce qui se passe actuellement en Allemagne et dans le contexte de la période estivale mêlant les flux de vacanciers, de pouvoir limiter la circulation en cas de cluster localisé, dans le territoire le plus restreint possible.

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