Intervention de Zineb El Rhazaoui

Commission d'enquête Combattre la radicalisation islamiste — Réunion du 23 janvier 2020 à 11h00
Audition de Mme Zineb El rhazaoui journaliste et essayiste

Zineb El Rhazaoui, journaliste et essayiste :

Il est presque gênant de rappeler que les femmes ne sont pas toujours vertueuses, et pas toujours porteuses de toutes les solutions. Elles sont des adultes, majeures, qui peuvent aussi être des intégristes. Cela fait toujours un très bon effet, politiquement, de parler de femmes, mais je ne fais pas partie de ceux qui pensent que les femmes doivent être une espèce juridiquement protégée, ni qu'elles sont systématiquement porteuses de vertu. Je trouve scandaleux le traitement médiatique des femmes jihadistes de l'État islamique, par exemple, qui viennent toutes nous raconter qu'elles sont de gentilles mamans qui ne s'occupaient que de leurs enfants et faisaient la cuisine, et qu'elles n'ont rien fait de mal. Ce sont des femmes qui ont rejoint l'État islamique à un moment où il avait déjà commencé à perpétrer des massacres de masse contre les Yazidis et les chrétiens en Syrie et en Irak. Elles savaient très bien ce qu'elles faisaient, et ce n'est pas parce que ce sont des femmes qu'elles doivent bénéficier d'un traitement de faveur ou être considérées comme des mineures. Le poison de l'islamisme est distillé par les hommes comme par les femmes, et beaucoup de femmes sont des militantes islamistes chevronnées. Elles ont compris qu'elles avaient une place particulière dans ce combat, par exemple avec la problématique du voilement. Elles savent jouer sur la sémantique de la liberté, du féminisme, etc. Je ne suis pas dupe, pour ma part. Je pense que les hommes et les femmes sont égaux, à la fois en tant qu'acteurs de l'islamisme et en tant que solution au problème.

Vous m'interrogez sur les interlocuteurs. En France, il y a une mode médiatique qui consiste à faire intervenir des imams lorsqu'on traite des questions liées à l'islam, qui sont souvent des questions de société ou des questions politiques. Il faut rappeler que les imams sont en fait des curés, c'est-à-dire des VRP du culte, des personnes qui sont les vendeurs d'une religion. En tant que tels, ils ont bien sûr le droit d'exister, et sont protégés par la loi française, mais il me semble qu'en France la politique ne se fait pas avec des curés, de quelque Église qu'ils viennent ! Je pense donc que les imams devraient avoir moins d'espace en politique. On nous propose des instances républicaines comme l'AMIF, qui n'ont de républicaines que le caractère qu'on veut bien leur accorder mais vont, en tous cas, travailler main dans la main avec la République, alors qu'elles sont des instances religieuses tenues par des imams. Comme personne attachée à la laïcité, comme Française, cela me choque et je trouve que ce n'est pas souhaitable.

Il existe aussi en France un mythe de l'imam modéré, sur lequel je me suis souvent interrogée. Qu'est-ce qu'un imam modéré ? Est-ce quelqu'un qui ne tue pas ou qui ne prône pas la violence ? On me dit que la preuve qu'un imam est modéré, c'est qu'il condamne les attentats terroristes. En fait, il condamne un crime de masse, prohibé par la loi et par toutes les morales du monde. On n'a donc pas besoin de la condamnation de ces gens-là ! On aimerait en revanche qu'ils condamnent les textes qu'ils enseignent dans leurs mosquées et sur lesquels les terroristes se fondent pour perpétrer leurs crimes.

De même, on a vu des imams défiler à la télévision pour dire qu'il fallait laisser les femmes porter des burkinis, que le leur interdire était islamophobe. J'aurais aimé qu'un seul imam lève le doigt pour dire qu'il est tout à fait possible d'être musulmane et de porter un maillot de bain ! Or je n'ai entendu aucun d'entre eux le dire.

L'interlocuteur modéré est aussi un mythe. L'intention est très louable, mais pourquoi a-t-on besoin d'un interlocuteur qui s'exprime au nom de l'islam ? L'islam est un culte libre d'exercice en France, qui bénéficie de la liberté d'association, qui peut s'organiser en structures associatives, mais la République française ne doit jamais adouber un intermédiaire communautaire entre ses citoyens et elle-même.

Les Français de confession musulmane sont représentés par leurs élus, comme le reste des Français. Je m'oppose au principe même d'un intermédiaire communautaire entre les Français de confession musulmane et les instances républicaines, lesquelles doivent être d'une impartialité absolue et voir en chacun non pas un musulman, un juif ou un chrétien, mais simplement un Français.

Le ministère en charge des cultes doit à mon avis se contenter de veiller au respect de l'ordre public. Je rappelle que les cultes sont libres tant qu'ils n'enfreignent pas l'ordre public. Les questions cultuelles ou théoriques doivent rester dans l'espace qui leur est dédié.

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