Intervention de Olivier Cadic

Réunion du 30 juin 2020 à 14h30
Fonds d'urgence pour les français de l'étranger victimes de catastrophes naturelles ou d'événements politiques majeurs — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Olivier CadicOlivier Cadic :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je félicite chaleureusement Ronan Le Gleut pour son initiative, qui nous amène à débattre de la création d’un fonds d’urgence pour les Français établis à l’étranger victimes de catastrophes naturelles ou d’événements politiques graves.

Depuis des décennies, l’Assemblée des Français de l’étranger l’appelle de ses vœux. De nombreuses questions écrites ont été posées sur ce sujet. Notre ancien collègue Christian Cointat a été évoqué. Je pourrais aussi citer, à la suite de Ronan Le Gleut, les nombreuses propositions de loi déposées en ce sens, dont celle de Joëlle Garriaud-Maylam, en 2008, destinée à concrétiser la promesse du candidat à l’élection présidentielle de 2007 Nicolas Sarkozy.

Jusqu’à présent, tous ces efforts se sont révélés vains. Les gouvernements successifs, quelle que soit leur appartenance politique, ont toujours opposé des motifs budgétaires pour justifier l’impossibilité de créer un fonds public d’indemnisation faisant appel à la solidarité nationale.

Je veux donc saluer l’action de notre rapporteur pour trouver une solution, afin de rendre possible ce que tant attendent.

Ne pas disposer d’un fonds pour aider nos compatriotes établis à l’étranger victimes de catastrophes naturelles nous condamne à l’impuissance lorsqu’un drame survient.

Tannya Bricard, conseillère consulaire en Équateur, l’a constaté lorsqu’elle recherchait du soutien pour nos compatriotes affectés par le tremblement de terre de 2016, qui a fait plus de 1 000 victimes dans son pays d’adoption et qui a notamment ravagé la ville de Manta, dans laquelle elle vit.

Je me suis rendu à Manta l’an dernier. J’y ai rencontré ces Français, qui m’ont dit qu’ils avaient été oubliés par notre pays. Tous nos compatriotes déploraient que la France ne leur ait offert aucune assistance pour faciliter le redémarrage de leurs activités. Chacun témoignait que seule l’aide de leur famille et de leurs amis leur avait permis de se relancer le cas échéant.

Au moment de soutenir le texte présenté ce jour, je pense à Tannya et à nos compatriotes de Manta.

Je pense à Martine, productrice de crevettes. Ses bassins et diverses infrastructures s’étalaient sur 100 hectares. Tout a été dévasté.

Je pense à Thierry, capitaine de pêche thonier, qui m’a accueilli dans le restaurant de sa femme en me faisant observer que le restaurant péruvien situé à proximité avait reçu, lui, une aide du Pérou pour redémarrer.

Je pense à Christian, qui avait ouvert un bar-restaurant en Équateur et qui, après le séisme, ne savait plus où habiter.

Je pense à Émilie, qui avait démarré une usine de purification d’eau pour pallier un problème sanitaire.

Je pense à Jean-Baptiste, jeune boulanger pâtissier qui s’était lancé à Manta deux ans plus tôt. Pendant une année, il n’a pas pu travailler, passant son temps à remplir de la paperasse pour décrocher un prêt bancaire ou une aide d’un organisme qui avait recueilli, lui, des fonds de l’Agence française de développement (AFD). En vain…

On imagine le triste sentiment qu’ils éprouvaient, celui de ne pas avoir été pris en compte par leur pays et de ne devoir alors compter que sur eux-mêmes et sur leurs proches.

En ce moment, je pense également à Jean-Louis Mainguy, conseiller consulaire Liban-Syrie, qui, en décembre 2019, alertait sur l’impérieuse nécessité de venir en aide aux Français du Liban. La crise exceptionnelle traversée par ce pays a plongé 45 % de la population au-dessous du seuil de pauvreté, dont nombre de Français. Le 17 mars dernier, Jean-Louis Mainguy, également vice-président de l’UFE Monde et administrateur de la Caisse des Français de l’étranger, a d’ailleurs décidé d’écrire au Président de la République pour lui demander justement d’instaurer un fonds permanent de solidarité et d’entraide.

Au mois de février dernier, tandis que j’étais en Égypte, la conseillère consulaire Régine Prato, présidente de la commission de la sécurité et de la protection des personnes et des biens à l’Assemblée des Français de l’étranger, me rappelait combien ce sujet lui tenait à cœur et que la nécessité d’un tel fonds restait une priorité pour l’AFE.

Voilà pourquoi, pressé par la pandémie naissante, j’avais intégré la création d’un tel fonds à ma proposition de loi relative à la solidarité en faveur des Français établis à l’étranger en période de crise, déposée le 24 mars dernier. Il n’y a aucune raison que la solidarité nationale s’arrête à nos frontières.

À l’époque, l’urgence était de faire face à la crise sanitaire mondiale. J’avais donc proposé que les Français expatriés bénéficient eux aussi du fonds de solidarité créé par la loi d’urgence du 23 mars 2020 tout spécialement pour faire face à l’épidémie de covid-19. C’était l’objet de l’article 1er de ma proposition de loi, qui, je dois le dire, a été pleinement satisfait.

En effet, le 30 avril dernier, par votre voix, monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement annonçait un plan de soutien de 220 millions d’euros en faveur de nos compatriotes résidant à l’étranger. Le ministre de l’action et des comptes publics avait précisé que les montants évoqués étaient immédiatement mobilisables, via le fonds d’urgence mis en place dans le cadre du covid-19. Je vous remercie de nous avoir fait un point sur leur exécution.

Mais, si l’article 1er de ma proposition de loi concernait le court terme, l’article 2 visait à créer un fonds d’urgence et de solidarité pour secourir nos compatriotes victimes de circonstances graves. C’est pourquoi je me retrouve pleinement dans l’initiative de Ronan Le Gleut et de ses cosignataires.

Il est important que nous soyons rassemblés au-delà des clivages pour être efficaces et faire aboutir ce texte. Je remercie tous les parlementaires qui se sont associés à ma démarche, en particulier les sénateurs représentant les Français établis hors de France Robert del Picchia, Damien Regnard et Richard Yung.

Si, sur le plan des intentions, rien ne me sépare de l’auteur de la proposition de loi, j’ai déposé deux amendements de précision.

Le texte précise, à l’article 1er, alinéa 3, que « les conseils consulaires se prononcent sur les décisions d’attribution de ces aides. » Cela va sans dire ! Pour moi, la question est : quand ? Avant leur attribution ? Après celle-ci, comme nous l’observons actuellement dans la procédure d’attribution des 50 millions d’aide sociale d’urgence ?

Comme j’ai eu l’opportunité de le dire par le passé, le Gouvernement sera aussi jugé sur sa capacité à répondre à l’urgence sociale que vivent nos compatriotes à l’étranger. Il cherche à se donner les moyens d’y répondre vite, et c’est heureux. Reste à garantir que ces moyens seront tous orientés vers la finalité recherchée.

Il est donc impératif que les postes diplomatiques s’appuient instamment sur les conseillers consulaires pour construire les plans de soutien et organiser l’attribution des aides directes ou indirectes. Il en irait de même dans l’organisation de l’attribution de l’aide émanant du fonds proposé.

Cela étant, le groupe Union Centriste votera bien évidemment en faveur de cette proposition de loi.

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