Intervention de Jean-Luc Fichet

Réunion du 30 juin 2020 à 21h30
Vers une alimentation durable : un enjeu sanitaire social territorial et environnemental majeur pour la france — Débat sur les conclusions d'un rapport d'information de la délégation sénatoriale à la prospective

Photo de Jean-Luc FichetJean-Luc Fichet :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite de la tenue de ce débat sur les conclusions de notre rapport, qui a reçu un écho important et des retours très positifs à la suite de sa publication, le 28 mai dernier.

L’une de nos principales propositions pour aller vers une alimentation plus durable est de renforcer la lutte contre les inégalités sociales face à l’alimentation.

Les études montrent que c’est surtout dans les milieux modestes que l’on retrouve les régimes ayant le plus d’effets négatifs sur la santé et l’environnement. Il existe donc aujourd’hui un véritable clivage social en la matière : le taux d’obésité parmi les ménages les plus modestes est ainsi plus de quatre fois supérieur à celui qui est observé au sein des ménages les plus aisés.

Outre les causes économiques de ces inégalités, sur lesquelles je vais revenir, il nous faut également tirer les leçons du bilan mitigé des politiques de recommandations nutritionnelles menées depuis vingt ans.

Il est temps de passer à une véritable éducation au mieux manger, qui associe un dépistage et un suivi nutritionnels renforcés, afin d’accompagner les ménages pour mieux choisir, mieux acheter, mieux préparer.

Compte tenu du coût des pathologies liées à une alimentation non saine, cette éducation à l’alimentation durable sera un investissement plus que profitable pour la collectivité.

Il est en outre indispensable d’accompagner l’éducation et la responsabilisation individuelle des consommateurs par un réel effort d’assainissement de leur environnement alimentaire.

On ne peut pas à la fois financer des campagnes d’information et tolérer que les aliments les plus aisément accessibles soient les plus déséquilibrés sur le plan nutritionnel. Nous attendons de véritables engagements de tous les professionnels de l’alimentation, et il faut avoir le courage de défendre certaines mesures concrètes.

Nous devons par exemple aller sans ambages vers la reformulation des recettes des plats industriels. Certaines entreprises ou marques ont déjà pris ce virage. Mais les aliments transformés restent dans l’ensemble beaucoup trop gras, beaucoup trop sucrés et beaucoup trop salés. Ils regorgent aussi trop souvent d’additifs dont les effets de long terme sur la santé sont source d’inquiétudes.

Soyons clairs : il ne s’agit pas de diaboliser l’industrie agroalimentaire. Compte tenu de nos modes de vie, les aliments transformés industriellement garderont une place centrale. Mais c’est une raison de plus pour assainir cette offre sur le plan nutritionnel !

Nous préconisons par ailleurs de rendre obligatoire l’étiquetage nutritionnel et environnemental des aliments. C’est un dossier de niveau européen, et la France doit se mobiliser à ce sujet ! Le Nutriscore est en effet un outil puissant pour aider les consommateurs à identifier les aliments les plus sains et inciter les producteurs à assainir leur offre.

Le combat contre une alimentation qui nuit à la santé et à l’environnement ne peut pas négliger la question des prix. Les aliments qui composent un régime sain sont en effet généralement les plus onéreux. Les fruits et les légumes frais coûtent plus cher que le sucre et la graisse. Le poisson frais n’est pas accessible à de nombreuses bourses. Idem pour les aliments bio. Comment espérer que nos concitoyens les plus modestes leur donneront plus de place alors qu’ils sont déjà ceux qui consacrent à l’alimentation l’effort budgétaire le plus important ?

Lutter contre les inégalités face à l’alimentation durable est une question de justice, mais aussi de pragmatisme. Pousser les consommateurs à manger durable, c’est en effet inciter agriculteurs, industriels et distributeurs à transformer leur offre.

La transition alimentaire du XXIe siècle, qui est la clé d’une population et d’un environnement en meilleure santé, sera tirée par la demande.

Démocratiser l’alimentation durable, c’est dynamiser la transformation du système productif.

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