L'ACPR partage votre préoccupation sur les frais bancaires depuis longtemps. Il est choquant en effet de voir des frais liés à des incidents bancaires grever les budgets des plus modestes. Mais des progrès ont été réalisés, notamment pour identifier les personnes financièrement fragiles : 3,6 millions de personnes sont dans cette situation et 600 000 personnes bénéficient de l'offre spécifique qui donne accès à un service bancaire minimal avec des frais réduits.
Un décret en Conseil d'État est en préparation, visant notamment à faciliter l'identification des personnes surendettées. Le plafonnement des frais à 200 euros par an, c'est évidemment beaucoup pour des ménages modestes, mais la gestion de ces situations occasionne aussi des frais considérables pour les banques. La situation n'est pas satisfaisante, mais on avance. Les banques ont conscience de la nécessité de progresser. Le dialogue au sein des instances partenariales des services financiers, où siègent des parlementaires, se poursuit.
Je veux croire que les accords de place sur la limitation des frais seront bien respectés. L'ACPR veillera à ce que les engagements pris par les banques soient respectés. La baisse des taux pose un problème aux banques et aux assureurs et réduit leurs marges, mais vu les volumes en jeu, il ne semble pas que les banques puissent compenser en facturant des frais d'incidents bancaires aux plus modestes...
L'ACPR, comme les autorités européennes d'ailleurs ou la FED américaine, a appelé à la mesure dans la distribution des dividendes, les rachats d'action et les rémunérations variables. Avant même le communiqué de l'ACPR du 21 avril dernier, j'avais saisi les administrateurs de CNP Assurances d'un projet pour différer le versement du dividende initialement prévu en février. Je suis très heureux de l'avoir fait, même si la situation de la société n'est pas préoccupante. Il s'agit simplement d'une mesure de prudence, alors que le pays est confronté à une crise majeure. La plupart des acteurs de la place ont d'ailleurs suivi les recommandations de l'ACPR en ce sens.
La loi Pacte, en autorisant la transférabilité des contrats d'assurance-vie au sein d'un même organisme, est un outil très puissant pour améliorer les contrats anciens en les remplaçant par des nouveaux. Évidemment, ce transfert ne doit pas être réalisé dans l'intérêt des assureurs, mais des assurés, comme l'a rappelé une décision de la commission des sanctions en mars dernier. Faut-il aller au-delà ? Il appartient au Gouvernement de répondre. Mais plus les contrats seront volatils, plus les placements des assureurs seront à court terme et moins le rendement sera intéressant. De plus, si les anciens contrats bénéficient d'un avantage fiscal au bout de huit ans, celui-ci a disparu dans les nouveaux contrats, car le prélèvement forfaitaire unique s'applique : cela réduit, de fait, la dépendance du client envers son assureur.
Le Brexit approche, mais les négociations semblent ne pas beaucoup avancer. Les services financiers et l'assurance seront régis par les régimes d'équivalences qui seront négociés. Des questionnaires ont été adressés à la partie britannique pour savoir si l'on peut reconnaître aux organismes financiers britanniques une équivalence, une forme de passeport financier. Ce sujet nous préoccupe dans la mesure où l'on observe, du côté britannique, une volonté de s'émanciper des normes de l'Union européenne. On compte déjà 280 régimes d'équivalences en vigueur. Nous devons être exigeants.
Vous avez évoqué le scandale Wirecard. Cette affaire est un vrai cauchemar ! Si j'étais nommé, j'aurais la hantise de passer à côté d'une telle affaire... Cela pose la question de nos méthodes de contrôles et de supervision face à des entreprises technologiques et internationales. Celles-ci posent un défi aux autorités de supervision, comme aux commissaires aux comptes. Il ne suffit pas de connaître les mathématiques financières, les ratios, d'éplucher les comptes, il faut aussi avoir une connaissance de la réalité du métier, être capable d'appréhender ce qui se passe de l'intérieur, conformément à la tradition du contrôle des assurances ; si je suis nommé, j'entends contribuer à la maintenir.
Sur Bâle III et les banques, j'identifie deux sujets. D'abord le fait que les modèles internes d'évaluation ou de pondération des risques ne puissent pas donner un résultat inférieur à un plancher par rapport à un modèle standard. Ensuite, la définition de ce ratio. Ces questions ne sont pas indifférentes pour notre industrie financière qui est encore assez puissante et nos banques. Il faut aussi voir comment intégrer dans les ratios les prêts garantis par l'État.
Sur l'indemnisation des pertes d'exploitation, l'enquête réalisée par l'ACPR montre que 93 % des contrats excluent clairement le risque de pandémie ; 3 % le couvrent ; la zone grise représente 4 % des contrats et il appartiendra au juge de trancher en cas de litige. L'ACPR appelle à un dialogue préalable avec l'assuré, pour éventuellement conclure un avenant si cela est souhaité.
Les arnaques sur internet constituent un vrai fléau. Nous devons être en alerte. Les pouvoirs publics s'efforcent de ficher les sites frauduleux, avec le site www.abe-infoservice.fr, qui comporte déjà 1 200 noms...
L'épargne forcée ou de précaution accumulée pendant la crise sanitaire s'élève à 75 milliards ou 80 milliards d'euros...