Par courrier en date du 9 juin dernier, le Premier ministre a informé le Président du Sénat du projet de nomination de M. Jean-Paul Faugère au poste de vice-président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). En application de l'article L. 612-5 du code monétaire et financier, le vice-président de l'ACPR est nommé pour une durée de cinq ans par arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie, de la sécurité sociale et de la mutualité, après avis des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat. En l'absence d'avis sous un délai de trente jours, celui-ci est réputé favorable.
M. Jean-Paul Faugère a été entendu ce matin par la commission des finances de l'Assemblée nationale. Le dépouillement n'a pas encore eu lieu, le temps que nous procédions nous-mêmes à cette audition et au vote, même si nous ne sommes pas soumis aux contraintes de l'article 13 de la Constitution. Les délégations de vote sont autorisées selon les procédures habituelles.
L'ACPR est investie d'une double mission de régulation du secteur des banques et des assurances. Son président étant le Gouverneur de la Banque de France, il est d'usage que son vice-président incarne le volet assurantiel. Pour autant, il siège dans toutes les formations du collège, y compris le sous-collège banques. Je vous invite à nous exposer brièvement votre parcours personnel et à nous livrer la vision stratégique que vous portez pour l'ACPR dans l'éventualité de votre nomination. Vos fonctions actuelles étant de nature à constituer un conflit d'intérêts, nous serions intéressés de connaître la façon dont cette situation serait traitée si vous étiez nommé.
Ma formation de base est scientifique. Je suis ensuite entré dans le corps de contrôle des assurances au ministère de l'économie et des finances. Ce choix emportait une double signification : pour le service de l'État et le secteur d'activité de l'assurance. À l'époque, la formation des commissaires contrôleurs des assurances comprenait l'obtention du diplôme de l'Institut d'études politiques de Paris en parallèle d'une formation en actuariat et en droit des assurances. J'ai enfin passé le concours de l'École nationale d'administration (ENA), à l'issue de laquelle j'ai choisi le Conseil d'État.
Mon parcours professionnel est fait d'expériences variées : d'abord, un itinéraire classique de membre du Conseil d'État avec un passage par les fonctions de commissaire du Gouvernement, puis des postes à l'extérieur du corps, notamment au Commissariat à l'énergie atomique (CEA) en qualité de directeur financier et au ministère de l'Intérieur comme directeur des libertés publiques et des affaires juridiques, puis logiquement comme préfet. Enfin, après une période assez longue en cabinet ministériel, je suis revenu dans l'assurance, il y a huit ans, comme président du conseil d'administration de CNP Assurances. Par ailleurs, j'ai eu l'honneur de présider les jurys de concours d'entrée à l'ENA en 2015 et je donne des cours sur la gouvernance des entreprises d'assurance et la directive Solvabilité II dans le cadre du master assurance de l'université Paris 2 Panthéon-Assas.
Avec ma candidature à la vice-présidence de l'ACPR, j'espère pouvoir rendre service. Je crois que mon expérience du droit et de la finance et ma double culture des affaires publiques et des entreprises d'assurance me donnent une capacité à traiter des sujets qui incombent à l'ACPR. La supervision des assurances nécessite, en effet, une expertise financière et juridique, d'autant que le droit des assurances apparaît aussi quantitatif que qualitatif.
Mon mandat au conseil d'administration de CNP Assurances me prépare tout particulièrement aux fonctions que je sollicite : j'ai vécu pendant huit ans au sein d'une entreprise forte d'une longue tradition, pleinement investie dans la compétition de marché, qui a développé un actuariat qui fait référence, met en pratique ses valeurs d'entreprise publique en servant toutes les clientèles et bénéficie d'une expérience diversifiée. Elle a conquis une dimension internationale depuis une vingtaine d'années, en particulier au Brésil.
Ma familiarité avec les enjeux de l'assurance vus du côté des entreprises me paraît utile pour exercer les missions de supervision. Pour autant, je sais la nécessité d'éviter toute ambiguïté et il va de soi que je démissionnerai de la présidence du conseil d'administration de CNP Assurances si j'étais nommé et que je m'abstiendrai de toute implication dans les décisions concernant l'entreprise.
Dans mes fonctions actuelles, j'ai été assujetti aux contrôles de l'ACPR sur des sujets aussi différents que la gouvernance, l'intégration des taux négatifs dans les modèles ou les décisions de gestion sur l'évaluation du besoin prospectif de capital - le fameux besoin global de solvabilité. Toujours, j'ai vu reconnaître par les équipes de la CNP la qualité et l'intérêt d'un dialogue technique approfondi avec l'ACPR. Bien entendu, le contrôlé éprouve souvent le sentiment que la critique est aisée et que l'art est difficile, alors que la vie d'entreprise amène nécessairement à chercher l'efficacité opérationnelle. J'ajoute que la pureté doctrinale est parfois obscurcie par la complexité des règles, mais je mesure combien les contrôles de l'ACPR ont fait progresser la CNP. Ils ont catalysé des changements de méthode, favorisé l'augmentation du budget informatique, conduit à l'amélioration de la qualité des données - essentielle pour une compagnie comptant près de 15 millions de clients - et provoqué le lancement d'audits utiles. Il y a toujours une dynamique constructive du contrôle ; cela tient évidemment aux compétences des personnes, mais aussi à l'absence de confusion dans les rôles de chacun.
S'agissant des enjeux que je crois pouvoir identifier pour le prochain mandat du vice-président, je ne saurais mieux dire que le président de l'ACPR, lorsqu'il a présenté en même temps que le rapport annuel pour 2019 les orientations pour 2020. Je me risquerai cependant à évoquer quelques sujets de fond.
Le premier enjeu concerne la crise sanitaire, dont il apparaît de plus en plus évident qu'elle aura un impact lourd sur l'économie et le secteur de l'assurance, même si une évaluation ne sera possible qu'au début de l'année 2021 au vu des comptes de 2020. L'ACPR a souligné à plusieurs reprises sa confiance dans la solidité du secteur en France, mais le suivi des conséquences de la crise sur les entreprises n'en demeure pas moins nécessaire. La vocation première de l'ACPR est de garantir la stabilité du système financier.
Le deuxième sujet, plus structurel, porte sur la persistance des taux bas, voire très bas, dans le contexte de crise. La politique suivie par les banques centrales continue d'accentuer la pesanteur sur les taux. Il s'agit d'un défi considérable pour les assureurs, car la baisse des taux conduit à l'augmentation du niveau des provisions, au recul des fonds propres et de la solvabilité, à la réduction des rendements des placements des assureurs et in fine des bénéfices attribués aux assurés. Elle pèse sur les marges de rentabilité en dommages comme en assurance des personnes. Le modèle de l'assurance-vie est plus directement en cause, ce qui rend nécessaire une réflexion sur l'évolution de l'offre de produits au profit des unités de compte. Sont dès lors posés aux assureurs un défi de conception de ces produits et un défi commercial. Dans ce cadre, l'ACPR a pour mission de garantir la qualité de l'information donnée aux clients et de s'assurer de la pertinence des démarches commerciales, en particulier au bénéfice des clients vulnérables. La protection de la clientèle relève, selon moi, d'un impératif catégorique.
Troisième sujet, l'évolution des technologies dans le secteur de l'assurance a donné naissance à un foisonnement de fintech. La digitalisation est d'autant plus rapide qu'elle s'est révélée indispensable pendant la crise sanitaire, tant pour la gestion que dans le domaine de la relation avec les clients. Le rôle de l'intelligence artificielle n'est plus anecdotique : elle se développe même dans des champs inattendus comme la conformité ou la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. L'omniprésence de l'informatique et ses potentialités quasi infinies ont trois conséquences : la confrontation des entreprises d'assurance à des enjeux éthiques comme l'assurabilité des personnes vulnérables, la transparence des algorithmes, la gouvernance des données et leur caractère non discriminatoire ; la mutation rapide des métiers de l'assurance ; enfin, la vulnérabilité accrue au risque cyber contre lequel les assureurs doivent se protéger tout en répondant à la demande d'assurance des entreprises à son endroit.
Enfin, un quatrième enjeu concerne la révision de la directive dite Solvabilité II et des normes réglementaires. L'ACPR participe à la réflexion en amont, en particulier au niveau européen en appui de l'autorité européenne de supervision. Le débat est éminemment technique, mais les décisions prises auront des conséquences majeures sur le secteur de l'assurance et, par voie de conséquence, sur l'économie.
Le Sénat a récemment adopté une proposition de loi consacrant le principe du plafonnement de l'ensemble des frais d'incidents bancaires pour les publics les plus fragiles financièrement. Le Gouvernement a ensuite annoncé un ajustement timide des critères réglementaires permettant de définir la clientèle fragile, en vue d'améliorer la détection précoce. La question des frais bancaires rejoint plus largement celle du modèle français de banque universelle, confrontée à une érosion de ses marges dans certains domaines d'activité et à la concurrence de nouveaux acteurs. Comment éviter que les banques ne compensent au détriment des plus fragiles ?
En dépit des recommandations exprimées par les régulateurs de suspendre le versement de dividendes et des appels du Gouvernement à une attitude responsable, voire à l'absence de versement de dividendes en cas d'aide de l'État, plusieurs banques et assurances ont décidé de les maintenir. Quelle est votre position à ce sujet en tant que président de CNP Assurances et que candidat à la vice-présidence de l'ACPR ?
À l'occasion des débats sur la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite Pacte, avait été évoquée au Sénat la question de la transférabilité de l'assurance-vie, encore fermée à la concurrence. De fait, le détenteur d'un contrat ne peut le placer dans un autre établissement, sauf à le résilier et à en souscrire un nouveau. Il perd alors les avantages fiscaux liés à la détention longue. Nous avions donc voté un amendement autorisant un tel transfert au-delà de la période de huit ans.
Bruno Le Maire avait fait valoir plusieurs arguments allant à l'encontre de notre initiative, notamment un risque pesant sur les ratios de solvabilité des assureurs, mais il avait indiqué être ouvert à une discussion sur le sujet pour faire évoluer la réglementation. Quelles pistes pourriez-vous envisager pour ouvrir à la concurrence le secteur de l'assurance-vie, domaine dans lequel un certain nombre de fintech ont émergé, offrant des solutions de gestion davantage tournées vers l'économie réelle que les contrats classiques détenus chez les assureurs historiques ?
La directive Solvabilité II prévoit une harmonisation de dispositifs au niveau européen. Quelles seront les incidences du Brexit sur ce travail ?
S'agissant de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, je m'intéresse beaucoup aux nouveaux prestataires de services financiers, ces banques en ligne apatrides qui peuvent poser moult difficultés. Quelle a été votre réaction après le scandale de la firme Wirecard ? Pensez-vous qu'une telle affaire puisse arriver en France ? Quelles mesures suggérez-vous à l'autorité de régulation et au législateur de prendre pour l'éviter ?
Les banques ont été fortement mobilisées pour soutenir les acteurs économiques face aux conséquences de la crise sanitaire avec les prêts garantis par l'État et les reports d'échéances de prêt, mais elles se préparent à de lourdes pertes en inscrivant des provisions élevées dans leurs comptes. Avant même la covid-19, elles nous alertaient sur la transposition des accords de Bâle III, dont certaines dispositions pouvaient affaiblir notre modèle bancaire. Quelles doivent être, selon vous, les exigences prudentielles permettant aux banques d'assurer leur rôle tout en maîtrisant le risque ?
Au début de la crise sanitaire, de nombreuses entreprises se sont tournées vers leur assureur pour être indemnisées de leurs pertes d'exploitation. Or, seuls 3 % environ des contrats peuvent prétendre, selon l'ACPR, à une telle indemnisation. Quelles conclusions en tirez-vous ? Le secteur assurantiel doit-il être davantage sollicité et soutenir plus largement les entreprises dans le cadre de la relance économique ?
Pendant le confinement, l'ACPR a multiplié les communiqués de presse pour alerter sur les risques d'arnaques sur internet. Les exigences en matière de publicité sur certains produits ont été renforcées, mais il semble que certaines pratiques demeurent. De fait, la faiblesse des rendements induit des tentations au profit d'investissements exotiques. Comment les régulateurs que sont l'ACPR et l'Autorité des marchés financiers (AMF) peuvent-ils lutter plus efficacement contre de tels sites, souvent hébergés à l'étranger ?
Durant la crise, les Français ont accumulé un stock d'épargne considérable, mi-contrainte, mi-de précaution. Je suis convaincu que la reprise doit passer par sa libération. Selon vous, quels sont les leviers à activer à cet effet ?
Je partage les interrogations de Christine Lavarde sur la transférabilité de l'assurance-vie. Je relie le sujet à celui du financement des retraites, alors que nous peinons à trouver des conditions d'équilibre pour le régime général. Le secteur de l'assurance, parce qu'il apporte des garanties de bonne fin, a un rôle spécifique à jouer.
Mon second point concerne le changement climatique auquel notre système financier est particulièrement exposé. En effet, le financement d'activités qui peuvent ne plus avoir de valeur à long voire à très long terme - je pense notamment aux énergies fossiles - peut apparaître comme une véritable erreur stratégique. Des tests climatiques existent ainsi pour mesurer la résistance financière à la dépréciation d'actifs. Dans ce cadre, l'ACPR a un rôle déterminant à jouer pour garantir la stabilité de notre système financier. Quelle pourrait être votre politique sur le sujet ?
Enfin, je terminerai par les missions qui pourraient être confiées à l'assurance pour couvrir le risque de pandémie. Le Sénat a adopté, à une écrasante majorité, un dispositif qui rejoint les réflexions de Bercy sur les risques exceptionnels. Nous avons parlé de crise sanitaire et de menaces, là où certains veulent aller beaucoup plus loin. Quelle est votre position sur le sujet ? Quel pourrait être le périmètre assurable ?
Quelles seront vos priorités si vous êtes nommé ? Quels sont selon vous les principaux risques qui pèsent sur le secteur financier ? A-t-on tiré toutes les leçons de la crise de 2008 ? L'action de l'ACPR a-t-elle été modifiée ? Les risques sont-ils toujours présents, et sous quelle forme ?
Vous siégez au conseil d'administration du groupe CNP Assurances. Avez-vous prévu de vous déporter lorsque des décisions susceptibles de concerner cette société seront prises ? Vous siégez aussi au conseil d'administration de la société Icade. Allez-vous démissionner en cas de nomination ?
Vous avez évoqué les futurs enjeux et la directive Solvabilité II. Pour compenser les contraintes prudentielles qui leur sont imposées, les assureurs ou les banques réagissent en diminuant les réseaux d'agences et la masse salariale. Va-t-on continuer dans cette voie ?
Pour souscrire un simple contrat d'assurance-vie, on doit remplir un dossier de quarante pages... Le client ne les lit pas. Cette suradministration est-elle vraiment utile ?
Je veux vous interroger sur les contrats en déshérence. La loi Eckert est-elle efficace ? Les actifs réglementés qui visent à garantir la solvabilité des compagnies d'assurance pourraient-ils évoluer pour accompagner la transition écologique ?
L'ACPR partage votre préoccupation sur les frais bancaires depuis longtemps. Il est choquant en effet de voir des frais liés à des incidents bancaires grever les budgets des plus modestes. Mais des progrès ont été réalisés, notamment pour identifier les personnes financièrement fragiles : 3,6 millions de personnes sont dans cette situation et 600 000 personnes bénéficient de l'offre spécifique qui donne accès à un service bancaire minimal avec des frais réduits.
Un décret en Conseil d'État est en préparation, visant notamment à faciliter l'identification des personnes surendettées. Le plafonnement des frais à 200 euros par an, c'est évidemment beaucoup pour des ménages modestes, mais la gestion de ces situations occasionne aussi des frais considérables pour les banques. La situation n'est pas satisfaisante, mais on avance. Les banques ont conscience de la nécessité de progresser. Le dialogue au sein des instances partenariales des services financiers, où siègent des parlementaires, se poursuit.
Je veux croire que les accords de place sur la limitation des frais seront bien respectés. L'ACPR veillera à ce que les engagements pris par les banques soient respectés. La baisse des taux pose un problème aux banques et aux assureurs et réduit leurs marges, mais vu les volumes en jeu, il ne semble pas que les banques puissent compenser en facturant des frais d'incidents bancaires aux plus modestes...
L'ACPR, comme les autorités européennes d'ailleurs ou la FED américaine, a appelé à la mesure dans la distribution des dividendes, les rachats d'action et les rémunérations variables. Avant même le communiqué de l'ACPR du 21 avril dernier, j'avais saisi les administrateurs de CNP Assurances d'un projet pour différer le versement du dividende initialement prévu en février. Je suis très heureux de l'avoir fait, même si la situation de la société n'est pas préoccupante. Il s'agit simplement d'une mesure de prudence, alors que le pays est confronté à une crise majeure. La plupart des acteurs de la place ont d'ailleurs suivi les recommandations de l'ACPR en ce sens.
La loi Pacte, en autorisant la transférabilité des contrats d'assurance-vie au sein d'un même organisme, est un outil très puissant pour améliorer les contrats anciens en les remplaçant par des nouveaux. Évidemment, ce transfert ne doit pas être réalisé dans l'intérêt des assureurs, mais des assurés, comme l'a rappelé une décision de la commission des sanctions en mars dernier. Faut-il aller au-delà ? Il appartient au Gouvernement de répondre. Mais plus les contrats seront volatils, plus les placements des assureurs seront à court terme et moins le rendement sera intéressant. De plus, si les anciens contrats bénéficient d'un avantage fiscal au bout de huit ans, celui-ci a disparu dans les nouveaux contrats, car le prélèvement forfaitaire unique s'applique : cela réduit, de fait, la dépendance du client envers son assureur.
Le Brexit approche, mais les négociations semblent ne pas beaucoup avancer. Les services financiers et l'assurance seront régis par les régimes d'équivalences qui seront négociés. Des questionnaires ont été adressés à la partie britannique pour savoir si l'on peut reconnaître aux organismes financiers britanniques une équivalence, une forme de passeport financier. Ce sujet nous préoccupe dans la mesure où l'on observe, du côté britannique, une volonté de s'émanciper des normes de l'Union européenne. On compte déjà 280 régimes d'équivalences en vigueur. Nous devons être exigeants.
Vous avez évoqué le scandale Wirecard. Cette affaire est un vrai cauchemar ! Si j'étais nommé, j'aurais la hantise de passer à côté d'une telle affaire... Cela pose la question de nos méthodes de contrôles et de supervision face à des entreprises technologiques et internationales. Celles-ci posent un défi aux autorités de supervision, comme aux commissaires aux comptes. Il ne suffit pas de connaître les mathématiques financières, les ratios, d'éplucher les comptes, il faut aussi avoir une connaissance de la réalité du métier, être capable d'appréhender ce qui se passe de l'intérieur, conformément à la tradition du contrôle des assurances ; si je suis nommé, j'entends contribuer à la maintenir.
Sur Bâle III et les banques, j'identifie deux sujets. D'abord le fait que les modèles internes d'évaluation ou de pondération des risques ne puissent pas donner un résultat inférieur à un plancher par rapport à un modèle standard. Ensuite, la définition de ce ratio. Ces questions ne sont pas indifférentes pour notre industrie financière qui est encore assez puissante et nos banques. Il faut aussi voir comment intégrer dans les ratios les prêts garantis par l'État.
Sur l'indemnisation des pertes d'exploitation, l'enquête réalisée par l'ACPR montre que 93 % des contrats excluent clairement le risque de pandémie ; 3 % le couvrent ; la zone grise représente 4 % des contrats et il appartiendra au juge de trancher en cas de litige. L'ACPR appelle à un dialogue préalable avec l'assuré, pour éventuellement conclure un avenant si cela est souhaité.
Les arnaques sur internet constituent un vrai fléau. Nous devons être en alerte. Les pouvoirs publics s'efforcent de ficher les sites frauduleux, avec le site www.abe-infoservice.fr, qui comporte déjà 1 200 noms...
L'épargne forcée ou de précaution accumulée pendant la crise sanitaire s'élève à 75 milliards ou 80 milliards d'euros...
Le redémarrage de la consommation laisse espérer un redémarrage de l'économie, mais je partage votre souhait que cet argent puisse être investi dans l'économie. Tout ce qui ira dans ce sens sera bienvenu. Les assureurs prendront leur part en participant au renforcement des fonds propres des entreprises. La Fédération française de l'assurance (FFA) y est favorable.
Je partage votre préoccupation sur le climat. Seuls 10 % des placements des assureurs en Europe sont exposés au risque climatique à long terme, en étant investis dans les énergies fossiles par exemple. Les tests de résistance qui seront réalisés en Europe à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine donneront davantage d'éclairages sur les positions des uns et des autres. La CNP, par exemple, a déjà renoncé aux placements dans le charbon. Les tests de résistance réalisés l'an dernier à la demande du régulateur britannique n'ont toutefois pas permis d'avoir une connaissance fine de l'exposition des assureurs au risque climatique. Le dossier est donc devant nous. La révision de la directive Solvabilité II devrait comporter un volet sur le climat, avec au moins des exigences en termes de reporting, sinon en capital.
J'en reviens à l'indemnisation des pertes d'exploitation. Un groupe de travail a été constitué par Bercy. Toutes les idées sont sur la table : assurance obligatoire ou non, etc. Dans tous les cas, il faut une base large pour mutualiser le risque. Je me demande, au vu des modélisations de la FFA, si l'équation pour les assurés entre les indemnisations éventuelles et les primes demandées en contrepartie est équilibrée. L'État devra à un moment intervenir, ne serait-ce que par la garantie de réassurance aux assureurs. Sinon, le système risque de ne pas tenir. Le sujet est complexe.
Quels sont les risques pour la période à venir ? J'en ai déjà évoqué. Le risque de crédit semble se dégager avec de plus en plus de force, aussi bien pour les banques que les assureurs : les banques ont d'ailleurs déjà passé des provisions considérables. Si l'on dégradait d'un cran la notation du risque de crédit des assureurs, leur solvabilité baisserait de vingt points ! Le risque est donc considérable. Il faut surveiller la croissance de l'endettement des entreprises, surtout lorsque celui-ci devra être géré dans la durée.
Je serai très vigilant pour éviter tout conflit d'intérêts avec la CNP. J'ai déjà rencontré la déontologue de l'ACPR et je suivrai régulièrement cette question avec elle. Je m'abstiendrai sur tout ce qui concernera de près ou de loin la CNP. De même que je démissionnerai de mon mandat d'administrateur de la CNP, je démissionnerai évidemment de mon mandat à Icade.
Monsieur Segouin, vous avez raison. L'évolution des réseaux bancaires est un sujet. Certains considèrent qu'ils sont trop lourds au regard des besoins. La relation entre la clientèle et les prestataires de services financiers évolue. Le télétravail a explosé pendant la crise sanitaire, comme la télérelation. La fréquentation des guichets a baissé, même dans les assurances : à la CNP, on réalise 50 000 signatures de contrats électroniques par mois et le chiffre est en augmentation. Une évolution est en cours, même si nous devons être attentifs au maillage territorial et à l'accès à tous aux services bancaires, notamment en zones rurales.
Vous évoquez aussi la bureaucratie. Les formalités sont renforcées pour les personnes politiquement exposées. Le formalisme juridique devient tellement pesant qu'il perd son efficacité. Par exemple, le règlement sur les documents d'informations clés relatifs aux produits d'investissement packagés de détail et fondés sur l'assurance, dit « PRIPs », impose de fournir au client un volume de papier considérable. On aboutit à une perversion du droit.
Nous avons fait d'énormes progrès en matière de contrats en déshérence. Mais je n'en suis pas véritablement fier, car il a fallu attendre des sanctions pour obtenir ces progrès. Je tiens à saluer l'action de la commission des sanctions de l'ACPR qui a mis en oeuvre la loi. Cela a été long, mais je crois pouvoir dire qu'aujourd'hui les assureurs sont, à 99 %, en situation correcte. Reste le sujet de l'épargne supplémentaire retraite qui constitue un dernier angle mort et qui sera traité par un prochain texte, afin que chacun soit informé de ses droits.
Le dossier de la transition écologique sera l'un des dossiers brûlants que nous aurons à gérer à l'avenir.
Je vous remercie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 14 h 40.
Thierry Carcenac et Mme Nathalie Goulet, secrétaires, sont désignés en qualité de scrutateurs et la commission procède ensuite au vote sur la proposition de nomination du vice-président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et au dépouillement du scrutin.
La commission émet un avis favorable à la nomination de M. Jean-Paul Faugère en tant que vice-président de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution par 15 voix pour, 1 voix contre et 3 bulletins blancs.