Merci mesdames et messieurs les sénateurs. J'ai créé l'association la Brigade des mères en 2014 à Sevran, parallèlement à mes activités de travailleur social et d'éducatrice après le constat d'une radicalisation qui naissait dans notre ville. De nombreux jeunes de la ville de Sevran sont partis en Syrie.
Avant la création de la Brigade des mères, j'avais déjà alerté les services de l'éducation nationale sur des comportements anormaux, comme celui d'un surveillant faisant remarquer à des élèves de classe de troisième leur absence à la mosquée la veille. J'ai par ailleurs eu l'occasion de travailler avec ces services sur le dispositif Passerelle, qui concerne les exclus temporaires qui se trouvaient encadrés par des personnes tenant un discours coranique et non pas éducatif. Ce discours reposait sur la victimisation et s'opposait à celui du gouvernement.
Dans le cadre de la politique de la ville, j'avais également interpelé le maire de Sevran et fait part de mon inquiétude quant à cet encadrement par des personnes radicalisées. J'avais également été interpelée par les personnels des services municipaux chargés de la jeunesse. J'avais été choquée de constater que l'État ait pu signer une convention avec certaines associations dont l'objet est d'encadrer nos jeunes. Dans un nombre important de ces associations, les fillettes étaient voilées. À certaines qui souhaitaient pratiquer une activité sportive, j'avais proposé la participation d'un ami. Le directeur du service m'a alors convoquée et indiqué que cet ami ne pouvait assurer ce rôle, simplement parce qu'il s'agissait d'un homme. Que l'État enferme les personnes dans un rôle de victimes est très choquant.
La situation s'est profondément aggravée après les élections municipales de 2014. J'ai ainsi vu certains élus de la République participer à des iftars pendant un mois. Ils s'installaient alors en bas des immeubles, dans des chapiteaux, où les hommes étaient invités à rompre le jeûne avec la population tous les soirs. Les femmes et jeunes filles étaient exclues de cette initiative lancée par les imams, mais les élus et les financeurs étaient invités. Les familles musulmanes non pratiquantes se voyaient ainsi imposer par l'État de se soumettre à la pratique religieuse. En tant que travailleuse sociale, lorsque j'accompagnais les jeunes et leur parlais de l'école et de la connaissance, la seule réponse était d'inspiration coranique. Des moyens ont ensuite été mobilisés contre la radicalisation. J'ai néanmoins participé à des formations de référents laïques qui étaient, pour certaines, de simples présentations de l'histoire du prophète Mahomet. Il n'a jamais été question de la République, de la Nation, de l'école ou du savoir. Cette situation a empiré à la suite des attentats de 2015.
Mon inquiétude est la suivante : notre association a été menacée plusieurs fois, non par les habitants, que nous connaissons, mais par des élus de la République, qui nous ont indiqué que notre association dérangeait. Nos locaux ont été cédés à des associations islamiques.
J'ai travaillé au service centre communal d'action sociale de la ville de Tremblay-en-France où j'ai vu un professionnel orienter parfois le public vers des imams, excluant ainsi les travailleurs sociaux du dispositif. Que faire quand l'État ne parvient plus à protéger ses citoyens ? Nous avons été menacés de mort et avons dû changer de lieu à plusieurs reprises. Je me suis battue pour être libre en Algérie, et je me bats à nouveau ici.