Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 2 juillet 2020 à 10h30
Sortie de l'état d'urgence sanitaire — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai mon propos en évoquant Alfred de Musset, auteur d’une pièce célèbre – un peu courte, mais ce n’est pas forcément un défaut –, intitulée Il faut qu ’ une porte soit ouverte ou fermée.

Monsieur le secrétaire d’État, soit vous maintenez l’état d’urgence sanitaire, soit, comme vous nous le dites, vous y mettez fin. Mais voilà que vous nous proposez quelque chose d’hybride : chacun a compris, comme l’a fort bien exprimé M. le président de la commission, rapporteur de ce texte, que, d’un côté, vous interrompez, le 10 juillet, l’état d’urgence, mais que, de l’autre, vous conférez au Premier ministre l’ensemble ou presque des dispositions constituant l’état d’urgence sanitaire. Il y a là quelque chose qui n’est pas clair.

Les dispositions que vous entendez conférer au Premier ministre ne sont pas accessoires, mais importantes : on y trouve l’interdiction de circuler, d’aller et de venir, la fermeture provisoire des établissements recevant du public, ce qui pose la question du droit de réunion, ou encore des restrictions au régime de droit commun en manière sanitaire.

Nous ne comprenons pas, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi vous agissez ainsi. Nous le comprenons d’autant moins qu’il est possible à tout moment de réunir le Parlement. On nous objectera qu’il y a des questions de commodité, mais le président de notre commission des lois l’a bien dit : s’il était nécessaire que nous nous réunissions au mois de septembre pour voter ce qui serait d’intérêt public, nous le ferions. Nous ne le souhaitons pas, mais, s’il le fallait, nous viendrions.

Il y a là quelque chose que je comprends d’autant moins que nos collègues de l’Assemblée nationale ont souhaité supprimer l’un des apports essentiels du Sénat, étayé par l’avis du Conseil d’État. Je veux parler ici du désormais célèbre article L. 3131-1 du code de la santé publique, qui confère au ministre de la santé les pouvoirs nécessaires en cas de risque sanitaire majeur, ce que nous ne discutons pas : dans une telle circonstance, il est normal que le ministre chargé de la santé puisse prendre des dispositions. Simplement, le Conseil d’État nous indique que le dispositif de cet article n’est pas suffisamment précis ni encadré. Dès lors, le Sénat a voulu le préciser, l’encadrer, afin que les mesures prises soient strictement proportionnées à la situation.

Il y a donc une réponse, monsieur le secrétaire d’État, contenue dans l’article L. 3131-1 du code de la santé publique. La situation n’impose nullement cette solution hybride et injustifiée qui consiste à donner au Premier ministre les pouvoirs que l’on retire en supprimant l’état d’urgence sanitaire : de fait, on ne supprime pas celui-ci.

Je m’en voudrais de ne pas évoquer quelques points positifs de ce texte.

Concernant l’article 2, nous avons donné notre accord pour que les données puissent être conservées uniquement à des fins scientifiques.

Un autre point positif est la prise en compte, pour des raisons évidentes, de la situation très difficile rencontrée à Mayotte et de celle, plus difficile encore, que connaît la Guyane.

Par ailleurs, je salue les dispositions relatives à l’outre-mer, qui ont donné lieu à beaucoup de travail et de dialogue avec nos collègues ultramarins, que je remercie tout particulièrement : elles ont pour objet, d’une part, d’assurer la sécurité sanitaire de ces territoires, et, d’autre part, de ne pas entraver le tourisme, ressource économique essentielle. Ces dispositions vont permettre de mettre en œuvre les tests lorsque ce sera nécessaire sans pour autant obérer le tourisme.

Enfin, le groupe socialiste et républicain a été à l’initiative d’un amendement adopté par le Sénat visant à rendre publics les avis du Conseil scientifique.

Nous aurions aussi souhaité que la liberté de manifestation fût à nouveau reconnue dans sa plénitude dès la promulgation du présent texte ; cela n’a pas été possible.

Je conclurai en précisant que notre groupe, pour les raisons que j’ai exposées, soutiendra la motion tendant à opposer la question préalable. Il est clairement apparu, lors de la réunion de la commission mixte paritaire, qu’il n’y avait aucune chance que l’Assemblée nationale change sa position si peu que ce fût.

Je profite de cette occasion, monsieur le secrétaire d’État, pour rappeler qu’il y a de nombreuses ordonnances et que le dépôt de projets de loi de ratification est nécessaire !

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