Intervention de Adrien Taquet

Réunion du 1er juillet 2020 à 15h00
Dette sociale et autonomie — Discussion générale commune

Adrien Taquet :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je sais combien votre assemblée est attentive au contrôle des finances sociales. Le ministre des solidarités et de la santé l’a dit sans ambages devant vous en audition : le Sénat demandait depuis plusieurs années une reprise de dette. C’est ce que permettent ces deux textes, dans des circonstances certes particulières, il faut le reconnaître.

Cette nouvelle reprise de dette par la Cades est une nécessité de court terme au regard de la situation que nous traversons et qui nous inquiète tous ; mais c’est aussi un outil nous permettant de regarder en face les grands défis de notre temps.

Le temps court et le temps long sont les deux aspects de ces textes : le temps court, du fait des circonstances, c’est celui de l’urgence ; le temps long, celui des ambitions.

Il y a quelques mois, le retour à l’équilibre des comptes sociaux était proche, et nous débattions pour savoir à quel moment de l’année 2024 la dette sociale reprise par la Cades arriverait à échéance. La crise sanitaire, devenue crise économique, rebat désormais les cartes. Nous assistons à la reconstitution de déficits importants. Nous le regrettons tous, évidemment, mais c’est aussi le prix à payer d’une politique extrêmement volontariste, de la part du Gouvernement, pour faire face à la crise : la protection dont ont bénéficié les Français a peut-être été la plus forte du monde.

Ces précisions étant apportées, pourquoi déposer ces deux textes et pourquoi maintenant ?

Premièrement, il est indispensable d’assurer le financement de la sécurité sociale. Je ne vous apprends rien : la trésorerie de la sécurité sociale est gérée par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Une contrainte porte sur la maturité des emprunts, qui ne peuvent excéder douze mois. Cette trésorerie, grevée par 30 milliards d’euros de déficits passés, a été soumise à de très fortes tensions du fait des mesures mises en œuvre pendant la crise.

Même dans la perspective d’un rebond de l’économie, que nous attendons tous et auquel nous travaillons, les déficits sont inéluctables. En conséquence, seul un transfert important peut permettre à la Cades des placements à horizon long, qui sont les plus sécurisants ; et seule cette reprise nous protégera contre le risque de devoir décaler un jour le paiement des prestations, faute de financement.

Avec ce projet de loi, nous proposons donc une opération de bonne gestion de la sécurité sociale ; nous renouvelons l’engagement de rembourser les dettes de la sécurité sociale, dont une partie découle de la crise actuelle.

Agir ainsi, c’est respecter les principes de 1996, selon lesquels la dette sociale est gérée vertueusement et apurée au principal. Concrètement, cela signifie que nous devons prolonger la durée pendant laquelle nous mobilisons des recettes pour rembourser la dette pour neuf années supplémentaires, de 2024 à 2033.

Je devance sans doute une partie des débats en formulant ce rappel : le Gouvernement tient à ce que cette reprise de dette sociale inclue 13 milliards d’euros pour les hôpitaux. En effet, le déficit de l’assurance maladie et celui de nos hôpitaux sont liés : les économies de la première ne peuvent se transformer en déficit pour les seconds. En supprimant cette reprise, la commission prive ainsi les hôpitaux d’une bouffée d’air. §Or ce financement est très fortement attendu.

Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà pour le premier aspect des textes dont vous allez débattre. Avec cet engagement, nous posons la première pierre d’une réforme attendue : celle de la perte d’autonomie.

En 1945, il a été décidé de créer une assurance sociale publique contre le risque de maladie ou d’accident du travail : nous faisons aujourd’hui le choix d’une nouvelle assurance publique, contre ce qui est devenu un nouveau risque, auquel tous les Français peuvent être confrontés.

Les chiffres sont sans appel, et vous les connaissez. En 2040, près de 15 % des Français, soit 10, 6 millions de personnes, auront soixante-quinze ans ou plus : c’est deux fois plus qu’aujourd’hui. L’Assemblée nationale a entrepris un travail important au sujet de la cinquième branche. Je sais que les débats dédiés à ces textes ont été largement consacrés à cette question. Le Gouvernement s’est rangé à la volonté des députés : ne pas attendre le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale pour créer la branche. Ce choix révèle notre volonté de donner aux parlementaires, dès le PLFSS, toute la visibilité quant à l’équilibre financier de cette branche.

Une mission vient de commencer. Elle rendra son rapport en septembre prochain, pour que, lors de l’examen des prochains PLFSS, toutes les conséquences pour la branche puissent être tirées, qu’il s’agisse de son financement ou de sa gouvernance, au bénéfice de débats parlementaires éclairés.

À cet égard, je salue les amendements qui ont permis de clarifier les modalités de consultation pour élaborer ce rapport. En effet, il est essentiel que la concertation associe l’ensemble des acteurs, afin de trouver une solution de consensus pour dégager au moins 1 milliard d’euros dès 2021, comme s’y est engagé le ministre des solidarités et de la santé devant l’Assemblée nationale.

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