Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Réunion du 1er juillet 2020 à 15h00
Dette sociale et autonomie — Discussion générale commune

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les deux textes que nous examinons aujourd’hui sont courts, mais ils sont lourds d’enjeux.

Monsieur le secrétaire d’État, vous en avez détaillé le contenu, un peu rapidement à mon goût ; mais le débat nous permettra de revenir en détail sur les différents points. Je centrerai donc mon intervention sur la manière dont la commission des affaires sociales les a analysés et amendés, en commençant par le volet relatif à la dette sociale.

Les chiffres donnent presque le vertige : les nouveaux transferts à la Cades atteindraient 136 milliards d’euros et la durée d’amortissement de la dette est prolongée jusqu’au 31 décembre 2033. En quelque sorte, nous voici revenus à la case départ. Lorsque la Cades a été créée, en 1996 – il y a vingt-quatre ans ! –, nous nous étions fixé pour objectif d’amortir la dette sociale en treize ans. L’image de Sisyphe revenu au pied de sa montagne, que j’avais employée avant même la crise actuelle, s’est tristement vérifiée.

Dès lors, je l’ai indiqué à la commission, il est temps de se poser les mêmes questions fondamentales qu’en 1996. Est-il nécessaire d’amortir la dette sociale ? Est-ce possible ? Le cas échéant, comment faire pour y parvenir ? À l’inverse, ne serait-il pas préférable d’employer dès à présent à un autre usage les moyens dédiés à l’amortissement de cette dette ?

Dans sa majorité, la commission a considéré que nous devions conserver pour objectif l’extinction totale de cette dette. En effet, la sécurité sociale est fondamentalement un système d’assurance sociale et de répartition. Par nature, les dépenses de sécurité sociale ne sont pas, comme certaines dépenses de l’État, un investissement dont bénéficieront les Français de demain : elles constituent une protection immédiate pour toutes les générations successives. Il faut donc que chaque génération assume le coût de sa propre protection sociale sans en transférer, via la dette, le coût aux générations suivantes.

La logique d’une poursuite de l’équilibre des comptes sociaux n’est pas une obsession de comptable : c’est fondamentalement une affaire de solidarité entre générations. C’est pour cela que nous devons sortir de cette histoire apparemment sans fin, en nous donnant les moyens d’y parvenir, à la date fixée et selon les objectifs définis.

À ce titre, deux conditions nous ont paru nécessaires : d’une part, s’assurer que la dette transférée à la Cades est bien légitime ; d’autre part, couper, quand ce sera possible, le robinet des déficits de la sécurité sociale, qui alimente les futurs transferts de dette sociale.

S’agissant de la légitimité de la dette transférée, la commission a approuvé le transfert des dettes passées des différents régimes de sécurité sociale : elle en souligne la nécessité depuis plusieurs années déjà. Elle a également adopté le transfert des déficits prévus pour les exercices 2020 à 2023, en espérant qu’ils soient inférieurs aux 92 milliards d’euros provisionnés.

À cet égard, la part conjoncturelle de ces déficits constitue bien de la dette sociale. En revanche, il est indispensable que toute perte de recettes de la sécurité sociale résultant de mesures de sauvegarde ou de relance de l’économie soit compensée par l’État. Il me semble que le Gouvernement s’y engage : nous y serons particulièrement attentifs dans les semaines et les mois à venir.

Cela étant, monsieur le secrétaire d’État, la commission n’a pas accepté la prise en charge par la Cades de l’amortissement d’un tiers de la dette hospitalière, pour un coût de 13 milliards d’euros. Il s’agit là des bâtiments hospitaliers, et non des hôpitaux comme entités juridiques. Ces immeubles ne relèvent pas de la sécurité sociale – ils n’appartiennent pas à l’assurance maladie – et leur dette n’a pas été créée non plus par la sécurité sociale.

Comme l’ont souligné la Cour des comptes, puis, plus récemment, l’IGF et l’IGAS, comme beaucoup d’entre nous ont pu le voir en exerçant un mandat local, cette dette est très largement due à des investissements immobiliers surdimensionnés ou, en tout cas, mal maîtrisés, réalisés sur l’initiative de l’État et sous la tutelle parfois défaillante du même État, notamment dans le cadre des plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012.

Dans ces conditions, un tel transfert à la Cades constituerait un précédent dangereux. Nous avons tous lu l’inquiétant article que Les Échos ont consacré à cette question : qui, sur cette base, ne serait pas tenté de mettre, demain ou après-demain, n’importe quoi à la charge de cette caisse, au risque de prolonger indéfiniment son existence…

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