Intervention de Dominique Théophile

Réunion du 1er juillet 2020 à 15h00
Dette sociale et autonomie — Discussion générale commune

Photo de Dominique ThéophileDominique Théophile :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour l’examen en première lecture des projets de loi organique et ordinaire relatifs à la dette sociale et à l’autonomie. Il s’agit de deux textes ambitieux et nécessaires, alors que la crise sanitaire et économique que nous traversons jette une lumière crue, à peine atténuée par l’engagement sans faille du personnel soignant, sur les limites et les faiblesses de notre système de santé.

Cette crise a balayé d’un revers de main l’espoir de voir se résorber, d’ici à quatre ans, une dette sociale composée des déficits cumulés des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et disparaître avec elle la caisse chargée de son amortissement, la Cades.

Créée par l’ordonnance du 24 janvier 1996 pour une durée initiale de treize ans, la Cades a vu son existence prolongée à plusieurs reprises au rythme des transferts et des reprises de dette. La dernière en date remonte à 2010 après que la crise financière de 2008 a incité le gouvernement d’alors à transférer 130 milliards d’euros de dettes supplémentaires et à retarder son extinction de quatre ans.

La pandémie de covid-19 et les mesures de confinement mises en œuvre pour en limiter la progression ont provoqué à la fois un effondrement des recettes et une hausse des dépenses comme rarement – si ce n’est jamais – auparavant. Pour sécuriser durablement le paiement des pensions et des prestations, une reprise par la Cades de la dette de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’Acoss, qui n’a pas vocation à porter de tels déficits, est donc inévitable.

L’article 1er du projet de loi ordinaire relatif à la dette sociale et à l’autonomie prévoyait ainsi un nouveau transfert de dette pour un total de 136 milliards d’euros : 31 milliards d’euros de déficits cumulés jusqu’en 2019, 92 milliards d’euros au titre des déficits prévisionnels pour les exercices 2020 à 2023 et 13 milliards d’euros au titre de la reprise d’un tiers de la dette des établissements participant au service public hospitalier.

L’article 1er du projet de loi organique, quant à lui, prolonge jusqu’en 2033, c’est-à-dire pour neuf années supplémentaires, la durée de vie de la Cades, ainsi que la mobilisation de ses recettes, à savoir la CRDS, une fraction de la CSG et une contribution du Fonds de réserve pour les retraites.

Les textes adoptés par l’Assemblée nationale ont été partiellement modifiés lors de leur passage en commission. Parce qu’elle estimait que la prise en charge d’une partie de la dette des hôpitaux par la Cades devait incomber à l’État, la commission des affaires sociales est revenue sur cette disposition.

Le débat est évidemment légitime et méritait d’être posé. Il ne nous semble cependant pas incohérent qu’une partie de la dette des établissements de santé soit considérée comme une dette sociale, dès lors que ce sont les caisses primaires d’assurance maladie qui les financent en grande partie.

Il serait faux par ailleurs de considérer que les investissements réalisés ne l’ont été que dans l’immobilier. Pendant des années, en effet, les établissements de santé ont été encouragés à emprunter auprès des banques pour financer leurs besoins en raison d’un Ondam contraint. En effectuant ce transfert de dette dès 2021, les établissements de santé retrouveraient de la visibilité et des marges de manœuvre, ce qui leur fait actuellement défaut.

Notre groupe, attaché à cette opération de bonne gestion financière, a déposé un amendement visant à réaffecter une partie de la dette des hôpitaux à la Cades. Nous aurons, mes chers collègues, l’occasion d’en débattre dans quelques instants.

Ces deux projets de loi ouvrent en outre la porte à la création d’une nouvelle branche de la sécurité sociale – et d’un nouveau risque donc – consacrée à la prise en charge de l’autonomie. Cette réforme, attendue de longue date par les professionnels de santé, est une avancée sociale majeure qu’il nous faut saluer : elle offrira une ossature aux politiques existantes, favorisera la mise en œuvre de nouvelles mesures et encouragera une approche plus préventive de l’autonomie.

Dès 2024, date à laquelle s’achèvera l’amortissement de la dette reprise par la Cades en 2010, une fraction de la CSG sera réorientée vers la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, majorant ainsi son financement à hauteur de 2, 3 milliards d’euros.

Le secrétaire d’État, Adrien Taquet, l’a rappelé : en 2040, près de 15 % de la population, soit environ 10, 5 millions de personnes, auront plus de soixante-quinze ans. C’est deux fois plus qu’aujourd’hui.

Les précédents gouvernements avaient esquissé, sous des formes variées et avec des succès divers, les contours de la prise en charge de ce nouveau risque. Nous voici désormais à l’aube d’une réforme d’envergure que viendront compléter à l’automne la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 et, dans le courant de l’année prochaine, un projet de loi consacré au grand âge et à l’autonomie que nous souhaitons ambitieux.

Nous nous félicitons également de l’adoption en commission de notre amendement visant à intégrer les associations de personnes en situation de handicap au sein des concertations que mènera, dans le cadre de sa mission, M. Laurent Vachey. Cette réforme ne doit, en effet, et en aucun cas, omettre la question du handicap.

Les conclusions de cette mission feront l’objet d’un rapport, remis en septembre prochain au Parlement, sur les conditions de création d’un nouveau risque et d’une nouvelle branche de la sécurité sociale. Il précisera notamment les conditions de leur financement à court terme.

Cette réforme, faut-il le rappeler, est scrutée avec attention dans des territoires d’outre-mer vieillissants. En Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion, la part des personnes âgées de plus de 65 ans a été multipliée par 1, 5 entre 1999 et 2014 et devrait continuer à croître dans les années à venir. Selon l’Insee, cette part devrait ainsi doubler dans les Antilles d’ici à 2030, pour représenter près de 30 % de la population.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, parce qu’une meilleure prise en charge de l’autonomie ne saurait attendre, parce qu’il y voit une avancée sociale majeure, le groupe La République En Marche votera en faveur des projets de loi organique et ordinaire relatifs à la dette sociale et à l’autonomie, sous réserve évidemment de l’adoption de son amendement relatif à la prise en charge de la dette des hôpitaux.

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