Intervention de Jocelyne Guidez

Réunion du 1er juillet 2020 à 15h00
Dette sociale et autonomie — Discussion générale commune

Photo de Jocelyne GuidezJocelyne Guidez :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il n’y a pas de cohésion nationale sans fraternité, ni de fraternité sans solidarité. Notre héritage républicain, fidèle à la pensée de Victor Hugo, nous exhorte à considérer que rien n’est solitaire, mais que tout est solidaire. Le lien intergénérationnel au cœur de nos discussions est le pivot de tout modèle social qui veut inscrire son action dans l’équité et la justice.

Aussi, la dépendance et le soutien aux personnes âgées ou en situation de handicap constituent un enjeu vital. J’emploie volontairement le mot « enjeu », et non « problématique », car ces questions sont tout sauf une problématique. Elles sont partie intégrante de notre société. À l’aune du vieillissement de la population, notre réponse doit être ambitieuse.

En somme, si la question de l’espérance de vie est importante, celle de l’espérance de vie en bonne santé l’est d’autant plus.

Par ailleurs, répondre aux défis de la dépendance et de l’autonomie, c’est aussi se préoccuper de toute cette chaîne de personnes qui les accompagnent au quotidien. Les proches aidants constituent une pièce centrale du puzzle : ils doivent assumer à la fois des obligations professionnelles et d’autres, censées être plus « naturelles ». Ils doivent parfois faire face à de lourdes maladies comme Alzheimer. Surmenage, épuisement psychologique, manque de répit : les besoins sont immenses. Prenons garde, mes chers collègues, qu’ils ne redeviennent pas les grands oubliés. C’est également se soucier des professionnels, tout aussi indispensables, comme les auxiliaires de vie. Des mesures devront être prises tant sur l’attractivité de leur profession et sur la formation que sur la revalorisation des salaires.

Sur tous ces sujets, il faut espérer que le prochain rapport intègre ces dimensions sociales importantes et que ces dernières aient le plus vite possible une traduction législative et réglementaire. Encore faut-il avoir les moyens de ses ambitions.

Certes, ce projet de loi prévoit de créer une nouvelle branche au sein du régime général de la sécurité sociale et d’en placer la CNSA à la tête. Toutefois, il me semble important de retenir que nous nous apprêtons à créer la seule branche de la sécurité sociale qui ne réponde pas à une logique de guichet, mais à un risque dont les prestations actuelles sont principalement payées par un tiers : le département.

Par ailleurs, cette mise en place n’entraîne aucune modification des modalités de financement de la prise en charge de la dépendance et aucune nouvelle ressource n’y est substantiellement affectée.

La question de l’opportunité de ces deux textes se pose donc très clairement, en particulier du point de vue des bénéficiaires, lesquels, à ce stade, ne tireront aucun bénéfice de cette nouvelle branche.

Pour autant, au-delà du symbole, la création d’une cinquième branche sera l’occasion, pour le Gouvernement, de porter une politique financière dédiée au grand âge et à l’autonomie qui existera en tant que telle, sans être dépendante de l’évolution de l’Ondam. Mais encore faut-il des financements et une meilleure visibilité quant au calendrier. Or le transfert de 0, 15 point de CSG entre la Cades et la CNSA ne satisfait pas les besoins financiers. Cette affectation permettrait de majorer les financements de la CNSA à hauteur de 2, 3 milliards d’euros par an, mais pour quelles actions, sachant que le rapport Libault estimait le besoin à 10 milliards d’euros ?

Enfin, ce transfert n’interviendra qu’en 2024. Pourquoi attendre trois ans ? Même si des concertations sur les conditions de financement à court terme devraient avoir lieu, on s’interroge sur ce qui pourra être mis en œuvre prochainement et sur les moyens déployés. Sur ce point, ce texte n’apporte aucune réponse. Cette date permet tout simplement d’assurer le maintien de l’existence de la Cades.

Ainsi, alors que notre pays a besoin de plus d’accompagnement, la prochaine loi de financement de la sécurité sociale offrira-t-elle des mesures suffisantes ? Qu’en est-il également du projet de loi Grand âge et autonomie ? Sans mesures financières associées en loi de financement de la sécurité sociale, ce texte ne sera pas à la hauteur des attentes. À ce stade, nous avons encore beaucoup d’incertitudes.

Le groupe Union Centriste, qui aspire à plus de visibilité, votera tout de même en faveur de ce texte. Il tient toutefois à rappeler la nécessité de déployer des moyens à la hauteur des besoins.

Je terminerai en partageant les propos de la présidente de la CNSA : « La politique de l’autonomie ne peut pas être une politique en solde. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion