Intervention de Michelle Meunier

Réunion du 1er juillet 2020 à 15h00
Dette sociale et autonomie — Discussion générale commune

Photo de Michelle MeunierMichelle Meunier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon collègue Yves Daudigny a exprimé, en début de discussion générale, la ferme opposition de notre groupe à ces projets de loi. Pour ma part, j’évoquerai les questions relatives à la perte d’autonomie.

Ce n’est une surprise pour personne, il existe bien un besoin social concernant la prise en charge de la dépendance liée à l’âge. Le nombre de personnes âgées en perte d’autonomie a déjà été évoqué : il traduit la longévité de notre population, ce dont il faut se réjouir. Mais nous savons que cette ultime période de la vie peut être source d’inquiétude, pour les plus vieux comme pour leurs proches et leur famille.

La survenue des premiers signes de perte d’autonomie frappe la population de façon inégale, à des âges plus ou moins avancés. La prise en charge financière est complexe : l’évaluation du degré de dépendance est fixée par les grilles GIR – les groupes iso-ressources. Elles ne sont, il faut en convenir, qu’un instrument administratif d’affectation du soutien de la compensation que peuvent fournir les secteurs sanitaire et médico-social, à savoir l’aide apportée par les auxiliaires pour les gestes du quotidien au domicile et, pour les aînés les plus dépendants, dans les Ehpad.

Le reste à charge des coûts pour les bénéficiaires est varié. Il dépend du degré de dépendance, des ressources personnelles et du lieu de prise en charge.

Par ailleurs, le vieillissement est une source de fatigue pour les aidants, le conjoint ou les enfants, qui s’usent prématurément, « par porosité », comme le souligne la philosophe Cynthia Fleury.

Nous ne pouvons donc pas nous satisfaire d’un statu quo : la reconnaissance d’une cinquième branche et du risque « autonomie » doit permettre une meilleure couverture des frais nécessaires et une sanctuarisation des moyens.

Il existe un risque de perte d’autonomie lié à l’âge : ne plus pouvoir s’habiller seul, découper sa viande, laver son assiette, remplir son caddie… Décrite ainsi, il est évident que la perte d’autonomie peut survenir à tout âge de la vie, dès lors qu’on est affecté par un handicap. Pour les socialistes, le risque « autonomie » doit intégrer cette dimension. C’est l’occasion de lisser les différences de droit selon que l’on entre ou pas dans l’une ou l’autre des cases.

Ce risque lié au handicap est à ce jour insuffisamment couvert. C’est ce que nous dit le collectif Handicaps, lequel formule des recommandations auxquelles il faudra répondre : droit universel dès la petite enfance, reste à charge zéro, financement assuré par la solidarité nationale, équité sur les territoires, respect des droits et choix des individus concernés… Le secteur associatif devra être associé aux futurs travaux sur toutes ces questions.

Mes chers collègues, l’adaptation de la société au vieillissement n’est pas un enjeu nouveau et n’a pas été laissée de côté par les précédents gouvernements : c’était d’ailleurs l’intitulé de la loi que nous avons portée. Elle a permis de changer de regard sur cette tranche d’âge, a impulsé une dynamique de prévention et de lutte contre l’isolement. La loi a également relevé les plafonds de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile pour près de 700 000 bénéficiaires.

Résolus à poursuivre dans cette voie, les socialistes sont favorables, pour la gestion de ce nouveau risque, à la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale.

Le premier enjeu sera d’assurer une gestion démocratique, paritaire, plaçant les usagers au cœur des décisions.

Le second enjeu est évident : il s’agira d’assurer des recettes suffisantes à cette nouvelle branche. À ce stade, nous sommes réservés : comme cela a été dit et répété, l’abondement de 0, 15 point de CSG ne couvre pas les besoins supplémentaires. La préfiguration devra identifier ces ressources.

D’autres pistes devront être évoquées : financement par la branche maladie, avec d’autres cotisations ; quid de la solidarité nationale ? Il faut le dire, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes dans le flou face à cette improvisation soudaine du Gouvernement.

Vous profitez d’un transfert de dette sociale inacceptable pour poser la première pierre d’un chantier pharaonique. Nous ne sommes pas dupes de vos intentions. Nous craignons que vous ne bâtissiez que le rez-de-chaussée d’une branche de la sécurité sociale et qu’il revienne aux futurs assurés sociaux d’étayer le financement par des complémentaires « autonomie », sources d’injustice sociale et de creusement d’inégalités.

Pour toutes ces raisons, si la maîtrise d’ouvrage vous revient, sachez que la maîtrise d’œuvre devra compter sur toutes les énergies vigilantes, dont la nôtre.

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