Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Délégation aux entreprises — Réunion du 1er juillet 2020 à 16h35
Audition de Mme Agnès Pannier-runacher secrétaire d'état sur le plan de relance du gouvernement

Agnès Pannier-Runacher, Secrétaire d'État :

Madame la Présidente, chère Élisabeth Lamure, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, tout d'abord je voudrais vous remercier pour cette audition.

Dans la période difficile que nous traversons, il est effectivement très important que la représentation nationale soit tenue informée des mesures prises par le Gouvernement.

- 11% : ce sont les prévisions de récession pour la France dans le projet de loi de finances qui a été présenté par Bruno Le Maire lundi à l'Assemblée nationale. À titre de comparaison, la crise de 2008 a entraîné une récession autour de - 4,5%.

Il en va de même chez nos partenaires européens qui eux aussi subissent des chocs violents. La question est de savoir si la violence est comparable car lorsqu'on observe l'Allemagne, on aurait des raisons de s'interroger. C'est toute l'économie mondiale qui s'est arrêtée et chaque pays va devoir faire face à la récession.

Ce qui fera la différence, ce sera notre capacité à nous relancer rapidement et à construire une économie plus compétitive, plus résiliente et plus écologique. L'horizon est un changement de modèle productif.

Permettez-moi de revenir rapidement sur la réponse puissante du Gouvernement face à l'urgence et à la brutalité du choc économique du début de crise.

Pour protéger nos concitoyens et endiguer la propagation du virus, nous avons été amenés à arrêter du jour au lendemain l'activité économique qui n'était pas absolument nécessaire pour faire fonctionner le pays. Plus de la moitié de la population mondiale s'est retrouvée confinée.

Tout d'abord, la réponse s'est organisée rapidement, grâce au travail que nous avons mené main dans la main avec les entreprises, les filières et les collectivités territoriales. La première bonne nouvelle est que nos réseaux numériques ont tenu sur la 4G et sur le très haut débit. Ils ont mieux tenu que dans des pays proches comme l'Italie, car nous avions accéléré leur déploiement ces trois dernières années.

C'est un travail de longue haleine mené par ce Gouvernement.

Ensuite, nous avons accompagné massivement les entreprises. Les chiffres illustrent mon propos.

Nous avons mis en place le dispositif de chômage partiel le plus généreux d'Europe. Il a bénéficié à 12 millions de salariés.

Près de 500 000 entreprises françaises ont bénéficié d'un prêt garanti par l'État, pour un total de 104 milliards d'euros, selon les chiffres arrêtés le 19 juin.

Enfin, pour protéger spécifiquement les indépendants et les plus petites entreprises, le fonds de solidarité a mobilisé 4 milliards d'euros pour 3 millions d'entreprises.

Maintenant que le déconfinement a eu lieu et que l'économie redémarre, nous devons nous mobiliser pour permettre à nos entreprises de rebondir.

Ce que nous voulons c'est d'abord permettre aux secteurs qui sont les plus fragiles et les plus touchés par la crise de se redresser. C'est le volet défensif de notre action.

C'est pourquoi nous avons défini plusieurs plans sectoriels ciblés. Le plan pour le tourisme, l'hôtellerie, la restauration et l'événementiel mobilisera 18 milliards d'euros. Le plan automobile, 8 milliards d'euros ; le plan aéronautique - dont le secteur a connu une perte d'activité de 40 % - 15 milliards d'euros. Et 1,2 milliard du fonds d'investissement pour le secteur de la tech.

Lundi est venu s'ajouter un plan pour le commerce et l'artisanat ambitieux dont je vais rapidement exposer les trois volets.

Le premier concerne la trésorerie : il faut aider à la reprise grâce à plus de 900 millions d'euros supplémentaires disponibles dès 2020. Ce sont la prolongation du fonds d'un mois, la facilitation pour l'accès au « deuxième étage » du fonds, ainsi que des mesures de simplification - je pense notamment au dispositif « Madelin ».

Le deuxième consiste à accélérer la transformation numérique et écologique. Vous avez pointé ce sujet et il faut accompagner les entrepreneurs qui ne savent pas par où commencer dans ce domaine, par manque de culture de l'outil ou en raison de mauvaises expériences passées.

Notre objectif, c'est qu'une entreprise sur deux puisse utiliser le numérique pour augmenter son chiffre d'affaires et accroître sa clientèle. Dès juillet, nous allons mettre en place un accompagnement renforcé pour les TPE et PME qui souhaitent engager ou accélérer leur transition numérique. Cela peut passer par le référencement par une marketplace qui peut être la commune, selon la logique du programme « Action coeur de Ville ». Il n'y a pas une solution unique mais une approche en plusieurs étapes pour faire le diagnostic de l'entreprise, accompagner la numérisation puis financer, avec notamment le prêt France Num qui sera mis à disposition début juillet.

Concernant la transition écologique de nos artisans et commerçants, nous suivrons la même logique d'accompagnement.

Le troisième volet vise à redynamiser le commerce de proximité dans nos territoires. Il faut permettre à la Banque des Territoires de mener des actions du même esprit qu' « Action Coeur de Ville ». Puis, en lien avec les territoires, nous allons créer des foncières spécialisées - beaucoup existent déjà -, afin de racheter et rénover au moins 6 000 petits commerces dans les prochaines années.

Mais notre action est aussi offensive. Nous devons faire de la France une nation qui produit.

Une France qui produit, c'est une industrie qui relocalise et crée de la valeur. Pour cela, il faut identifier les chaînes de valeur stratégique pertinentes.

Une France qui emploie, ce sont des entreprises qui protègent et valorisent leur capital humain. C'est le moment d'accélérer l'investissement sur la formation et avec des mises à disposition de compétences d'une entreprise à l'autre, ce qui pourra servir pour utiliser les compétences des personnels d'Airbus au profit d'ETI et de PME, avec quelques jours de chômage partiel par semaine en complément. La ministre du Travail étudie les projets de partage des compétences avec une mobilité interentreprises.

Augmenter l'employabilité de nos concitoyens, c'est aussi relever le défi des compétences. Pour cela, nous avons deux réponses.

La première, c'est la mise en place d'une gestion prévisionnelle des compétences à l'échelle, que nous menons sur tous les territoires en lien avec les régions.

La seconde, c'est l'apprentissage et la formation, que ce Gouvernement a soutenu avec succès durant les trois premières années du quinquennat. Nous allons renforcer le dispositif en incitant les entreprises à embaucher des apprentis grâce à une prime de 8 000 euros pour un majeur et de 5 000 euros pour un mineur.

Enfin, une France qui innove, investit massivement dans l'industrie du futur et accompagne la modernisation de ses PME et ETI.

Je ne détaillerai pas les financements de l'innovation qui ont toujours pour objectif de favoriser la transition écologique : l'avion le plus « décarbonné possible ou le passage à la batterie électrique pour la voiture.

C'est pourquoi nous travaillons à l'élaboration d'un plan de relance global qui doit assurer notre croissance potentielle pour les années à venir.

Nous espérons pouvoir vous présenter un projet de loi au tout début du mois de septembre, avec un possible décalage des dates d'examen compte tenu des échéances du Sénat.

Ce plan de relance, il doit rendre notre économie plus solidaire et plus durable, en mettant en son centre le partage de la valeur et la responsabilité sociétale et environnementale, je sais que vous avez travaillé sur ce sujet.

La loi PACTE a permis des avancées majeures. Elle a notamment introduit dans le code civil l'obligation pour toutes les entreprises de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité, ainsi que des dispositions relatives au partage de la valeur et à l'implication des salariés dans la gestion des entreprises.

L'enjeu est aussi européen pour la solidarité et l'exemplarité.

Pour la première fois, l'Europe fait un pas en se dotant de ressources propres pour accompagner l'ensemble des pays. L'Allemagne a pris une position très forte en accompagnant ce mouvement avec une capacité de 750 milliards d'euros pour l'ensemble de l'économie européenne.

C'est ce qu'ont réaffirmé lundi à Meseberg le Président de la République et la Chancelière allemande.

Et nous allons avoir aussi besoin des régions et des collectivités locales.

C'est pourquoi nous allons organiser une large consultation au cours des prochaines semaines afin de donner corps à ces orientations.

Je souhaite revenir enfin sur les deux questions que vous m'avez posées. Sur la situation des producteurs de masques : nous avons accompagné la montée en puissance de ces différentes entreprises, qualifié leur production. Si cette production ne s'était pas mise en place, beaucoup d'entreprises auraient déposé le bilan, car elles n'avaient pas d'autre alternative. Il suffit d'observer la filière de l'habillement, particulièrement sinistrée. Cette production a donc sauvé des centaines d'entreprises et des milliers d'emplois.

A la date d'aujourd'hui, trois entreprises font la moitié des volumes de masques produits en France. Une entreprise a produit vingt millions de masques à usage unique, sans avoir de contrat. Il est évidemment d'usage de fabriquer en ayant des commandes. Certaines entreprises ont quatre à six jours de stocks et ont arrêté car elles doivent recharger leur carnet de commandes sur ce qui était leur métier initial. D'autres entreprises ont poursuivi leur production.

Nous avons demandé à la filière textile d'effectuer une mission sur ce sujet afin d'accompagner les entreprises qui ont déjà réduit leurs stocks à hauteur de 2,5 millions de masques en deux semaines. Le Président du Slip français et le Président de l'Union des industries textiles pilotent ce travail. Il s'agit de responsabiliser les entreprises ou les collectivités locales qui ont passé des commandes, certaines les ayant annulées. Ainsi la colère est légitime pour les entreprises qui ont produit pour répondre à de telles commandes et ont ensuite fait face à des annulations.

Avec la ministre du Travail et le ministre de la Santé, nous préparons la rentrée avec un risque de nouvelle circulation de la Covid-19 ; nous demandons aux entreprises de prévoir 10 semaines de stocks masques avec, en parallèle, une incitation à privilégier les filières françaises. Les masques lavables réutilisables sont, à l'usage, beaucoup moins chers que les masques chirurgicaux et sont compétitifs au regard du prix du masque chirurgical importé de Chine avant la crise. Il y a un vrai intérêt écologique, productif, et économique à utiliser les masques dans l'environnement de travail.

L'État dispose de stocks car il s'agissait de couvrir les besoins des écoles et des personnes en difficultés à compter du 11 mai. Nous les avions commandés à un moment où les fabricants français n'étaient pas en capacité de fournir. Le retard TPE-PME a été illustré au travers du Plan commerçants, je n'y reviendrai donc pas.

Je vous remercie.

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