Délégation aux entreprises

Réunion du 1er juillet 2020 à 16h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PME
  • investissement
  • masque

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Madame la Ministre,

Bienvenue à la Délégation aux entreprises du Sénat, puisque c'est la première fois que nous vous auditionnons, compte tenu de votre emploi du temps très chargé.

Je me réjouis donc de cet échange, les sujets d'intérêt commun ne manquant pas dans le contexte de crise que nous connaissons.

Vous le savez, l'ADN de notre Délégation est d'être à l'écoute des entreprises sur le terrain, en particulier les entreprises de taille intermédiaire (ETI), petites et moyennes entreprises (PME) et très petites entreprises (TPE), qui représentent le tissu économique local et l'essentiel de l'emploi dans notre pays. En près de six ans, nous avons rencontré ainsi plus de 1 000 entrepreneurs. Nous avons pris des initiatives pour que la vie des entreprises soit simplifiée, pour revitaliser les centres villes et centres-bourgs, faciliter les transmissions d'entreprise, promouvoir le développement des compétences des Français, créer les conditions d'une accélération de la nécessaire transition numérique des entreprises, ou encore pour rendre la RSE plus facile d'accès aux PME et mieux l'encourager.

Lundi après-midi, en séance publique à l'Assemblée nationale, à l'occasion de l'examen du troisième projet de loi de finances pour 2020, le gouvernement a présenté son plan de soutien aux commerces de proximité, artisans et travailleurs indépendants.

Au-delà des mesures conjoncturelles, nécessaires, nous aimerions aussi - et surtout - vous entendre sur les conditions de la réussite de la relance de l'activité des entreprises.

Tant dans le cadre de nos travaux, que de ceux conduits conjointement avec la commission des Affaires économiques du Sénat, nous avons avancé de multiples propositions. Nous avons parfois été entendus, parfois seulement partiellement, parfois pas du tout.

Nous espérons donc que vous prendrez pleinement en compte nos réflexions et recommandations. Le prochain PLFR 3 vous en donne l'opportunité, de même que le futur projet de loi de relance, dont vous pourrez, nous l'espérons, nous tracer maintenant les grandes lignes.

J'aimerais aussi attirer votre attention sur deux points importants à nos yeux, sachant que mes collègues vous poseront aussi des questions à l'issue de votre intervention liminaire.

En premier lieu, nous nous inquiétons de la situation ubuesque dans laquelle se retrouvent les entreprises qui se sont mobilisées pour fabriquer en urgence des masques chirurgicaux et du matériel médical. Elles ont fait preuve d'une remarquable agilité et se sont ainsi inscrites dans la volonté de relocalisation des industries stratégiques et de souveraineté économique et sanitaire. Or, paradoxalement, nombre d'entre elles rencontrent aujourd'hui des difficultés pour écouler leurs stocks, alors qu'elles avaient redirigé parfois entièrement leur production pour répondre aux impératifs. Ce manque de débouchés est un frein à la reprise de ces entreprises mais également une menace pour leur survie. Quelles mesures sont envisagées par l'État pour les soutenir et quelle est la politique d'achat envisagée pour l'avenir ?

En second lieu, la Délégation aux entreprises est préoccupée par le retard des PME et TPE françaises en matière de numérisation. L'une des causes de cette situation tient à l'insuffisante concurrence sur le marché de gros des télécoms, d'ailleurs reconnue par les régulateurs. Avec notre collègue Patrick Chaize, nous avons récemment déposé une proposition de loi pour une concurrence facilitant l'accès des clients professionnels à la fibre optique. L'accès à la fibre et à des services numériques adaptés, à un tarif raisonnable, est un prérequis pour rattraper notre retard. La situation actuelle montre à quel point il y a urgence et nous formons le voeu que le gouvernement et les régulateurs permettront de sortir d'une situation très dommageable pour l'activité économique et l'emploi sur nos territoires.

La parole est à vous, Madame la ministre, pour une quinzaine de minutes afin de laisser le temps pour les questions de mes collègues.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher, Secrétaire d'État

Madame la Présidente, chère Élisabeth Lamure, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, tout d'abord je voudrais vous remercier pour cette audition.

Dans la période difficile que nous traversons, il est effectivement très important que la représentation nationale soit tenue informée des mesures prises par le Gouvernement.

- 11% : ce sont les prévisions de récession pour la France dans le projet de loi de finances qui a été présenté par Bruno Le Maire lundi à l'Assemblée nationale. À titre de comparaison, la crise de 2008 a entraîné une récession autour de - 4,5%.

Il en va de même chez nos partenaires européens qui eux aussi subissent des chocs violents. La question est de savoir si la violence est comparable car lorsqu'on observe l'Allemagne, on aurait des raisons de s'interroger. C'est toute l'économie mondiale qui s'est arrêtée et chaque pays va devoir faire face à la récession.

Ce qui fera la différence, ce sera notre capacité à nous relancer rapidement et à construire une économie plus compétitive, plus résiliente et plus écologique. L'horizon est un changement de modèle productif.

Permettez-moi de revenir rapidement sur la réponse puissante du Gouvernement face à l'urgence et à la brutalité du choc économique du début de crise.

Pour protéger nos concitoyens et endiguer la propagation du virus, nous avons été amenés à arrêter du jour au lendemain l'activité économique qui n'était pas absolument nécessaire pour faire fonctionner le pays. Plus de la moitié de la population mondiale s'est retrouvée confinée.

Tout d'abord, la réponse s'est organisée rapidement, grâce au travail que nous avons mené main dans la main avec les entreprises, les filières et les collectivités territoriales. La première bonne nouvelle est que nos réseaux numériques ont tenu sur la 4G et sur le très haut débit. Ils ont mieux tenu que dans des pays proches comme l'Italie, car nous avions accéléré leur déploiement ces trois dernières années.

C'est un travail de longue haleine mené par ce Gouvernement.

Ensuite, nous avons accompagné massivement les entreprises. Les chiffres illustrent mon propos.

Nous avons mis en place le dispositif de chômage partiel le plus généreux d'Europe. Il a bénéficié à 12 millions de salariés.

Près de 500 000 entreprises françaises ont bénéficié d'un prêt garanti par l'État, pour un total de 104 milliards d'euros, selon les chiffres arrêtés le 19 juin.

Enfin, pour protéger spécifiquement les indépendants et les plus petites entreprises, le fonds de solidarité a mobilisé 4 milliards d'euros pour 3 millions d'entreprises.

Maintenant que le déconfinement a eu lieu et que l'économie redémarre, nous devons nous mobiliser pour permettre à nos entreprises de rebondir.

Ce que nous voulons c'est d'abord permettre aux secteurs qui sont les plus fragiles et les plus touchés par la crise de se redresser. C'est le volet défensif de notre action.

C'est pourquoi nous avons défini plusieurs plans sectoriels ciblés. Le plan pour le tourisme, l'hôtellerie, la restauration et l'événementiel mobilisera 18 milliards d'euros. Le plan automobile, 8 milliards d'euros ; le plan aéronautique - dont le secteur a connu une perte d'activité de 40 % - 15 milliards d'euros. Et 1,2 milliard du fonds d'investissement pour le secteur de la tech.

Lundi est venu s'ajouter un plan pour le commerce et l'artisanat ambitieux dont je vais rapidement exposer les trois volets.

Le premier concerne la trésorerie : il faut aider à la reprise grâce à plus de 900 millions d'euros supplémentaires disponibles dès 2020. Ce sont la prolongation du fonds d'un mois, la facilitation pour l'accès au « deuxième étage » du fonds, ainsi que des mesures de simplification - je pense notamment au dispositif « Madelin ».

Le deuxième consiste à accélérer la transformation numérique et écologique. Vous avez pointé ce sujet et il faut accompagner les entrepreneurs qui ne savent pas par où commencer dans ce domaine, par manque de culture de l'outil ou en raison de mauvaises expériences passées.

Notre objectif, c'est qu'une entreprise sur deux puisse utiliser le numérique pour augmenter son chiffre d'affaires et accroître sa clientèle. Dès juillet, nous allons mettre en place un accompagnement renforcé pour les TPE et PME qui souhaitent engager ou accélérer leur transition numérique. Cela peut passer par le référencement par une marketplace qui peut être la commune, selon la logique du programme « Action coeur de Ville ». Il n'y a pas une solution unique mais une approche en plusieurs étapes pour faire le diagnostic de l'entreprise, accompagner la numérisation puis financer, avec notamment le prêt France Num qui sera mis à disposition début juillet.

Concernant la transition écologique de nos artisans et commerçants, nous suivrons la même logique d'accompagnement.

Le troisième volet vise à redynamiser le commerce de proximité dans nos territoires. Il faut permettre à la Banque des Territoires de mener des actions du même esprit qu' « Action Coeur de Ville ». Puis, en lien avec les territoires, nous allons créer des foncières spécialisées - beaucoup existent déjà -, afin de racheter et rénover au moins 6 000 petits commerces dans les prochaines années.

Mais notre action est aussi offensive. Nous devons faire de la France une nation qui produit.

Une France qui produit, c'est une industrie qui relocalise et crée de la valeur. Pour cela, il faut identifier les chaînes de valeur stratégique pertinentes.

Une France qui emploie, ce sont des entreprises qui protègent et valorisent leur capital humain. C'est le moment d'accélérer l'investissement sur la formation et avec des mises à disposition de compétences d'une entreprise à l'autre, ce qui pourra servir pour utiliser les compétences des personnels d'Airbus au profit d'ETI et de PME, avec quelques jours de chômage partiel par semaine en complément. La ministre du Travail étudie les projets de partage des compétences avec une mobilité interentreprises.

Augmenter l'employabilité de nos concitoyens, c'est aussi relever le défi des compétences. Pour cela, nous avons deux réponses.

La première, c'est la mise en place d'une gestion prévisionnelle des compétences à l'échelle, que nous menons sur tous les territoires en lien avec les régions.

La seconde, c'est l'apprentissage et la formation, que ce Gouvernement a soutenu avec succès durant les trois premières années du quinquennat. Nous allons renforcer le dispositif en incitant les entreprises à embaucher des apprentis grâce à une prime de 8 000 euros pour un majeur et de 5 000 euros pour un mineur.

Enfin, une France qui innove, investit massivement dans l'industrie du futur et accompagne la modernisation de ses PME et ETI.

Je ne détaillerai pas les financements de l'innovation qui ont toujours pour objectif de favoriser la transition écologique : l'avion le plus « décarbonné possible ou le passage à la batterie électrique pour la voiture.

C'est pourquoi nous travaillons à l'élaboration d'un plan de relance global qui doit assurer notre croissance potentielle pour les années à venir.

Nous espérons pouvoir vous présenter un projet de loi au tout début du mois de septembre, avec un possible décalage des dates d'examen compte tenu des échéances du Sénat.

Ce plan de relance, il doit rendre notre économie plus solidaire et plus durable, en mettant en son centre le partage de la valeur et la responsabilité sociétale et environnementale, je sais que vous avez travaillé sur ce sujet.

La loi PACTE a permis des avancées majeures. Elle a notamment introduit dans le code civil l'obligation pour toutes les entreprises de prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité, ainsi que des dispositions relatives au partage de la valeur et à l'implication des salariés dans la gestion des entreprises.

L'enjeu est aussi européen pour la solidarité et l'exemplarité.

Pour la première fois, l'Europe fait un pas en se dotant de ressources propres pour accompagner l'ensemble des pays. L'Allemagne a pris une position très forte en accompagnant ce mouvement avec une capacité de 750 milliards d'euros pour l'ensemble de l'économie européenne.

C'est ce qu'ont réaffirmé lundi à Meseberg le Président de la République et la Chancelière allemande.

Et nous allons avoir aussi besoin des régions et des collectivités locales.

C'est pourquoi nous allons organiser une large consultation au cours des prochaines semaines afin de donner corps à ces orientations.

Je souhaite revenir enfin sur les deux questions que vous m'avez posées. Sur la situation des producteurs de masques : nous avons accompagné la montée en puissance de ces différentes entreprises, qualifié leur production. Si cette production ne s'était pas mise en place, beaucoup d'entreprises auraient déposé le bilan, car elles n'avaient pas d'autre alternative. Il suffit d'observer la filière de l'habillement, particulièrement sinistrée. Cette production a donc sauvé des centaines d'entreprises et des milliers d'emplois.

A la date d'aujourd'hui, trois entreprises font la moitié des volumes de masques produits en France. Une entreprise a produit vingt millions de masques à usage unique, sans avoir de contrat. Il est évidemment d'usage de fabriquer en ayant des commandes. Certaines entreprises ont quatre à six jours de stocks et ont arrêté car elles doivent recharger leur carnet de commandes sur ce qui était leur métier initial. D'autres entreprises ont poursuivi leur production.

Nous avons demandé à la filière textile d'effectuer une mission sur ce sujet afin d'accompagner les entreprises qui ont déjà réduit leurs stocks à hauteur de 2,5 millions de masques en deux semaines. Le Président du Slip français et le Président de l'Union des industries textiles pilotent ce travail. Il s'agit de responsabiliser les entreprises ou les collectivités locales qui ont passé des commandes, certaines les ayant annulées. Ainsi la colère est légitime pour les entreprises qui ont produit pour répondre à de telles commandes et ont ensuite fait face à des annulations.

Avec la ministre du Travail et le ministre de la Santé, nous préparons la rentrée avec un risque de nouvelle circulation de la Covid-19 ; nous demandons aux entreprises de prévoir 10 semaines de stocks masques avec, en parallèle, une incitation à privilégier les filières françaises. Les masques lavables réutilisables sont, à l'usage, beaucoup moins chers que les masques chirurgicaux et sont compétitifs au regard du prix du masque chirurgical importé de Chine avant la crise. Il y a un vrai intérêt écologique, productif, et économique à utiliser les masques dans l'environnement de travail.

L'État dispose de stocks car il s'agissait de couvrir les besoins des écoles et des personnes en difficultés à compter du 11 mai. Nous les avions commandés à un moment où les fabricants français n'étaient pas en capacité de fournir. Le retard TPE-PME a été illustré au travers du Plan commerçants, je n'y reviendrai donc pas.

Je vous remercie.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Je vous remercie de votre intervention.

Je vais donner la parole à mes collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

La Délégation sénatoriale aux entreprises a adopté il y a quelques jours un rapport sur les difficultés de recrutement dans les entreprises, qui intègre une approche sur l'évolution des métiers. Nous avons organisé la semaine dernière un débat sur les conclusions de ce rapport avec la ministre du Travail dans l'hémicycle. Nous proposons 24 recommandations dont certaines concernent une meilleure valorisation des compétences. Parmi elles, nous recommandons que dans le cadre du plan comptable, les formations puissent être intégrées dans les actifs immatériels de l'entreprise et donc soient amortissables à ce titre.

Au sujet du plan de relance, nous constatons les efforts effectués à destination de différentes filières, notamment l'aéronautique. Or, Air France et sa filiale HOP ont annoncé un plan social particulièrement difficile qui impactera beaucoup le département du Finistère. Ainsi, l'antenne de HOP à Morlaix sera amenée à disparaître. En matière d'aménagement du territoire, cette décision ne semble pas adaptée. Il s'agit ici de recentrer un certain nombre de services à Nantes, où se situe le siège social. Cela ne paraît pas constituer une répartition équilibrée de l'activité sur le territoire, d'autant plus que cette zone est également affectée par les difficultés du transport maritime. En effet, on parle beaucoup du transport aérien, mais quid du transport maritime de passagers ? Les premières rotations vers la Grande-Bretagne ont repris la semaine passée et les acteurs de secteur sont également très affectés par les difficultés liées à la crise sanitaire, en plus de celles liées au Brexit. Il faut donc également les accompagner.

Enfin, le leitmotiv de la Délégation est de simplifier la vie des entreprises. Dans ce cadre, je souhaiterais évoquer le sujet de la participation des salariés aux fruits de de l'expansion de l'entreprise, puisqu'il est normal que la valeur ajoutée soit répartie. Mais pourquoi est-il nécessaire de faire valider les accords d'intéressement par les DIRECCTE ? Supprimer cette obligation serait une mesure de simplification administrative. La loi donnerait ainsi la grande orientation sur les accords d'intéressement, et les entreprises pourraient les mettre en oeuvre ensuite de manière autonome, sans retour de l'administration.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Mme la ministre, j'ai bien noté votre objectif d'augmenter le chiffre d'affaires dans le numérique des PME et TPE. J'ai travaillé sur un rapport concernant les cyber-menaces, et pour anticiper et permettre aux PME et TPE de réagir aux menaces cyber, il est nécessaire de mieux faire connaitre la plateforme cybermalveillance.gouv.fr et de diffuser les « gestes barrières numériques ». J'ai alerté à ce sujet M. Thomas Courbe, votre Directeur général des entreprises (DGE), lors de son audition devant notre Délégation ; avez-vous prévu d'agir pour soutenir la communication de cette plateforme pour alerter nos entreprises sur les menaces cyber ?

J'ai ensuite deux questions sur le contrôle des investissements étrangers, puisque dans ces temps incertains, nos pépites sont des cibles de choix.

Je vous avais interrogée à ce sujet il y a un an lors des discussions autour de la loi « PACTE » et vous m'aviez déclaré que le dispositif Montebourg était « régulièrement utilisé chaque année, pour plus de dossiers qu'on ne le croit », et donnait lieu à des décisions du Gouvernement. J'avais donc demandé à votre ministère, par le biais d'une question écrite, un état statistique de la mise en oeuvre de ce décret relatif aux investissements étrangers en France. Il m'avait été répondu, il y a un an, que par souci de bonne information du Parlement dans ce domaine, ces données seraient rendues publiques dans les prochaines semaines, après l'entrée en vigueur dans la loi PACTE. Pourriez-vous m'indiquer quand nous disposerons de ces données statistiques sur la gestion du Gouvernement des investissements étrangers soumis à autorisation préalable ?

Dans le même esprit, mon second point porte sur un cas pratique. Une société française de haute technologie est sur le point d'être vendue à un industriel américain, ce qui serait désastreux pour notre indépendance technologique, et démontrerait une fois de plus qu'en France, nous sommes plus « start » que « up ». À l'heure où le Président de la République et les ministres de l'Économie et des Armées ne cessent de rappeler la nécessité de maîtriser nos technologies de sécurité, il semblerait que Gouvernement soit disposé à autoriser cette vente. Il avait pourtant exprimé son veto oralement fin mars. Cependant, des solutions alternatives existent pour cette ETI, et pour d'autres sociétés du même calibre, permettant de rester sous contrôle majoritairement français. J'ai écrit à Bruno Le Maire le 23 juin dernier à ce sujet ; quand pourrons-nous nous rencontrer pour évoquer les solutions alternatives avant la cession imminente, semble-t-il, de cette société à des compétiteurs américains ?

Enfin, quelles mesures envisagez-vous dans le cadre du plan de relance pour soutenir les chambres de commerce à l'international afin qu'elles appuient l'implantation des entreprises françaises à l'étranger et facilitent leur développement commercial à l'international ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Berthet

Je tiens à souligner que dès le début du confinement, nous avons pu assister à un réel accompagnement des entreprises. Cet accompagnement était nécessaire et a été apporté à la fois par les agences économiques régionales, mais aussi par les CCI et les CMA qui se sont fortement mobilisées pour faciliter l'accès aux aides mises en place par l'État aux très nombreuses entreprises à l'arrêt. Cet accompagnement devra se poursuivre dans la durée, peut-être très longtemps, notamment pour le remboursement du prêt garanti par l'État (PGE). Or, malgré leur impact positif, les CCI manquent cruellement de moyens ; pensez-vous maintenir leurs ressources fiscales sur 2021-2022 pour qu'elles puissent continuer ce qu'elles ont mis en oeuvre ? Quelles mesures d'accompagnement des entreprises envisagez-vous à moyen terme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Catherine Loisier

Je salue la clarté de vos propos concernant l'ingénierie pour les territoires et pour les entreprises, de manière à leur permettre de cibler leurs actions et de les accompagner dans ces outils de digitalisation, de transition écologique, qui constituent véritablement des outils de relance. Je salue aussi l'intérêt que vous accordez à la formation, qui est un élément de résilience et de compétitivité de notre pays, et qui sera notre capacité demain, à adapter nos formations et nos ressources humaines.

Je souhaiterais tout d'abord vous poser une question conjoncturelle. Dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, la DGCCRF a octroyé une dérogation aux règles d'affichage concernant notamment des produits carnés. Ces dispositions, si elles se prolongeaient, pourraient aller à l'encontre de nos préoccupations en matière de traçabilité, de transparence et d'information des consommateurs. Ces dispositifs dérogatoires sont-ils toujours en vigueur ? Quand s'achèveront-ils ?

J'ai par ailleurs une proposition à vous soumettre pour accompagner les entreprises : le crédit assurance inter-entreprises a été rouvert il y a quelques semaines, mais il s'avère à l'usage être un dispositif assez lourd. Dans l'esprit de simplification qui anime la Délégation aux entreprises, envisagez-vous de simplifier ces procédures, notamment sur le modèle de ce qui existe chez nos voisins allemands, et envisagez-vous un ajustement en volume de ces crédits inter-entreprises qui sont essentiels en matière de relance de l'activité ?

Ensuite, pour mobiliser l'épargne privée des français, au-delà des dispositifs projetés en partenariat avec Bpifrance, pourrait-on envisager que les fonds d'assurance-vie en unité de compte puissent investir dans le capital des entreprises et, dans ce cadre, bénéficier d'une garantie de l'État ?

Enfin, à plus long terme, il est un dispositif inscrit dans la loi de finances pour 2020 qui tend à imposer la facturation électronique de tous les clients en B2B, donc pour les entreprises, au 1er janvier 2023. Cela nous ramène à l'enjeu de digitalisation, et au questionnement autour du déploiement de la 5G. Le calendrier de ce déploiement sera-t-il repoussé ? Où en est-on sur cet enjeu majeur de numérisation des entreprises ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La relance économique doit passer par une montée en compétences numériques, vous l'avez rappelé. J'ai récemment commis un rapport au sein de la Délégation sur la numérisation des PME et des TPE. Parmi les recommandations de ce rapport, j'avais préconisé d'inscrire à l'actif du bilan des entreprises les investissements immatériels, y compris les prestations de conseil et de formation. L'autorité des normes comptables a proposé fin décembre 2019 une modification du plan comptable en ce sens, notamment pour la formation externe. Quel est votre avis à ce sujet ? Cela permettrait d'avoir un amortissement fiscal, voire aussi un suramortissement, ce que nous avons déjà proposé par voie d'amendement. D'autre part, concernant l'accessibilité du crédit d'impôt recherche aux petites entreprises, il s'agit d'un autre enjeu de simplification, car le CIR est aujourd'hui inaccessible pour les très petites entreprises. Enfin, vous avez parlé d'accompagnement pour la numérisation des TPE, mais il est important d'intégrer l'accompagnement en temps, car il s'agit souvent d'entrepreneurs seuls dans leur entreprise. Pour France Num, vous évoqué le mois de juillet, comment avance ce projet attendu depuis longtemps ?

En outre, je souhaiterais vous interroger sur les crédits que la mission Économie a ouvert et qui permettront de financer « des mesures de restructuration, de soutien aux conseils aux petites et moyennes entreprises et aux très petites entreprises et d'accompagnement à la numérisation, pour 40 millions d'euros ». Le montant ne semble-t-il pas faible dans la mesure où, comme l'a rappelé ce lundi le ministre de l'Économie, chacun a constaté, pendant la crise, que les commerces digitalisés s'en sortaient mieux que les autres ?

Par ailleurs, on parle beaucoup d'apprentissage mais peu des contrats de professionnalisation. Il est dommage que ceux-ci ne bénéficient pas de la même prime, alors même qu'ils coûtent plus chers aux entreprises que les contrats d'apprentissage. Il est également dommage que cette prime n'aille pas au-delà de la licence car nous sommes en retard sur l'apprentissage, et nous étions, avant la crise, quasiment en plein emploi sur tous les postes de niveau au-delà de la licence, il y a donc là de vrais besoins qui sont moins bien accompagnés. Pour finir, j'entends beaucoup de petites entreprises expliquer qu'elles n'ont pas pris le PGE car elles ont peur de ne pas pouvoir le rembourser. Quant aux exonérations de charges patronales, incluent-elles l'ex RSI ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Afin de répondre aux défis environnementaux et climatiques, vous avez évoqué la nécessité d'un changement de modèle productif, dont le corolaire est aussi un changement de modèle de consommation. Il va falloir sortir de la surconsommation pour avancer vers une sobriété de consommation qui soit choisie, vertueuse et heureuse, pour citer Pierre Rabhi. Cela signifie tout un changement de comportements, la nécessité d'une éducation à cet égard. Nous vous recevons la bonne semaine puisque, ce lundi, les conclusions de la Convention Citoyenne pour le Climat, dont on va beaucoup entendre parler dans les mois à venir, ont été rendues publiques. Parmi elles, un sujet concerne la consommation, il s'agit de la question de la publicité. Elle propose, et cela fait partie des engagements du Président de la République, dès 2023, d'interdire « de manière efficace et opérante » la publicité des produits les plus émetteurs de gaz à effet de serre sur tous les supports publicitaires d'une part, et de réguler la publicité afin de limiter fortement les incitations quotidiennes, d'autre part. Enfin, elle propose de mettre en place des mentions pour inciter à moins consommer, ce qui est tout l'inverse de nos modèles de sociétés de consommation. Toute l'industrie qui tourne autour de la publicité va devoir être remise en question. Comment réagissez-vous à ces propositions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Il est vrai que les dernières évolutions économiques amènent des remises en cause mais elles nécessitent une analyse approfondie et lucide pour éviter d'aller vers des leurres ou de fausses bonnes solutions.

Madame la ministre, je voudrais vous poser trois questions indépendantes les unes des autres.

Au sujet des masques, le Gouvernement a-t-il prévu une gestion publique d'un stock de masques dans la durée, en tenant compte des masques périmés, et donc prévoit-il la mise en place de marchés pluriannuels d'approvisionnement ? Il ne faudrait pas retomber dans les travers d'un précédent gouvernement car, au coeur de la crise, on savait plus ne plus où les masques étaient stockés, ni quel était leur état. Un stock public doit donc être géré dans une logique de moyen terme. Il doit sans cesse être renouvelé ce qui permettrait par ailleurs d'étaler la commande dans la durée et donc de donner des assurances de plans de charge à certaines entreprises spécialisées sur plusieurs années.

Nous évoquions le partage de la valeur, notamment les questions de l'intéressement et de la participation, et je regrette qu'à plusieurs reprises, y compris dans la loi « PACTE », le gouvernement ait refusé une extension de l'intéressement. Je sais qu'il y a eu la suppression du forfait social qui était incitative et dont on ne peut pas encore mesurer les effets, mais je pense qu'il est nécessaire d'aller dans cette direction et de rendre l'intéressement obligatoire non pas à 50 salariés mais beaucoup plus bas. De plus, ont été refusés également plusieurs amendements sénatoriaux qui facilitaient la mise en place de l'intéressement, d'abord dans les entreprises de moins de 10 salariés, puis dans les entreprises de moins de 50 salariés. Il s'agissait pourtant de moyens très simples, et qui participaient à la simplification, puisque dans les entreprises de moins de 10 salariés, cela pouvait être une décision unilatérale du chef d'entreprise, et dans celles de moins de 50 salariés, d'une décision temporairement unilatérale et ensuite classique.

Concernant l'écologie, je ne partage pas forcément les réflexions de mon collègue de groupe et ami Joël Labbé. Je pense qu'il nous faut faire attention, puisque que par exemple, l'économie numérique au niveau mondial a aujourd'hui une empreinte carbone beaucoup plus élevée que la totalité de la circulation automobile dans le monde, y compris celle des poids lourds. Il nous faut faire attention quand on pense que la dématérialisation ne génère pas de pollution, ou n'épuise pas les ressources ; c'est faux, car elle conduit à l'utilisation de métaux rares, de métaux épuisables, pour lesquels on ne prévoit que quelques années ou quelques dizaines d'années d'exploitation supplémentaires, dans des pays lointains. Nous voyons dans la Convention Citoyenne pour le Climat, qui personnellement n'est pas ma tasse de thé car je ne crois pas être de la génération du tirage au sort, des propositions comme la réduction de la vitesse sur autoroutes à 110 km/h. Pourtant, quiconque roule de nuit remarquera qu'il croise 90 % de poids lourds. Ne pourrions-nous pas imaginer dans un cadre européen et français, un plan massif d'investissements pour revenir à un fret ferroviaire digne de ce nom ? Remettre une grande partie des marchandises sur les voies ferrées, ou en mettant en place du ferroutage, aurait ainsi un réel impact sur les gaz à effet de serre. Or, cette possibilité n'est que très peu prise en compte, peut-être parce qu'elle suppose des dizaines de milliards d'euros d'investissements étalés sur une décennie, et qu'elle ne serait donc pas la réalisation d'un seul gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Nous avons présenté ce matin en commission un rapport sur la performance et la gouvernance des grands ports français, et leurs conséquences. Cette mission de six mois a mis au jour quelques mauvaises surprises. Déjà avant l'épidémie de la Covid-19, les ports français étaient dépassés par un certain nombre de ports du nord, mais aussi méditerranéens, rachetés pour certains par des entreprises chinoises. Cela signifie de l'activité en moins pour les ports français ou, en tout cas, pas suffisamment de progression dans leur activité. Pour prendre l'exemple des conteneurs, nous estimons dans notre rapport qu'il nous manque en France, en création d'emplois, entre 30 et 70 000 emplois, par rapport à ce qu'ont pu faire les ports du nord en matière de développement du conteneur. La transition écologique est dans toutes les bouches aujourd'hui, et tant mieux. Mais nous devons nous donner les moyens de cette transition : les grands ports français aujourd'hui ont un sérieux problème en matière d'intermodalité, qu'il s'agisse du fer ou du fluvial. Dites-vous bien qu'à Rouen, premier port céréalier français, sont acheminés des céréales qui viennent de la campagne et qui sont stockés dans des silos, ceux-là sont desservis par ce que le Réseau ferré de France appelle des « capillaires ». Ils sont en si mauvais état qu'on envisage aujourd'hui de transférer les transports qui se font actuellement en fer, sur la route ! Comment parler de transition énergétique quand nous avons des exemples de ce type ? Il faut donc des moyens supplémentaires, moyens que nous avons essayé d'estimer dans ce rapport afin de redonner de la performance à nos grands ports français, et donc à l'industrie en général et aux entreprises. Je terminerai mon propos en exprimant une crainte fondée sur la présence chinoise, à bas bruit, partout. Des ports sont rachetés, ainsi que des terminaux entiers. Nous avons la chance en France d'avoir le troisième armateur mondial de marchandises, avec un risque stratégique et souverain de voir passer cet armateur dans d'autres mains. Le ministère doit en être conscient et ne pas laisser faire ; c'est un risque dont mes collègues et moi avons l'intime conviction suite à ce rapport de mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Concernant la transition numérique et votre satisfaction par rapport au réseau qui aura tenu, je pense plutôt que la crise sanitaire a mis en exergue la véritable fracture numérique car un certain nombre de salariés n'ont pas eu la capacité, compte tenu de leur faible connexion, de faire cohabiter télé-enseignement pour les enfants et télétravail pour les parents. Nous avons donc encore beaucoup de progrès à faire sur la transition numérique, et certains territoires ont pris du retard en ce domaine. Comment les aider ?

Concernant la transition écologique, nous partageons tous l'envie d'aller vers cette transition, cependant, la France est constituée d'un tissu de PME et TPE extrêmement riche, qui ont été particulièrement fragilisées par cette crise, avec des trésoreries tendues. Comment imaginer que ces petites entreprises puissent investir dans un avenir très proche, avec un retour sur investissement qui se ferait à plus ou moins long terme ? J'en doute fortement.

Concernant l'apprentissage, la rentrée se profile et les jeunes choisissent en ce moment de se tourner ou non vers cette filière. Le statut scolaire alternant sera-t-il efficace et proposé dès cet été pour que les jeunes qui n'ont pas encore trouvé d'entreprise pour les prendre ne se détournent pas de l'apprentissage ?

Vous avez mis l'accent sur le rôle des collectivités et des régions notamment. En effet, les collectivités ont été extrêmement réactives ; est-ce donc l'annonce d'une décentralisation forte pour prendre des décisions au plus près du terrain ? Comment imaginez-vous cette décentralisation ?

Enfin, je rejoins ma collègue Pascale Gruny lorsqu'elle faisait référence au PGE dans son intervention. Aujourd'hui, la France a été en capacité de mettre en place un certain nombre de mesure salutaires pour les entreprises, mais les délais de remboursement restent limités dans le temps et risquent de décaler les difficultés pour les entreprises à moyen terme.

Debut de section - Permalien
Agnès Pannier-Runacher, Secrétaire d'État

M. Canévet, sur les difficultés de recrutement, vous êtes revenu sur l'importance de mieux valoriser les compétences, je partage votre point de vue. Dans les études préparatoires au pacte productif, il est ressorti un « mismatch » de compétences entre les salariés et leurs postes. Cela concerne à peu près 60 % des salariés ce qui est considérable. Il y a donc un vrai besoin de montée en compétences des salariés et d'accompagnement pour continuer à progresser.

Cela a des conséquences sur le terrain pour les entreprises en difficulté. Il y a des opérateurs industriels qui ont des compétences extraordinairement spécifiques, fines. Dans le dossier Luxfer, qui a un peu défrayé la chronique, j'ai beaucoup échangé avec le responsable CGT de l'entreprise qui me disait : « Mes gars sont capables de faire des alliages avec une technologie unique au monde. » Il s'agit d'alliages qui permettent de comprimer encore plus le gaz que vous mettez dans les bouteilles, et donc d'avoir une efficacité décuplée et des propriétés industrielles très utiles. Mais certains d'entre eux, parce qu'ils n'ont pas de parcours académique, sont dans une grande difficulté pour se reconvertir dans des compétences qui correspondent à leur savoir-faire. Beaucoup sont partis dans le domaine du transport routier, mais cela ne correspond pas à leur savoir-faire ce qui est extrêmement dommage. C'est un vrai sujet que d'accompagner ces décalages. Il existe des questions de mobilité, mais également la question de comment faire venir les réimplantations industrielles vers les compétences. En effet, on ne peut faire de mobilité avec tout le monde. Si vous prenez le site de Bessé-sur-Braye, la fermeture concerne 500-600 salariés, et tout le monde ne peut pas partir, tout le monde ne peut pas vendre sa maison. Il n'y a pas 600 candidats pour racheter une maison à Bessé-sur-Braye ou dans ses environs. Nous avons donc mis spécifiquement en place une expérimentation avec Action logement pour permettre à la personne qui souhaite partir d'évacuer le problème de la vente de sa maison, et d'avoir une solution de portage.

Ensuite, la construction de solutions ne passe pas uniquement par la décentralisation car elle reste encore en hauteur par rapport aux territoires quand elle concerne la région. En revanche, les Territoires d'industries fonctionnent bien pour la plupart. Nous avons plus de 1 000 « fiches actions » qui sont remontées, dont une centaine concernant des projets très précis et spécifiques aux territoires et pouvant être délivrés à la fin de l'année. C'est pour moi une forme de décentralisation qui peut permettre d'asseoir tous les acteurs à une même table, c'est-à-dire les opérateurs de l'État, les collectivités locales dans leur vision stratégique d'attractivité, et les chefs d'entreprise. Cela permettrait d'avoir la construction d'une vision commune entre les entreprises, les élus locaux et l'État qui proposerait des solutions plutôt que de réguler ou de bloquer des projets. L'enjeu est d'accompagner ces projets en leur amenant de la souplesse dès lors qu'ils intègrent toutes les parties prenantes.

Concernant la simplification de la vie des entreprises, cette question est traitée à destination des PME dans le « Plan commerçants », notamment sur le point des OGA (organismes de gestion agréés) dont les demandes sont récurrentes. Les entreprises ne comprennent pas pourquoi elles font l'objet d'une taxation lorsqu'elles n'adhèrent pas à un OGA. C'est une des simplifications que nous portons, comme nous l'avons fait dans la loi ASAP qui en portait un certain nombre. Pour être tout à fait claire, nous sommes preneurs des éléments de simplification, sentez-vous libres de nous faire remonter des éléments.

Au sujet de la validation des accords d'intéressement par les DIRECCTE, je ne vais pas répondre à la place de ma collègue ministre du Travail, mais je peux affirmer que les DIRECCTE sont très réactives dans leur validation de ces accords. Cette validation est rarement le facteur bloquant de ces accords mais j'entends votre point qui pose la question du dilemme entre la décision ex-ante et le contrôle a posteriori. On pourrait éventuellement faire confiance aux acteurs du territoire et procéder à des vérifications ex-post, surtout lorsque l'application des accords ne se passe pas comme prévu, mais il existe toujours un risque juridique. D'ailleurs, nous avons un comité de pilotage qui simplifie les CERFA et qui réécrit les lettres d'avertissement aux entrepreneurs afin qu'elles soient plus compréhensibles et moins « juridiques », avec la présence d'un contact pouvant les accompagner dans la mise en conformité. Cela nous permet d'adopter une posture d'accompagnement plutôt qu'une posture de contrôle. Les entreprises ont besoin d'être accompagnées, on ne peut pas demander aux chefs d'entreprise de maitriser la complexité administrative qu'il faut reconnaître. C'était l'enjeu des lois ESSOC, du droit à l'erreur et du dispositif « dites-le nous une fois » sur lesquels nous continuons de travailler.

Concernant le site cybermalveillance.gouv, nous en faisons la publicité et je note ce point afin de voir si nous pouvons le faire de manière plus systématique. Les CCI, les CMA et les fédérations peuvent nous y aider. France Num et l'Autorité nationale en matière de sécurité et de défense des systèmes d'information (ANSSI) font un bon travail de conseil notamment sur les réseaux sociaux et avec des formats vidéo courts. Nous travaillons avec le Comité stratégique de filière « Industries de sécurité » sur ces questions-là, car il y a un tissu d'ETI, de PME et de start-ups particulièrement brillantes sur le sujet de la cybersécurité.

Au sujet du contrôle des investissements étrangers en France (IEF), nous avons plus de 100 dossiers qui passent chaque année à Bercy. Chacun des dossiers ne donne pas lieu à des décisions - auquel cas le projet est rejeté - mais c'est la discussion qui est importante.

Concernant le dossier industriel que vous évoquiez, nous avons fait passer un certain nombre de messages à l'actuel propriétaire afin que la transmission de cette entreprise se fasse dans des conditions qui nous conviennent, mais il n'y pas de décision imminente pour le moment.

Au sujet du commerce extérieur, je ferai le lien avec le financement des CCI et les mesures d'accompagnement. Je préciserai d'abord que nous avons bien travaillé avec les CCI et les CMA pendant le démarrage de la crise : les DIRECCTE ont d'abord pris la majorité des appels. J'en profite pour vous préciser que les DIRECCTE ont vu leurs effectifs divisés par trois et que vous ne verrez pas d'augmentation d'effectifs dans les prochains budgets. Les DIRECCTE se sont articulées avec les CCI afin de traiter des appels et des messages entrants : 800 000 pour les CCI et 1,5 million pour les CMA. Mais surtout, ils ont traités des appels sortants, notamment avec la mise en place d'un accompagnement psychologique des chefs d'entreprise par la redirection vers des professionnels, au vu des situations individuelles délicates dont les interlocuteurs ont pu être témoins. Cela a très bien fonctionné au prix d'une réallocation des missions, certaines n'ayant pas été effectuées, ce qui n'était pas illégitime.

À ce stade, nous restons sur la trajectoire financière que nous avons donnée aux CCI et sur laquelle elles ont travaillé. Le sujet, c'est la transformation : il est important que les CCI puissent fournir ce service aux entreprises de la manière la plus appropriée possible. Nous avons des remontées de satisfactions diverses à ce sujet. Nous sommes aux côtés de Pierre Goguet et du nouveau président de la CMA, mais nous opérerons cette transformation car nous pensons qu'elle sera bénéfique pour les entreprises. Le plan de soutien aux entreprises est une opportunité pour les CCI et les CMA. Il pourrait être accompagné de moyens supplémentaires mais avec l'idée qu'une augmentation du budget sera compensée par une diminution par ailleurs.

L'engagement sur le numérique est un véritable défi. Il est très difficile d'attraper toutes les TPE et PME pour les engager dans cette transformation. Cela suppose d'avoir une cartographie claire des acteurs pouvant les aider rapidement mais sans forcément les diriger vers des outils internationaux comme des plateformes, sur lesquels on peut avoir des réticences en matière de souveraineté. On peut alors aller vite avec certains acteurs ou plus lentement avec notre écosystème qui n'est pas encore structuré. Nous avons besoin de médiateurs qui accompagnent ces PME et TPE, malheureusement pas toujours disponibles. Nous essayons de travailler sur une approche par des tiers-lieux mais ils n'ont de sens que s'ils sont dirigés à la fois vers les particuliers et les professionnels. Il y a un vrai enjeu d'exécution qui doit être discuté avec BPI, CCI, CMA, les régions et les agences de développement sur les territoires : nous choisirons la solution la plus adéquate en fonction des territoires en nous appuyant sur France Num. Les prêts de ce dernier seront prêts début juillet. Les conditions seront moins attractives que les PGE, les banques ne réalisant pas de marge sur le PGE, mais ils seront disponibles avec une enveloppe de 750 millions d'euros, ce qui est plutôt conséquent.

Au sujet des règles d'affichage de la DGCCRF, tous les délais figurent sur leur site internet, je vous invite à le consulter.

Concernant les crédits interentreprises, nous avons eu des problèmes au démarrage mais le nombre de dossiers est en diminution, nous faisons donc l'hypothèse que les démarches ont été simplifiées. Je vous invite à nous faire remonter les situations de façon groupée afin de faciliter nos discussions avec les interlocuteurs.

Nous avons défini de façon très claire des priorités dans le plan de relance, telles que la rénovation thermique ou le fret ferroviaire. Nous continuons à travailler sur la mobilisation de l'épargne en tenant compte des effets d'aubaine, de l'efficacité et de l'appréhension des Français sur le déblocage ou l'accumulation de leur épargne. Vous avez pu voir que nous avons proposé dans le projet de loi de finances rectificative la possibilité de déblocage de sommes des contrats dits « Madelin ». Au sujet du fléchage de l'épargne vers les entreprises, je m'exprimerai à titre personnel : nous pourrions construire un instrument de solidarité entre tous les Français par le biais du livret A, en leur proposant d'investir sur des projets concrets comme la rénovation thermique, voire dans des entreprises. Nous avons également lancé une mission avec l'Inspection générale des finances sur la distribution de chèques à la consommation, système basé sur les titres restauration et qui stimulerait la consommation de proximité. Certaines municipalités travaillent sur ce système, fléchant la consommation sur des secteurs géographiques bien définis. La question serait de savoir quel traitement fiscal serait appliqué à ce dispositif, la mission devrait rendre ses conclusions en septembre.

La facturation électronique arrivera bien au 1er janvier 2023, nous sommes sur la bonne voie et travaillons avec les experts-comptables pour mettre en place les instruments nécessaires.

Je délie cette question de la 5G étant donné que l'usage de cette dernière est industriel, notamment dans des environnements d'objets connectés comme par exemple dans les ports. Il existe des usages pour les particuliers, en augmentant la bande passante dans des endroits déjà saturés, mais il n'y a pas d'intérêt à la déployer sur tout le territoire. Les usages sont industriels, ils peuvent être liés à la santé pour les CHU, ou les établissements médicaux en milieu rural, mais ils restent à inventer. Nous sommes le dernier pays à déployer la 5G parmi les grandes économies industrielles. Je fais confiance à ces pays qui déploient de façon réfléchie et responsable cette technologie. Les questions sont justes, nous avons une trajectoire sur les réseaux numériques pour limiter notre impact environnemental d'ici 2025. Cela passe en effet par l'utilisation de la 5G, moins énergivore que la 4G, la 3G ou le cuivre, il faut donc trouver un équilibre entre cette économie et l'augmentation de la masse de données traitées. Il faut néanmoins créer une économie d'usages responsables et permettant de rendre le consommateur actif et acteur de sa consommation. L'IGAS, l'IGF, le Conseil général de l'économie (CGE) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGED) lanceront une enquête sur les bonnes pratiques sanitaires en matière de fréquence, je veux également associer la représentation nationale à ce sujet important.

Nous avons travaillé sur l'amortissement de la formation, le problème est que la formation est une dépense d'exploitation directement déductible de l'impôt sur les sociétés. Il n'y a pas forcément d'utilité à le matérialiser, sauf s'il y a d'autres objectifs.

Concernant, le crédit d'impôt recherche (CIR) pour les PME, je suis d'accord, il faut simplifier le dispositif.

Pour l'ouverture des 40 millions d'euros de crédit pour la numérisation des PME et des TPE, c'est un début et je suis favorable à ce qu'on aille plus loin.

Les contrats de professionnalisation seront discutés avec les contrats d'apprentissage dans le projet de loi de finances rectificative.

Au sujet du dispositif de prêts garantis par l'État. On ne peut pas aller au-delà d'un an plus cinq ans sur le délai de remboursement, compte tenu des critères européens. Nous avons un droit des entreprises en difficulté de très grande qualité, en particulier avant le redressement judiciaire, et il faut utiliser toutes les procédures qui permettent d'accompagner les entreprises. Notre droit permet de rééchelonner les créances jusqu'à 10 ans ; les entreprises utilisent malheureusement ces dispositifs beaucoup trop tard et il faut les inciter à en faire usage.

Concernant les charges patronales, le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) a pris en charge jusqu'à 1 500 €, ce qui équivaut à un effort total d'un milliard d'euros à destination des indépendants.

Je partage l'avis de Joël Labbé sur la publicité. À l'instar des entreprises Veja, le Slip français et 1083, lors de la relocalisation, il faut repenser le modèle de distribution, de publicité et de promotion. Afin de proposer un prix correct pour le consommateur, il faut trouver une autre expression du partage de la valeur. Nous avons lancé une réflexion avec la mission sur la relocalisation de produits textiles en France.

Sur le marché pluriannuel et les stocks de masques, je me suis occupée de faire de l'appui sur les masques « grand public » et je vous renvoie donc à Santé Publique France pour les masques médicaux. L'objectif est effectivement d'avoir un stock stratégique et il sera bien constitué en septembre.

Au sujet des accords d'intéressement, je partage le souhait d'aller plus loin. Je rappelle qu'il est possible de procéder unilatéralement à la mise en place d'un contrat d'intéressement dans les entreprises de moins de 11 salariés, mais que la durée des contrats peut être d'un an renouvelable afin d'inviter les entreprises à se familiariser avec ce dispositif, dans le but qu'il devienne pérenne.

Le fret ferroviaire est un des sujets sur lesquels nous souhaitons travailler dans le plan de relance.

Sur la performance des ports français, la mission menée par Patrick Daher et Éric Hémar concluait qu'il y avait un écart de compétitivité de 15 % avec nos concurrents. Nous avons mis en place France Logistique. Il reste un grand travail à faire pour réaménager des routes résistantes et redonner de la compétitivité aux ports. Cela suppose qu'il y ait de l'inter-modalité et qu'on organise de plus grands centres logistiques regroupés, ce qui est plus écologique dès lors qu'ils sont efficaces et bien positionnés sur le territoire. Anne-Marie-Idrac, présidente de France Logistique, s'est saisie de ce sujet attendu par les industriels, je compte sur elle pour formuler des propositions.

Concernant la présence d'entreprises chinoises dans notre économie, je ne m'inquiète pas, notamment en ce qui concerne l'entreprise CMA CGM, qui a une très grande résilience.

Nous tiendrons notre engagement sur la 4G et sur le newdeal. Nous allons rattraper le retard pris pendant le confinement, Julien Denormandie a fait un point à ce sujet vendredi dernier. Sur le déploiement du très haut débit, nous devons regrouper tous les acteurs autour de la table, y compris les collectivités territoriales, afin de procéder à l'instruction des dossiers. Nous allons examiner les offres commerciales existantes qui parfois n'arrivent pas jusqu'aux entreprises. C'est une des priorités, peut-être plus que le sujet traité par la proposition de loi. Sébastien Soriano, président de l'ARCEP, y travaille, notamment avec Orange.

Sur la transition écologique et énergétique des PME, cela pourrait être un des objets du plan de relance et passer par la subvention d'une partie des investissements. Cela est aussi envisagé pour l'investissement vers le numérique, qui entraine un retour rapide sur investissement, contrairement aux investissements dans la transition écologique dont le retour est plus lent.

Je vous remercie.

La réunion est close à 18 heures.