Nous pouvons envisager deux actions du groupe La Poste : l'identification des besoins et la création de solutions pour répondre à ces besoins. C'est ainsi que notre groupe peut agir ; dans un cadre fixé par l'autorité publique bien sûr, et dans un cadre partenarial. Nous sommes une grande maison, souvent le premier employeur dans les territoires. Certains pourraient penser que notre démarche n'est pas assez ouverte, mais au contraire, nous sommes entièrement dans une logique partenariale. Nous avons cette année signé un cinquième contrat tripartite de présence postale ; cette logique du contrat est au coeur de notre fonctionnement.
Pour l'étape de l'identification, la vigilance passe d'abord par la visite régulière du facteur. Nous pourrions en plus demander aux facteurs de diffuser un test d'aptitude numérique. Cette mission permettrait d'utiliser le savoir-faire essentiel pour mener ces actions dans une atmosphère de confiance : tout le monde a confiance en son facteur.
Cette même question de vigilance se pose aussi dans le cadre du Ségur de la santé. En Occitanie, nous avons lancé avec le Professeur Bruno Vellas, gérontologue à Toulouse, un système de visites auprès des personnes âgées afin de vérifier régulièrement leur situation et signaler les cas difficiles. Cela pourrait également s'appliquer dans le cadre de l'inclusion numérique, ou même à d'autres domaines tels que la rénovation thermique pour adapter les logements au grand âge. Si nous allons vers un « cinquième risque », le domicile jouera un rôle clé dans le déroulement des dernières étapes de la vie. Si nous choisissons de mettre en place une mission de vigilance, elle pourrait être généralisée et être ainsi moins coûteuse.
Une fois les besoins identifiés, nous pouvons ensuite apporter des solutions à cet illectronisme. Pour les personnes qui sont le moins loin, nous pourrions les doter d'un outil, comme nous l'avons fait avec le conseil départemental des Landes à travers le projet « XLandes et Village d'Alzheimer », qui dote les personnes âgées d'un outil numérique.
Nous pourrions dans un deuxième temps être un acteur de l'intermédiation entre ces personnes à domicile et les services de l'État. Considérons la situation des banques. La Banque Centrale Européenne et la Banque de France exigent une connaissance précise de leurs clients pour lutter contre le blanchiment d'argent et le terrorisme. Or les banques peinent à récupérer des informations sur leur client (pièces d'identité, certificats, etc.) sous forme numérique, soit parce que les gens ne savent pas transmettre ces documents sous forme numérique, soit parce qu'ils oublient. Les facteurs peuvent jouer le rôle d'intermédiaire en allant voir les gens, en leur indiquant les documents dont leur banque a besoin, et en proposant de récupérer ces documents lors de leur passage la semaine suivante. Avec une telle démarche, les taux de réponse sont considérables. Les facteurs peuvent vraiment aider les gens à domicile à accéder aux services publics de l'État. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle notre Président de la République a beaucoup plaidé la cause des « France Services mobiles ». Ces services supposent que les facteurs aient l'outil nécessaire pour offrir aux gens une interface numérique par proximité humaine, pour les aider dans les démarches administratives. Ce qui vaut pour les services de l'État vaut pour tous les services des autres opérateurs de service public, d'intérêt général ou les services essentiels.
Enfin, nous pourrions également intervenir dans le domaine de la formation, si nous nous appuyons sur le constat que je vous ai présenté un peu plus tôt : sur les 42 000 clients qui ont fait nos tests dans 300 bureaux de poste, 20 % ont été identifiés comme éloignés du numérique, et 37 % de ces 20 % sont intéressés pour bénéficier d'une formation. Les postiers pourraient ensuite délivrer nos propres services à cette occasion-là : des services d'autonomie, d'alerte, etc.
La Poste pourrait donc intervenir sur les deux volets d'identification et d'intermédiation pour apporter des solutions directes.
Nous avons été impressionnés par ce que nous avons constaté, à notre échelle, pendant la pandémie. Le site laposte.fr est passé de 15 millions à 35 millions de visiteurs uniques sur un mois. À titre de comparaison, Google est à 55 millions et chacun va sur Google plusieurs fois par jour. L'explosion du numérique a donc procuré beaucoup d'utilité aux gens, et votre préoccupation de l'exclusion du numérique prend d'autant plus de sens compte tenu de cette puissance du numérique.