Sur le Pass numérique, nous sommes actionnaires (aux côtés de l'État et de la MAIF notamment) en fonds propres et en quasi-fonds propres de la société APTIC, opératrice du Pass numérique. Une levée de 2 millions d'euros a servi à construire les capacités, recruter des gens dans cette société d'intérêt collectif, dans laquelle la Caisse et l'État sont très présents. Ce n'est pas une société publique, mais elle revêt un caractère d'intérêt général très fort. Le statut de société coopérative aussi est très intéressant car il permet d'associer les collectivités territoriales à la gouvernance. Je signale qu'il s'agit d'un des rares cas de participation de collectivités à des sociétés économiques dans un modèle économique d'investisseur. Cela permet de casser cette logique de prescripteur, acheteur/acheté et de construire autrement un dispositif.
Jusqu'alors, 10 millions d'euros ont été injectés en 2019, et 15 millions d'euros ont été annoncés avec le cofinancement « 1 euro pour 1 euro » entre l'État et les collectivités. Les collectivités engagées sont souvent les plus matures. Du fait de leur implication dans la stratégie nationale, elles savent ce qu'est le Pass numérique et savent quasiment le distribuer : la Nouvelle Aquitaine, la Drôme ou la Normandie sont des exemples pertinents, des territoires très structurés.
Un dispositif de hubs consiste à aller chercher les territoires les plus reculés. Depuis le début de l'année, nous avons organisé trois webinaires avec des territoires qui n'étaient pas concernés initialement par le Pass numérique, afin de leur expliquer les dispositifs mis en place, notamment pour les diffuser auprès du public. Cela représente une trentaine de départements.
Nous pouvons également évoquer les territoires d'expérimentation, les « TANI », un dispositif de bonnes pratiques et de partage au niveau de l'ANCT. Il s'agit d'une communauté animée via du numérique (pour l'instant), y compris avec le secrétaire d'État, en partage d'expérience, partage des charges etc.
Effectivement, le Pass numérique concerne pour l'instant les territoires les plus matures car il faut pouvoir identifier les lieux dans lesquels il serait bénéfique. Beaucoup de collectivités ont cette maturité car des schémas directeurs au niveau départemental ont été mis en place, y compris avec les préfets.
La seconde problématique vient de la manière dont vous le diffusez, cette question est plus complexe. Une fois les Pass numériques achetés, il faut identifier les bons citoyens à qui les donner. Cette identification est extrêmement compliquée car aujourd'hui seules les personnes en interface directe avec nos concitoyens se rendent compte des difficultés. Nous devons fournir une mini-formation pour expliquer les critères d'éligibilité au Pass numérique. Nous devons être vigilants car dans une France Services ou dans une mairie, vous pourriez très bien donner un Pass numérique à une personne de manière non ciblée. Or, nous savons que le ciblage est la clef de la réussite.
Je citerai deux exemples. D'abord en Saône-et-Loire, où j'ai vu des Pass numériques être donnés suite à la numérisation du Chèque emploi service universel (Cesu). Le Cesu est très basique mais du jour au lendemain, il est passé en numérique et il est devenu compliqué de commander des chèques Cesu. Cette difficulté n'a pas du tout été repérée par l'administration et s'est révélée très importante l'hiver dernier. La majorité de la médiation s'est concentrée sur cette question. Le Cesu n'étant pris en charge par personne, des ateliers Pass numériques ont été organisés pour répondre à ce problème.
Le second exemple, c'est le décrochage scolaire. À Dijon, le rectorat a identifié les parents des décrocheurs scolaires dans les collèges. Assez vite, la corrélation a été faite entre le décrochage de l'enfant et le fait que les parents n'utilisaient jamais les outils numériques : Pronote, l'ENT... Le CPE identifiait l'élève et donnait un Pass numérique aux parents concernés, car beaucoup de parents ne savaient pas faire et n'osaient pas demander, par honte. Cela a bien fonctionné car cela était très ciblé, pour un moment donné. Nous devons donc avoir une vision stratégique autour des lieux, de la façon dont on va les diffuser, en même temps que sur les préoccupations réelles.
Je finirai sur les cartes grises, un cas très particulier. Aujourd'hui, des préfets ont autorisé des opérateurs privés à facturer 29 euros pour cette procédure, alors que des préfectures ont fermé et que des France Services font cette même procédure gratuitement. C'est un vrai sujet que nous devrons aborder. Nous avons reçu la société Feu Vert dans le cadre de la Stratégie nationale pour un numérique inclusif. Elle nous a expliqué que finalement, dans le panier moyen de la réparation d'une automobile, les consommateurs paient 29 euros pour s'épargner une procédure administrative. Cela ne pourrait-il pas être pris en charge par le Pass numérique ? Nous aimerions que les élus territoriaux y réfléchissent.