Mission d'information Illectronisme et inclusion numérique

Réunion du 25 juin 2020 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Mes chers collègues, nous devions recevoir aujourd'hui le numéro 2 de la Caisse des Dépôts qui a, dans ses fonctions précédentes, réussi l'exploit de faire infliger à Google une amende historique de près de 2,5 milliards d'euros pour violation des règles de concurrence par la Commission Européenne. Si cette somme était consacrée par l'Union européenne au financement des actions d'inclusion numérique, notre mission d'information s'en trouverait facilitée. Malheureusement, Monsieur Sichel ne peut assister à cette visioconférence. Nous remercions les personnes qui l'accompagnent, toujours présentes parmi nous : Monsieur Nicolas Turcat, responsable de service Éducation, inclusion et services au public à la direction de l'investissement de la Banque des Territoires ; Monsieur Christophe Genter, directeur du département Cohésion sociale et territoriale à la direction de l'investissement de la Banque des Territoires et Monsieur Philippe Blanchot, directeur des relations institutionnelles, internationales et européennes.

La crise sanitaire l'a amplement souligné, l'inclusion numérique est désormais décisive pour l'employabilité, les relations sociales et l'exercice de nos droits. Pourtant, au fur et à mesure de nos auditions, il apparaît que la formation numérique est le parent pauvre de l'inclusion numérique au regard des investissements considérables en faveur des infrastructures.

La Caisse des Dépôts a lancé le programme « Hubs territoriaux pour un numérique inclusif » afin d'encourager la coordination des projets d'inclusion numérique dans les territoires ; cependant, à l'heure actuelle, le programme est loin de couvrir toute la France puisque seuls 11 hubs (couvrant 50 départements) sont concernés.

Tout le monde s'accorde sur le constat d'une formation nécessaire des Français au numérique, et en premier lieu des salariés. Toutefois, les efforts réalisés sont-ils vraiment à la hauteur des enjeux ?

Pour le hub Occitanie, nous avons entendu La Mêlée, partenaire de cette formation au numérique ; tous les départements de la région ne sont cependant pas concernés. Le public visé est estimé à environ 430 000 personnes. Or, la subvention totale prévue est de 450 000 euros TTC. Qu'allez-vous concrètement proposer avec 1 euro par personne ? Je sais qu'il s'agit de fonds d'amorçage, mais peut-être en attendez-vous un effet levier trop fort.

Après votre présentation liminaire, mon collègue, le rapporteur Raymond Vall et mes autres collègues vous poseront des questions complémentaires.

Debut de section - Permalien
Christophe Genter, directeur du département cohésion sociale et territoriale, à la direction de l'investissement de la Banque des Territoires

Je profite de ce mot introductif pour vous remercier de cette audition et vous réaffirmer, malgré l'absence d'Olivier Sichel, que les sujets d'inclusion numérique sont au coeur de la stratégie d'intervention de la banque des territoires. Cette activité autour des usages et de l'inclusion numérique est logée dans le département « Cohésion sociale et territoriale » que j'ai le plaisir de diriger. Elle est suivie plus particulièrement dans le service de Nicolas Turcat qui s'exprimera dans quelques instants.

Le département Cohésion sociale et territoriale est tourné vers des activités à impact social ainsi que d'inclusion, au sens large du terme et pas seulement numérique. Nous y retrouvons globalement tous les sujets en lien avec l'économie sociale et solidaire, l'ESS. À titre d'exemple, nous accompagnons et investissons dans des projets liés à la transition alimentaire, avec les tiers lieux, l'insertion par l'activité économique (l'IAE), l'économie circulaire, l'hébergement et les services pour les populations fragiles dont les personnes en situation de handicap et la petite enfance, l'accès au soin, le vieillissement avec la problématique du maintien à domicile des personnes âgées, la formation professionnelle et l'éducation.

Ce matin, nous nous focaliserons sur l'inclusion numérique, dans le contexte particulier de post-crise sanitaire. Nous sommes très intéressés de pouvoir échanger avec vous sur les leçons à tirer du confinement. Nous estimons qu'il a été un révélateur des difficultés rencontrées par un grand nombre de citoyens. Nous connaissions déjà ces problématiques, mais cette crise les a mises en exergue. Les citoyens sont souvent cités, mais nous pouvons également évoquer les entreprises. Elles ont rencontré des difficultés et ont parfois eu du mal à poursuivre leur activité à distance faute d'outils et de compétences numériques. Dans cette dimension « inclusion numérique », je pense que nous devons aussi inclure les TPE, parfois mal à l'aise avec le numérique, au-delà des 13 millions de Français dont nous allons discuter.

Cette période de crise nous a confortés dans l'idée que nous devions intensifier, voire compléter, nos actions en matière d'accompagnement de nos concitoyens sur les usages du numérique et sur la lutte contre l'illectronisme. Les programmes dont nous sommes déjà partenaires historiques sont concernés : les « Hubs territoriaux », le dispositif France Services, que nous nous apprêtons à enrichir autour de la médiation numérique et pas seulement administrative, et le Pass numérique, une société collaborative qui distribue les chèques numériques pour la formation des citoyens.

Je laisse à présent la parole à Nicolas Turcat. Il reviendra en détail sur ces différents programmes et initiatives qui ont vu le jour pendant le confinement, à l'image de Solidarité Numérique, une plateforme téléphonique sur laquelle Nicolas a travaillé en pro bono avec son équipe.

Debut de section - Permalien
Nicolas Turcat, responsable de service Éducation, inclusion et services au public à la direction de l'investissement de la Banque des Territoires

Notre action se décline en trois blocs. Le premier porte sur les lieux et logiques de lieux, car l'inclusion numérique est très présentielle, avec des travailleurs sociaux (ou des agents de collectivités territoriales dans des petites communes) qui opèrent des activités de médiations. Le second concerne l'intelligence territoriale : comment accompagnons-nous les projets dans un certain nombre de territoires ? Enfin, le troisième aborde la logique de la mécanique : comment pouvons-nous créer les canaux de diffusion et d'information pour être capables d'aider des Français dans des procédures administratives ou autres ? Cette action peut aussi passer par le téléphone.

La première logique - de lieu - est principalement centrée autour du dispositif France Services, dont nous sommes partenaires aux côtés de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Nous dédions 30 millions d'euros à cette politique publique, dont 10 millions pour l'animation du réseau. Il est inédit qu'autant de ressources soient dédiées à une animation, à un appui territorial.

Nous comptons 533 lieux France Services, 2 100 médiateurs numériques, probablement 3 000 avec les services civiques et les stagiaires. Ce personnel doit être accompagné, formé, outillé et de bénéficier d'une écoute en cas d'interrogation. Nous avons mis en place une équipe, bientôt huit personnes, qui aident au pilotage et à la mise en place de la formation. Elle réalise des supports pour les agents, répond à des questions via une plateforme. Cette équipe effectue de l'extraction et de la donnée de pilotage. Nous sommes ainsi capables de savoir très précisément ce qui se passe dans ces maisons, de manière beaucoup plus fine qu'à l'époque de MSAP. Des personnes développent des produits informatiques ; certaines travaillent sur la qualité de service et d'autres réalisent de l'éditorialisation de contenu, à travers des newsletters par exemple Le métier de médiateur numérique dans une micro-commune se pratique très souvent seul, ou en tout cas à peu d'effectif, en effectif roulant. L'objectif est donc de les accompagner.

La communauté France Services se construit petit à petit. Actuellement, 10 millions sont dédiés à sa construction, 3 millions complémentaires sont consacrés à des dispositifs mobiles France Services, tels que des camping-cars, des bus... Nous effectuons la sélection sur la base des services disponibles dans ces véhicules et non pas sur le type de véhicule, car selon le territoire ou l'élu, les projets et modèles d'intervention diffèrent. Certains font de la médiation, postés dans des mairies, d'autres regroupent les services dans un camping-car, comme dans les Hauts-de-France. Aujourd'hui, nous avons financé 18 camping-cars en France.

Une subvention d'amorçage à hauteur de 30 000 euros par projet a été mise en place, sachant que 30 000 euros abondent annuellement de l'ANCT pendant trois ans pour faire les opérations au titre de France Services. Ce dispositif est donc bien financé et convient parfaitement aux zones rurales. Nous avons récemment ouvert, à la demande du Ministère, ces interventions mobiles dans les QRR, les quartiers de reconquête républicaine.

La deuxième logique de France Services est une logique de partenariat avec le groupe La Poste. Nos activités sont assez proches. La Poste dispose d'un réseau ; elle a été un grand partenaire de la politique publique, notamment sur la partie politique publique de MSAP.

Aujourd'hui, nous remettons à niveau le réseau France Services. Certaines choses ont été prescrites dans le cadre de rapports de la Cour des comptes, notamment la formation des agents, l'animation du réseau... Nous en sommes très conscients et nous y travaillons actuellement ; 17 millions seront consacrés à un projet stratégique en cours de définition.

Nous voulons travailler dans deux directions, respectivement vers les zones très rurales autour des agences postales, et dans les bureaux de poste des quartiers politiques de la ville. La Poste est l'un des derniers services publics dans ces quartiers. Ces zones urbaines sont très denses, mais situées dans un désert administratif ; ces territoires sont très fragiles en la matière. Les arbitrages n'ont pas encore été rendus, des préfigurations arriveront dans des bureaux de poste labellisés France Services à l'automne 2020.

Une autre de nos actions porte sur les hubs territoriaux. J'entends votre remarque relative à la somme d'un euro par personne. Toutefois, il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas d'action directe, mais d'ingénierie territoriale, d'accompagnement. Le projet est issu d'un constat réalisé dans un rapport de la Stratégie nationale pour le numérique inclusif rendu en 2018 (pour lequel la Caisse des Dépôts a été impliquée).

Aujourd'hui, une multitude de lieux (entre 5 000 et 6 000) existe en France, plus ou moins formels ; des personnes font de la médiation numérique informelle. Je cite souvent l'exemple d'un homme, écrivain public au McDonald's de la porte de Bagnolet. Toute la journée, de 9 heures à 18 heures, cet homme accueille des personnes envoyées par Pôle Emploi. Il n'a aucune habilitation. Ce phénomène, que nous avions repéré dans la Stratégie nationale pour un numérique inclusif, se traduit par l'explosion des acteurs, et donc des projets territoriaux.

Ainsi, les schémas directeurs d'accessibilité au service public sont un vrai sujet. Ils ne repèrent aujourd'hui que les structures labellisées et s'intéressent en priorité au réseau des MSAP déjà en vigueur, en lien avec les services déconcentrés. Ces schémas ignorent les réseaux de tiers lieux, qui ne sont pas dans les périmètres directs des compétences territoriales. Ils oublient parfois les réseaux de médiathèques, pourtant très actives en matière d'éducation populaire par exemple. Pour les médiathèques, la situation est très disparate. Par exemple, une médiathèque peut ne pas vouloir réaliser d'inclusion numérique alors que sa voisine en fait de facto car elle a des ordinateurs en accès libre. Nous devons identifier concrètement les capacités sur un territoire, puis accompagner et mutualiser les projets. Le rôle essentiel d'un hub n'est pas tant l'accueil du public, mais le repérage des médiateurs. Ils effectuent du B to B, en appui aux collectivités territoriales, pour fédérer les écosystèmes et accompagner ces projets.

Beaucoup d'acteurs, avec de bonnes idées, sont seuls et n'ont pas forcément ni les ressources, ni les capacités pour rechercher des fonds. Les financements du type Action coeur de ville, fonds européen de développement régional (FEDER), fonds social européen (FSE), sont des financements très compatibles avec les sujets d'inclusion numérique. Nous savons que les financements FSE ou FEDER sont aujourd'hui sous-consommés dans certaines régions.

Nous devons aussi présenter des projets plus ambitieux, plus lourds administrativement ; il en va du rôle des hubs d'accompagner les projets, de mutualiser les efforts. Il s'agit presque d'un cabinet de conseil, qui doit repérer des capacités et accompagner des projets auprès des collectivités. Nous accentuerons cette inflexion dans les prochains mois. Pour l'heure, la mission des hubs a été de recenser des lieux. La Mêlée en est l'archétype. En mai 2020, 332 lieux ont été repérés dans la zone géographique en question pour une population de 478 000 personnes à cibler. Le prochain objectif est ensuite de rencontrer les collectivités pour réaliser des effets de réseaux.

Comme vous l'avez rappelé, il s'agit pour l'instant d'une subvention d'amorçage ; l'idée est la pérennisation du financement. La Caisse des Dépôts a accordé 5 millions d'euros pour onze hubs et 5 millions d'euros ont été apportés en parallèle par les collectivités territoriales ou associations (et entreprises dans de très rares cas). L'objectif est d'obtenir un budget à 50/50 pour avoir des effets leviers peut-être encore plus forts, notamment grâce aux financements européens.

Les hubs qui fonctionnent le mieux aujourd'hui sont ceux qui adoptent une logique de mutualisation de l'ingénierie territoriale. Je pense à l'Auvergne-Rhône-Alpes ou aux Hauts-de-France notamment, capables de trouver jusqu'à 3 ou 4 millions d'euros supplémentaires de financements. Dans les Hauts-de-France, ils ont obtenu un prêt du FEDER de 287 000 euros, permettant un effet levier en embarquant l'ensemble des centres communaux d'action sociale (CCAS) des Hauts-de-France. Nous observons alors un début de structuration.

Enfin, la dernière logique est celle de l'attraction : comment pouvons-nous être certains que les Français viennent dans ces lieux ? Personne ne sait que dans une médiathèque, il y a un ordinateur avec une personne formée et capable de vous accueillir. Personne ne sait qu'il existe une France Services à tel ou tel endroit. Nous manquons de communication, nous avons besoin d'une communication territoriale et nationale massive. Comment nous assurons-nous que les gens vont dans le lieu et repartent en ayant effectué leur formation ?

Nous devons être certains qu'un accompagnement de qualité existe dans ces lieux. Ces derniers doivent être labellisés. Or, encore trop de lieux aujourd'hui ne disposent pas d'un accompagnement de qualité. Dans le recensement que nous avons fait, nous nous sommes aperçus qu'un certain nombre de personnes, des anciens du service informatique, avaient monté un dispositif de médiation numérique en bord de bourg, mais qui n'était pas attractif. France Services était très marqué socialement et constituait un vrai repoussoir. La question de gérer ces repoussoirs est cruciale. Parmi les 13 millions de Français dont nous parlons sans cesse, la moitié n'a pas de connexion internet, mais l'autre moitié a renoncé car elle se sent honteuse. Ces Français n'ont pas envie d'aller demander à n'importe quelle personne installée en bord de route, sauf dans certains cas, comme par exemple pour les cartes grises. Ce service privé fonctionne très bien pour ceux qui peuvent y recourir car il coûte une trentaine d'euros.

Lorsqu'il s'agit de donner des compétences de formation au numérique, la situation est bien plus complexe. Le Pass numérique a été pensé pour cette raison. Il a été mis en place par deux appels à projets. Nous avons fait le choix, comme l'a rappelé Christophe Genter, d'être dans une direction de l'investissement. Nous avons investi dans la société APTIC, opératrice du Pass numérique aujourd'hui. Nous avons investi en fonds propres et quasi-fonds propres pour soutenir le développement de la structure afin d'opérationnaliser le Pass numérique. Nous sommes en plein déploiement des Pass numériques, mais des points restent à simplifier. Ce soir encore, j'ai une réunion pour en discuter, car il nous reste beaucoup à faire pour simplifier le Pass numérique. Nous pourrons en rediscuter.

Voilà un tour d'horizon du panel inclusion numérique, France Services. Je pense avoir répondu à une partie de vos questions sur le financement. Sur les chiffres de France Services, je vous laisserai bien sûr prendre contact avec l'ANCT et la directrice du programme Sophie Duval-Huwart, qui vous confirmera ce tableau et le rôle central des préfets dans le cadre des labellisations France Services. Depuis le 1er janvier 2020, 533 France Services ont été mises en place, 900 à la fin de l'année. Actuellement, 25 % des cantons sont couverts et nous sommes dans la cible de l'objectif. À la vitesse où nous nous déployons pour l'instant, nous respecterons la promesse présidentielle qui est que chaque Français soit à moins de trente minutes d'une maison France Services.

Grâce à notre outil de mesure de l'activité des maisons France Services, nous avons pu observer deux faits marquants pendant le confinement. Ainsi, entre le 1er janvier 2020 et fin mai, quasiment 450 000 actes métiers ont été accompagnés, soit 100 000 visiteurs uniques (nous divisons le premier chiffre par quatre car beaucoup de Français reviennent, ayant trouvé un accompagnement). Nous observons par ailleurs un effet de cannibalisation ; en effet, les médiateurs, souvent des travailleurs sociaux, sont très enclins à prendre du temps pour répondre aux questions.

Beaucoup de territoires, je pense notamment à la Bretagne, ont mis un point d'honneur à la former des médiateurs, à gérer la crise sociale dans certains cas. Aujourd'hui, Pôle Emploi se retrouve en difficulté car le public se rend désormais à la maison France Services et non plus dans les locaux de Pôle Emploi. Le public est prêt à parcourir plus de kilomètres pour venir à la Maison France Services afin d'avoir des réponses à ses questions, et exposer ses dossiers pendant 45 minutes, durée moyenne d'un acte France Services. Cela témoigne d'un accompagnement de qualité.

Le deuxième point notable est que la moitié des 445 000 actes réalisés dans les France Services concerne les neuf opérateurs nationaux. Sur ces neuf opérateurs, l'immense majorité concerne Pôle Emploi et la Caisse d'allocations familiales (CAF) ; le reste est marginal (avec une part de croissance très forte sur la préfecture : permis, carte grise...).

L'autre moitié des actes, et c'est une découverte avec France Services, concerne des actes relevant des acteurs locaux (actes d'urbanisme, bourses pour le collège...) témoignant du caractère polyvalent des agents dont certains maîtrisent plus de dix-huit procédures Pôle Emploi, une quinzaine de procédures CAF, celles de la commune comme les cantines etc. Cela surprend beaucoup l'ANCT. Aujourd'hui, nous concevons la décentralisation de l'accompagnement de manière plus forte en embarquant nos directions régionales et nos directions territoriales de manière plus proactive.

Nous dénombrons aujourd'hui 11 hubs qui couvrent 51 départements. Pour couvrir la France, nous aurions besoin d'une vingtaine de hubs. Lors de la première vague, un jury sélectionnait les dossiers sur la maturité et la dimension hybride du projet : êtes-vous capables d'embarquer les associations, d'avoir cet équilibre que nous recherchons avec les collectivités ? Pour la deuxième vague, nous y réfléchissons actuellement, l'idée est de construire avec les territoires les propositions de hubs. Cela sera probablement un appel à manifestation d'intérêt (AMI) au fil de l'eau.

Enfin, nous essaierons surtout de financer des programmes d'action encore plus précis. Nous nous sommes aperçus que le déploiement du Pass numérique est un sujet assez embarqué par l'appel à projets, ce n'est peut-être pas la peine d'insister. Nous devrions peut-être concentrer les hubs sur la fédération d'écosystèmes, le recensement des capacités, la mise en place des cartographies. Il s'agit de la mission que nous essaierons d'accélérer.

L'autre point évoqué est l'inclusion numérique des entreprises. Dans le cadre de Solidarité Numérique que nous avons accompagnée pro bono, avec le secrétariat d'État au numérique, nous avons fait la promesse de faire perdurer et développer les dispositifs qui fonctionnent.

L'année dernière, avec Olivier Sichel, nous avons réalisé une visite de terrain au Canada, le point d'exemple qui a permis au Président de la République de penser France Services. Service Canada fonctionne sur trois niveaux de services. Ce ne sont pas les lieux, car la géographie canadienne est évidemment radicalement différente de la nôtre, mais la logique de transformation dans laquelle ce pays est engagé est très intéressante. Le premier niveau est le site web extrêmement clair et simplifié mis en place ; nous pourrons en rediscuter. La plateforme téléphonique intervient en second niveau d'accès. Cette plateforme est elle-même répartie sur trois niveaux d'accueil, avec des appels sortants, ce qui est extrêmement rare dans l'administration. Une fois que vous avez passé tous ces caps, quelqu'un vous redirige vers les lieux (même si bien sûr, vous pouvez vous diriger seul vers les lieux). Ce canal téléphonique, aujourd'hui, nous intéresse énormément et nous aimerions y travailler. Nous expérimenterons à la rentrée quelque chose autour de la médiation téléphonique. Cela a fonctionné sur la base du volontariat avec Solidarité Numérique mais devra perdurer de manière plus professionnelle.

L'inclusion numérique couvre aussi les TPE, PME, les commerçants et les artisans. Lorsque vous êtes restaurateur par exemple, que votre expert-comptable effectue toutes vos procédures depuis toujours parce que vous êtes concentré sur votre activité en tant que telle, vous n'avez peut-être pas les compétences numériques nécessaires pour les démarches administratives. Aujourd'hui, nous avons un vrai sujet avec les procédures d'obtention des Kbis, le téléchargement des pièces pour les prêts garantis par l'État (PGE), les dispositifs de mesures de la Banque publique d'investissement (BPI), des régions, etc. Beaucoup de personnes ne savent pas le faire et se sont adressées à France Services à la réouverture des locaux. Aujourd'hui, ces personnes se voient opposer des refus, car elles se retrouvent face à un travailleur social qui ne veut pas effectuer les procédures économiques ou financières à la place du demandeur, qu'il redirige alors vers la chambre de commerce et d'industrie (CCI). Cependant, les CCI sont peu nombreuses et toutes situées dans les grandes villes. Il s'agit d'un vrai sujet, porteur, sur lequel nous devons travailler, car la transformation numérique des TPE/PME permettrait assurément d'accélérer l'attractivité de certains territoires.

Enfin, vous m'avez interrogé sur l'employabilité et les compétences numériques. Nous sommes actionnaires de la société Simplon, et partenaires historiques de la Grande École du Numérique, un grand appel à projets qui labellise des lieux et des compétences numériques. Depuis trois ans maintenant, 10 000 personnes ont été formées au niveau bac et infra-bac, avec une double vocation d'attractivité et de compétence numérique pour les entreprises. De grands groupes (la Société Générale, Capgemini...) recrutent des gens de ce niveau-là. Vous n'avez pas besoin d'avoir un bac+5 pour disposer de compétences numériques. Le numérique est l'une des grandes et dernières voies d'ascension sociale de ce pays. Il y a de très belles histoires, je ne vais pas vous citer l'École 42, de la French tech... Des personnes infra-bac connaissent aujourd'hui une vraie réussite et perçoivent de bons salaires. Nous investissons dans la société ESUS-Simplon, aujourd'hui le plus grand réseau de fabriques en France, avec 72 fabriques (dont 54 en France), formant 2 000 personnes par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Je souhaite demander à Monsieur Turcat s'il ne voudrait pas se mettre à notre place ; il pourrait ainsi nous aider rapidement à développer sa vision pour une meilleure organisation, une stratégie afin de lutter efficacement contre l'illectronisme.

Je remercie infiniment l'ensemble des intervenants. Il est intéressant de relier votre propos à l'audition du Président de La Poste. Quand vous nous décrivez les relations avec l'ANCT, nous avons l'impression que se dessine la nécessité d'aller à l'encontre de la situation éclatée, dispersée, non coordonnée en matière de lutte contre l'illectronisme. Vous suggérez, à travers votre intervention, que l'ANCT, la CDC et la Poste peuvent constituer les fondations d'une politique et d'une stratégie qui permettrait de réunir tous ces moyens, toutes ces compétences afin d'être plus efficaces rapidement.

Vous l'avez démontré, vous réunissez un maillage, une capacité de personnel de terrain, une forme de facilitation d'accès au service public incomparables. Vous avez exposé votre participation à l'aménagement du territoire, les moyens, la connaissance des dispositifs qui visent à réduire les fractures quelles qu'elles soient, et la nécessité d'un investissement. Nous avons ainsi une ébauche des sujets à travailler ensemble afin de proposer une première définition de la nouvelle politique devant être mise en place pour lutter contre ce fléau national.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

J'ai un questionnement par rapport à notre souci de prendre en compte tous les citoyens français dans une situation d'illectronisme, répartis sur l'ensemble du territoire national. Vous avez indiqué comment sont résolus les problèmes sur certains territoires. Vous avez notamment parlé d'appel à projets, ce qui me touche car j'ai travaillé sur une proposition de résolution européenne à ce sujet. Évidemment, certains territoires pourront répondre à des appels à projets, auront des fonds redistribués car d'autres territoires ne les demandent pas. C'est bien toute la problématique de l'accès et de la couverture intégrale du territoire qui est en jeu.

Ne serait-il pas plus adapté de partir des territoires (des zones rurales et très rurales, des quartiers de politique de la ville) qui rencontrent visiblement des problèmes d'accès au numérique ? Peut-être faudrait-il partir des territoires les plus en difficulté, car personne ne demandera d'aide dans ces territoires-là. Cela me questionne car toute la complexité et la difficulté viennent des inégalités de territoires. Nous devons résoudre le problème sur l'ensemble du territoire national. Vous avez évoqué l'appel à manifestation d'intérêt, mais quelqu'un sur un territoire donné doit être en mesure d'y répondre. Comment ces territoires opèrent-ils ?

Debut de section - Permalien
Nicolas Turcat, responsable de service Éducation, inclusion et services au public à la direction de l'investissement de la Banque des Territoires

Je partage avec vous le constat sur l'accompagnement concret de beaucoup d'appels à projets. Comment pouvons-nous les accompagner et les structurer ? J'aurais un point d'inflexion au constat que vous avez exposé. Au-delà de l'égalité sur territoire, la question de la priorisation des actions dans certains territoires se pose. Lorsque nous déployions des appels à projets ou des appels à manifestation d'intérêt, un des soucis des « Hubs territoriaux pour un numérique inclusif » était à l'époque de prioriser certains territoires. Par exemple, le territoire francilien, extrêmement dense, avec beaucoup de Quartiers Politiques de la Ville sur la première couronne, a été fondamental dans la manière de traiter le sujet. Les Normands ont aujourd'hui une structure de réseau beaucoup plus aboutie et mature en matière d'inclusion numérique, ils ont des structures de mutualisation, des réseaux (Point Info 14, Manche numérique...) qui appuient beaucoup de lieux et apportent une vraie réponse à leur territoire sur l'inclusion numérique, c'est exceptionnel. De même, les Landes sont le très bon élève sur le sujet du numérique éducatif. Effectivement, nous préférons prioriser. C'est un parti pris. Nous n'avons pas une action similaire partout et tout le temps.

Pour prioriser, il faut construire une trajectoire pour couvrir le territoire. Normalement, les hubs sont censés récupérer les appels à projets dans une région, rencontrer les acteurs de terrain et les motiver pour y répondre. Leur travail est de répondre concrètement sur des fonds européens, à la fabrique des territoires de l'ANCT, etc. Il existe une multiplicité d'acteurs, de programmes, d'appels à projets. Action Coeur de ville est une attractivité pour les commerces par exemple, mais couvre aussi le sujet de l'inclusion numérique des acteurs ; peu de personnes sont au courant. La banque des territoires doit appuyer les différents hubs entre eux. Avec l'ANCT, nous leur fournissons un webinaire tous les mois, nous leur expliquons les différents projets, les critères de candidatures. Nous tentons d'être pédagogues, sinon les acteurs ne comprennent pas et renoncent.

Debut de section - PermalienPhoto de Martine Berthet

Vous avez cité le Pass numérique tout à l'heure, pouvez-vous développer ce sujet ? Intervenez-vous sur ce dossier ? Si oui, de quelle manière ? Comment est-il développé actuellement ? Sa répartition géographique est-elle la même sur l'ensemble du territoire ? N'est-ce pas précisément les territoires les plus dynamiques, donc ceux qui en ont le moins besoin, qui se dirigent vers ce type d'action ?

Debut de section - Permalien
Nicolas Turcat, responsable de service Éducation, inclusion et services au public à la direction de l'investissement de la Banque des Territoires

Sur le Pass numérique, nous sommes actionnaires (aux côtés de l'État et de la MAIF notamment) en fonds propres et en quasi-fonds propres de la société APTIC, opératrice du Pass numérique. Une levée de 2 millions d'euros a servi à construire les capacités, recruter des gens dans cette société d'intérêt collectif, dans laquelle la Caisse et l'État sont très présents. Ce n'est pas une société publique, mais elle revêt un caractère d'intérêt général très fort. Le statut de société coopérative aussi est très intéressant car il permet d'associer les collectivités territoriales à la gouvernance. Je signale qu'il s'agit d'un des rares cas de participation de collectivités à des sociétés économiques dans un modèle économique d'investisseur. Cela permet de casser cette logique de prescripteur, acheteur/acheté et de construire autrement un dispositif.

Jusqu'alors, 10 millions d'euros ont été injectés en 2019, et 15 millions d'euros ont été annoncés avec le cofinancement « 1 euro pour 1 euro » entre l'État et les collectivités. Les collectivités engagées sont souvent les plus matures. Du fait de leur implication dans la stratégie nationale, elles savent ce qu'est le Pass numérique et savent quasiment le distribuer : la Nouvelle Aquitaine, la Drôme ou la Normandie sont des exemples pertinents, des territoires très structurés.

Un dispositif de hubs consiste à aller chercher les territoires les plus reculés. Depuis le début de l'année, nous avons organisé trois webinaires avec des territoires qui n'étaient pas concernés initialement par le Pass numérique, afin de leur expliquer les dispositifs mis en place, notamment pour les diffuser auprès du public. Cela représente une trentaine de départements.

Nous pouvons également évoquer les territoires d'expérimentation, les « TANI », un dispositif de bonnes pratiques et de partage au niveau de l'ANCT. Il s'agit d'une communauté animée via du numérique (pour l'instant), y compris avec le secrétaire d'État, en partage d'expérience, partage des charges etc.

Effectivement, le Pass numérique concerne pour l'instant les territoires les plus matures car il faut pouvoir identifier les lieux dans lesquels il serait bénéfique. Beaucoup de collectivités ont cette maturité car des schémas directeurs au niveau départemental ont été mis en place, y compris avec les préfets.

La seconde problématique vient de la manière dont vous le diffusez, cette question est plus complexe. Une fois les Pass numériques achetés, il faut identifier les bons citoyens à qui les donner. Cette identification est extrêmement compliquée car aujourd'hui seules les personnes en interface directe avec nos concitoyens se rendent compte des difficultés. Nous devons fournir une mini-formation pour expliquer les critères d'éligibilité au Pass numérique. Nous devons être vigilants car dans une France Services ou dans une mairie, vous pourriez très bien donner un Pass numérique à une personne de manière non ciblée. Or, nous savons que le ciblage est la clef de la réussite.

Je citerai deux exemples. D'abord en Saône-et-Loire, où j'ai vu des Pass numériques être donnés suite à la numérisation du Chèque emploi service universel (Cesu). Le Cesu est très basique mais du jour au lendemain, il est passé en numérique et il est devenu compliqué de commander des chèques Cesu. Cette difficulté n'a pas du tout été repérée par l'administration et s'est révélée très importante l'hiver dernier. La majorité de la médiation s'est concentrée sur cette question. Le Cesu n'étant pris en charge par personne, des ateliers Pass numériques ont été organisés pour répondre à ce problème.

Le second exemple, c'est le décrochage scolaire. À Dijon, le rectorat a identifié les parents des décrocheurs scolaires dans les collèges. Assez vite, la corrélation a été faite entre le décrochage de l'enfant et le fait que les parents n'utilisaient jamais les outils numériques : Pronote, l'ENT... Le CPE identifiait l'élève et donnait un Pass numérique aux parents concernés, car beaucoup de parents ne savaient pas faire et n'osaient pas demander, par honte. Cela a bien fonctionné car cela était très ciblé, pour un moment donné. Nous devons donc avoir une vision stratégique autour des lieux, de la façon dont on va les diffuser, en même temps que sur les préoccupations réelles.

Je finirai sur les cartes grises, un cas très particulier. Aujourd'hui, des préfets ont autorisé des opérateurs privés à facturer 29 euros pour cette procédure, alors que des préfectures ont fermé et que des France Services font cette même procédure gratuitement. C'est un vrai sujet que nous devrons aborder. Nous avons reçu la société Feu Vert dans le cadre de la Stratégie nationale pour un numérique inclusif. Elle nous a expliqué que finalement, dans le panier moyen de la réparation d'une automobile, les consommateurs paient 29 euros pour s'épargner une procédure administrative. Cela ne pourrait-il pas être pris en charge par le Pass numérique ? Nous aimerions que les élus territoriaux y réfléchissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Je voudrais revenir sur cette question. Je vois une confirmation de l'abandon des territoires. Une inégalité territoriale se crée dans ce que vous dites sur les cartes grises, ou dans la disparition de l'accès physique aux services publics. Nous devons lutter contre cette inégalité. Parfois, il en va de même dans ces territoires pour les infrastructures, avec dans certains cas, des disparités scandaleuses de l'offre.

Retrouver une égalité territoriale est l'une de nos missions. Les différents cas que vous avez évoqués sont tout à fait scandaleux. Nous devons défendre la nécessité absolue de garder un accès physique à ces services indispensables à la population. Ne parlons même pas de ce qui peut concerner la santé. Tout cela se croise avec une situation politique de fracture, extrêmement dangereuse.

Par conséquent, j'en reviens à la nécessité de faire prendre conscience, à travers le rapport que nous allons remettre, du fait que l'État se doit de définir et prendre ses responsabilités en matière de lutte contre l'illectronisme. Il existe énormément d'initiatives formidables, efficaces, mais elles se sont développées sans cohésion.

L'Institut national de la statistique et des études économique (INSEE) précise que plus de 40 % de la population, à différents niveaux, souffre de l'illectronisme. Nous savons pertinemment que ces territoires qui souffrent déjà d'un handicap seront laissés sur le bord de la route car ils n'auront pas les infrastructures, les lieux ou les maillages nécessaires.

De bonnes initiatives existent. Nous devons essayer de les rassembler, mais nous ne pouvons accepter la réponse d'un manque de dispositif dans des domaines qui sont des compétences régaliennes de l'État. Nous ne pouvons accepter que la formation des enseignants ne soit pas obligatoire en matière de numérique, ou que certains territoires ne puissent avoir accès à l'acte médical numérisé.

Aujourd'hui, un certain nombre de départements sollicitent les opérateurs traditionnels, mais les débits ne sont pas compatibles avec certaines utilisations du numérique, dont le télétravail, la santé...

C'est un hymne à la ruralité, car nous avons l'impression que ce sont toujours les mêmes territoires qui sont sacrifiés. Ces territoires aujourd'hui paient le prix fort d'avoir accès à 30 mégabits. Un département de 200 000 habitants dispose d'un budget de 90 millions d'euros, dont 50 % est affecté aux territoires. Pour quelle contrepartie ? Nous n'avons aucune mesure d'accompagnement, aucune capacité en engineering pour imaginer une politique territoriale numérique.

J'ai bien noté que l'ANCT doit ajouter la lutte contre les inégalités face au développement numérique dans sa mission. Lorsque nous avons discuté avec le Président de La Poste, nous avons ouvert la brèche pour savoir si nous pouvions compléter sa mission d'aménagement du territoire par avenant, associés à la Caisse des Dépôts. La situation est grave. Pourtant, lorsque nous vous écoutons, nous avons l'impression que nous sommes dans une dynamique, que tous les problèmes se régleront. Ce n'est pas le cas. Nous devons déclencher une véritable décision, une volonté politique à travers cette mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Je souhaite aller dans le même sens que Monsieur le rapporteur, je suis entièrement d'accord avec lui. Je ne peux me résoudre à ce que l'accès à la carte grise coûte maintenant a minima 29 euros alors qu'avant, ce service était gratuit. Je ne comprends pas le glissement vers de telles pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Je poserai trois questions. La première concerne l'attractivité des hubs. Nous l'avons déjà entendu dans d'autres auditions et vous nous l'avez rappelé aujourd'hui : nous constatons un manque de communication, un manque de promotion. Ce qui est fait n'est pas su. Envisagez-vous un effort particulier en direction de cette communication pour que les efforts effectués soient accompagnés par une recrudescence du public ?

Ma deuxième question concerne les hubs présents sur le territoire. Vous avez rappelé que vous couvriez près de 50 % du territoire français, et qu'une vingtaine de hubs serait nécessaire pour couvrir l'ensemble du territoire. Pour ce faire, vous envisagez de vous appuyer sur le traditionnel appel à manifestation d'intérêt, « au fil de l'eau » avez-vous rajouté. Mais si vous considérez que cette mise en place est importante, pourquoi utilisez-vous cette procédure (si ce n'est faute de moyens pour mettre en place les 20 hubs dont nous aurions besoin) ?

Enfin, je ne comprends pas une telle disparité entre les territoires. Comment certains peuvent-ils bénéficier d'aides du FEDER ou du FSE, alors que d'autres n'ont rien ? La stratégie nationale numérique n'aurait-elle pas été plus pertinente si elle avait consisté à demander des fonds à l'Europe par une cellule nationale, quitte à redistribuer ensuite sur le territoire les résultats de cette demande ?

Debut de section - Permalien
Philippe Blanchot

Je peux peut-être répondre sur la question européenne, même si ce ne sont pas mes attributions propres. Nous observons une difficulté de la régionalisation des fonds structurels, même si cette difficulté se traduit souvent par une sous-consommation.

À l'occasion de la mise en place du prochain cadre financier pluriannuel, il devrait exister un financement un peu plus nationalisé, de ce qu'il restera de ces fonds structurels. Cependant, nous sommes loin de revenir vers la gestion nationale et centralisée que vous évoquiez, Monsieur le président.

Notre apport doit se faire en ingénierie pour que les collectivités puissent utiliser ces fonds, et les utilisent. Nous le faisons en partenariat avec les ANCT, sur le FEDER notamment. Toutefois, là aussi, la Caisse n'est pas gestionnaire de ces comptes, elle ne peut qu'apporter un soutien en ingénierie.

Debut de section - Permalien
Nicolas Turcat, responsable de service Éducation, inclusion et services au public à la direction de l'investissement de la Banque des Territoires

Quant à la régionalisation, je ne dispose pas d'information, il s'agit simplement de la question des programmes opérationnels. Les Hauts-de-France disposent de l'ingénierie pour rédiger des programmes et chercher les financements. Ces situations illustrent la diversité des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Je demandais s'il n'était pas plus pertinent de faire un dossier pour onze bénéficiaires, plutôt que onze dossiers pour onze bénéficiaires.

Debut de section - Permalien
Philippe Blanchot

Ce que vous évoquez, Monsieur le président, est une renationalisation des fonds structurels, auquel cas il s'agit de la compétence du législateur et non plus de la nôtre. Nous ne pouvons que constater et regretter, comme vous le faites, que les fonds structurels sont trop souvent sous-utilisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Le législateur n'a jamais interdit les conventions entre partenaires, nous pourrions imaginer des combinaisons.

Debut de section - Permalien
Philippe Blanchot

À ce moment-là, il faudrait plutôt imaginer un dispositif au niveau de Régions de France. En revanche, si nous souhaitions revenir à une gestion nationale des fonds structurels, l'action relèverait du législateur. Je ne suis pas certain qu'elle soit souhaitée par les élus locaux. Nous sommes dans un sujet complexe. Par exemple, lorsque nous évoquons avec les régions la possibilité d'utiliser ce qui reste de fonds structurels non utilisés, elles n'y sont pas favorables. Les régions y voient une renationalisation. Ce sujet est très compliqué dans le dialogue avec les régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Nous allons clore ce chapitre, les régions ne perdront jamais autant d'argent qu'en a perdu l'État. Il me semble que vous conduisez une politique nationale déclinée au plan régional et qu'en ce sens-là, il n'est pas idiot d'avoir une approche nationale pour limiter le nombre de dossiers.

Debut de section - Permalien
Nicolas Turcat, responsable de service Éducation, inclusion et services au public à la direction de l'investissement de la Banque des Territoires

Concernant la présence des hubs, pourquoi parlais-je d'un AMI « au fil de l'eau » ? Nous pourrions imaginer un système avec une date butoir : par exemple, au 30 septembre tout le monde nous rendrait les dossiers et nous les financerions en un seul bloc. Cependant, en adoptant cette politique, les projets ne seraient pas matures. Nous pouvons leur faire prendre de l'envergure, en les accompagnant et en organisant trois ou quatre réunions avec les collectivités territoriales.

J'ai l'exemple très concret d'un cycle de réunions que nous menons depuis quelques semaines avec une région, pourtant très mature, que j'ai citée plus tôt. Cette région aura son hub, mais nous l'aidons à compléter son dispositif, à prioriser les problématiques. Cet accompagnement prend du temps, « le temps de la maturité ». Nous organisons une réunion toutes les trois semaines avec les départements et les structures de mutualisation, partenaires dans ce consortium. L'objectif est de développer une réflexion en matière de portage. Quel est le portage optimal ? Est-ce seulement un consortium entre plusieurs départements ? Est-ce une association comme en Auvergne-Rhône-Alpes ? Est-ce une société coopérative comme dans les Hauts-de-France ? Ce sont des décisions de nature politique.

Aujourd'hui, nous faisons le retour d'expérience de ces douze premiers mois de hubs ; nous préférons prendre quelques semaines de plus pour peaufiner l'accompagnement plutôt qu'imposer une date butoir, aboutissant à un projet financé bon an mal an. Par exemple, le Grand-Est est composé de deux blocs. Le bloc Ouest est moins structuré que le bloc Est. Les Alsaciens sont très structurés. De l'Aube jusqu'à la Belgique, le territoire est beaucoup moins peuplé. Nous essayons de convaincre la partie Est d'intervenir sur la partie Ouest. Je comprends aussi leurs réticences puisqu'ils ne connaissent pas les réseaux dans cette région. Les Ardennais sont structurés et n'ont pas envie de se faire embarquer de cette manière. Nous sommes au coeur des particularités des territoires.

En revanche, il ne s'agit pas d'une question de moyens. Dans les années 2000, nous avons assisté à la création des « centres de ressources pour l'inclusion et la médiation numérique », pour l'ingénierie territoriale et régionale. Ces centres étaient financés à hauteur de 45 000 euros pour deux ans, soit 90 000 euros, à l'échelle d'une région. Ici, nous parlons d'une enveloppe de 450 000 euros pour 18 mois. Ce financement est donc bien plus ample.

Pour la communication, à la Caisse des Dépôts sur la Banque des Territoires, nous travaillons à l'échelle du territoire. Une maison France Services a une zone d'attraction de douze kilomètres autour d'elle. Nous devons l'augmenter, a minima la doubler. Deux questions m'apparaissent comme cruciales. La première est la communication nationale massive (dans un journal télévisé par exemple) ; elle est du ressort de l'État. L'autre question est l'animation territoriale, que nous soutenons. Ainsi, nous fournissons des kits et des formations à l'ensemble des agents France Services.

La téléconférence est close à 11 h 20.