D'une manière générale, il est rare que quelqu'un vous explique qu'il est mauvais dans ce qu'il fait... Le dirigeant de La Poste, par exemple, vous dira à quel point son entreprise est engagée dans le numérique et soulignera qu'elle est le premier opérateur des MSAP. Vous dit-il que les maisons de service au public postales sont globalement inefficientes ? J'en doute.
Cependant, la question de la formation se pose en effet. Qu'est-ce qu'un médiateur numérique ? On entend souvent qu'il faudra mobiliser des personnes effectuant leur service civique pour faire la médiation numérique. Cela m'interpelle, car le service civique n'a pas vocation à remplacer un emploi plein et il ne doit pas faire l'objet d'une sélection sur la base de compétences. Le recours massif au service civique par Pôle emploi ou l'État lui-même, qui place des personnes en service civique dans l'accueil de sous-préfecture pour faire de la médiation ou de l'intermédiation numérique, est un sujet d'interrogation. En tous cas, cela ne répond pas à la problématique d'inclusion et de formation, qui est plus complexe.
Vous demandez s'il faut apprendre à faire, ou faire à la place. Je pense qu'il faut amener les gens à être autonomes. Mais est-ce réellement indispensable d'amener tout le monde à l'être sur des outils que certains utiliseront très peu ? C'est aussi une question de transition. Nous devons proposer systématiquement une solution alternative au numérique, au moins pendant quelques années encore. En effet, certains endroits ne sont pas encore couverts et l'accès au numérique y est difficile ; certaines personnes ne savent pas s'en servir ; d'autres ne le veulent pas. Nous devons tenir compte de ces trois contraintes - je ne peux pas, je ne sais pas, je ne veux pas - et nous devrions instituer une sorte de droit à la non-utilisation du numérique. Si nous voulons que la société s'empare totalement du numérique - ce qui est souhaitable - il ne faut pas l'imposer systématiquement. Sinon, nous créerons des réactions négatives, et nous finirons par jeter le bébé avec l'eau du bain. Que chaque niveau de collectivité ait envie d'agir me paraît le signe qu'il s'agit d'un vrai sujet de société.
Sur les formations, je vous suggère d'entendre le président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Mais il me semble illusoire, à ce stade, de souhaiter mettre partout des agents de médiation numérique spécialistes et à temps plein. La circulaire du Premier ministre de l'année dernière sur l'évolution des maisons France service est porteuse d'une vraie bonne intention, qui est de forcer les opérateurs publics à être réellement présents, et de placer l'inclusion numérique au coeur des espaces France service. Entre l'intention et sa concrétisation, reste le maillon de la formation et de la définition d'un référentiel de l'inclusion : ce n'est pas la même chose d'accompagner quelqu'un de 75 ans, qui aura des réflexes de prudence mais n'a pas la maîtrise technologique, ou quelqu'un de 15 ans, qui n'a pas les réflexes de prudence mais dispose de la maîtrise technologique.