Bonjour et merci de nous inviter à partager l'expérience des familles les plus pauvres de notre pays. ATD Quart Monde est engagé auprès de familles et personnes en grande précarité depuis plus de 60 ans à travers une trentaine de pays, en vivant avec les personnes et en menant des actions avec elles. Nous nous intéressons à l'aspect informatique et numérique depuis les années 1980, mais la période du confinement a mis en exergue, aux yeux de tous, la fracture numérique.
À titre d'exemple, nous menons des actions avec un atelier de codage à Lille, un atelier « Lire et écrire numérique » à Brest, des formations à Marseille, des bibliothèques de rue utilisant des outils numériques à différents endroits, un atelier contre les infox à Lyon, ou encore une entreprise TAE (travailler et apprendre ensemble) qui utilise l'informatique, avec un atelier de reconditionnement du matériel informatique à Noisy-le-Grand.
Pendant le confinement, nous avons soutenu les enfants et leurs parents dans le cadre de l'enseignement à distance, mais aussi face à la perte de contact des parents avec leurs enfants placés, un vécu douloureux et moins connu. Pour une aide matérielle, nous avons participé à différentes actions concernant des dons ou prêts de matériels et avons collaboré avec plusieurs partenaires, comme Emmaüs Connect, pour fournir des téléphones ou des cartes SIM. Nous avons ainsi contribué à contrer la déconnexion subie et donc à maintenir la possibilité de lien avec les autres.
Notre ambition va plus loin ; nous souhaitons que soit concrétisé le droit à la connexion. De plus en plus, dans notre société, l'accès au droit passe par l'accès à internet. Il s'agit donc d'une action politique, afin que chaque personne ou famille puisse accéder aux services publics et autres. Ceci passe par sept éléments : un accès à internet, quel que soit son logement (certains logements ou foyers ayant en effet interdit les moyens de connexions), aux moyens d'impression, une connexion à un coût abordable, une formation continue (au vu de l'insuffisance de la formation initiale, compte tenu de l'évolution du numérique), une interface repensée des sites internet, une identité numérique simple et sécurisée et enfin une formation et une reconnaissance des personnes susceptibles d'en aider d'autres. Nous participons ainsi aux ateliers d'écoute de la direction interministérielle du numérique (DINUM) en vue de retravailler l'interface des sites officiels. Par ailleurs, en tant que partenaires de la métropole de Lyon, nous travaillons à la mise en place des postes numériques.
Notre expérience dans de nombreux pays du Nord comme du Sud, ainsi que nos recherches et travaux au sein des instances de l'ONU, nous ont appris qu'il existait une condition obligatoire à la réussite de ces projets : partir des plus pauvres. Nous demandons donc à toutes les collectivités de mesurer les impacts de toutes les politiques publiques sur les 10 % des personnes les plus pauvres. Nous demandons en outre que toutes les politiques publiques puissent être élaborées, mises en oeuvre et évaluées avec les personnes les plus pauvres. C'est la raison pour laquelle plusieurs de nos universités populaires Quart Monde ont travaillé sur le sujet du numérique. Les militants Quart Monde réfléchissent individuellement et collectivement à ces sujets avec ceux qui n'ont pas connu cette situation et avec des invités professionnels spécialistes des sujets abordés. Ils participent en outre à des rencontres.
Il importe en outre de maintenir un contact humain au sein des services publics, seule façon d'assurer le droit pour tous. Nous le constatons avec le confinement et la fermeture de la quasi-totalité des lieux d'accompagnement, empêchant les plus pauvres d'accéder à leurs droits.