Intervention de Corentin Voiseux

Mission d'information Illectronisme et inclusion numérique — Réunion du 17 juin 2020 : 1ère réunion
Table ronde des associations en téléconférence

Corentin Voiseux, directeur général d'Hypra :

Depuis deux ans, nous encourageons la création d'une telle mission d'information auprès de l'Assemblée nationale. Nous sommes ravis que le Sénat s'en saisisse.

Hypra est née du constat de deux étudiants lors de leurs études de sciences politiques, qui ont observé que le numérique créait une fracture dans l'accès aux études puis à l'emploi. Ce constat s'universalise, puisque nombreux sont ceux qui sont touchés dans le cadre familial. Nous avons ainsi décidé de constituer une jeune entreprise innovante et de réunir, au sein d'un conseil médical et scientifique, un certain nombre d'experts de l'e-inclusion, dès 2015, en vue de réfléchir en profondeur aux déterminants, dans l'usage numérique, de cette fracture secondaire. Les Français, en l'occurrence, ne sont pas réfractaires au numérique, mais incompris, d'une part des administrations dans la façon dont la dématérialisation s'opère, et d'autre part des accompagnants numériques. En effet, la pédagogie, la patience, l'approche culturelle et l'encouragement nécessaire à l'embarquement dans cette transformation sociétale et cette nouvelle langue continuent de faire défaut.

Forts de ce constat scientifique, nous avons bâti une approche reposant non pas sur la médiation numérique, mais sur l'émancipation et l'acculturation numérique. Le numérique constitue une culture et une langue, qui impliquent un certain nombre de pratiques, méthodes exploratoires, réflexes cognitifs, qui permettent à la personne de développer une autonomie sur l'ensemble des outils. Nous privilégions également une approche par l'émancipation, car l'autonomisation sur l'outil numérique passe par une approche évaluant l'autonomie de la personne.

Nous avons ainsi décidé de nous spécialiser dans l'inclusion numérique en construisant un certain nombre de programmes d'accompagnement. Ceux-ci débutent avant la phase d'équipement, afin de permettre aux personnes d'être avant tout comprises dans leurs réticences, leurs angoisses, etc., et de leur permettre de partager ce vécu en amont. Cette démarche se traduit par des échanges téléphoniques et des ateliers d'inclusion numérique, permettant d'échanger sur leur vécu et de discuter avec un professionnel de l'inclusion numérique. Nous assurons aujourd'hui des ateliers en présentiel sur une dizaine de territoires et une quinzaine de départements. Ce programme était doublé, avant même la crise et le confinement, de programmes d'accompagnement distanciels, en visioconférence et par téléphone, permettant de couvrir un territoire plus large et de réduire la taille des groupes. Ils ont été renforcés pendant le confinement, pour répondre à la demande croissante d'établissements et de structures sociales et assurer la continuité de l'accompagnement. Enfin, notre programme « Le numérique pour tous » consiste en un prêt de longue durée d'un équipement associé à un accompagnement personnalisé à distance par un médiateur numérique. Tous ces programmes s'articulent pour assurer une continuité sur l'ensemble de la démarche d'émancipation.

Dans l'écosystème de l'inclusion numérique, nous disposons de la capacité d'équiper les primo-accédants à grande échelle avec du matériel accessible universellement (personnes âgées, personnes en situation du handicap, enfants, ensemble de la population). Ce matériel a été conçu avec le soutien de la Banque publique d'investissement pour être non stigmatisant, c'est-à-dire à accès universel, reposant sur un système d'exploitation souverain. Enfin, le service d'accompagnement aux usages numériques est au coeur de notre modèle économique. Il est assuré par des professionnels qualifiés en sciences humaines et sociales. En matière de politique publique de lutte contre l'illectronisme, nous préparons une note qui résume l'ensemble de nos propositions et constats. Nous considérons que celle-ci est, en France, largement insuffisante. Je citerai trois axes d'amélioration : la qualification de l'offre de médiation numérique, qui fait aujourd'hui l'objet d'un déficit, l'absence de référentiel universel d'évaluation de l'autonomie numérique, et enfin le pilotage maladroit et illisible de l'offre de médiation numérique (axé sur un financement orienté vers des lieux plutôt que des services et une multiplicité d'acteurs non spécialisés et de petite taille). Ce pilotage empêche la construction de champions nationaux et européens sur cette thématique ainsi que la mutualisation d'expertises d'un territoire à l'autre. Face à ces constats, nous portons également un service d'accompagnement au design inclusif, pour que les administrations puissent dématérialiser de façon inclusive de tous les publics précaires et en situation de handicap.

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