Intervention de Bernard Giudicelli

Mission d'information Fonctionnement fédérations sportives — Réunion du 6 juillet 2020 : 1ère réunion
Audition conjointe de représentants de la fédération française de football de la fédération française de tennis et de la fédération française de rugby

Bernard Giudicelli, président de la Fédération française de tennis :

J'ajoute un point important : la perspective du vote direct ferait peser un risque sur les petits clubs. On ne saurait imaginer un système dans lequel un club aurait une voix ; les quarante-trois clubs ayant plus de 1 000 licenciés, qui représentent au total 6 % des licenciés, équivaudraient donc à 2 850 villages, ceux dont les clubs ont moins de 50 licenciés et qui représentent également 6 % des licenciés. La force du sport français, ce sont les territoires, qui sont liés à notre histoire. Nos statuts indiquent bien que la fédération comprend les ligues et les comités départementaux, organes de la mise en oeuvre de la politique territoriale, et pas seulement le siège à Paris. En outre, si les clubs votaient directement, à qui le président rendrait-il des comptes ? Aujourd'hui, le CST peut inscrire sa révocation à l'ordre du jour de l'assemblée générale. Qu'adviendrait-il de ce pouvoir dans le cadre d'une élection directe ? Combien de signatures de clubs seraient nécessaires ? Dans notre système, ceux qui s'occupent mal des clubs au quotidien ne sont plus désignés comme délégués, car il n'y a pas d'automaticité de reconduction.

Je vous rappelle que Philippe Chatrier a été président de la fédération pendant vingt ans. Si l'on avait limité le nombre de ses mandats, il aurait dû quitter son poste en 1980 et le tennis ne serait pas entré aux jeux Olympiques, Roland Garros ne se serait pas modernisé et il n'aurait pas pu occuper les fonctions qui furent les siennes au niveau international, alors que c'est cela qui fait la force du sport français ! Pour être représentatif au niveau international, pour être légitime, il faut au moins trois mandats. Vous savez, l'arrogance des Français n'est pas appréciée par les autres, nous devons revenir à plus de modestie. Nous sommes très attachés aux territoires, c'est pour cela que nous avons introduit la subsidiarité. Aujourd'hui, la ligue ne peut pas faire ce que le comité départemental - l'instance de proximité - fait. Le problème, maintenant, c'est l'entité régionale, sur laquelle nous devons travailler.

Par ailleurs, c'est une erreur de croire que l'on élit seulement un président de fédération ; le système a changé et nous y avons participé : l'officialisation du Projet sportif fédéral (PSF) est un élément majeur pour l'ANS. Chaque fédération doit adopter un PSF. Venons-en à la convention d'objectifs : ce dispositif a-t-il été réellement évalué ? A-t-il un impact sur la vie des clubs au quotidien ? Je ne le pense pas. En revanche, il faut s'assurer que les PSF sont réellement mis en oeuvre et ne sont pas seulement des outils électoraux ; à défaut, le vote direct des clubs favoriserait l'élection d'équipes investissant surtout sur le marketing. Or qui fait tourner l'organisation fédérale au quotidien ? Ceux qui gèrent chaque week-end les compétitions et, chaque semaine, les formations.

Enfin, à mon sens, ceux qui s'occupent de la formation du haut niveau ne peuvent plus s'accommoder de la routine. Le tennis évolue en permanence et il nous faut des cadres techniques sachant se renouveler et s'adapter constamment à la performance mondiale pour la décliner ensuite vers les jeunes. Quand allons-nous sortir de cette incertitude ? Nos collaborateurs se demandent quel sera leur avenir ! Le sport français a besoin qu'on le respecte et qu'on lui fasse confiance, à partir d'un élément objectif : notre PSF a été réalisé à 90 % pour l'olympiade à venir. Pourtant, personne n'est venu nous le demander ! En trois ans, nous avons reversé 18,8 millions d'euros pour l'investissement dans les clubs - autant que durant les quinze années précédentes - ces fonds ont donné lieu à 180 millions d'euros de travaux, qui ont bénéficié aux clubs de catégorie B et C - les petits clubs - qui ont reçu 10,5 millions d'euros. Attention aux solutions simples en apparence, mais qui s'apparentent à de la démocratie Canada Dry : le vrai démocrate, c'est celui qui peut être interpellé tous les jours, c'est-à-dire celui dont les représentants pèsent à l'assemblée générale et ont le pouvoir de révoquer les responsables. Sans cela, il n'y a pas de stabilité possible, c'est d'ailleurs cela que préconise le rapport Lappartient, qui a été beaucoup oublié.

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