Intervention de Dominique de Villepin

Commission d'enquête Concessions autoroutières — Réunion du 9 juillet 2020 à 14h00
Audition de M. Dominique de Villepin premier ministre de 2005 à 2007

Dominique de Villepin, Premier ministre de 2005 à 2007 :

Merci infiniment, monsieur le président. Je suis très heureux d'être devant votre commission d'enquête sur un sujet aussi important. Cela permet de dire des choses qui, je crois, n'ont pas été dites. J'en suis très heureux également car il s'agit du Sénat. Comme vous le savez, mon père a été président de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées durant de nombreuses années. Il a démissionné le jour de ma nomination comme ministre des Affaires étrangères.

Il y a quinze ans, mon gouvernement a décidé, sous l'autorité du président de la République, la cession par l'État de ses participations dans les sociétés concessionnaires d'autoroutes qu'il détenait encore. Il vous appartient, dans le cadre de votre commission d'enquête, d'apprécier les conditions dans lesquelles cette décision a été prise.

Je voudrais en préambule rappeler les quatre questions qui se posaient à l'époque, en vous demandant de bien vouloir garder à l'esprit une considération essentielle : le choix de 2005 sur les autoroutes ne peut pas être dissocié de la stratégie globale choisie par mon gouvernement.

Pourquoi ce choix d'une cession ?

Ce choix est fondé sur une conviction. Pour avancer, s'adapter, se réformer, la France a besoin d'un État fort, ce qui implique une certaine idée de l'État, soumis à une triple exigence. La première était celle d'unité nationale. Le défi était de taille après le 21 avril 2002 et le référendum constitutionnel européen manqué. La deuxième était une exigence de consolidation et donc de rigueur, car il faut tenir les cordons de la bourse.

Il y avait enfin une exigence de modernisation, pour adapter la France à un monde qui bouge. Rappelons, d'un côté, l'entrée de la Chine à l'OMC, en 2001 et de l'autre les efforts de l'Allemagne dans le cadre de l'Agenda 2010. Cette idée de l'État s'incarne dans une stratégie économique que j'ai présentée lors de ma déclaration de politique générale, avec pour question centrale comment retrouver des marges de manoeuvre pour engager la bataille de l'emploi, investir dans l'avenir et se désendetter ?

Ma responsabilité était, sans renoncer aux principes essentiels, d'arbitrer entre différentes exigences, c'est-à-dire préparer l'avenir par une stratégie industrielle, une politique d'innovation et de compétitivité ambitieuse, mais aussi se désendetter pour préserver notre souveraineté. Avec Thierry Breton, nous avons mené cette bataille, désireux de créer plus de conscience collective. C'est le sens du rapport commandé à Michel Pébereau, comme de l'organisation de la première conférence des finances publiques avec les représentants des collectivités territoriales et des partenaires sociaux. Nous n'avons pas cédé face à Bercy contre le ministère des Transports. Nous avons pris en compte l'exigence de réduction de la dette portée par le ministère de l'Économie tout en donnant au ministère des Transports les moyens d'investir.

En matière de transports, nous avons voulu aussi être à l'initiative. En 2005, le secteur des autoroutes était arrivé à maturité et nous étions, pour mener à bien la modernisation de nos transports, face à une double impasse, avec d'abord une impasse de financement. On avait pu croire avec la création de l'AFIT, en 2003, que les questions de financement des infrastructures de transport étaient résolues. Malheureusement, dans les mois qui ont suivi, la capacité à investir n'était pas au rendez-vous. Les dividendes autoroutiers affectés à l'AFIT ne représentaient que 332 millions d'euros en 2005, ce qui ne nous donnait pas de marges de manoeuvre pour un plan de relance. Le budget de l'AFIT, en 2005, n'était que de 1 milliard d'euros et largement affecté à des investissements déjà lancés.

La seconde impasse était une impasse de gouvernance dans la gestion des sociétés d'autoroutes, l'État étant des deux côtés de la table, se retrouvant juge et partie, actionnaire et régulateur, concédant et concessionnaire, pris entre des exigences contradictoires. Ainsi, l'État, comme les autres actionnaires des sociétés d'autoroutes, avait intérêt à des dividendes élevés, ce qui n'allait pas dans le sens de la protection des usagers contre les hausses de tarifs. La Cour des Comptes a ainsi souligné dans son rapport de 2008 un certain nombre de dérives anciennes (coups de pouce tarifaires non justifiés et pratique du foisonnement consistant à affecter les hausses de péage aux sections à fort trafic). Les administrateurs représentant l'État au conseil d'administration des sociétés concessionnaires se trouvaient en outre tiraillés entre les intérêts de l'État concédant et ceux des sociétés, qu'ils devaient, comme tout administrateur, défendre en priorité. En particulier les représentants de l'État ne pouvaient pas participer aux décisions du conseil d'administration sur les relations avec l'État, notamment sur les contrats de concession, au titre de leurs responsabilités générales de mandataire social devant agir dans l'intérêt social du concessionnaire et dans le cadre du régime spécifique des conventions réglementées.

Ce n'était évidemment pas le cas des autres administrateurs et en particulier des actionnaires privés minoritaires. Ainsi, du fait de l'alignement sur le droit commun des sociétés d'autoroutes et de la présence d'actionnaires privés à ses côtés, l'État était en fait devenu un actionnaire en grande partie passif, soumis aux décisions des actionnaires minoritaires, se contentant d'encaisser année après année sa part de dividende. On le voit bien à travers ces difficultés de gouvernance, l'État est pleinement dans son rôle lorsqu'il est autorité organisatrice, lorsqu'il est concédant. En tant qu'actionnaire de sociétés concessionnaires, il ne peut jouer qu'un rôle limité. Dans ce contexte, nous avons jugé nécessaire de clarifier la position de l'État, de sortir de cette situation d'un État empêché financièrement et juridiquement.

Deuxième grande question, quels sont le champ et la portée de notre décision ? Gouverner, c'est choisir. Ne pas choisir, c'est s'endetter. C'est pour ces raisons de politique économique et de politique des transports que mon gouvernement a décidé de vendre les parts que l'État français détenait dans les sociétés concessionnaires d'autoroutes. Notre choix a été de valoriser notre participation dans un secteur mature pour réinvestir les sommes ainsi dégagées dans le désendettement et le financement de nouvelles infrastructures. Cette cession a rapporté 14,8 milliards d'euros.

Nous avons décidé d'en affecter le produit à deux priorités, près de 11 milliards d'euros pour le désendettement de l'État (ce qui est considérable, même rapporté au stock de dette de l'époque d'un peu plus de 1 000 milliards). Je rappelle que l'endettement public a reculé de 2,8 % en part du PIB entre 2005 et 2007. En 2007, la dette publique ne représentait, selon l'Insee, que 64,5 % du PIB contre 67,3 % en 2005. Avec ce mouvement de baisse, le premier depuis le gouvernement Barre, nous avons voulu créer un électrochoc, montrer qu'il était possible d'inverser la tendance.

Pour le reste, 4 milliards ont été affectés à l'AFIT pour financer de nouvelles infrastructures, plus respectueuses de l'environnement. En 2005, un audit sur le réseau ferroviaire, le rapport Rivier, souligne sa dégradation et l'urgence d'un effort massif de réinvestissement. Sur la base de cet audit, avec Dominique Perben, nous avons mis fin à la logique d'étranglement de la maintenance du réseau. Nous avons lancé le premier plan de rénovation de notre réseau national pour améliorer la qualité des trains du quotidien. Ces décisions étaient attendues et n'étaient pas possibles avant 2005, faute de ressources suffisantes. Au-delà de ce réinvestissement massif dans les trains du quotidien, nous avons engagé la réalisation de quatre lignes à grande vitesse, Bordeaux, Rennes, Montpellier, Rhin-Rhône, inauguré la première phase du TGV Est, conclu avec les collectivités le financement de la préparation de la deuxième phase. Tous ces projets sont aujourd'hui en service.

Il faut rappeler que nous n'avons pas décidé la privatisation des autoroutes. Les autoroutes françaises font partie du domaine public. Contrairement à ce que l'on peut parfois lire ou entendre, l'État en est toujours le propriétaire. À la fin du contrat de concession, nos autoroutes ne disparaîtront pas et demeureront la propriété des Français. À la fin des contrats, soit, dans les conditions de 2005, à compter de 2028, l'État récupérera une infrastructure en très bon état, améliorée sur la base des travaux de rénovation et d'aménagement imposés par les cahiers des charges de l'État. Ce que nous avons cédé, ce sont les parts de l'État dans les sociétés chargées d'exploiter les concessions autoroutières. Cette décision, que beaucoup ont voulu présenter comme une rupture, s'inscrit en réalité dans une histoire longue, marquée par le tournant de 2001, justifié par la nécessité d'ouvrir le secteur autoroutier à la concurrence, la fin de l'adossement, et la nécessité de trouver de nouveaux financements et de se conformer au droit européen.

Le premier choix a été celui de la concession et du péage, en 1955, sous forme de sociétés d'économie mixte. Le deuxième choix, dans les années 70, fut celui de la création de sociétés totalement privées. Ce choix, fait sous Georges Pompidou, a été renouvelé sous Lionel Jospin, avec des concessions telles que l'A28 (Rouen-Alençon), l'A86 ouest ou, en 1998, le viaduc de Millau avec Jean-Claude Gayssot, ministre des Transports. Le troisième choix, le vrai tournant, a eu lieu en 2001 avec la transformation des sociétés d'économie mixte en sociétés anonymes de droit commun et, dans la foulée, l'ouverture du capital d'ASF en mars 2002, sous Lionel Jospin.

Cette politique a été poursuivie par mon prédécesseur Jean-Pierre Raffarin avec l'ouverture du capital d'APRR, en novembre 2004 et de Sanef en mars 2005. Des investisseurs privés ont ainsi pu acquérir, selon le cas, entre 50 % et 26 % du capital des sociétés, toutes les trois cotées en bourse. Pour préparer cette ouverture du capital, les relations entre l'État et ces sociétés avaient été remises à plat en deux étapes, celle de 1994 sous le gouvernement d'Édouard Balladur, avec le regroupement et la recapitalisation des sociétés, ainsi que la définition de la règle d'évolution des tarifs, sur la base de laquelle la privatisation a été faite ; celle de 2001, sous le gouvernement de Lionel Jospin, qui a consisté à supprimer certains avantages dont bénéficiaient ces sociétés, tels que la garantie de reprise de passif par l'État en fin de concession. En contrepartie, les sociétés ont bénéficié d'un allongement de la durée de leur concession. Ce schéma a été validé par la Commission européenne.

En 2005, les sociétés concessionnaires étaient déjà totalement ou partiellement privées. L'État contrôlait à peine plus de 50 % du secteur, moins de 62 % si on ne prend pas en compte la société concessionnaire déjà entièrement privée Cofiroute.

Ce que j'ai décidé en 2005, c'est de mener à son terme le processus déjà engagé de cession des parts publiques dans les sociétés concessionnaires liées à l'État par des contrats déjà signés, déjà négociés et même renégociés.

Ce choix marque-t-il un recul de l'État ? Je ne le crois pas : dans ce cadre clarifié, l'État reste gardien des intérêts publics au travers de deux responsabilités, celle de concédant et celle de régulateur. L'État reste propriétaire des autoroutes et peut assumer pleinement son rôle de concédant. C'est lui qui définit la taille du réseau, le niveau de service, les enjeux de sécurité, les principes de fixation des péages. L'État est aussi régulateur. Sous la houlette de Dominique Perben, les contrats de concession ont été modifiés pour renforcer les obligations des concessionnaires, dans le service rendu, sur les questions de sécurité, dans la gestion de crise (où l'État reprend toujours la main, à travers les préfets) ou encore l'accès du concédant aux informations. Les principales modifications ont été publiées en amont de la remise des offres finales de façon à être prises en compte dans les engagements des candidats. Il en est ainsi pour :

- le renforcement des obligations de publicité et de mise en concurrence pour la passation des contrats de travaux ;

- le renforcement des obligations d'information du concédant ;

- la présence d'un commissaire du gouvernement aux séances du conseil d'administration et aux assemblées générales ;

- l'harmonisation et le renforcement des dispositions concernant la politique d'exploitation et de sécurité ;

- la qualité du service rendu aux usagers ;

- l'augmentation du montant des pénalités de retard et d'exploitation en cas de manquement ;

- la généralisation de la clause rendant obligatoire un état des lieux neuf ans avant la fin de la concession.

Sur les clauses tarifaires, l'État n'a fait aucun cadeau. Ce sont les clauses préexistantes qui ont été maintenues. Les règles de fixation des péages sont rigoureusement les mêmes que celles définies antérieurement. En pratique, les péages ont semble-t-il augmenté moins vite après 2005 qu'avant 2005. Nous n'avons pas changé ces règles tarifaires. Pour changer la durée et les péages des concessions, il aurait fallu modifier les contrats. Ils ne peuvent l'être unilatéralement par l'État : toute modification suppose un accord avec les sociétés concessionnaires. Nous l'avons vu en 2015, lors de la tentative du gouvernement de l'époque qui a pris une décision d'un gel des péages conduisant à l'impasse. Dans un cadre contractuel, l'État ne peut pas passer en force, d'autant que pour l'examen de tout projet de modification, les administrateurs de l'État, comme je l'ai indiqué, sont légalement obligés de se déporter, laissant les autres administrateurs seuls en position de décider. Ceux-ci, et notamment les minoritaires, n'auraient jamais accepté des clauses amputant substantiellement la valeur des sociétés.

Ces contraintes ont été clairement rappelées par le ministre d'État Jean-Louis Borloo dans sa réponse au rapport de 2008 de la Cour des comptes : « les mandataires sociaux ne peuvent conclure un avenant ou un contrat d'entreprise avec l'État qu'à la condition qu'il soit conforme à l'intérêt social de l'entreprise ». Compte tenu de l'impact des clauses tarifaires sur les revenus futurs des sociétés, leur durcissement est à l'évidence difficile à faire accepter. Que l'entreprise soit publique ou privée ne change rien à la responsabilité des mandataires sociaux telle qu'elle est par exemple sanctionnée par l'article L. 242-6 du code de commerce, qui prévoit des sanctions pénales.

Troisième grande question, quelles ont été les modalités de l'opération ? Commençons par la procédure politique. J'ai présenté le cadre retenu le 8 juin 2005 au Parlement lors du discours de politique générale. Ce discours a été suivi d'un vote de confiance.

La décision d'autoriser le transfert des parts de l'État dans les sociétés d'autoroutes est une décision que j'ai prise en plein accord, bien sûr, avec Jacques Chirac, par décret, les 2 février, 16 février et 8 mars 2006. Nous avons sollicité le Conseil d'État sur la procédure à suivre. Celui-ci a rendu un avis en assemblée générale, confirmant la régularité de la procédure retenue par le gouvernement. Le Conseil d'État nous a en particulier confirmé que la poursuite de la cession des parts ne nécessitait pas de vote du Parlement, notamment parce qu'il n'y avait pas, contrairement, par exemple, au projet d'ouverture du capital d'ADP, de transfert du domaine public. Je rappelle pour autant qu'avant la cession effective des parts de l'État, le Parlement a été saisi du projet de loi de finances pour 2006, dans lequel étaient retracées les conséquences de la vente de nos participations. Le Parlement a adopté la loi de finances avec l'affectation des recettes de cession.

Partant de là, l'État s'est mis en bon ordre de marche, au niveau du gouvernement, avec l'action concertée de Thierry Breton, ministre de l'Économie et Dominique Perben, ministre des Transports, au niveau des services de l'État, avec l'Agence des participations de l'État (APE), chargée de piloter le processus de privatisation. L'APE s'entoure, pour ces opérations, de conseils financiers et juridiques de haut niveau. La Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), de son côté, a pleinement joué son rôle dans l'élaboration des cahiers des charges et la révision des clauses contractuelles qui pouvaient en faire l'objet.

La procédure technique retenue est celle qui donne le plus de poids aux intérêts de l'État. Sachant que l'État est faible lorsqu'il négocie de gré à gré et qu'il est fort lorsqu'il lance un appel d'offres ouvert et concurrentiel pour obtenir le meilleur prix, nous avons lancé un appel d'offres ouvert et compétitif, auquel ont participé dix-huit candidats, français et étrangers, majoritairement des opérateurs industriels de premier rang et non des fonds. C'est le moyen le plus efficace pour obtenir le meilleur prix.

Enfin, nous avons fait le choix d'une gouvernance apportant toutes les garanties nécessaires et la mise en oeuvre de notre décision s'est faite sous le contrôle de plusieurs autorités. Nous y reviendrons si vous le souhaitez. Le Conseil de la concurrence, la Commission des participations et des transferts (CPT), la Commission européenne. Nous avons aussi décidé, pour rendre la procédure irréprochable, de charger Jean-Louis Fort, ancien secrétaire général de la Commission bancaire, de veiller au bon déroulement de la procédure.

Quatrième question, les intérêts de l'État ont-ils été bien préservés ? Nous avons d'abord cherché à garantir un juste prix. Quels sont les repères chiffrés réunis par l'Agence des participations de l'État, partagés à l'époque au sein de l'État lorsque nous avons lancé le processus ? Si l'on regarde le cours de bourse des trois sociétés concernées, les participations de l'État valaient 11,5 milliards d'euros avant que j'annonce leur vente le 8 juin 2005. Le rapport du député Hervé Mariton, rédigé avant cette annonce, avait évalué entre 10 et 12 milliards la valeur des participations. La Commission des participations et des transferts a estimé la valeur a minima que devait en attendre l'État à 12,8 milliards d'euros. Nous en avons obtenu de 14,8 milliards d'euros, soit 30 % de mieux que le dernier cours de bourse. Ce résultat était dans la fourchette haute de nos attentes et des modèles financiers d'évaluation des sociétés concernées.

Compte tenu de la part des autres actionnaires, cela donne une valeur totale des sociétés concessionnaires d'autoroutes de 24 milliards d'euros. Ce chiffre figure en note de bas de page dans le rapport de la Cour des comptes de 2009, qui précise la valeur globale des 7 000 kilomètres d'autoroutes publiques dont la concession a été privatisée en 2006, estimée à 24 milliards d'euros. Leur cession a rapporté 14,8 milliards d'euros à l'État. Je souligne le risque de malentendu lié à l'interprétation du chiffre de la Cour des comptes, à l'origine de nombreuses polémiques. 24 milliards d'euros, c'est la valeur de 100 % des parts des trois sociétés. 14,8 milliards d'euros, c'est la valeur des parts détenues par l'État, soit en moyenne 61,7 %. Ces deux chiffres ne se contredisent en rien. S'agissant de la plus grosse de ces trois sociétés, ASF, dont l'État ne détenait plus que 50 % du capital suite à sa mise sur le marché au prix de 24 euros par action sous le gouvernement de Lionel Jospin, nous avons obtenu 51 euros par action.

Ainsi, nous avons vendu le solde de la participation de l'État dans les sociétés concessionnaires au mieux de leur valeur à l'époque. Ce sont les soumissionnaires qui proposent, dans le cadre d'une procédure compétitive et ouverte, le prix d'acquisition, selon des méthodes classiques d'évaluation multicritères. C'est la Commission des participations et des transferts et elle seule qui valide que ces prix sont au-dessus du seuil qui garantit parfaitement les intérêts de l'État. Elle valide donc implicitement le juste prix et ses avis sont publics. Votre commission peut accéder à toutes ces données pour établir de façon transparente comment les sociétés ont été valorisées. L'Agence des participations de l'État a nécessairement conservé toutes ces données. Votre commission peut les trouver assez facilement.

Partant de là, les intérêts de l'État ont été pris en compte à chaque étape.

Premier constat, l'État a tenu ses promesses en affectant le produit de la vente au désendettement et à l'investissement. Deuxième constat, au-delà de la vente initiale, l'État continue de percevoir des taxes importantes, assises sur les péages (essentiellement la TVA), des taxes spécifiques (comme la redevance domaniale et la taxe d'aménagement du territoire affectée à l'AFIT) et l'impôt sur les sociétés. Ce sont, au total, de l'ordre de 5 milliards d'euros que l'État encaisse annuellement, soit plus de 40 % des péages.

Troisième constat, la qualité du service est assurée et l'on s'accorde à reconnaître que nos autoroutes sont parmi les meilleures d'Europe et du monde.

Quatrième constat, l'État récupérera à la fin des concessions une infrastructure autoroutière en bon état, améliorée des travaux réalisés par les concessionnaires. On voit d'ailleurs que le réseau routier et autoroutier placé sous la responsabilité directe de l'État vieillit et connaît des problèmes d'entretien importants. Je pense en particulier au réseau francilien. Aujourd'hui, le patrimoine autoroutier français concédé est en meilleur état que le patrimoine routier resté sous la gestion opérationnelle publique.

En conclusion, je voudrais formuler trois voeux devant votre commission. D'abord ne pas céder au chronocentrisme, c'est-à-dire ne pas juger avec les critères d'aujourd'hui une décision prise à une date antérieure. Il faut bien prendre en compte les paramètres qui étaient les nôtres quand la décision a été prise, et ne pas perdre de vue que les concessions sont des contrats de long terme, qu'il faudra évaluer à leur terme. Les risques imprévus ne doivent pas être sous-estimés. Enfin, le choix de 2005 ne peut être dissocié de la stratégie globale choisie par le gouvernement. Comme vous le voyez, mon gouvernement n'a pas « bradé les bijoux de famille » pas plus qu'il n'a « tué la poule aux oeufs d'or », bien au contraire. La période 2005-2007 a été une période où la France, grâce aux marges de manoeuvre dégagées, a su améliorer ses performances économiques, qu'il s'agisse de la baisse du chômage, de la réduction des déficits ou de la baisse de la dette. Nous avons obtenu dans cette période, à la fin du mandat de Jacques Chirac, les meilleurs résultats économiques des trente dernières années. En témoigne tout particulièrement la comparaison avec l'Allemagne, puisque notre bilan économique et financier était encore, en 2007, à l'avantage de la France. Je vous remercie.

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