Intervention de Luc Chatel

Réunion du 14 décembre 2007 à 15h00
Développement de la concurrence au service des consommateurs — Articles additionnels après l'article 10 quinquies, amendement 51

Luc Chatel, secrétaire d'État :

L'amendement n° 51 rectifié vise à permettre au juge de soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation. Il s'agit donc là d'une évolution très importante.

Les amendements n° 115 et 148 rectifié en font, eux, une obligation.

Actuellement, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le juge ne peut soulever d'office, dans le cadre d'un débat contentieux, un moyen de droit relatif à l'application du droit de la consommation qui n'a pas été soulevé par les différentes parties au litige.

La Cour de cassation refuse au juge du fond de relever d'office les moyens fondés sur une disposition tirée de l'ordre public de protection. Toute règle protectrice d'un intérêt particulier échappe donc à l'intervention du juge.

Certes, la jurisprudence communautaire acte la possibilité pour le juge de soulever d'office le caractère abusif d'une clause dans le cadre d'un litige entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur ; mais nous sommes là dans le strict champ contractuel.

Bien sûr, on peut être tenté, monsieur le rapporteur, de considérer le consommateur comme étant la partie particulièrement vulnérable, mais il faut sans doute aussi se poser la question de certains litiges d'une autre nature, tel le droit du travail, par exemple.

Le consommateur est-il toujours la partie la plus vulnérable ? Qu'en est-il, par exemple, du petit commerçant qui est confronté à un consommateur particulièrement procédurier, voire malhonnête ? Faut-il vraiment favoriser le second au détriment du premier, tant il est vrai - et c'est bien de cela qu'il s'agit, mesdames, messieurs les sénateurs - que le juge doit rester un arbitre impartial et que le droit au procès équitable ne doit pas souffrir d'exception ?

Monsieur le rapporteur, vous proposez que les consommateurs bénéficient en quelque sorte d'un « super conseiller juridique », le juge, et ce au détriment de la partie à laquelle il s'oppose, quelle qu'elle soit.

Si la procédure préconisée était obligatoire - c'est l'objet des amendements n° 115 et 148 rectifié -, alors, mesdames, messieurs les sénateurs, vous ouvririez la porte à une infinité de contentieux possibles qui pourraient se révéler préjudiciables y compris aux consommateurs que vous souhaitez protéger.

Si elle est facultative, il y aura autant de cas de figure que de juges en France, compte tenu de la légitime faculté d'appréciation de ces derniers.

Est-ce cela que vous voulez, mesdames, messieurs les sénateurs ? Je me permets de vous poser la question.

Comme le Gouvernement, vous voulez faciliter l'accès des consommateurs à la justice ; vous voulez une vraie justice de proximité, efficace et rapide ; vous voulez des procédures nouvelles et efficientes. Or je ne suis pas sûr que le fait de soulever d'office les dispositions protectrices du consommateur soit la meilleure réponse. Je pense plutôt que l'action du groupe que nous avons évoquée au cours de ce débat serait plus appropriée.

Certes, monsieur le rapporteur, j'ai bien compris que vous étiez très attaché à cette disposition ; en témoignent les échanges nourris tant au sein de la commission qu'entre cette dernière et mon secrétariat d'État.

Pour cette raison, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur les amendements n° 51 rectifié et 59 rectifié bis. En revanche, il est défavorable aux amendements n° 115 et 148 rectifié, qui, eux, visent à instaurer une obligation.

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