Intervention de Albéric de Montgolfier

Réunion du 8 juillet 2020 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de 2019 — Discussion générale

Photo de Albéric de MontgolfierAlbéric de Montgolfier :

… mais le Gouvernement a bénéficié parallèlement au cours de l’exercice de trois facteurs qui auraient permis de redresser les comptes publics : une conjoncture favorable, un dynamisme anormalement élevé des prélèvements obligatoires, une baisse de la charge de la dette de 5, 1 milliards d’euros grâce à des taux d’intérêt particulièrement bas.

Une fois ces éléments neutralisés, il apparaît que, loin d’améliorer le solde structurel, la politique gouvernementale a contribué à le dégrader de 0, 5 point de PIB en 2019. Ainsi, la dépense publique augmente de 1, 8 %, pour un objectif initial fixé à 0, 6 % dans le projet de loi de finances pour 2019 – c’est trois fois plus –, dans un contexte marqué par la montée en charge des mesures prises en réponse à la crise des « gilets jaunes », crise qui aurait pu être évitée si l’on avait anticipé et écouté le Sénat. L’effort structurel de maîtrise de la dépense réellement imputable au Gouvernement est donc négatif en 2019 et plus faible que sous la précédente majorité – voilà qui ne déplairait pas à Claude Raynal !

Par ailleurs, du côté des recettes, la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale n’a pas diminué l’an dernier – 44, 8 % du PIB –, une fois la bascule du CICE neutralisée.

Faute d’un effort suffisant, l’infléchissement de la trajectoire d’endettement est une nouvelle fois différé, avec un niveau qui stagne à 98, 1 % du PIB en 2019. Pourtant, la France bénéficiait depuis trois ans de circonstances historiquement favorables pour réduire sa dette.

Du côté du respect des règles budgétaires européennes, le constat n’est guère plus réjouissant : en 2019, le précédent gouvernement a réussi l’« exploit » de dépasser la déviation maximale autorisée sur un an pour chacune des trois règles, n’est-ce pas, cher Jean Bizet ! §La France a une nouvelle fois échappé à l’ouverture d’une procédure de redressement à son encontre, du fait de la suspension du pacte de stabilité, mais elle doit faire face à un isolement croissant à l’échelon européen dans le domaine budgétaire.

Il est regrettable que notre pays n’ait pas su profiter de cette phase haute du cycle économique, pour réduire son endettement et retrouver des marges de manœuvre budgétaires qui nous manquent cruellement maintenant que nous devons gérer une crise économique majeure, ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne.

Le différentiel d’endettement avec ce pays atteint ainsi près de 40 points de PIB ! Avant la crise de 2008-2009, la France et l’Allemagne connaissaient un taux d’endettement de 60 %. Si notre voisin allemand a augmenté son endettement après la crise, il a su se désendetter, comme les autres pays d’Europe, alors que la France a continué à s’endetter. Cela explique que le plan de relance allemand soit déjà sur les rails avec 50 milliards d’euros. L’Allemagne est en avance, car elle a d’autres marges de manœuvre que la France, laquelle n’a pas les moyens de consacrer 9 milliards d’euros à l’hydrogène, par exemple : elle est plutôt dans des mesures de soutien immédiat et diffère son plan de relance. Nous y reviendrons, monsieur le ministre, à l’occasion de l’examen du PLFR 3.

Pas de marge de manœuvre : voilà le constat que l’on peut tirer de l’exécution budgétaire de 2019.

Une fois la situation économique revenue à la normale, il sera nécessaire d’infléchir progressivement l’endettement de la France, afin de préserver la crédibilité et la soutenabilité de notre politique budgétaire.

Concernant plus précisément le budget de l’État, cœur du projet de loi de règlement, son examen confirme les analyses macroéconomiques précédentes : le Gouvernement n’a pas su mettre à profit des années de croissance relativement forte pour assainir les finances publiques.

De ce point de vue, je dresse trois principaux constats.

Premièrement, le déficit budgétaire de l’État se dégrade de 16, 7 milliards d’euros entre 2018 et 2019. Il aurait d’ailleurs pu l’être encore davantage du fait de la transformation du CICE et de la hausse de la prime d’activité, sans l’augmentation parallèle des recettes fiscales nettes résultant de la croissance.

Deuxièmement, la plupart des recettes fiscales ont été sous-estimées en loi de finances initiale. Le prélèvement à la source a par exemple conduit à des revenus exceptionnels de 2018 d’un montant de 2, 2 milliards d’euros qui n’avait pas été budgété. La croissance spontanée des recettes fiscales nettes s’élève à 1, 5 % en 2019. Certains autres impôts, comme la TVA ou l’impôt sur les sociétés, restaient encore dynamiques, ce qui fait rêver aujourd’hui !

La TVA, qui était autrefois un impôt d’État, est de plus en plus préemptée par d’autres – la sécurité sociale, les régions depuis 2018 –, ce qui ramène la part de l’État à 74 %. Il en est de même pour la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui est maintenant partagée notamment avec les collectivités.

Troisièmement, les dépenses du budget général, hors remboursements et dégrèvements, sont en augmentation de 6, 3 milliards d’euros, soit 1, 9 %, par rapport à 2018.

Monsieur le ministre, peut-être trouverez-vous mon propos un peu négatif, surtout pour votre première venue au Sénat. Je finirai donc sur une note optimiste. Je relève avec satisfaction, comme vous-même et comme mes collègues de la commission des finances, que le montant des crédits consommés dans le budget général, hors charge de la dette et hors remboursements et dégrèvements, n’est supérieur que de 1, 5 milliard d’euros par rapport au montant total initial. Je partage donc votre constat : la budgétisation est sincère.

De même, et il faut s’en féliciter, aucun décret d’avance n’a été pris au cours de l’année 2019. Ce n’est pas le cas en 2020 : certes, il n’y a pas de décret d’avance, mais il y a des projets de loi de finances rectificative – nous en sommes au troisième, ce qui est un changement. Autant dire que l’on a parfois tendance à se réjouir un peu vite…

En outre, la réserve de précaution a été limitée à 3 %, hors dépenses de personnel. Elle a parfois atteint 8 %. Elle est utile, indispensable, mais, si elle devient trop importante, cela revient à méconnaître l’autorisation parlementaire.

En revanche, les efforts de maîtrise de la dépense publique n’ont pas été au rendez-vous.

Philippe Dallier le confirmera, en matière d’aides personnelles au logement, on ne sait plus ce qu’il en est de la contemporanéisation.

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