La séance est ouverte à quinze heures.
Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 2 juillet 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
M. le président. Monsieur le Premier ministre, au nom du Sénat tout entier, je vous félicite de votre nomination et vous souhaite la bienvenue au Sénat.
Applaudissements sur l’ensemble des travées, à l’ exception de celles du groupe CRCE
C’est la première fois que vous êtes appelé à participer à nos travaux dans cet hémicycle, au banc du Gouvernement.
Je tiens également à féliciter et à souhaiter la bienvenue aux membres du Gouvernement, en particulier au ministre chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne, Marc Fesneau, avec qui nous allons poursuivre notre travail.
Applaudissements sur l’ensemble des travées, à l ’ exception de celles du groupe CRCE.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, sachez que vous trouverez le Sénat à vos côtés chaque fois qu’il s’agira de défendre les intérêts de notre pays, comme nous l’avons démontré notamment au cours de la crise sanitaire. Notre assemblée soutiendra les mesures qui lui paraîtront utiles à la relance économique et susceptibles d’éviter, ou en tout cas d’atténuer, la crise sociale, deux enjeux essentiels des prochains mois.
Le Sénat est le reflet de nos territoires. Au-delà, il incarne la Nation, avec ses différences et sa diversité, mais aussi ses valeurs et son unité. Sur ses travées siègent des élus expérimentés, à l’écoute des territoires et de nos concitoyens.
Je forme donc le vœu, monsieur le Premier ministre, que le Sénat soit écouté au cours des deux années qui viennent.
M. André Gattolin applaudit.
Dans cette période marquée par une succession de crises et de tensions, la démocratie représentative, mes chers collègues, est le visage de la démocratie vivante.
Applaudissements prolongés sur l’ensemble d es travées, à l ’ exception de celles du groupe CRCE.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle qu’il vous est demandé de laisser un siège vide entre deux sièges occupés ou de porter un masque si l’affection ou le nombre vous amène à vous rapprocher.
Sourires.
Je rappelle que l’hémicycle fait l’objet d’un nettoyage et d’une désinfection avant et après chaque séance. J’invite chacune et chacun à veiller au respect des distances de sécurité. Les sorties de la salle des séances, pour les sénateurs, devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle. Pour les membres du Gouvernement, les sorties se feront par le devant de l’hémicycle.
Chacun veillera à respecter le temps de parole de deux minutes qui lui est alloué, à l’exception du Premier ministre, qui dispose ici de quelques libéralités…
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
M. le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le Premier ministre, permettez-moi avant tout de m’associer aux vœux de bienvenue exprimés par le président du Sénat et d’y ajouter des vœux républicains de réussite dans l’action que vous avez à mener avec votre gouvernement.
En effet, nos concitoyens attendent beaucoup : ils attendent des décisions rapides et fortes pour répondre aux préoccupations qui les taraudent, et elles sont nombreuses – elles portent notamment sur l’emploi, la sécurité, la dette abyssale, laquelle devient difficilement supportable, et sur toutes sortes de sujets que vous aurez à traiter très rapidement.
Le président Larcher vient de le dire à l’instant, le Sénat est accueillant ; il a le souci du dialogue, pour peu que l’on veuille bien s’y prêter, car il faut être deux pour cela. Or on ne peut pas dire que le Parlement a été associé de manière intensive dans la pratique institutionnelle ces dernières années…
La preuve en est que la réforme des retraites a été discutée pendant de longs mois un peu partout, sauf ici. De même, le grand débat national organisé après la crise des « gilets jaunes » a donné lieu à des discussions importantes un peu partout, sauf dans les hémicycles. La politique environnementale est préparée par une convention citoyenne, dont les membres sont tirés au sort, mais on n’en parle pas ici !
Jour après jour, des ordonnances, de plus en plus nombreuses, de plus en plus importantes, sont prises afin d’éviter le Parlement.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : alors que le Président de la République ne s’exprimera pas avant le 14 juillet, pouvez-vous d’ores et déjà nous dire quelles sont vos priorités les plus importantes, celles que vous comptez fixer à votre gouvernement ? Et comment entendez-vous, ou non, associer le Sénat à la conduite de votre politique ?
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.
Monsieur le président du Sénat, mesdames, messieurs les membres de la Haute Assemblée, permettez-moi au préalable de vous faire part de la vive émotion que je ressens en m’exprimant devant vous pour la première fois en tant que Premier ministre.
J’aurai, si vous me le permettez, une pensée toute personnelle pour mon grand-père, qui siégea pendant neuf ans dans cette assemblée, où il représenta le beau département du Gers.
Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et UC – M. Bruno Sido applaudit également.
En réalité, monsieur le président Marseille, vous m’avez posé deux questions : la première porte sur les priorités de l’action gouvernementale qu’il m’incombe désormais de conduire avec le gouvernement qui m’entoure, et que je salue ; la seconde est relative aux intentions de ce gouvernement à l’endroit du Parlement et, plus spécifiquement, de la Haute Assemblée.
Les priorités sont fixées par le Président de la République. Elles seront déclinées devant vous lors du discours de politique générale que je prononcerai la semaine prochaine, mais elles s’inscrivent également dans un contexte nouveau, inquiétant par bien des aspects, et marqué, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, par une crise sanitaire d’ampleur exceptionnelle, laquelle n’est pas terminée – vous savez, cher président Bas, que je connais le sujet – et par une crise économique et sociale qui a déjà commencé.
Le gouvernement de la République, déterminé, sera tout entier mobilisé pour faire face à cette crise, dans la continuité des réformes de structure engagées. Il orientera ses décisions pour que cette crise soit aussi l’occasion de moderniser notre pays.
Nous ne pourrons relever ce défi, mesdames, messieurs les sénateurs, que si la France est la plus unie possible. Dans ces conditions, il incombe en premier lieu au gouvernement de la République de chercher par tous les moyens les conditions de cette unité et de cette mobilisation. Je suis, mesdames, messieurs, un homme de dialogue.
J’ai par ailleurs la conviction que la mise en œuvre des politiques publiques que le Gouvernement conduira, quelles qu’elles soient, passera, pour être efficace, par les territoires. Je suis ici, vous l’avez rappelé, monsieur le président, dans la chambre des territoires, et je suis moi-même, vous le savez, un élu issu des territoires.
Toutes ces considérations, monsieur le président Marseille, ne peuvent que conduire le Gouvernement non seulement à respecter la représentation parlementaire, mais, de surcroît, à établir avec le Sénat des relations courtoises et républicaines, cela va sans dire, mais également approfondies, afin, dans le contexte que nous connaissons, de servir nos concitoyens de manière plus efficace.
Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour le groupe La République En Marche.
Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.
M. Martin Lévrier. Madame la ministre chargée de l’autonomie, permettez-moi avant tout de vous adresser mes félicitations pour votre nomination, ainsi qu’à tous les membres du Gouvernement.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe SOCR.
Initialement chargé de coordonner le déconfinement, M. le Premier ministre, à qui j’adresse mes salutations républicaines et gersoises de cœur, a pris sa mission à bras-le-corps.
Les Français reconnaissent à n’en pas douter qu’il a rempli sa mission avec efficacité, même s’il importe dans cet hémicycle de continuer à rappeler à tous la nécessité de respecter en permanence les gestes barrières. Le combat contre la maladie n’est pas encore gagné, ce qui va conduire d’ailleurs le Premier ministre à se rendre en Guyane, où le virus circule activement.
Il n’est pas surprenant que, dans la continuité de la mission menée par le Premier ministre, le Gouvernement veuille relever un premier grand défi : conclure dès cette semaine le Ségur de la santé.
Cette grande concertation, souhaitée par le Président de la République, lancée le 25 mai dernier par Édouard Philippe et Olivier Véran, vise à nous permettre de tirer collectivement les enseignements de l’épreuve qu’a constituée la pandémie qui nous a frappés et à faire le lien avec Ma santé 2022, afin de renouveler les fondations d’un système de santé toujours plus innovant et plus souple, au service des patients.
Le Gouvernement devra s’appuyer sur les territoires et prendre en compte l’ensemble des professionnels, par une réelle revalorisation et un management renouvelé.
Madame la ministre, le gouvernement auquel vous appartenez a fait part de son désir de nouer un dialogue fort et clair avec tous les acteurs concernés. Dès hier, M. le Premier ministre a augmenté de plus d’un milliard d’euros l’enveloppe destinée à la rémunération du personnel hospitalier.
Quelle méthode entendez-vous mettre en place pour favoriser un aménagement équilibré des territoires et redonner aux acteurs de la santé, qui sont en première ligne et qui ont prouvé leur dévouement, le pouvoir d’exercer leurs missions en adéquation avec les enjeux locaux et au service de tous les Français ?
Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.
Monsieur le sénateur, permettez-moi de répondre à votre question, car elle porte sur un sujet extrêmement important et sur lequel, vous l’avez rappelé, j’ai tenu à intervenir dès ma prise de fonctions.
Je pense qu’il n’est nul besoin d’insister devant le Sénat sur l’importance des questions de santé et sur le dévouement absolument remarquable de tous les professionnels durant la crise sanitaire grave que nous traversons.
Vous l’avez rappelé, le Gouvernement et mon prédécesseur, que je salue tout particulièrement, ont décidé d’engager une grande concertation, le Ségur de la santé. Je précise au Sénat, car les mots ont un sens, que, parallèlement à cette concertation, une négociation a été menée avec les partenaires sociaux du secteur, notamment sur les volets salariaux et indemnitaires des professions de santé.
Le Gouvernement souhaite que ces négociations, et c’est symbolique, compte tenu de la volonté que j’ai exprimée il y a un instant de dialoguer, aboutissent à un accord majoritaire. Le pays en a besoin, la santé en a besoin. J’espère, mesdames, messieurs les sénateurs, que cet accord est à portée de main.
Vous avez raison de rappeler que j’ai souhaité que soit accru l’effort déjà très significatif engagé par l’État et par la Nation tout entière, en signe de reconnaissance à l’égard de ces professions. Il s’agit pour moi non pas d’acheter un accord majoritaire ou de célébrer mon entrée en fonctions, mais d’introduire dans cette négociation une question qui me paraissait insuffisamment couverte et à laquelle tous les sénateurs, hommes et femmes de terrain, sont sensibles : l’emploi dans les établissements de santé.
Vous l’avez tous constaté, le nombre de professionnels dans certains établissements de soins est insuffisant. Mieux payer ces professionnels est une question de reconnaissance et de rattrapage. En outre, pour améliorer l’efficacité du service public de santé auquel nos concitoyens sont particulièrement attachés, il faut donner des moyens pour l’emploi. Tel est le sens de l’augmentation de l’enveloppe que j’ai décidée.
Enfin, monsieur le président, nous réfléchissons, dans le cadre de ces concertations et de ces négociations, à une amélioration de l’organisation et de l’efficience du système, qui en a bien besoin. Cela passe, je vous le dis, par un accroissement du rôle des élus, pour ne pas dire par un retour des élus, notamment des maires, dans la gouvernance et le pilotage du système de santé et du système hospitalier.
Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes LaREM, RDSE et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Au nom du groupe du RDSE, je salue la venue du nouveau Premier ministre et de son gouvernement dans notre hémicycle.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance, car elle porte sur la relance, mais je serais naturellement très heureuse que Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie me réponde.
C’est à un véritable séisme économique, qui fait écho à la crise sanitaire, que le monde entier fait face et peine encore à endiguer aujourd’hui.
Dans les circonstances d’urgence financière que nous connaissons, je salue les plans de sauvegarde des différentes filières industrielles françaises que votre ministère a su mettre en œuvre très rapidement. Ils traduisent un effort national d’un montant inédit dans l’histoire de notre économie, destiné à financer des mesures facilitatrices pour les entreprises : 8 milliards d’euros pour la filière automobile, 15 milliards d’euros pour l’aéronautique, dont 7 milliards d’euros d’aides directes à Air France.
Mon département est frappé de plein fouet. Largement spécialisée dans l’aéronautique, avec toute la chaîne de construction des avions, le siège mondial d’Airbus, la filière du transport aérien, ses nombreuses compagnies et leurs plateformes régionales, la Haute-Garonne risque de payer cher le coût social de cette crise. Les plans sociaux menacent déjà des dizaines de milliers d’emplois.
Plus de 5 000 postes seraient supprimés chez Airbus, mais combien d’autres le seront dans la supply chain ? L’onde de choc touchera les PME sous-traitantes. Jusqu’à 30 000 emplois seraient concernés. Air France, pour sa part, annonce la suppression de 7 500 postes d’ici à 2022. Il faut ajouter à ce décompte mortifère les 4 600 suppressions d’emplois prévues par le groupe Renault.
Combien de salariés, dans cette accumulation de chiffres exorbitants, viendront grossir le nombre de personnes inscrites à Pôle Emploi ?
Tous les décideurs affirment vouloir éviter les licenciements secs, mais je redoute que leurs promesses n’engagent que ceux qui y croient !
Ma question est simple : comment l’État compte-t-il veiller – pour ne pas employer le mot surveiller – à ce que les fonds publics consacrés à la relance de l’industrie et à la sauvegarde de la compétence industrielle soient effectivement utilisés pour protéger les emplois en France ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l ’ économie, des finances et de la relance, chargée de l ’ industrie. Madame la sénatrice Laborde, permettez-moi tout d’abord de vous adresser un message personnel et de vous souhaiter un bon anniversaire !
Applaudissements.
Vous avez évoqué un sujet délicat et important. Je partage votre préoccupation concernant l’emploi. Votre question est parfaitement légitime.
Nous sommes effectivement confrontés à une crise mondiale, qui a des effets sur l’ensemble des chaînes de production. Boeing a annoncé il y a peu la suppression de 16 000 emplois. Nous devons nous armer face à cela.
Je pense que l’État a pris ses responsabilités ; vous l’avez d’ailleurs dit. Il l’a fait en mettant en place des plans de soutien rapides, effectifs. Il continuera à prendre ses responsabilités en lançant un plan de relance adapté à la situation, afin de préserver notre croissance à long terme. Il continuera à travailler sur la transition écologique et énergétique et, surtout, à nous donner les moyens de préserver notre capital humain.
Tous les plans que nous avons lancés, je le souligne, qu’il s’agisse du plan automobile ou du plan aéronautique, visent à préserver l’emploi.
Lorsque nous quadruplons les dépenses de recherche et développement du Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac), afin de financer un avion beaucoup moins carboné, nous sauvegardons des emplois d’ingénieurs et de techniciens.
Lorsque la ministre des armées anticipe des commandes, elle préserve la chaîne de production française, ainsi que des emplois.
Lorsque nous mettons en place un fonds d’investissement ou un dispositif d’activité partielle à long terme, nous accompagnons des emplois. Et nous attendons en retour des entreprises qu’elles soient parfaitement responsables.
Le dialogue se fait dans le cadre du suivi des plans de restructuration. À titre d’exemple, alors que Daher avait annoncé la suppression de 1 300 emplois, cette entreprise a réduit ce nombre à 800 à l’ouverture des négociations. Grâce aux mesures de l’État, il est aujourd’hui de 500, et nous allons continuer de le réduire, afin de limiter les départs contraints. Tel est l’enjeu, pour soutenir l’industrie.
Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, à qui je souhaite, au nom de mon groupe, la bienvenue au sein de la Haute Assemblée.
La feuille de route fixée par le Président de la République marque le retour de la réforme des retraites. « Il n’y aura pas d’abandon », a-t-il précisé dans la presse régionale. Vous-même avez affirmé vouloir régler ce dossier à court terme.
Cette réforme a été suspendue parce qu’elle n’apparaissait plus comme prioritaire, alors que le Président de la République cherchait la concorde nationale face à la covid-19.
Les appels à l’unité nationale se fracassent sur la reprise de ce projet, repoussé par une large majorité de nos concitoyens. Vous soufflez sur les braises de la division !
La réforme envisagée repose sur le dogme libéral selon lequel travailler plus durant sa vie comme durant la semaine est la seule voie pour atteindre l’équilibre financier.
Pourtant, les sommes considérables dégagées pour venir en aide aux entreprises montrent que les richesses sont là et qu’elles peuvent servir l’intérêt général.
Monsieur le Premier ministre, la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge […], se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Le gaullisme social dont vous vous revendiquez se fonde sur ce onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, lequel est toujours en vigueur aujourd’hui.
Est-il conciliable, selon vous, avec la déferlante libérale portée par M. Macron ? Allez-vous, monsieur le Premier ministre, oui ou non, renoncer à cette réforme des retraites, dont l’ensemble des partenaires sociaux ne veulent plus entendre parler aujourd’hui ?
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.
Monsieur le président, madame la présidente du groupe CRCE, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ignore qui ne veut plus entendre parler de la réforme des retraites, …
M. Jean Castex, Premier ministre. … mais refuser de parler des retraites alors que, dès avant la crise et a fortiori après sa survenance, l’équilibre des comptes et la sauvegarde du système actuel se trouvaient compromis serait irresponsable. Oui, irresponsable, madame !
Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants. – Protestations sur les travées du groupe CRCE.
Comme vous, je n’en doute pas, je suis extrêmement attaché au préambule de la Constitution de 1946 et à la conduite des politiques sociales comme ferment de notre pacte républicain.
Toutefois, qui peut dire ici que, d’un point de vue structurel, notre système de retraite, que je connais bien, sur lequel je travaille depuis de nombreuses années, est juste ? Il ne l’est pas. Il ne l’est pas !
Je vais vous dire, madame, ce que je compte faire.
Premièrement, je vais rouvrir le dialogue. Toutes les organisations syndicales viendront discuter avec moi, et c’est heureux. Que nous ne soyons pas d’accord avec certaines d’entre elles, ce sera peut-être le cas ; nous verrons bien… Nous allons, je le répète, rouvrir le dialogue et nous mettre d’accord sur une méthode et sur un calendrier.
Deuxièmement, j’aborderai la question des retraites dans un cadre global. La réforme de l’assurance chômage, qui est elle aussi indispensable, est également affectée par la crise. Il serait déraisonnable de ne pas tenir compte de cet élément nouveau. La relance, sur bien des aspects, intéresse les partenaires sociaux. La prise en charge de la dépendance a été moult fois reportée. Le Président de la République m’a demandé de conduire, avec mon gouvernement, une réforme à cet égard. Nous aurons une approche globale de tous ces sujets.
S’agissant des retraites, je proposerai aux partenaires sociaux de très clairement distinguer, d’une part, la réforme que les spécialistes appellent « systémique », c’est-à-dire la réforme de structure vers un système plus juste et plus égalitaire pour nos concitoyens, sur laquelle la concertation va reprendre, et, d’autre part, l’équilibre du système actuel. Sur ce dernier point, je demanderai également aux partenaires sociaux, madame, de me faire des propositions.
J’attire l’attention du Sénat sur le fait que le système paritaire existant pour les complémentaires Agirc-Arrco est, lui aussi, confronté à une menace de déséquilibre, pour les mêmes raisons. Cela conduira nécessairement à reprendre le chemin de la négociation.
Madame la sénatrice, nous n’avons pas d’autre choix que de sauvegarder notre système de protection sociale !
Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe UC.
Monsieur le Premier ministre, je le redis avec force : cette réforme des retraites est irresponsable et injuste !
Nous le savons déjà. Il y a eu moult rencontres avec les syndicats. Même le Mouvement des entreprises de France, le Medef, y est aujourd’hui opposé !
Exclamations ironiques sur les travées des groupes LaREM et UC.
Nous aurons l’occasion d’en reparler, monsieur le Premier ministre, mais vous êtes sur un très mauvais chemin.
Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.
M. le président. La parole est à M. Patrick Kanner, pour le groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.
Monsieur le Premier ministre, au début du quinquennat, j’avais adressé mes vœux républicains de réussite à votre prédécesseur. J’aurais tendance à avoir le même message pour vous. Mais, il faut bien le reconnaître, un fossé s’est creusé entre-temps entre la politique menée par le Président de la République et les Français.
Le chef de l’État a exprimé sa volonté de tracer un nouveau chemin. Cette nouvelle orientation, les Français la souhaitent ; je vous le confirme. Ils l’ont montré en choisissant leurs maires et en sanctionnant lourdement les candidats de la majorité présidentielle aux élections municipales.
Ce nouveau chemin est indispensable pour affronter la crise économique et sociale. Celle-ci est déjà là, et elle va s’amplifier. Permettez-moi de penser en premier lieu à la jeunesse de France, pour laquelle il faut imaginer très vite un plan d’urgence sociale.
Malheureusement, la composition de votre gouvernement, ainsi que vos premières déclarations nous font craindre que vous soyez non pas l’incarnation du renouveau, mais l’homme du passif !
Exclamations sur les travées du groupe LaREM.
Le passif est lourd : réforme des retraites, tentative de privatisation d’Aéroports de Paris, loi immigration, assurance chômage dégradée, suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), crise des gilets jaunes…
C’est un bilan qui fragmente notre pays, dans un climat anxiogène. Les plus faibles devraient être mieux protégés, particulièrement en ce moment. Vous devez rassembler les Français, les préserver et les accompagner face à la crise. Certes, celle-ci est provisoirement amortie par le ruissellement de la dette publique, mais vous faites payer celle-ci par tous.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous changer radicalement la politique menée depuis trois ans ? Choisirez-vous les jours heureux de l’État-providence ou les jours désastreux de l’État-pénitence ?
Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Jean Castex, Premier ministre. Monsieur le président Kanner, permettez-moi tout d’abord de vous présenter mes félicitations pour vos propos si poétiques.
Rires sur les travées des groupes LaREM, UC et Les Républicains.
Nous les avons tous appréciés, même s’ils sont, je le crains, peut-être un peu déconnectés de la réalité.
Mêmes mouvements.
Ainsi que je l’ai indiqué à la faveur de ma première intervention, le nouveau chemin annoncé par le Président de la République s’inscrit dans un nouveau contexte.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Nous devons, je le répète, faire face à une crise qui s’annonce exceptionnelle. Faut-il pour autant renoncer à un certain nombre de réformes entreprises ? Certes, elles peuvent se discuter et devront sûrement être réorientées au regard du nouveau contexte. Mais rien ne serait pire, me semble-t-il, que de faire face à la crise qui s’annonce en revenant à une forme d’immobilisme.
Je l’ai déjà dit et je l’assume : mon gouvernement est un gouvernement de combat, dans un contexte extrêmement dégradé.
Vous avez évoqué la dette et les comptes publics. J’apprends votre vif attachement à ces notions.
Rires sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – Exclamations sur les travées du groupe SOCR.
M. Jean Castex, Premier ministre. J’entends bien que nous tirions les conséquences du passé. La crise entraîne effectivement une dégradation des comptes sociaux – M. Marseille y a fait référence – et des comptes publics en général. Il ne faut pas qu’elle soit suivie dans deux ans ou trois ans d’un matraquage fiscal, pratique à laquelle d’autres majorités ont largement eu recours par le passé.
Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants. – Exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SOCR.
Pour cela, nous devons tout d’abord – je profite de l’occasion pour le rappeler devant la Haute Assemblée – gérer la crise internationale dans un cadre européen.
Plus que pour la crise de 2008-2010, que j’ai bien connue, l’Europe doit s’engager et ne pas faire porter aux seuls États, donc in fine à leurs contribuables, les mesures réparatrices et reconstructives que la situation appelle. Il nous faut aussi pouvoir isoler et gérer dans la durée la « dette covid » que cette crise va immanquablement créer.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis à la tête d’un gouvernement renouvelé, avec des visages nouveaux.
M. Jean Castex, Premier ministre. Très peu, mais ils sont beaux !
Rires et applaudissements sur les travées du groupe LaREM.
Toutefois, mon gouvernement incarne également la continuité : nous travaillons d’arrache-pied pour préserver les Français tout en poursuivant la modernisation de la France !
Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants, ainsi que sur des travées du groupe UC.
Certes, vous êtes, semble-t-il, aujourd’hui encarté dans un parti centriste… De la part d’un gaulliste social, j’aurais aimé entendre certains mots : « redistribution », « pouvoir d’achat », « services publics », « planification ». Je pense que cela aurait même parlé à une partie de la droite de l’hémicycle. Or cela n’a pas été le cas.
Votre réponse ne me rassure pas sur votre capacité à gérer l’urgence sanitaire, sociale et économique qui nous attend.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SOCR.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour le groupe Les Indépendants – République et territoires.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.
M. Alain Fouché. Monsieur le Premier ministre, je voudrais à mon tour, au nom de notre groupe, saluer votre arrivée et celle de votre gouvernement dans notre Haute Assemblée.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez déclaré vouloir améliorer la justice de notre pays, garder le meilleur et changer le pire. Le chantier qui vous attend est vaste ! Les Français ont perdu confiance dans cette institution. Elle inspirerait même de la défiance à près de la moitié de nos concitoyens selon un très récent sondage ; je n’invente rien.
Qu’il est long et difficile aujourd’hui d’obtenir justice ! Face à des procédures complexes et coûteuses et au manque criant de moyens humains et matériels, nos concitoyens sont trop nombreux à avoir renoncé à faire valoir leurs droits. Les Français ont parfois le sentiment persistant que l’institution judiciaire de notre pays est forte avec les faibles et faible avec les forts. L’arbitraire est la plus grande menace qui pèse sur la justice ; ce n’est pas récent.
Le meilleur rempart contre cela réside dans le respect des formes et des procédures. La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse.
Vous l’avez dit, la justice ne se rend ni dans la rue, ni sur les réseaux sociaux, ni dans les médias. Il s’agit de l’une des missions essentielles de l’État. C’est aussi l’une des institutions les plus nécessaires à notre démocratie. Elle doit être dotée de moyens à la hauteur de sa mission. Les Français ont besoin d’une justice efficace, rapide et accessible.
Monsieur le garde des sceaux, fort de l’expérience qui est la vôtre, vous avez déclaré qu’il fallait revoir l’institution judiciaire « de A à Z ». Quelles mesures prioritaires comptez-vous prendre ?
Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, LaREM et UC. – M. Bruno Retailleau applaudit également.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je prendrai quelques secondes dans les deux courtes minutes qui me sont imparties pour vous faire part de ma fierté et de mon émotion. La confiance de M. le Président de la République et de M. le Premier ministre m’amène à mesurer à cet instant l’humilité
Exclamations ironiques sur les travées des groupes SOCR et CRCE.
La connaissance que j’ai de la justice est une connaissance empirique, voire, comme je l’ai indiqué hier, charnelle.
Laissez-moi apprendre mon administration, s’il vous plaît !
Pour ce faire, j’aurai naturellement besoin de tous les parlementaires de la majorité, mais aussi de l’opposition, car je ne suis pas un politique.
Voyez-vous, il est possible de faire évoluer la procédure pénale « de A à Z » ou « de A à C » ; « de A à Z », en quelques mois, c’est compliqué…
Dans le cadre de la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau, des parlementaires de toutes sensibilités ont réussi – car la justice, nous l’avons tous au cœur ! – à transcender tous les clivages et ont proposé quatre-vingt-deux modifications de notre procédure pénale. Je m’appuierai d’ailleurs sur ce travail.
Ce que je veux, c’est une justice de proximité. Certes, il y a les questions budgétaires, mais il y a aussi les hommes.
Exclamations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.
Je parle des « hommes » au sens général : « les hommes et les femmes » ou « les femmes et les hommes ».
Ce n’est le signe de rien, madame !
Il y a des choses toutes simples à faire : remettre au cœur de la justice la présomption d’innocence ; éviter des enquêtes préliminaires qui ne sont plus préliminaires et qui s’éternisent sans aucun contradictoire.
Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants, UC et Les Républicains.
Autre sujet très simple, qui ne relève pas de considérations budgétaires : parfois, les victimes ne sont même pas reçues par le juge d’instruction.
C’est très facile à corriger. J’ai d’ailleurs demandé aux procureurs généraux de venir me voir pour en parler.
J’ai entendu un syndicat de magistrats du siège se plaindre de la perspective de nous voir donner des ordres. Si nous ne le faisons pas avec les procureurs généraux, nous le ferons avec vous ! Il est très simple de demander à une victime de venir.
Je veux une justice plus proche et plus humaine. Je me suis rendu hier dans un centre de détention.
Marques d ’ impatience sur les travées des groupes SOCR et CRCE.
M. le président. Monsieur le garde des sceaux, il vous faut conclure votre propos, car vous êtes pris par le temps. Mais vous bénéficiez aujourd’hui d’une certaine indulgence, car c’est votre première intervention…
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et LaREM.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux. Accordez-moi le bénéfice de l’inexpérience, mesdames, messieurs les sénateurs !
Sourires.
Étant avocat, je connais bien le monde judiciaire. Les éléments que M. le garde des sceaux a apportés me paraissent clairs et intéressants. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – Marques d ’ ironie sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour le groupe Les Républicains.
Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Je veux à mon tour souhaiter, au nom de mon groupe, la bienvenue au Sénat au nouveau gouvernement.
Ma question s’adresse également à M. le garde des sceaux. Toutefois, je vais la modifier, car, monsieur le garde des sceaux, je ne suis pas satisfait de votre réponse à M. Fouché.
Vous donnez incontestablement une image forte de la justice. Ce faisant, vous créez une énorme attente.
Vous avez dressé hier un constat, sans doute sévère, mais que je crois lucide. Ce constat, nous l’avons fait nous aussi dans notre rapport Cinq ans pour sauver la justice !, publié en 2017 : des justiciables qui piétinent aux portes des tribunaux ; des magistrats et des greffiers privés du moyen de faire correctement leur travail ; des avocats qui se comptent par milliers en situation de précarité, une administration pénitentiaire à bout de souffle ; des détenus qui sortent de prison sans être préparés à la réinsertion et qui vont rejoindre les gros contingents de récidivistes…
Face à cela, vous n’avez pas pu accepter cette fonction sans avoir reçu de fortes assurances du Premier ministre et du Président de la République, car le redressement de la justice est à l’ordre du jour.
Je voudrais vraiment savoir, plus précisément que dans votre réponse à M. Fouché, ce que vous entendez faire face à ce défi essentiel du service public de la justice.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et CRCE.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous me demandez donc à moi ce que m’a dit M. le Premier ministre ?
Sourires sur les travées du groupe LaREM.
Il m’a dit que la loi de programmation serait revue.
M. le Premier ministre le confirme.
Quant à vos travaux – vous serez, je l’espère, satisfait –, ils sont d’ores et déjà sur mon bureau. Je vous le confesse, je n’ai pas encore eu le temps de tout lire… §Mais je le ferai.
Vous serez bien évidemment tous conviés. Nous parlerons ensemble de cela. J’envisage de recevoir très prochainement tous – je dis bien : tous – les présidents de groupe.
J’ai besoin de vous, de vos conseils, de votre contradictoire. Il nous faut faire évoluer, ensemble, la justice de notre pays. En effet, nous occupons le triste douzième rang sur quarante-sept des pays les plus condamnés par la Cour européenne des droits de l’homme, la plupart des condamnations étant intervenues pour cause d’absence de procès équitable. Cela, ce n’est pas une question budgétaire.
Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
M. Philippe Bas. Monsieur le garde des sceaux, vous allez nous recevoir, et nous, nous allons vous auditionner, après la déclaration de politique générale du Premier ministre !
Sourires.
Nous sommes pressés de vous entendre ; nous voulons entrer dans les détails. Vous avez mis la barre haut, peut-être même très haut. C’est la bonne altitude. Maintenant, à vous de la franchir !
Vifs applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et CRCE.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Nous savons que le covid-19 n’est pas un virus saisonnier arrêté par la hausse des températures. La période estivale ne doit donc pas entraîner un relâchement dans la mise en place des actions de prévention.
Preuve que le virus est toujours là, plusieurs de nos voisins européens, en particulier l’Italie, l’Espagne, le Portugal ou encore l’Allemagne, ont recours à des reconfinements locaux. Ainsi, quelque 2, 5 millions de personnes se trouvent actuellement reconfinées.
Monsieur le Premier ministre, ce matin, vous avez déclaré qu’il fallait « se préparer à une éventuelle deuxième vague ». Nous savons que la circulation du virus en cette période sera démultipliée par les mouvements saisonniers de populations. Quelles actions concrètes allez-vous mettre en place pour éviter une nouvelle flambée de l’épidémie dans notre pays ?
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, le sujet est extrêmement important. Il est au cœur de la crise globale de notre pays.
J’ai effectivement déclaré ce matin que nous devions anticiper une deuxième vague. D’ailleurs, c’est très exactement ce que j’avais déjà dit devant la commission des lois du Sénat, qui m’avait auditionné quand Édouard Philippe m’avait chargé de préparer le déconfinement du pays.
M. Philippe Bas le confirme.
À l’époque, j’avais été surpris des réactions à cette audition, qui avait été longue. Certains – M. Bas, le président de la commission des lois, pourrait le confirmer – s’étaient focalisés sur cette seule déclaration : nous allions reconfiner sitôt après le déconfinement.
En réalité, il est du devoir de l’État – tous les pays qui nous entourent font de même – de préparer et d’anticiper l’évolution de cette épidémie, mais également de tirer tous les enseignements des phases antérieures.
J’observe que la circulation virale reste à ce jour plus limitée chez nous que dans certains pays, dont ceux que vous avez évoqués. Mais rien ne permet d’affirmer que cela ne va pas changer.
Je m’adresse en particulier aux élus ultramarins : il y a dans la République des zones qui sont encore extrêmement frappées ; je pense en particulier à la Guyane, où j’ai décidé de me rendre dès dimanche prochain.
MM. André Gattolin et Jérôme Bignon applaudissent.
Premièrement, les retours d’expérience dont nous disposons nous conduisent à mener des actions de prévention beaucoup plus ciblées par des tests, avant même que des signes cliniques ne nous conduisent – c’est déjà la doctrine en vigueur – à les pratiquer.
Deuxièmement, nous avons acquis dans le traitement de ce que l’on appelle les clusters un savoir-faire qui nous permet d’éviter une diffusion excessive.
Troisièmement, il nous faut tout faire pour éviter, si une nouvelle vague venait à frapper notre pays, un reconfinement généralisé, comme nous l’avions fait initialement compte tenu des circonstances. À défaut, les conséquences sur notre pays, notre économie et notre vie sociale seraient profondes.
C’est le sens de mon intervention : compte tenu de l’importance du sujet pour la santé de nos concitoyens et la survie de notre économie, j’entends, vous le comprendrez, le suivre très directement à mon niveau.
Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de cette réponse, même si elle est tout de même extrêmement générale.
Prenons le cas des aéroports. Nous le savons, nos concitoyens qui partent à l’étranger sont testés, tandis que des étrangers en provenance de pays fortement touchés par le covid ne le sont pas. C’est là que réside le danger. Il faut à tout prix tester et isoler, comme vous venez de le dire. Mais il faut le faire aux frontières et dans les aéroports.
Ma région, la Provence, n’est pas très éloignée de la vôtre. Vous le savez, des ouvriers espagnols positifs au covid sont venus travailler chez nous. Or ils ont été testés non pas à la frontière, mais à Mazan, petit village de Vaucluse que vous connaissez.
M. le Premier ministre acquiesce.
Il est urgent de tester les étrangers aux frontières et dans les aéroports.
Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants, ainsi que sur des travées du RDSE.
M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour le groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.
Notre pays est dans une situation d’urgence : urgence sanitaire, mais surtout urgence économique et sociale, tant les dégradations des chiffres de la croissance comme de l’emploi sont rapides et brutales.
Alors que toute notre attention devrait à l’évidence se concentrer sur les conséquences économiques et sociales de cette pandémie, les propos du Président de la République, puis les vôtres, monsieur le Premier ministre, placent la relance de la réforme des retraites au premier rang des urgences gouvernementales.
Notre pays, vous l’avez dit, a besoin de se rassembler pour faire face : de se rassembler, pas de se fracturer ! Or la réforme des retraites est tout sauf un projet fédérateur. Elle a inquiété, puis suscité une forte opposition des Français. Le chiffon rouge de l’âge pivot et la cicatrice du 49 alinéa 3, interrompant le processus démocratique à l’Assemblée nationale, restent vivaces dans nos esprits.
Cette idée de rouvrir le débat en début d’été a également provoqué une forte opposition des syndicats, ouvriers comme patronaux. Cette appréciation commune est d’ailleurs assez rare pour être soulignée.
Monsieur le Premier ministre, vous prêchez le « dialogue », « l’écoute » et « la recherche du compromis ». Comment pouvez-vous sur cette base annoncer la reprise des travaux sans aucune concertation préalable et sans avoir négocié avec les partenaires quelque agenda social que ce soit ? Cela augure mal de la suite…
En agissant ainsi, vous remobilisez à contretemps les forces vives de notre pays contre un projet pour une large part incompris, là où vous auriez dû les mobiliser pour relancer notre économie et anticiper les difficultés sociales à venir.
Il en est de même de l’assurance chômage. Pour cause de pandémie, vous avez retardé l’entrée en application de la réforme. C’est assez dire que vous en mesurez les effets dévastateurs, pour les plus précaires comme pour les cadres d’ailleurs. Le contexte a changé du tout au tout. Il est impératif d’abroger ce texte et de se remettre autour de la table.
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple. La crise de 2008 comme celle d’aujourd’hui montrent les qualités et la pertinence de notre modèle social. Qu’attendez-vous pour le renforcer, au lieu de chercher à l’affaiblir ?
Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.
Monsieur le sénateur, la crise sanitaire que nous traversons et la crise économique et sociale qui menace sont inédites. Elles nous invitent à rouvrir le dialogue sur les nombreux sujets auxquels vous avez fait référence, ainsi que sur d’autres ; M. le Premier ministre les a évoqués.
Qu’il s’agisse du plan de relance, de la dépendance, de l’assurance chômage ou de la réforme des retraites, le Président de la République et le Premier ministre ont avant tout exprimé une volonté de dialoguer et de faire vivre la démocratie sociale, avec tous les acteurs et tous les partenaires sociaux.
La crise nous met face à de nouveaux problèmes, mais elle n’efface pas les difficultés qui préexistaient. Je pense à la question de la justice de notre système de retraite ou à celle de l’efficacité de l’indemnisation de l’assurance chômage.
C’est dans le dialogue avec les partenaires sociaux et avec les parlementaires que nous devons trouver ensemble le chemin pour protéger nos concitoyens face à la crise qui s’annonce et bâtir le nouveau modèle de protection sociale à la hauteur des enjeux du XXIe siècle.
C’est le sens des concertations qui seront engagées dès demain par le Premier ministre. Il s’agira de rencontrer l’ensemble des partenaires sociaux et d’élaborer une feuille de route pour prendre en compte tous ces sujets et répondre aux attentes de nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Les élections municipales ont montré ce que nous redoutions tous : une poussée de l’entrisme communautariste sur les listes.
Protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.
Dans le Val-d’Oise, la mairie de Goussainville est revenue à un candidat dont le profil interroge même les services de renseignement ! Celle de Garges-lès-Gonesse a failli tomber entre les mains du fondateur du Collectif contre l’islamophobie en France, le CCIF. À Strasbourg, le hijab, pire symbole de l’infériorisation, de l’enfermement et de la négation du corps de la femme, a fait son entrée au conseil municipal.
Dans ces villes, comme dans d’autres, l’islam politique trace son chemin face à un manque cruel de courage pour y faire obstacle et préserver notre unité et les valeurs de la République.
Ces élections municipales marquent malheureusement le début d’un morcellement inquiétant, que personne ne peut nier.
Voilà quelques mois, le Président de la République avait indiqué vouloir combattre « le séparatisme islamiste ». À ce jour, nous n’avons toujours ni ligne directrice ni cap clair pour lutter efficacement contre de telles dérives, qui mènent à la fracture de notre pays. Sur ce sujet, comme sur tant d’autres, il vous appartient de ne pas être spectateur, monsieur le ministre.
Je veux également revenir sur certains de vos propos, qui interrogent. Il y a quelques années, vous aviez parlé de « laïcité punitive ». Or la laïcité ne doit jamais être adjectivée ni faire l’objet d’accommodements.
Vous aviez également suggéré l’idée d’un nouveau concordat avec l’islam, qui remettrait gravement en cause les principes mêmes de la loi de 1905 et dénaturerait une conception de la laïcité largement partagée par les Français.
Monsieur le ministre, s’engager pour la France, c’est accepter de se faire détester par une minorité gesticulante au profit d’une majorité qui ne demande qu’une chose : vivre en paix et en harmonie dans cette France intégratrice et tolérante.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Quel chemin allez-vous prendre ? Quelle réponse allez-vous apporter à cet islam politique qui tend à assigner à résidence et à exclure de la République une partie de nos concitoyens au profit d’une norme religieuse ?
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe CRCE.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Eustache-Brinio, le Président de la République et le Premier ministre m’ont fait confiance, avec Marlène Schiappa, qui travaillera à mes côtés, pour continuer à rétablir la sécurité des Français, accompagner bien entendu le travail des services publics par l’intermédiaire du corps préfectoral, rendre respect et écoute à nos forces de l’ordre, mais également lutter contre ce que le Président de la République a qualifié de « séparatisme » dans un récent discours.
Oui, l’islam politique est un ennemi mortel pour la République. Oui, il faut combattre toute forme de communautarisme.
Il me semble toutefois que le ministre de l’intérieur est aussi le ministre des cultes et que la laïcité, en France, n’entraîne pas la négation de la liberté des cultes.
Vos propos, tout en étant très fermes, m’apparaissent quelque peu caricaturaux, madame la sénatrice.
Madame, mon grand-père priait Allah et portait l’uniforme de la République. Bien des tirailleurs algériens et des supplétifs ont défendu les valeurs de la République tout en priant conformément à leur religion.
Oui à la liberté de culte, non à la caricature ! Non à l’islamisme politique, mais oui à des Français divers dans leur couleur de peau et leur religion. Discutons de ce qui fait nation – La Marseillaise, la culture, la langue, notre drapeau… – et évitons de caricaturer.
Vous avez eu la gentillesse de me citer, madame la sénatrice. Mon premier prénom est Gérald, mon deuxième prénom est Moussa. Je suis très fier de l’assimilation française, fier aussi, grâce au Président de la République et à ceux qui m’ont accompagné, d’être ministre de la République !
Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour le groupe Union Centriste.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle, monsieur le garde des sceaux.
Au Sénat, nous avons toujours été très attentifs au sort des prisonniers détenus pour cause de terrorisme et des détenus radicalisés.
Si nos décomptes sont exacts, plus de 150 d’entre eux sortiront de détention en 2022, auxquels il faut ajouter les 300 détenus sortis jusqu’à maintenant. Ils sont d’ailleurs nombreux à avoir prêté allégeance à l’État islamique, cette organisation qui revendique l’application par ses membres de la taqiya, c’est-à-dire l’art de la dissimulation et de la fausse repentance.
Statistiquement, un certain nombre d’entre eux, tout juste sortis de prison, auront la détermination de frapper de nouveau notre pays et nos concitoyens.
Monsieur le garde des sceaux, Mme Belloubet a toujours apporté, sur ces questions, des réponses rassurantes sur le suivi et la sortie des détenus radicalisés. Mais ses propos sont malheureusement restés un peu flous et, surtout, les moyens ont manqué.
J’ai bien entendu que le Premier ministre annonçait ce matin des moyens pour la justice, et vous pouvez constater, monsieur le garde des sceaux, que de nombreuses questions vous sont posées sur l’organisation de la justice.
Avec la détermination qui vous caractérise, quelles mesures efficaces comptez-vous prendre pour faire face à cette situation, notamment pour le suivi des détenus radicalisés, en prison et au moment de leur sortie ?
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Goulet, dans quelques jours, vous le savez sans doute, j’aurai l’honneur de revenir devant vous, un peu plus longuement je l’espère, pour vous faire connaître la position du Gouvernement sur la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine.
Mon ministère est celui de la liberté et des libertés. Mais je suis bien évidemment préoccupé par la sécurité des Français. Nous examinerons ce texte et je vous dirai ce que j’en pense, mais l’équilibre entre la liberté et la sûreté est parfois précaire et souvent difficile à trouver, en particulier dans une grande démocratie.
Ce qui distingue la barbarie de la civilisation, c’est la règle de droit et son application.
Je reviens un instant sur les chiffres qui m’ont été communiqués. On dénombre 508 détenus, prévenus ou condamnés, pour terrorisme et 550 détenus de droit commun suivis au titre de la radicalisation, 74 d’entre eux ayant bénéficié des récentes mesures de libération anticipée – ces détenus avaient un peu moins de deux mois de prison à purger.
Ces mesures postpénales sont au cœur de mes préoccupations. Là encore, j’aurais besoin de vous
Marques d ’ ironie sur les travées des groupes SOCR et CRCE.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le garde des sceaux.
Si le texte que vous avez évoqué et que nous examinerons dans quelques jours a été déposé, c’est précisément parce qu’il subsiste des trous dans le dispositif, avec des gens qui sortent sans être suivis. Voilà douze ans que le mécanisme de rétention de sûreté et de surveillance de sécurité n’a pas été appliqué. Quant au suivi sociojudiciaire, il est à peine appliqué. Nous avons besoin de mesures fortes, y compris dans les prisons.
Je vous invite enfin, monsieur le ministre, à venir visiter la prison de Condé-sur-Sarthe-Alençon, dans mon département. Les personnels pénitentiaires en charge des détenus les plus dangereux seront contents de vous entendre.
M. le président. La parole est à M. Laurent Duplomb, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet de l’écologie est présent dans tous les discours bien-pensants.
Pourtant, les décisions prises sur l’autel sacrificiel de la décroissance devraient nous questionner. Notre pays va connaître la pire crise depuis 1929, dixit le ministre Bruno Le Maire. Et vous prenez des décisions qui coûtent cher et dont l’impact sur la planète sera pire encore…
Je citerai deux exemples, parmi tant d’autres.
L’énergie qu’auraient produite les deux réacteurs arrêtés de Fessenheim, avec des rejets de CO2 limités, sera achetée en Allemagne. Elle coûtera donc plus cher et aura un bilan carbone désastreux en raison de la production au charbon. Cherchez l’erreur !
La quassia, ou quinine de Cayenne, additif très utilisé dans les boissons gazeuses et les cosmétiques, est autorisée pour l’agriculture en Allemagne, Pologne, Suisse et Autriche, mais interdite en France ! Elle pourrait être utilisée pour tuer les larves d’hoplocampe dans la pomme, mais ce n’est pas le cas.
Aussi, nos agriculteurs, surtout en bio, sont placés dans une impasse technique, tandis que les Français continuent de consommer des produits importés contenant des substances interdites chez nous.
Madame la ministre, avez-vous conscience des conséquences néfastes et paradoxales de cette écologie punitive ? Pensez-vous y remédier ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique. Je tiens tout d’abord à remercier le Président de la République et le Premier ministre de m’avoir accordé leur confiance pour endosser ces gros enjeux de l’écologie.
Exclamations ironiques sur les travées des groupes SOCR et CRCE.
Il convient, me semble-t-il, de les aborder différemment de la manière dont vous les présentez, monsieur le sénateur.
L’écologie n’est pas punitive en soi. Au contraire, elle représente l’espoir et la possibilité de vivre demain dans un monde meilleur pour nous, nos enfants, mais aussi notre économie et nos emplois.
L’écologie nécessite avant tout d’anticiper, de se projeter dans l’avenir et de prendre un temps d’avance pour éviter d’être confrontés ensuite à des difficultés. Nous l’avons vu avec la crise actuelle, dont les scientifiques nous disent qu’elle a notamment des origines environnementales, liées à la perte de la biodiversité.
M. Claude Malhuret s ’ exclame.
On peut continuer de fermer les yeux ou regarder la réalité en face.
Je ne connais pas un agriculteur qui est heureux de diffuser des produits phytosanitaires sur ses terres !
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Tout ce qu’il souhaite, c’est avoir de bons produits, pouvoir vivre décemment de son travail et être reconnu. Nous devons cesser les oppositions stériles entre les uns et les autres.
Les agriculteurs forment le cœur des territoires. Et sur les territoires, dont vous êtes les représentants, messieurs les sénateurs
Exclamations sur les travées du groupe SOCR.
De la même manière, la rénovation thermique des logements, non seulement fait du bien à notre environnement, mais offre des emplois non délocalisables à nos territoires.
Les exemples sont nombreux, et vous pouvez compter sur moi pour les mettre en œuvre !
Comme votre collègue Nicolas Hulot, madame la ministre, vous prônez le juste échange et combattez le libre-échange. Pourtant, vous vous êtes abstenue lors du vote sur le CETA. On peut donc légitimement se dire que vos revendications relèvent plutôt de la posture politique que de convictions profondes…
D’ici à ce que vous fassiez comme Michael Shellenberger, écologiste de la première heure, qui tient aujourd’hui à s’excuser d’avoir répandu la peur climatique – il dénonce dans un ouvrage les déclarations apocalyptiques sur le climat, scientifiquement erronée et politiquement contreproductive –, il n’y a qu’un pas !
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.
Monsieur le ministre Julien Denormandie, je me fais la porte-parole des territoires viticoles pour vous souhaiter la bienvenue dans cette noble fonction de ministre de l’agriculture.
Comme je suis présidente de l’Association nationale des élus de la vigne et du vin, ma question, vous vous en doutez, concerne le secteur vitivinicole.
En Gironde, comme dans bien d’autres terroirs, la viticulture est le premier employeur du département. À l’échelle nationale, elle crée plus de 500 000 emplois.
Pourtant, cette filière cruciale pour l’économie française est aujourd’hui en voie de disparition. Le changement climatique, la situation dégradée des marchés internationaux, la taxe Trump et le confinement covid ont précipité nos exploitations dans une grande détresse. Leur apporter votre appui relève désormais de l’urgence.
L’État a débloqué des milliards d’euros pour aider certaines filières. Il faut en saluer le principe, car c’était un besoin impérieux. Mais la viticulture ne mérite-t-elle que des miettes ? L’enveloppe débloquée par le Gouvernement ne suffit même pas à financer la seule distillation de crise.
Monsieur le ministre, allez-vous apporter à la viticulture un soutien à la hauteur de ce que cette filière représente pour la France ?
Nous nous connaissons depuis longtemps, madame la sénatrice, et je veux tout d’abord, saluer votre engagement sur votre territoire.
Oui, je m’engagerai pleinement au bénéfice de tous les pans de cette filière agricole, qui participe de l’identité de territoires que nous chérissons.
Vous le savez mieux que quiconque, les défis sont immenses. Je salue les actions de Didier Guillaume sur les aides à l’export vis-à-vis des États-Unis et le doublement des financements, notamment ceux de Business France.
Vous posez aussi la question des volumes liés à la distillerie. J’ai en tête le sujet précis du volume retiré sur le marché. Faut-il aller plus loin ? Je m’engage à ouvrir ce dossier pour que l’on puisse trouver des solutions.
Monsieur le président, le chronomètre ne s’étant pas déclenché, j’imagine que le sujet du vin passionne tellement qu’aucune limite de temps n’est fixée lorsqu’il s’agit de l’évoquer…
Sourires.
M. le président. C’est comme le titrage du vin, il est communiqué à la sortie de l’alambic !
Nouveaux sourires.
Nous reparlerons de l’accompagnement spécifique dans le cadre du projet de loi de finances rectificative 3.
Enfin, à la suite de nombreuses actions menées par la France auprès du Parlement et de la Commission, des adaptations sont intervenues, pas plus tard qu’hier, sur les règles de marché. Je sais que vous aviez longuement œuvré en ce sens, et je vous en remercie.
J’entends bien votre réponse, monsieur le ministre, mais les mots ne suffiront pas.
Je me permets de vous souffler trois mesures fortes que vous pourriez prendre en urgence : un fonds de compensation français de 300 millions d’euros pour dédommager nos exploitations viticoles face à la taxe Trump ; l’abondement de l’enveloppe dédiée à la distillation de crise ; enfin, de véritables exonérations de charges.
Le PLFR 3 prévoit un dispositif global, tous secteurs confondus, mais son application exclut de fait plus de 80 % des exploitations vitivinicoles.
Les entreprises viticoles n’ont pas bénéficié du chômage partiel, le travail agricole ayant continué dans nos vignes pendant le confinement. Mais comment payer les charges lorsque, en regard, vous n’avez quasiment aucune recette ? Votre prédécesseur nous avait promis un dispositif spécifique. Où est-il ?
Il est indispensable, monsieur le ministre, d’ouvrir les vannes à l’agriculture. Sinon, dans quelques mois, nos paysages viticoles n’offriront plus que friches désolantes et des emplois détruits.
M. le président. La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour le groupe socialiste et républicain.
Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de la transition écologique.
Madame la ministre, le constat du Haut Conseil pour le climat est clair et sans appel : manque de suivi des politiques annoncées, manque de fermeté dans le pilotage, autrement dit, la France, au lieu de rattraper les retards du passé, en accumule de nouveaux.
La crise que nous vivons illustre la vulnérabilité de nos sociétés aux chocs, choc sanitaire aujourd’hui, choc climatique demain. Nous sommes presque tous d’accord sur le constat : c’est le moment ou jamais de concilier relance de l’activité et engagement fort dans la lutte contre le changement climatique, surtout quand l’État investit autant d’argent dans l’économie.
Il n’y a pas d’amour, seulement des preuves d’amour ! Où sont les preuves d’une relance industrielle plus durable ?
Le Président de la République a annoncé vouloir relocaliser une partie de l’industrie du médicament. Que voit-on ? Dans le Rhône, 128 salariés de l’entreprise de médicaments Famar seront licenciés fin juillet. Une semaine après l’installation d’une nouvelle usine sur la métropole de Lyon, Sanofi annonce un plan de licenciement de 1 000 personnes en France… Qu’en sera-t-il des belles déclarations pour une relance plus verte ?
Pour l’instant, je ne vois rien dans le projet de loi de finances rectificative. Pour autant, ce ne sont pas les actions qui manquent, notamment dans un secteur qui compte des entreprises non délocalisables au service de l’amélioration des logements, un secteur qui aidera plus de 5 millions de personnes souffrant de précarité énergétique, 5 millions de personnes qui payent cher leur chauffage, qui ont trop froid l’hiver, trop chaud l’été et des problèmes de santé.
Madame la ministre, combien d’argent allez-vous débloquer pour aider à la rénovation énergétique des bâtiments ?
Applaudissements sur des travées du groupe SOCR.
Je vous remercie de cette question, monsieur le sénateur. Elle me permet d’affirmer mon engagement complet, en tant que ministre du logement, sur la rénovation énergétique des bâtiments, dans la continuité de celui de Julien Denormandie, qui a toujours dit qu’il était autant le ministre de la rénovation que celui de la construction.
Cet engagement complet s’inscrit au sein du grand ministère de la transition écologique, ce qui nous permettra, sous l’autorité du Premier ministre et du Président de la République, de gagner encore en cohérence, en efficacité et en capacité à agir sur ce sujet.
Vous avez raison, la rénovation énergétique des bâtiments est clé en France, pour le climat, pour la planète, pour le pouvoir d’achat et pour notre activité économique.
En effet, elle constituera un élément important du plan de relance pour soutenir l’économie, l’activité et nos artisans.
Par ailleurs, le Haut Conseil pour le climat l’a encore dit : le bâtiment est la deuxième cause d’émissions de gaz à effet de serre en France, donc un gisement énorme d’économies d’énergie et d’efficacité en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Enfin, je pense à toutes les personnes en situation de précarité énergétique, qui vivent mal dans leur logement, dont les factures sont élevées et que nous devons accompagner.
Comment faire plus ? Le Président de la République a annoncé 15 milliards d’euros dans le plan de relance pour la transition écologique, au sein duquel la rénovation énergétique aura toute sa place.
D’ores et déjà, l’an dernier et cette année, nous consacrons plus de 3, 5 milliards d’euros d’argent du budget et des grands énergéticiens à cette politique publique. Nous avons multiplié par trois le nombre de gestes qui ont été faits par les ménages l’année dernière en matière d’isolation ou de changement de chaudière. Nous serons au rendez-vous de cette belle politique, parce que les Français en ont besoin !
Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.
M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, voilà une dizaine de jours, avec Bruno Retailleau, président du groupe de liaison sur les chrétiens d’Orient, nous avions attiré votre attention sur la situation des écoles d’enseignement chrétien francophone au Liban.
Nous avons eu un début de réponse cette semaine, puisque l’ambassadeur de France au Liban a annoncé surTwitter un plan de soutien qui s’adresse à 53 établissements.
C’est toutefois loin de toucher l’ensemble des établissements francophones. Je vous rappelle que près de 20 % des enfants libanais sont scolarisés dans ce type d’établissements, qui s’adressent à tous, aussi bien aux classes défavorisées qu’aux élèves d’origine musulmane. Ainsi, à Baalbek, une ville pauvre, près de 90 % des milliers d’enfants qui sont scolarisés sont chiites.
Il est urgent d’agir et d’apporter le soutien de la France. Que comptez-vous faire ? Monsieur le ministre, je vais vous aider dans votre réponse en vous posant trois questions plus précises.
Sourires.
Sur les 50 millions d’euros de crédits ouverts dans le PLFR 3, combien iront vers les établissements du Liban ?
Où en est la mise en œuvre d’un fonds de soutien spécifique aux écoles chrétiennes du Moyen-Orient ?
Enfin, est-il envisagé de créer un statut d’école associée pour les écoles non homologuées, qui leur permettrait justement d’entrer un peu dans le giron de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et de bénéficier du soutien de l’État français ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Alain Cazabonne, Jean-Pierre Moga et Franck Menonville applaudissent également.
Madame Lavarde, je sais l’intérêt que vous portez au Liban.
Quand je me rendrai au Liban dans quelques jours, je dévoilerai notre engagement significatif à l’égard des écoles homologuées. Dans le même mouvement, je rendrai publiques les initiatives concernant le Fonds destiné aux écoles chrétiennes non homologuées, au Liban et ailleurs au Moyen-Orient, dans le cadre de l’initiative Personnaz.
Je veux dire aussi à cette assemblée combien je suis inquiet et triste de la situation du Liban. On connaît la relation passionnelle, amicale et historique de la France avec ce pays. Or, aujourd’hui, la moitié de la population libanaise vit sous le seuil de pauvreté, la livre libanaise n’arrête pas de se déprécier et la dette libanaise ne cesse d’exploser.
Des engagements avaient été pris par le gouvernement de M. Diab, mis en place au mois de février dernier, après de nombreuses péripéties. Il s’agissait d’accomplir les réformes que tout le monde souhaite dans un délai de cent jours. Hélas, ces réformes ne sont pas au rendez-vous. On sait pourtant ce qu’il faudrait faire sur la transparence, la régulation de l’électricité, la lutte contre la corruption, la réforme du système financier et bancaire. Mais rien ne bouge, madame !
Je me permets donc d’utiliser votre question pour parler aux autorités et au peuple libanais. La France et la communauté internationale ne pourront rien faire si les Libanais ne prennent pas les initiatives indispensables pour leur sursaut !
Aujourd’hui, il existe un risque d’effondrement, et les autorités libanaises doivent donc se ressaisir. À nos amis libanais, je dis : « Nous sommes prêts à vous aider, mais aidez-nous à vous aider, bon sang ! »
Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et L es Indépendants, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et Les Républicains.
Finalement, monsieur le ministre, vous aurez répondu à la question que j’avais posée dans cet hémicycle au mois de novembre dernier sur l’aide diplomatique de la France au Liban.
En ce qui concerne les écoles chrétiennes au Moyen-Orient, si vous voulez répondre aux objectifs fixés par le Président de la République dans son discours devant l’Académie française en mars 2018 – doubler le nombre d’écoles homologuées et accroître le nombre d’écoles qui bénéficient du label français –, c’est vers le Liban qu’il faut se tourner, car ce pays compte un nombre significatif d’écoles francophones.
De nombreuses mesures peu coûteuses pourraient être mises en œuvre rapidement, notamment l’installation d’un référent à Paris, qui constituerait une porte d’entrée unique pour ce réseau d’écoles.
Si l’on veut continuer de maintenir et d’accroître la présence de la France dans ce pays, on pourrait aussi envisager de former gratuitement au français au premier niveau, comme le fait par ailleurs le British Council.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
En raison d’un agenda chargé, avec la Fête nationale et la déclaration de politique générale, les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le jeudi 16 juillet, à dix-huit heures.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures quarante, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.
Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé que l’ordre du jour des séances à compter du mercredi 15 juillet soit modifié.
Le début de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2020 est reporté au jeudi 16 juillet après-midi et se poursuivra éventuellement jusqu’au dimanche 19 juillet.
La discussion générale sur ce texte sera jointe au débat d’orientation des finances publiques.
Nous pourrions fixer le délai limite pour le dépôt des amendements de séance au jeudi 16 juillet, à onze heures, et entamer l’examen des articles de ce texte vendredi 17 juillet, à partir de onze heures.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
Dans la suite de l’ordre du jour de la session extraordinaire, une séance de questions d’actualité au Gouvernement est fixée au jeudi 16 juillet, à dix-huit heures, ainsi qu’une séance de questions orales mardi 21 juillet matin.
Enfin, l’examen du projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental, initialement fixé au mardi 21 juillet, est reporté au jeudi 23 juillet matin et, éventuellement, après-midi.
Ce même jour seront examinées, sous réserve de leur dépôt, les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine.
Le reste de l’ordre du jour préalablement fixé par la conférence des présidents lors de sa réunion du 17 juin dernier est sans changement.
Par ailleurs, par lettre en date de ce jour, le ministre chargé des relations avec le Parlement m’a informé que, sous réserve de la modification du décret portant convocation du Parlement en session extraordinaire et de la délibération du conseil des ministres, lecture pourrait être donnée au Sénat du texte de la déclaration de politique générale prononcée par le Premier ministre devant l’Assemblée nationale mercredi 15 juillet, à quinze heures.
En outre, le Gouvernement pourrait faire devant le Sénat une déclaration suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution. Cette déclaration et ce débat pourraient avoir lieu jeudi 16 juillet matin.
Dans le débat à la suite de la déclaration du Gouvernement, nous pourrions fixer la répartition suivante à raison d’un orateur par groupe : 16 minutes pour le groupe Les Républicains, 12 minutes pour le groupe socialiste et républicain, 10 minutes pour le groupe Union Centriste, 8 minutes pour les autres groupes et 5 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Y a-t-il des observations ?…
Il en est ainsi décidé.
L’ordre du jour résultant de l’ensemble de ces modifications est publié sur le site du Sénat.
Acte est donné de ces modifications.
Monsieur le président, lors du scrutin n° 130 portant sur l’ensemble du projet de loi organique relatif à la dette sociale et à l’autonomie, Joël Labbé et moi-même avons été notés comme ayant voté pour, alors que nous souhaitions voter contre. Je vous remercie de bien vouloir tenir compte de cette mise au point.
Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux (texte de la commission n° 587, rapport n° 586).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes tous conscients que nos concitoyens sont véritablement exaspérés par les démarchages téléphoniques intempestifs dont ils font l’objet, et que malheureusement le dispositif Bloctel, créé en 2014, a eu des résultats trop modestes. Il fallait agir.
Tel est l’objet de la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux déposée par le député Christophe Naegelen en octobre 2018 et qui arrive au terme de son processus législatif.
Je me réjouis à titre personnel que nous soyons parvenus à un accord en commission mixte paritaire (CMP) avec nos collègues de l’Assemblée nationale mercredi 1er juillet dernier.
Ce texte transcrit l’ambition partagée par nos deux assemblées de mieux protéger le consommateur, tout en permettant au secteur de la prospection commerciale téléphonique, qui représente 56 000 emplois directs, de poursuivre son activité économique.
Au terme de la navette parlementaire, nous avons confirmé notre choix de maintenir le fameux opt-out ou, pour faire plaisir à M. Sueur, le principe de l’opposition expresse du consommateur pour ne pas être démarché.
Je cite votre nom, mon cher collègue, parce que vous en faites un combat personnel, auquel je rends d’ailleurs hommage.
Comme je l’avais déjà dit lors de la deuxième lecture, je considère que c’est la dernière chance pour l’opt-out de faire ses preuves. Ce texte vise à en renforcer l’efficacité par de nouvelles obligations fixées aux professionnels du démarchage téléphonique et un relèvement des sanctions en cas de manquement.
Je citerai particulièrement quatre des apports de cette proposition de loi.
Premièrement, l’obligation pour le professionnel de faire vérifier ses fichiers de prospection afin d’y supprimer régulièrement le nom des personnes ne souhaitant pas être démarchées, sous peine d’une amende administrative, dont le montant maximum est relevé à 375 000 euros par manquement pour une personne morale.
Deuxièmement, la restriction des cas dans lesquels un professionnel peut contacter un client avec qui il a un contrat en cours pour lui vendre de nouveaux produits.
Troisièmement, l’obligation pour le professionnel de définir et respecter un code de bonnes pratiques et d’appeler les consommateurs aux seuls jours et horaires et selon une fréquence qui seront autorisés par décret – c’est un point que nous avons ajouté pour éviter les appels le midi, tard le soir ou des dizaines d’appels répétitifs, et vous voyez bien sûr de quoi je veux parler…
Quatrièmement, la nullité du contrat conclu en cas de méconnaissance des règles sur le démarchage et la présomption de responsabilité du professionnel dans cette hypothèse – le professionnel pourra bien évidemment renverser cette présomption.
La proposition de loi interdit également le démarchage téléphonique en matière de rénovation énergétique ou de production d’énergies renouvelables pour les particuliers, sauf pour les contrats en cours.
Vous savez qu’à titre personnel je suis défavorable à cette interdiction sectorielle – la commission des lois l’est également –, car cette disposition me semble contraire aux principes constitutionnels d’égalité et de liberté d’entreprendre. Le Sénat en a décidé autrement ; par respect pour cette position, je ne m’y suis pas opposé lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Adopter cette mesure n’est toutefois pas sans risque et le sujet sera entre les mains du Conseil constitutionnel dans l’éventualité d’une question prioritaire de constitutionnalité.
Enfin, le texte impose aux opérateurs de communications électroniques d’empêcher les appels en provenance de l’international qui usurpent un numéro français et leur permet de résilier le contrat des éditeurs de numéros surtaxés qui incitent frauduleusement les consommateurs à rappeler ces numéros sans qu’ils proposent en réalité un quelconque service.
Afin que toutes ces avancées soient mises à l’épreuve des faits le plus rapidement possible, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les récents changements de portefeuille liés à la nomination du nouveau Gouvernement m’amènent, de manière un peu surprenante, à intervenir aujourd’hui devant vous au sujet de cette proposition de loi, mais j’ai voulu aller jusqu’au bout de l’examen de ce texte. Je passerai ensuite le témoin à Alain Griset.
Cela dit, je me réjouis des travaux conclusifs de la commission mixte paritaire. Trouver une position équilibrée sur l’interdiction du démarchage téléphonique était attendu par nos concitoyens.
Trop d’entre eux, chaque jour, parfois plusieurs fois par jour, sont victimes d’abus en matière de démarchage téléphonique et d’usage frauduleux de numéros surtaxés. Au-delà du seul trouble à la tranquillité, ces abus peuvent causer des préjudices financiers qui sont d’autant plus nocifs aujourd’hui que tous nos concitoyens doivent affronter la crise sanitaire et économique.
Cette proposition de loi vise à remédier à ce fléau et son parcours est un bel exemple de collaboration fructueuse du Parlement, tous groupes confondus, avec le Gouvernement au service des Français, car l’adoption de ces mesures permettra de rendre plus efficace la lutte contre le démarchage téléphonique illicite et les appels frauduleux. C’est une véritable loi du quotidien !
Je souhaite à cet égard rappeler les mesures consensuelles que vous avez retenues, mesdames, messieurs les parlementaires, pour renforcer significativement la protection des consommateurs contre ces pratiques – je veux d’ailleurs vous en remercier.
Tout d’abord, l’information des consommateurs dans les contrats et lors de la prospection commerciale sera renforcée.
Ensuite, le texte prévoit une interdiction du démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique, à l’exception des sollicitations intervenant dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours entendue au sens de l’article 5 de la présente proposition de loi. Il est vrai que cette interdiction sectorielle a fait débat, mais elle a le mérite de la clarté et elle est attendue par les associations de consommateurs.
En fait, cibler ce secteur particulier est une avancée logique et nécessaire.
Logique, car malheureusement le nombre de problèmes liés à ce type de démarchage est anormalement élevé en comparaison d’autres secteurs – qui plus est, il progresse fortement – et parce que votre assemblée a voté, à l’occasion de l’examen d’autres textes, des accompagnements financiers importants pour la rénovation énergétique qui ne doivent pas servir à alimenter la fraude.
Nécessaire, car cette interdiction était demandée unanimement par les associations de protection des consommateurs et parce que, à l’heure où nous devons faire de la transition environnementale une priorité pour l’avenir de notre pays, celle-ci ne doit pas être retardée par la peur d’être confronté à un escroc ou à une entreprise peu regardante.
Mais cette proposition de loi contient d’autres éléments.
L’obligation pour les entreprises ayant recours au démarchage téléphonique de s’assurer qu’elles respectent bien la liste d’opposition est renforcée.
Les sanctions sont alourdies : elles pourront aller jusqu’à 375 000 euros pour une personne morale en cas de non-respect du dispositif d’opposition au démarchage téléphonique. Ces sanctions seront systématiquement publiées aux frais du professionnel.
Des règles déontologiques ou des codes de bonnes pratiques encadrant le démarchage téléphonique seront élaborés par les professionnels.
Les conditions de mise en œuvre du démarchage téléphonique seront plus strictement encadrées grâce à la détermination par décret, pris après avis du Conseil national de la consommation, des jours, des heures et de la fréquence auxquels il peut être pratiqué, y compris pour les études et les sondages qui, lorsqu’ils sont réalisés par voie téléphonique, devront également faire l’objet de règles déontologiques qui seront rendues publiques.
La responsabilisation des professionnels sera accrue avec la mise en place d’une présomption de responsabilité pour ceux qui ont tiré profit de prospections commerciales illicites, à charge pour eux de démontrer qu’ils ne sont pas à l’origine de celles-ci.
Les exceptions à la liste d’opposition dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours seront mieux encadrées.
Un mécanisme plus réactif et sécurisé juridiquement est mis en place pour suspendre et résilier les numéros surtaxés des opérateurs indélicats avec une faculté de saisine du juge des référés par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
D’autres mesures intéressent la lutte contre l’usage frauduleux des numéros surtaxés : renforcement de sanctions et responsabilisation des opérateurs dans la lutte contre l’usurpation de numéros, ce qu’il est convenu d’appeler en mauvais français, monsieur le sénateur Sueur, le spoofing.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les points les plus saillants de cette proposition de loi que je voulais rappeler, mais je veux aussi souligner que, si le renforcement du cadre normatif que prévoit ce texte est indispensable, il convient bien évidemment de veiller à son respect. C’est pourquoi, sous l’impulsion du Gouvernement, les services de l’État chargés de la protection des consommateurs, c’est-à-dire les agents de la DGCCRF, seront pleinement mobilisés pour lutter contre les sollicitations téléphoniques illicites et le seront encore davantage pour mettre en œuvre les nouvelles dispositions de cette proposition de loi.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite l’adoption par la Haute Assemblée du texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.
Applaudissements sur les travées du groupe LaRE M. – M. Alain Fouché applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le démarchage par téléphone, fortement intrusif, constitue un secteur économique qui est logiquement amené à s’effacer progressivement avec la numérisation de l’économie. Il est cantonné à ne viser qu’un public cible, souvent plus fragile et dépendant du téléphone fixe – nous en avons eu plusieurs témoignages lors de nos travaux. Sous couvert de préservation de l’emploi, le cadre légal régissant le démarchage téléphonique nie le consentement de ces personnes et ne va dans le sens ni de l’évolution de la société ni du progrès. En outre, il est en retard par rapport à l’organisation d’autres moyens de communication.
À notre sens, comme le groupe du RDSE l’a défendu lors de l’examen de la proposition de loi présentée par Jacques Mézard et adoptée par le Sénat en 2011, il aurait été préférable d’envoyer un signal clair à ce secteur, en considérant que, pour être autorisé, le démarchage téléphonique doit être sollicité ou, à tout le moins, clairement accepté par le consommateur.
Ce texte aurait donc pu aller plus loin dans l’opt-in – il nous a en tout cas permis de travailler notre anglais… –, mais nous ne contestons pas les progrès apportés par la proposition de loi : amélioration de l’information du consommateur, détermination des jours, des horaires et de la fréquence du démarchage, encadrement des sollicitations auprès des consommateurs inscrits sur la liste Bloctel dans le cadre des contrats en cours, présomption de responsabilité pesant sur le professionnel en cas de violation de la loi, renforcement des sanctions et, enfin, lutte contre la fraude aux numéros surtaxés.
Je constate d’ailleurs que, en l’occurrence, les sanctions administratives seront plus dissuasives que celles qui concernent les atteintes à l’environnement – dans un souci de cohérence, j’ai bon espoir que cela puisse changer un jour. En tout état de cause, la capacité de suivi par l’État des pratiques délictuelles ou abusives sera un point clé ; je ne suis pas certain que la DGCCRF ait aujourd’hui les moyens de remplir toutes les missions qui lui sont confiées.
Je note évidemment avec une grande satisfaction – j’associe Jean-François Longeot à cette remarque, car il connaît la manière dont nous avons réussi à faire adopter cette mesure… – que l’interdiction du démarchage en matière de rénovation énergétique a été maintenue par la commission mixte paritaire avec le soutien du Gouvernement – la nouvelle ministre déléguée chargée du logement, Emmanuelle Wargon, s’est publiquement exprimée en ce sens.
C’est une décision importante, parce que ce secteur est absolument essentiel pour tenir nos objectifs de lutte contre le dérèglement climatique et de réduction de nos émissions de CO2 – le rapport publié aujourd’hui même par le Haut Conseil pour le climat montre que nous sommes très loin des objectifs affichés. Or ce secteur souffre énormément de la fraude qui réduit à néant la confiance et l’intérêt des ménages pour les travaux, donne une mauvaise image de la filière et freine ce levier fondamental de la lutte contre le changement climatique.
Certes, interdire le démarchage téléphonique dans ce secteur ne règlera pas l’ensemble des problèmes créés par ces abus qui constituent parfois de véritables arnaques – je pense notamment aux publicités vantant des isolations à un euro –, mais cela constitue une réponse utile à une partie des fraudes relevées.
Cette interdiction doit bien sûr être cumulée – j’insiste sur ce point – avec le renforcement du contrôle a posteriori des travaux réalisés, ce qui pose de nouveau la question de la capacité de l’État à mobiliser les moyens nécessaires.
J’en profite, madame la ministre, pour alerter le Gouvernement sur le fait qu’en matière d’offres commerciales de gaz et d’électricité le médiateur de l’énergie a lui aussi alerté sur une explosion des pratiques frauduleuses depuis la fin des tarifs réglementés, mais il est vrai que la proposition de loi n’incluait pas ce sujet.
Les associations de consommateurs ne sont pas satisfaites, et on peut les comprendre. Le passage à un régime d’inscription préalable faisait l’objet d’une attente forte – plusieurs sénateurs, dont Jean-Pierre Sueur, se sont mobilisés sur cette question –, mais la commission mixte paritaire n’a pas abouti favorablement.
Ce régime, pourtant instauré dans une dizaine de pays européens – il ne s’agit donc pas d’une mesure extravagante ! –, est plus respectueux du consommateur, en particulier des personnes vulnérables qui n’ont parfois plus d’autre solution que de débrancher leur téléphone fixe pour ne pas subir ce harcèlement quotidien. Il est également plus respectueux des salariés des plateformes qui pratiquent le démarchage, puisqu’ils pourraient recevoir un meilleur accueil au moment de l’appel – ce métier peut être ingrat et nous avons essayé de faire en sorte que la réponse que nous apportions ne soit pas trop violente de ce point de vue.
Parmi les solutions de compromis que le Sénat avait proposées, il est regrettable que la disposition de l’amendement de Jean-Pierre Sueur visant à établir un préfixe permettant au consommateur d’identifier une démarche commerciale n’ait pas été maintenue par la commission mixte paritaire. C’était pourtant un compromis possible.
Dans tous les cas, je l’ai dit, l’efficacité de ce dispositif reposera sur l’accroissement des contrôles et donc sur le renforcement des moyens de la DGCCRF. En effet, si certains reprochent au système de l’opt-in d’être inefficace, les fraudeurs ne respectant pas la loi, cette critique s’applique tout autant au système de l’opt-out qui est maintenu. Les dernières sanctions prononcées contre certains énergéticiens nous permettront d’en évaluer rapidement l’efficacité dissuasive.
En conclusion, il est évident que cette proposition de loi ne va pas assez loin. Néanmoins, le groupe du RDSE se félicite d’une avancée majeure – l’interdiction du démarchage en matière de rénovation énergétique – et, comme nous ne devons pas bouder notre plaisir, lorsque le Sénat réussit à faire avancer les choses, il votera le texte de la commission mixte paritaire.
M. Alain Fouché applaudit.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte qui nous rassemble aujourd’hui avait pour enjeu de concilier un double objet : protéger au mieux les consommateurs du démarchage intempestif et des pratiques frauduleuses ; préserver l’activité d’un secteur qui emploie presque 60 000 personnes sur l’ensemble de notre territoire, y compris au sein de TPE et de PME.
Je veux saluer vivement le travail de notre rapporteur, André Reichardt, et du rapporteur de l’Assemblée nationale, Christophe Naegelen, qui est également l’auteur de la proposition de loi. Ils ont pleinement su relever le défi de cette conciliation au travers des débats et du texte de compromis qui nous est soumis à l’issue des travaux de la CMP. Ce texte témoigne, une fois de plus, de la force du bicamérisme. C’est une véritable chance pour faire face aux défis de notre temps.
Cette proposition de loi a suivi un long parcours depuis son adoption en première lecture par l’Assemblée nationale, au mois de décembre 2018, ce qui a permis de voter sept articles conformes dès la deuxième lecture. La commission mixte paritaire, par des concessions réciproques des deux chambres, a su trouver un équilibre sur les points qui restaient en discussion. C’est notamment le cas sur l’interdiction du démarchage pour la vente de travaux et d’équipements dans le secteur de la rénovation énergétique. Je remercie notre rapporteur d’y avoir consenti, malgré des réserves que nous comprenons. Cette mesure saura concourir à un objectif que, je pense, nous partageons tous sur ces travées : favoriser la rénovation énergétique des logements en protégeant spécifiquement ce secteur. Je souhaite à ce titre saluer la rédaction équilibrée adoptée par la CMP, qui exclut de cette interdiction les sollicitations intervenant dans le cadre d’un contrat en cours.
Je pense également à des précisions bienvenues introduites dans le texte de la commission mixte paritaire, à l’instar de l’application de sanctions pour non-respect des règles déontologiques, dès lors que celles-ci auront été reprises par décret, ou encore du rétablissement du filtrage des appels provenant de l’international, hors Union européenne, et présentant comme identifiant d’appel un numéro français issu du plan de numérotation de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep).
Finalement, le texte qui nous réunit aujourd’hui est un texte de protection et d’équilibre. Son adoption permettra de renforcer les obligations fixées aux professionnels du démarchage téléphonique, ainsi que les sanctions prévues en cas d’abus, pour mieux protéger les droits des consommateurs. Il en est ainsi des appels surtaxés frauduleux, qui peuvent présenter un coût non négligeable pour nos concitoyens.
Je souhaite saluer les apports du Sénat, tels que la création d’un régime de données ouvertes applicable à l’organisme gestionnaire du service Bloctel, qui permettra d’en renforcer la transparence et le contrôle.
Bien sûr, nous aurions pu pousser plus loin le raisonnement en ne retenant pas le principe du consentement préalable – en français dans le texte – au démarchage téléphonique. Il est à noter que nombre de pays l’ayant mis en place font désormais marche arrière.
La majorité des membres de nos deux assemblées a en effet considéré que cette inversion du principe entraînerait la fin du secteur économique du démarchage, qui regroupe pourtant un certain nombre d’acteurs suivant une pratique mesurée et légale de cette méthode de prospection.
L’enjeu de la proposition de loi est bien d’éviter de faire disparaître l’activité de ces derniers, et ce en luttant contre des pratiques frauduleuses qui leur nuisent également.
En somme, le présent texte incarne bien la capacité du législateur à dessiner par le débat un consensus sur des sujets touchant directement à l’intérêt général, à l’exaspération et à la vulnérabilité même de nos concitoyens.
Il témoigne également de la faculté du législateur à proposer une solution équilibrée sur un sujet qui, tout quotidien et prosaïque qu’il soit, n’en recouvre pas moins des difficultés et une technicité certaine.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe LaREM votera en faveur de cette conciliation efficace et protectrice proposée dans le texte de la commission mixte paritaire.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous allons adopter ce jour a commencé son parcours législatif à l’automne 2018. Cinq rapports, deux lectures dans les deux chambres et une commission mixte paritaire plus tard, nous nous posons encore la question de savoir si le dispositif proposé peut apporter quelque utilité à la lutte contre l’intrusion dans nos foyers, par le téléphone, de sollicitations mercantiles invasives et non souhaitées.
Comme beaucoup de collègues qui se sont exprimés depuis bientôt deux ans, nous continuons de penser que l’instauration d’un préfixe unique pour les appels de démarchage aurait permis la juste et nécessaire information des abonnés du téléphone.
Certes, le présent texte tente de donner un cadre plus contraignant aux opérateurs de ces publicités téléphoniques, mais il est à craindre que l’habilité avec laquelle ceux-ci s’étaient joués des limitations qui leur avaient été imposées jusqu’à présent ne soit de nouveau mobilisée pour qu’ils s’accommodassent des nouvelles que nous allons leur imposer.
Ce scepticisme aurait pu conduire mon groupe à l’abstention si la pandémie et le confinement qui nous ont été imposés n’avaient révélé la possible utilité d’au moins une disposition de la proposition de loi. Je m’explique en vous rapportant mon expérience personnelle, ce dont je vous prie de m’excuser.
Pendant toute cette période de confinement, mon téléphone fixe s’est tu. Il est resté muet. Après un peu plus d’un mois de silence, il a fini par retentir un matin pour me donner à entendre une voix qui m’a expliqué, dans le détail et sans me donner la possibilité de l’arrêter, que je pouvais réaliser l’isolation thermique des combles de ma maison pour un euro, alors que j’habite dans un appartement.
Rires.
Perturbé psychologiquement par l’assignation à résidence que nous imposait la lutte contre le virus, j’ai écouté avec un soulagement presque existentiel cette personne qui m’apportait la preuve orale des capacités de résistance de notre nation et, finalement, de la valeur supérieure de notre civilisation. Dans l’épreuve du confinement et le partage du sort d’une humanité recluse et souffrante, une voix s’adressait encore à moi pour me proposer un produit dont je n’avais absolument pas besoin.
Cette sidération passée, j’ai réalisé combien cette proposition était déraisonnable. Les transports aériens et terrestres étaient suspendus et il me fallait attendre une heure avant d’entrer dans un magasin d’alimentation transformé en bloc opératoire, mais je pouvais sans délai organiser l’isolation thermique des combles d’une maison que je n’ai pas !
La période que nous vivons nous oblige à prendre conscience de la fragilité de nos sociétés et à revoir l’ordre de nos priorités. La pandémie passée, il restera le défi de la transition énergétique. Je ne doute pas que l’isolation des combles des maisons puisse participer de cet effort nécessaire, mais elle doit être effectuée, comme l’a dit fort justement Ronan Dantec, par une filière d’entreprises compétentes et responsables, qui est aujourd’hui déstabilisée par ces offres à un euro, proposées de façon agressive par le biais du démarchage téléphonique.
La présente proposition de loi interdit spécifiquement ce type de démarchage et c’est pour nous au moins une bonne raison de la voter, tout en regrettant la faible efficience probable des dispositions d’encadrement de cette pratique générale.
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les abus en matière de démarchage téléphonique et l’usage frauduleux des numéros surtaxés sont une nuisance pour nos concitoyens. Nous en avons tous déjà fait au moins une fois l’expérience. Ils nous concernent tous ! M. Ouzoulias vient d’évoquer son expérience personnelle. Pour ma part, voilà ce que je fais quand je reçois un tel appel. En général, on demande à parler à M. Fouche, au lieu de M. Fouché, et je réponds alors que M. Fouche est mort. L’interlocuteur s’excuse et il raccroche. Je vous donne ce conseil gratuit – faites de même – pour que vous ne soyez plus embêtés à l’avenir.
Rires.
Pour certains, le démarchage téléphonique constitue une épreuve quasi quotidienne ; pour d’autres, les démarchages frauduleux entraînent parfois des préjudices financiers qui peuvent être très significatifs. Cette proposition de loi est à la hauteur des enjeux, et j’en partage sans réserve l’esprit.
Depuis sa première lecture, au mois de décembre 2018, ce texte a été considérablement enrichi. Il vise notamment à protéger au mieux les consommateurs, tout en préservant l’activité des professionnels. Pour cela, les opérateurs vont être responsabilisés et un cadre légal aux sanctions contre les appels surtaxés frauduleux sera donné.
Je me réjouis que l’instauration de l’indicatif unique pour les appels de démarchage ait été abandonnée : d’une part, la mise en place d’un tel indicatif apparaît complexe pour les PME, et, d’autre part, le numéro indicatif ne résoudrait pas le problème des appels frauduleux.
Je suis satisfait que l’interdiction du démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique ne s’applique pas aux sollicitations intervenant dans le cadre d’un contrat en cours.
Le délai laissé aux opérateurs téléphoniques pour mettre en place le dispositif d’authentification, porté de deux ans à trois ans, nous semble suffisant.
Le dispositif de filtrage ne s’appliquera, quant à lui, qu’aux appels émis en dehors du territoire de l’Union européenne et affichant un identifiant d’appelant français. Priver les centres d’appels établis hors de l’Union européenne de la possibilité d’utiliser un numéro français pourrait d’ailleurs inciter certaines entreprises françaises à rapatrier ces structures en Europe et en France. Il y en a d’ailleurs beaucoup dans la Vienne, au Futuroscope. C’est très bien que ces centres soient restés là.
En dernier lieu, nos deux assemblées sont parvenues à s’accorder sur le délai pendant lequel un fournisseur de services à valeur ajoutée frauduleux pourrait se voir interdire l’attribution de nouveaux numéros à valeur ajoutée. L’Assemblée nationale souhaitait retenir la durée de cinq ans, le Sénat celle de six mois : je suis satisfait qu’un accord ait été trouvé sur une durée d’un an.
Avant de conclure, je tiens à saluer à mon tour de la tribune le rapporteur de cette proposition de loi tant attendue, André Reichardt, pour la qualité de ses travaux et pour son dynamisme.
Le groupe Les Indépendants estime que le texte issu des travaux de la CMP présente un bon équilibre entre la protection des consommateurs, d’une part, et la volonté de ne pas mettre à mal un secteur qui représente près de 60 000 emplois, d’autre part. Aussi, nous voterons en faveur de cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.
Applaudissements sur les travées du groupe UC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste se félicite de l’accord trouvé en commission mixte paritaire sur la présente proposition de loi, que le Parlement examinait depuis le mois d’octobre 2018. Si les attentes face à un démarchage abusif étaient concrètes, les avancées permises par ce nouveau compromis parlementaire sont réelles pour des citoyens aux droits renforcés.
Nous saluons ainsi un texte pragmatique permettant de compléter de premières dispositions adoptées en 2014 en partant des trop nombreuses inefficiences constatées. Bien sûr, nous pourrions regretter l’absence de changement profond de philosophie concernant le principe même du démarchage, mais cette proposition de loi se veut résolument opérationnelle, et permet in fine d’impliquer davantage les opérateurs et de sanctionner plus sévèrement les comportements abusifs, sans pénaliser les entreprises qui respectent la législation et qui s’emploient à développer une activité de démarchage respectueuse des droits de nos concitoyens.
Ce texte cherche également à tenir cette ligne de crête délicate, afin d’atteindre l’équilibre le plus optimal entre l’impératif de protéger les citoyens et la nécessité de ne pas entraver l’activité économique.
Dès lors, et cela a été positivement reçu par les associations de citoyens consommateurs, l’interdiction du démarchage téléphonique à des fins de vente de travaux d’économies d’énergie est une avancée positive, car elle respecte les équilibres que j’ai précédemment évoqués, la seule dérogation acceptée étant l’exception contractuelle ayant un rapport direct avec l’objet du contrat en cours. Rappelons que, en 2019, 30 % des amendes administratives faisant suite aux contrôles effectués par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sur le démarchage téléphonique concernaient le secteur de la rénovation énergétique. Il s’agit donc de l’un des premiers secteurs pour les abus constatés en matière de démarchage téléphonique.
De même, nous accueillons positivement le compromis permettant le rétablissement des dispositions sur le spoofing – nous avons découvert de nouveaux termes –, que mon groupe défendait. En effet, cette pratique induisait volontairement en erreur le citoyen consommateur.
Nous regrettons toutefois que l’instauration d’un identifiant d’appel obligatoire, sous forme d’un préfixe, n’ait pas été conservée par la CMP, cette disposition délivrant pourtant une information claire, précise et compréhensible au citoyen consommateur quant à la nature de l’appel.
De manière générale, une première étape dans l’avènement d’une société plus durable consiste justement dans la garantie de la liberté de choix, le citoyen consommateur passant peu à peu d’une démarche consumériste passive à des prises de position marquées, ce qui exige davantage de responsabilité et de garanties des entreprises.
En ayant inscrit dans le cadre de sa dernière niche parlementaire l’examen en seconde lecture de cette proposition de loi sur un sujet du quotidien, très important pour nos concitoyens, mon groupe a souhaité s’affranchir de toute naïveté, afin de réaffirmer les droits des citoyens consommateurs, sans pour autant réduire leurs libertés. Nous souhaitons en parallèle renforcer les obligations fixées aux professionnels et les sanctions en cas de manquements, sans forcément détruire un secteur employant 56 000 personnes.
Mon groupe votera donc en faveur de ce texte, qui assure des avancées concrètes. Nous tenons à saluer le travail de grande qualité de notre collègue député Christophe Naegelen, de même que les apports, nombreux, constructifs et concrets, d’André Reichardt, au nom de la commission des lois du Sénat. Je souhaite vivement que ces dispositions permettent d’offrir à nos concitoyens un peu de tranquillité en les protégeant d’appels téléphoniques abusifs et inquiétants pour leur situation financière.
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. le rapporteur et M. Alain Fouché applaudissent également.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce texte comprend quelques avancées, notamment pour ce qui est de la crédibilité, de la fiabilité des informations qui seront délivrées. Notre rapporteur a longuement insisté sur ce point, à juste titre.
Il comporte notamment une mesure sur laquelle nous avons beaucoup réfléchi, et un peu hésité, concernant les économies d’énergie. Nous l’avons finalement adoptée. Ainsi, un certain nombre de nuisances disparaîtront, et j’espère, madame la ministre, qu’en examinant le nouveau projet de loi de finances rectificative, nous aurons quelques attentions pour les artisans du bâtiment et pour toutes les petites et moyennes entreprises qui travaillent dans ce secteur de manière fiable, professionnelle, et sans aucune arnaque. Vous savez qu’est attendue une mesure qui rétablirait le taux de TVA à 5, 5 % jusqu’à la fin de l’année simplement pour donner une bouffée d’oxygène à ces entreprises, auxquelles nous sommes tous très attachés.
Au-delà des quelques avancées dont nous nous félicitons, il reste un point de divergence majeur pour nous. Nous pensons qu’il faut changer de perspective. Je l’ai déjà dit à deux reprises, pour nous, l’avenir, c’est de mettre en œuvre le consentement positif, clair et explicite des usagers, des citoyens. On nous dit que cette mesure présente des difficultés, mais je constate qu’elle est en vigueur dans onze pays d’Europe, ce qui montre bien que c’est possible.
Nous sommes très attachés à ce dispositif, et nous pensons que, en dépit des avancées que comporte ce texte, dès lors que nous ne faisons pas ce choix majeur, nous risquons de nous retrouver demain et après-demain, devant les mêmes inconvénients.
Par ailleurs, nous avions proposé, au Sénat, l’instauration d’un préfixe, qui aurait révélé facilement la nature commerciale de l’appel. Cette disposition a été adoptée par le Sénat, mais, malheureusement, en commission mixte paritaire, elle n’a pas pu être retenue. A contrario, une mesure présentée par les députés n’était pas sans intérêt : il s’agissait de lutter contre un système un peu, voire tout à fait fallacieux, qui consiste à faire apparaître un numéro franco-français sur votre appareil, même si l’appel provient de l’étranger. C’est une tromperie, et l’idée de l’Assemblée nationale était bonne. Malheureusement, comme vous le savez, madame la ministre, la loi de l’entonnoir est dure, mais c’est la loi ! Peut-être que cette disposition pourra être reprise dans un futur texte.
Toujours est-il que nous pensons que des avancées restent assurément nécessaires.
Je terminerai en rappelant ce que nous avait dit l’une de nos collègues, dont j’étais le porte-parole lors de la seconde lecture. Dans un village de montagne du Sud, des personnes âgées ont renoncé à décrocher le téléphone parce qu’elles étaient importunées dix fois par jour par des appels commerciaux. Résultat : le maire ne parvenait plus à les joindre quand il y avait un risque d’inondation ou d’incendie, pas plus que l’infirmière quand elle ne pouvait pas se rendre à leur domicile ou en cas de problème médical, de souci de médicament ou de soins. C’est dire que cette pollution mercantile qui envahit la vie des gens est très sérieuse. Elle a des effets humains considérables.
Aussi, mon groupe, comme il l’a fait en première lecture, en seconde lecture et lors de la commission mixte paritaire, s’abstiendra. C’est une façon pour nous de reconnaître les avancées, mais aussi de dire que, sur le plan de l’orientation générale, nous pensons que ce texte ne va pas assez loin.
Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat examine cet après-midi les conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux.
Nous devons veiller à ne pas entraver la liberté d’entreprendre, tout en luttant implacablement contre les abus.
Ne pas entraver la liberté d’entreprendre, c’est laisser les entreprises vertueuses démarcher de nouveaux clients et conclure les contrats indispensables à leur activité et au maintien des emplois. La plupart d’entre elles, je le rappelle, sont des petites et moyennes entreprises des secteurs de l’habitat, de l’énergie et du développement durable, et nombre d’appels sont émis depuis des centres d’appels situés en France. Environ 270 000 emplois sont en jeu : c’est important de le souligner, au moment où la France connaît un contexte économique très difficile.
Pour autant, la lutte contre les abus doit être implacable.
Il faut en finir avec la fraude aux numéros surtaxés, qui représentait, en 2017, un préjudice de 11 milliards d’euros à l’échelle de l’Union européenne. Chacun doit en avoir conscience, cette fraude vise tout particulièrement les populations les plus vulnérables, notamment les personnes âgées et les adolescents, qui constituent le cœur de cible des fraudeurs.
En première lecture, le Sénat a veillé à maintenir cet équilibre nécessaire entre renforcement du droit d’opposition au démarchage téléphonique et maintien des emplois de la filière du démarchage. Ainsi, il n’a pas souhaité instaurer un système d’opt-in, en vertu duquel le consentement du consommateur aurait été un préalable à tout démarchage.
En revanche, il s’est attaché à réguler plus efficacement le démarchage téléphonique, d’une part, en renforçant la transparence et la déontologie des professionnels, d’autre part, en assurant la clarté et la sécurité juridique des outils de lutte contre les pratiques frauduleuses.
En deuxième lecture, le Sénat avait rendu obligatoire un identifiant d’appel, sous forme de préfixe, afin de permettre au consommateur de savoir s’il se trouvait ou non en présence d’une prospection commerciale. Cette obligation a toutefois été supprimée par la commission mixte paritaire.
Le Sénat avait également interdit toute prospection commerciale dans le domaine de la rénovation énergétique, sauf si celle-ci s’inscrivait dans le cadre de relations contractuelles existantes.
La commission des lois s’était opposée à cette interdiction générale, comme le groupe Les Républicains, qui, à juste titre, avait considéré qu’autoriser le démarchage à l’égard des seuls clients déjà acquis constituait une restriction au libre exercice de la concurrence.
L’opposition entre prospects et clients n’a évidemment aucun sens : on peut importuner un client de l’entreprise si l’appel téléphonique ne respecte pas les bonnes pratiques, par exemple les jours et les horaires, et, au contraire, satisfaire un prospect avec un appel respectueux du consommateur.
Je regrette profondément que la commission mixte paritaire ait maintenu cette position, de mon point de vue trop restrictive. En revanche, je me réjouis qu’elle ait conservé les dispositions insérées à la suite de l’adoption de mon amendement, qui précisent que les appels téléphoniques réalisés en vue de répondre à une sollicitation expresse du client et avec son consentement ne doivent pas être concernés par un tel encadrement.
La crise économique inédite, qui est sur le point de frapper nombre de nos entreprises, impose plus que jamais au législateur de ne pas compliquer à outrance les relations commerciales respectueuses des deux parties.
Pour conclure, mon groupe salue le travail mené sur ce texte, autour du rapporteur du Sénat, qui permet un certain nombre d’avancées. Il votera cette proposition de loi dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi a été l’occasion de pointer du doigt les insupportables nuisances que produisent sur nos concitoyens le démarchage téléphonique abusif et les appels frauduleux aux numéros surtaxés. Je connais peu de nuisances quotidiennes aussi fortes : elles gênent considérablement la vie de nos concitoyens.
Le dispositif Bloctel, entré en vigueur le 1er juin 2016, a fait la preuve de son inefficacité – c’est un naufrage quasi total : il a été incapable de protéger les consommateurs face au démarchage téléphonique abusif. Deux ans plus tard, certaines personnes en viennent même à renoncer à décrocher leur téléphone pour échapper à ces appels intempestifs et particulièrement intrusifs.
Pis encore, certains consommateurs affirment avoir constaté un déferlement des sollicitations commerciales téléphoniques intempestives après s’être inscrits sur la liste d’opposition Bloctel.
Certes, face à une telle situation, les évolutions introduites par la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux sont intéressantes, mais elles demeurent insuffisantes.
Nos collègues en commission mixte paritaire ont conservé le principe du maintien de l’opposition expresse du consommateur, mais ont malheureusement rejeté celui du consentement préalable. Je le regrette vivement, car le système opt-in a produit ses effets. Ainsi, dans d’autres pays, on a pu observer une baisse significative des taux de plaintes – ainsi, quatorze fois moins en Allemagne. Je rappelle que ce système est présent dans onze pays d’Europe et a largement fait ses preuves. Je regrette donc que nous n’ayons pu adopter l’alignement de ce type de prospection sur celui du SMS.
À titre d’exemple, 1, 3 million de réclamations ont été déposées en France entre 2016 et 2018 – c’est considérable ! –, tandis qu’au cours de la même période l’Allemagne, où le système opt-in est en vigueur, n’en relevait que 150 000. On constate également l’efficacité de ce dispositif au Portugal et au Royaume-Uni, où une baisse significative du nombre de plaintes est observée depuis la mise en place de celui-ci, respectivement en 2012 et en 2018.
Je regrette que, sous prétexte de préserver le sacro-saint principe de l’aide à l’activité économique, lequel reste à démontrer, cette proposition de loi privilégie un encadrement du régime d’opposition – opt-out –, étant considéré qu’un régime fondé sur le seul consentement préalable du consommateur risquerait de faire disparaître le secteur économique du démarchage téléphonique. Je ne partage pas ce point de vue.
À l’heure où l’inefficacité de la logique du droit d’opposition a été notoirement constatée, il eût été bienvenu que le Parlement renforce sans plus attendre les droits des consommateurs face au fléau que constitue le démarchage téléphonique non sollicité.
Je regrette également que les travaux de la commission mixte paritaire n’aient pas retenu l’idée de la mise en place d’un élément matériel dans le numéro de téléphone, prenant par exemple la forme d’un préfixe, afin de renseigner le consommateur sur la nature commerciale de l’appel.
M. François Bonhomme. C’est aussi une piste que nous devrons reconsidérer, car je crains que, malgré les améliorations que comporte ce texte, notamment grâce à notre rapporteur, nous ne devions dans les mois à venir en constater les limites pour juguler le phénomène des appels intempestifs, qui sont des gênes considérables pour nos concitoyens.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, d’une part, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement ; d’autre part, étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, le Sénat statue sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
I. – Le premier alinéa de l’article L. 221-16 du code de la consommation est ainsi modifié :
1° Après le mot : « conversation », sont insérés les mots : «, de manière claire, précise et compréhensible, » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « Le professionnel indique également au consommateur qu’il peut s’inscrire gratuitement sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique prévue à l’article L. 223-1 s’il ne souhaite pas faire l’objet de prospection commerciale par cette voie. »
II. –
Supprimé
I. – Le chapitre III du titre II du livre II du code de la consommation est ainsi modifié :
1° L’article L. 223-1 est complété par neuf alinéas ainsi rédigés :
« Toute prospection commerciale de consommateurs par des professionnels, par voie téléphonique, ayant pour objet la vente d’équipements ou la réalisation de travaux pour des logements en vue de la réalisation d’économies d’énergie ou de la production d’énergies renouvelables est interdite, à l’exception des sollicitations intervenant dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours au sens du deuxième alinéa du présent article.
« Tout professionnel saisit, directement ou par le biais d’un tiers agissant pour son compte, l’organisme mentionné à l’article L. 223-4 aux fins de s’assurer de la conformité de ses fichiers de prospection commerciale avec la liste d’opposition au démarchage téléphonique :
« 1° Au moins une fois par mois s’il exerce à titre habituel une activité de démarchage téléphonique ;
« 2° Avant toute campagne de démarchage téléphonique dans les autres cas.
« Un décret, pris après avis du Conseil national de la consommation, détermine les jours et horaires ainsi que la fréquence auxquels la prospection commerciale par voie téléphonique non sollicitée peut avoir lieu, lorsqu’elle est autorisée en application du deuxième alinéa du présent article.
« Le professionnel mentionné au quatrième alinéa du présent article respecte un code de bonnes pratiques qui détermine les règles déontologiques applicables au démarchage téléphonique. Ce code de bonnes pratiques, rendu public, est élaboré par les professionnels opérant dans le secteur de la prospection commerciale par voie téléphonique. Il est, en tant que de besoin, précisé par décret.
« Tout professionnel ayant tiré profit de sollicitations commerciales de consommateurs réalisées par voie téléphonique en violation des dispositions du présent article est présumé responsable du non-respect de ces dispositions, sauf s’il démontre qu’il n’est pas à l’origine de leur violation.
« Tout contrat conclu avec un consommateur à la suite d’un démarchage téléphonique réalisé en violation des dispositions du présent article est nul.
« Les modalités selon lesquelles l’inscription sur une liste d’opposition au démarchage téléphonique est reconductible tacitement sont déterminées par décret. » ;
2° L’article L. 223-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Un décret, pris après avis du Conseil national de la consommation, détermine les jours et horaires ainsi que la fréquence auxquels cette prospection est autorisée. »
II. – Tout professionnel qui contacte par téléphone une personne en vue de la réalisation d’une étude ou d’un sondage respecte des règles déontologiques, rendues publiques, élaborées par les professionnels opérant dans ce secteur. Ces règles précisent notamment les jours et horaires ainsi que la fréquence auxquels les appels téléphoniques aux fins de réalisation d’études ou sondages sont autorisés.
Les jours et horaires ainsi que la fréquence auxquels peuvent être passés ces appels sont, en tant que de besoin, précisés par décret.
Les manquements aux dispositions prises en application du deuxième alinéa du présent II sont passibles de l’amende administrative prévue à l’article L. 242-16 du code de la consommation, prononcée dans les conditions fixées au même article. Ils sont recherchés et constatés par les agents mentionnés à l’article L. 511-3 du même code dans les conditions fixées par l’article L. 511-6 dudit code.
I. – La sous-section 1 de la section 4 du chapitre IV du titre II du livre II du code de la consommation est ainsi modifiée :
1° A L’article L. 224-46 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) Sont ajoutés des II et III ainsi rédigés :
« II. – Le contrat prévoit également la suspension de l’accès à un numéro à valeur ajoutée, qui peut être suivie de la résiliation du contrat en cas de réitération, dans les cas suivants :
« 1° Si une ou plusieurs des informations devant figurer dans l’outil mentionné à l’article L. 224-43 sont absentes, inexactes, obsolètes ou incomplètes ;
« 2° Si aucun produit ou service réel n’est associé à ce numéro ;
« 3° Si le produit ou service associé à ce numéro fait partie de ceux que l’opérateur exclut au titre de ses règles déontologiques.
« III. – La résiliation du contrat est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, dans les conditions prévues au second alinéa de l’article 1225 du code civil. » ;
1° B L’article L. 224-47 est ainsi rédigé :
« Art. L. 224 -47. – Un mécanisme de signalement des anomalies concernant un numéro à valeur ajoutée permet au consommateur de signaler de manière claire, précise et compréhensible :
« 1° Si une ou plusieurs des informations devant figurer dans l’outil prévu à l’article L. 224-43 sont absentes, inexactes, obsolètes ou incomplètes ;
« 2° Si le service associé ne respecte pas les règles déontologiques fixées par l’opérateur ;
« 3° Si l’exercice du droit de réclamation par le consommateur n’est pas possible ou présente des dysfonctionnements.
« Un arrêté du ministre chargé de l’économie précise les modalités de dépôt des signalements par les consommateurs afin d’en assurer la fiabilité.
« L’opérateur mentionné au premier alinéa de l’article L. 224-43 prend en compte ces signalements pour s’assurer de la bonne exécution du contrat avec l’abonné auquel il affecte un numéro à valeur ajoutée. » ;
1° C Après le même article L. 224-47, il est inséré un article L. 224-47-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 224 -47 -1. – I. – L’opérateur mentionné au premier alinéa de l’article L. 224-43 procède, dans les cas prévus au II de l’article L. 224-46, à la suspension de l’accès au numéro et, le cas échéant, à la résiliation du contrat en cas de réitération dans les conditions prévues au III du même article L. 224-46.
« II. – Dans le cas où l’opérateur mentionné au premier alinéa de l’article L. 224-43 ne procède pas aux actions prévues au I du présent article, tout fournisseur d’un service téléphonique au public, au sens du 7° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, peut suspendre, après en avoir informé l’opérateur cocontractant, l’accès de ses abonnés au numéro ou aux numéros à valeur ajoutée concernés et, en cas de réitération, à tous les numéros du fournisseur de produit ou de service à valeur ajoutée en cause. » ;
1° et 2°
Supprimés
II. – Le premier alinéa de l’article L. 242-21 du code de la consommation est ainsi modifié :
1° Le montant : « 3 000 euros » est remplacé par le montant : « 75 000 € » ;
2° Le montant : « 15 000 euros » est remplacé par le montant : « 375 000 € ».
III. – L’article L. 44 du code des postes et des communications électroniques est complété par des V et VI ainsi rédigés :
« V. – Les opérateurs sont tenus de s’assurer que, lorsque leurs clients utilisateurs finals utilisent un numéro issu du plan de numérotation établi par l’autorité comme identifiant d’appelant pour les appels et messages qu’ils émettent, ces utilisateurs finals sont bien affectataires dudit numéro ou que l’affectataire dudit numéro a préalablement donné son accord pour cette utilisation.
« Les opérateurs sont tenus de veiller à l’authenticité des numéros issus du plan de numérotation établi par l’autorité lorsqu’ils sont utilisés comme identifiant d’appelant pour les appels et messages reçus par leurs clients utilisateurs finals.
« Les opérateurs utilisent un dispositif d’authentification permettant de confirmer l’authenticité des appels et messages utilisant un numéro issu du plan de numérotation établi par l’autorité comme identifiant d’appelant.
« Les opérateurs veillent à l’interopérabilité des dispositifs d’authentification mis en œuvre. À cette fin, la mise en œuvre par chaque opérateur du dispositif d’authentification de l’identifiant de l’appelant peut s’appuyer sur des spécifications techniques élaborées de façon commune par les opérateurs.
« Lorsque le dispositif d’authentification n’est pas utilisé ou qu’il ne permet pas de confirmer l’authenticité d’un appel ou message destiné à l’un de ses clients utilisateurs finals ou transitant par son réseau, l’opérateur interrompt l’acheminement de l’appel ou du message.
« L’autorité définit les conditions dans lesquelles les opérateurs dérogent à l’avant-dernier alinéa du présent V afin de permettre le bon acheminement des appels et messages émis par les utilisateurs finals d’opérateurs mobiles français en situation d’itinérance internationale.
« VI. – Les opérateurs sont tenus d’empêcher l’émission, par leurs clients utilisateurs finals situés en dehors du territoire de l’Union européenne, d’appels et de messages présentant comme identifiant d’appelant des numéros issus du plan de numérotation établi par l’autorité.
« Les opérateurs sont tenus d’interrompre l’acheminement des appels et messages présentant comme identifiant d’appelant des numéros issus du plan de numérotation établi par l’autorité qui leur sont transmis au travers d’une interconnexion avec un opérateur ne fournissant pas de service téléphonique au public à des utilisateurs finals situés sur le territoire de l’Union européenne.
« Les deux premiers alinéas du présent VI ne s’appliquent pas à l’acheminement des appels et messages émis par les utilisateurs finals d’opérateurs mobiles français en situation d’itinérance internationale.
« L’autorité peut définir une catégorie de numéros à tarification gratuite pour l’appelant pour laquelle les opérateurs dérogent aux mêmes deux premiers alinéas. »
IV. – Le VI de l’article L. 44 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction résultant de la présente loi, entre en vigueur trois mois après la promulgation de la présente loi et est abrogé trois ans après la promulgation de la présente loi.
Le V de l’article L. 44 du code des postes et des communications électroniques, dans sa rédaction résultant de la présente loi, entre en vigueur trois ans après la promulgation de la présente loi.
L’article L. 524-3 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’infraction ou de manquement aux dispositions mentionnées aux articles L. 511-5, L. 511-6 et L. 511-7 ou au livre IV du présent code, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut demander à l’autorité judiciaire de prescrire en référé ou sur requête aux fournisseurs d’un service téléphonique au public, au sens du 7° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, ainsi qu’aux opérateurs de communications électroniques, au sens du 6° du même article L. 32, exploitant un numéro à valeur ajoutée toutes mesures proportionnées propres à prévenir ou à faire cesser un dommage causé par un service à valeur ajoutée. L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut notamment demander à l’autorité judiciaire de prescrire aux opérateurs de communications électroniques au sens du même 6° exploitant un numéro à valeur ajoutée de ne pas affecter au fournisseur de service à valeur ajoutée de nouveaux numéros pouvant être surtaxés pendant une durée qui ne peut excéder un an. »
Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?…
Le vote est réservé.
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Personne ne demande la parole ?…
Je mets aux voix, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, l’ensemble de la proposition de loi visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux.
La proposition de loi est adoptée.
J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de l’éventuelle commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de ce projet de loi ont été publiées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par le règlement.
M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est pour moi une grande émotion que d’intervenir devant vous pour la première fois depuis ma nomination.
Le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019 qui va être débattu peut paraître éloigné de la situation financière actuelle de la France.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
Vous le savez, la présentation d’un projet de loi de règlement est néanmoins un moment important dans notre vie démocratique, d’autant plus que la sincérisation du budget a été confortée et que la transparence financière a été réaffirmée.
Ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019 s’inscrit dans la trajectoire de redressement des comptes publics que nous avons commencée en 2017, dès l’arrivée au pouvoir du Président de la République. Notre dépense publique a diminué de près d’un point de PIB entre 2017 et 2019, passant de 55 % à 54, 1 %, ce qui représente une économie de 20 milliards d’euros réalisée par le Gouvernement.
Conformément à nos engagements, au total, 1 milliard d’euros d’économies a été enregistré par rapport à l’objectif de dépenses fixé dans le projet de loi initial. Cet effort est d’autant plus important qu’il a été accompli malgré les mesures d’urgence économiques et sociales prises après le grand débat, annoncé par le Président de la République.
L’examen d’un tel texte constitue, chaque année, une étape importante dans le contrôle de l’action gouvernementale par le Parlement. De nouveau, le projet de loi est marqué par la sincérité de la budgétisation du Gouvernement. Je tiens à remercier les services de la direction du budget et de la direction générale des finances publiques, mais également les directeurs de programme eux-mêmes, de leur travail et de leur respect des autorisations parlementaires. Je souhaite souligner tout particulièrement le respect de la sincérité des comptes de l’année 2019.
Cette sincérité tient en partie à la qualité des budgétisations initiales, notamment celles des dépenses obligatoires. Si des dépassements minimes restent présents, les prévisions relatives à la masse salariale ont globalement été respectées. C’est le cas pour la mission « Sécurité », qui représente 154 millions d’euros, au titre du financement du protocole d’accord avec les organisations syndicales de la police nationale signé le 19 décembre 2018 pour rétribuer l’engagement des forces de l’ordre, en particulier lors de la crise des « gilets jaunes », et du paiement d’une partie des heures supplémentaires accumulées au cours des exercices budgétaires précédents.
Le Gouvernement s’y était engagé, la sincérité a été placée au cœur de notre budget.
La sincérité budgétaire de ce projet de loi aboutit ainsi à la diminution à 3 % du niveau de la mise en réserve, lequel était de 8 % avant 2017. Cela résulte d’une gestion de meilleure qualité, affinée, puisque les 3 % sont appliqués sur les vrais crédits que nous aurions pu annuler. Il convient donc de souligner qu’une très grande majorité des annulations, en loi de finances rectificative, ont porté sur les crédits mis en réserve.
Le niveau des reports de crédits est à son plus bas depuis 2006 et s’établit désormais à 1, 9 milliard d’euros dans le budget général. C’est un record en matière de gestion. C’est le résultat de notre engagement en faveur de la sincérité de la budgétisation, cap que nous nous sommes fixé en 2017. Les effets vertueux de la sincérité budgétaire ont d’ailleurs été rappelés par la Cour des comptes à de nombreuses reprises.
Pour la deuxième fois depuis plus de trente ans, le Gouvernement a évité de procéder à l’ouverture et à l’annulation de décrets d’avance de crédits qui nient l’autorisation parlementaire.
Ce projet de loi montre également l’attachement du Gouvernement, quelles que soient les divergences entre nous, à rester fidèle et attaché à l’autorisation parlementaire.
J’en viens au calendrier budgétaire. L’anticipation de la loi de finances rectificative de fin d’année, adoptée le 26 novembre et promulguée le 2 décembre 2019, a permis de fixer sereinement le schéma de fin de gestion et de donner une plus grande visibilité à l’ensemble des gestionnaires de l’État.
Cette loi de finances rectificative n’a comporté, pour la deuxième fois, aucune disposition fiscale, comme l’a souhaité le Gouvernement. Nous avons fait le choix de préserver les ménages et les entreprises, en assurant une stabilité fiscale, voire une baisse, avec l’impôt sur le revenu.
Ce budget était également ambitieux.
Dans ce projet de loi de règlement, la priorité a été donnée aux dépenses d’investissement. Celles-ci ont augmenté de 5 % entre 2018 et 2019 et de 12 % depuis 2017.
L’exécution du budget 2019 met l’accent sur le soutien au pouvoir d’achat et l’incitation au travail, notamment avec la hausse de la prime d’activité.
L’accent a également été mis sur le domaine régalien, en particulier les forces armées, avec une loi de programmation militaire appliquée conformément aux orientations votées par le Parlement, le soutien à la transition écologique, qui augmente fortement pour atteindre 1, 7 milliard d’euros, afin d’aider au financement de l’Agence de la transition écologique (Ademe) ou de la lutte contre le changement climatique, la recherche et l’enseignement supérieur, avec quasiment 1 milliard d’euros d’augmentation, soit un budget en forte hausse par rapport aux vingt dernières années.
Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
J’ai plaisir à vous retrouver, monsieur le ministre. Nous nous sommes côtoyés à de nombreuses reprises lors des Artisanales de Chartres ou des Entretiens de Chartres, dans le cadre de vos précédentes fonctions. Je vous souhaite la bienvenue au Sénat. Nous serons amenés à nous revoir souvent à l’occasion de l’examen de nombreux textes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si nous avons changé de monde, nous allons parler un peu de l’ancien monde : l’ancien monde, c’était la loi de finances pour 2019 et son exécution. Voilà un passé qui nous paraît bien lointain au regard des événements qui ont eu lieu !
Ce budget était un peu le budget de la malédiction. Rappelez-vous, il avait mal démarré : un tweet malheureux avait conduit à l’interruption de nos travaux ; ensuite, l’adoption de nombreux amendements de séance, à la suite de la crise des « gilets jaunes », avait fortement dégradé le déficit. Hélas, l’exécution n’est guère meilleure : le déficit du budget de l’État atteint quasiment 100 milliards d’euros, avec près de 100 % de dette.
Il nous faut donc tirer le bilan de la politique budgétaire conduite par la majorité, alors que la situation économique de l’ancien monde était au beau fixe et n’était évidemment pas celle que nous connaissons actuellement.
En effet, le Gouvernement avait bénéficié l’an dernier d’une « croissance de rattrapage », qui s’est établie à 1, 5 % – chiffre qui fait aujourd’hui rêver par rapport à la récession de 11 % que nous connaissons – et a facilité l’atteinte de ses objectifs budgétaires. Par comparaison au reste de la zone euro, la France a mieux résisté au ralentissement mondial, car son économie est moins sensible aux exportations. Ce n’est donc pas glorieux.
Dans ce contexte, plutôt que de profiter de la conjoncture favorable – désormais perdue ! –, afin de retrouver des marges de manœuvre budgétaires, le Gouvernement a préféré différer le redressement structurel des comptes publics, ce qu’il faut regretter.
Ainsi, le déficit public a atteint 3 % de PIB à l’issue de l’exercice 2019, soit une dégradation de 0, 7 point de PIB par rapport à 2018. C’est la première fois que le déficit public français se détériore depuis la crise financière de 2009.
Certes, et le Gouvernement nous le dira, cette contre-performance s’explique par le surcoût temporaire lié à la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allégements de cotisations sociales, …
… mais le Gouvernement a bénéficié parallèlement au cours de l’exercice de trois facteurs qui auraient permis de redresser les comptes publics : une conjoncture favorable, un dynamisme anormalement élevé des prélèvements obligatoires, une baisse de la charge de la dette de 5, 1 milliards d’euros grâce à des taux d’intérêt particulièrement bas.
Une fois ces éléments neutralisés, il apparaît que, loin d’améliorer le solde structurel, la politique gouvernementale a contribué à le dégrader de 0, 5 point de PIB en 2019. Ainsi, la dépense publique augmente de 1, 8 %, pour un objectif initial fixé à 0, 6 % dans le projet de loi de finances pour 2019 – c’est trois fois plus –, dans un contexte marqué par la montée en charge des mesures prises en réponse à la crise des « gilets jaunes », crise qui aurait pu être évitée si l’on avait anticipé et écouté le Sénat. L’effort structurel de maîtrise de la dépense réellement imputable au Gouvernement est donc négatif en 2019 et plus faible que sous la précédente majorité – voilà qui ne déplairait pas à Claude Raynal !
Par ailleurs, du côté des recettes, la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale n’a pas diminué l’an dernier – 44, 8 % du PIB –, une fois la bascule du CICE neutralisée.
Faute d’un effort suffisant, l’infléchissement de la trajectoire d’endettement est une nouvelle fois différé, avec un niveau qui stagne à 98, 1 % du PIB en 2019. Pourtant, la France bénéficiait depuis trois ans de circonstances historiquement favorables pour réduire sa dette.
Du côté du respect des règles budgétaires européennes, le constat n’est guère plus réjouissant : en 2019, le précédent gouvernement a réussi l’« exploit » de dépasser la déviation maximale autorisée sur un an pour chacune des trois règles, n’est-ce pas, cher Jean Bizet ! §La France a une nouvelle fois échappé à l’ouverture d’une procédure de redressement à son encontre, du fait de la suspension du pacte de stabilité, mais elle doit faire face à un isolement croissant à l’échelon européen dans le domaine budgétaire.
Il est regrettable que notre pays n’ait pas su profiter de cette phase haute du cycle économique, pour réduire son endettement et retrouver des marges de manœuvre budgétaires qui nous manquent cruellement maintenant que nous devons gérer une crise économique majeure, ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne.
Le différentiel d’endettement avec ce pays atteint ainsi près de 40 points de PIB ! Avant la crise de 2008-2009, la France et l’Allemagne connaissaient un taux d’endettement de 60 %. Si notre voisin allemand a augmenté son endettement après la crise, il a su se désendetter, comme les autres pays d’Europe, alors que la France a continué à s’endetter. Cela explique que le plan de relance allemand soit déjà sur les rails avec 50 milliards d’euros. L’Allemagne est en avance, car elle a d’autres marges de manœuvre que la France, laquelle n’a pas les moyens de consacrer 9 milliards d’euros à l’hydrogène, par exemple : elle est plutôt dans des mesures de soutien immédiat et diffère son plan de relance. Nous y reviendrons, monsieur le ministre, à l’occasion de l’examen du PLFR 3.
Pas de marge de manœuvre : voilà le constat que l’on peut tirer de l’exécution budgétaire de 2019.
Une fois la situation économique revenue à la normale, il sera nécessaire d’infléchir progressivement l’endettement de la France, afin de préserver la crédibilité et la soutenabilité de notre politique budgétaire.
Concernant plus précisément le budget de l’État, cœur du projet de loi de règlement, son examen confirme les analyses macroéconomiques précédentes : le Gouvernement n’a pas su mettre à profit des années de croissance relativement forte pour assainir les finances publiques.
De ce point de vue, je dresse trois principaux constats.
Premièrement, le déficit budgétaire de l’État se dégrade de 16, 7 milliards d’euros entre 2018 et 2019. Il aurait d’ailleurs pu l’être encore davantage du fait de la transformation du CICE et de la hausse de la prime d’activité, sans l’augmentation parallèle des recettes fiscales nettes résultant de la croissance.
Deuxièmement, la plupart des recettes fiscales ont été sous-estimées en loi de finances initiale. Le prélèvement à la source a par exemple conduit à des revenus exceptionnels de 2018 d’un montant de 2, 2 milliards d’euros qui n’avait pas été budgété. La croissance spontanée des recettes fiscales nettes s’élève à 1, 5 % en 2019. Certains autres impôts, comme la TVA ou l’impôt sur les sociétés, restaient encore dynamiques, ce qui fait rêver aujourd’hui !
La TVA, qui était autrefois un impôt d’État, est de plus en plus préemptée par d’autres – la sécurité sociale, les régions depuis 2018 –, ce qui ramène la part de l’État à 74 %. Il en est de même pour la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui est maintenant partagée notamment avec les collectivités.
Troisièmement, les dépenses du budget général, hors remboursements et dégrèvements, sont en augmentation de 6, 3 milliards d’euros, soit 1, 9 %, par rapport à 2018.
Monsieur le ministre, peut-être trouverez-vous mon propos un peu négatif, surtout pour votre première venue au Sénat. Je finirai donc sur une note optimiste. Je relève avec satisfaction, comme vous-même et comme mes collègues de la commission des finances, que le montant des crédits consommés dans le budget général, hors charge de la dette et hors remboursements et dégrèvements, n’est supérieur que de 1, 5 milliard d’euros par rapport au montant total initial. Je partage donc votre constat : la budgétisation est sincère.
De même, et il faut s’en féliciter, aucun décret d’avance n’a été pris au cours de l’année 2019. Ce n’est pas le cas en 2020 : certes, il n’y a pas de décret d’avance, mais il y a des projets de loi de finances rectificative – nous en sommes au troisième, ce qui est un changement. Autant dire que l’on a parfois tendance à se réjouir un peu vite…
En outre, la réserve de précaution a été limitée à 3 %, hors dépenses de personnel. Elle a parfois atteint 8 %. Elle est utile, indispensable, mais, si elle devient trop importante, cela revient à méconnaître l’autorisation parlementaire.
En revanche, les efforts de maîtrise de la dépense publique n’ont pas été au rendez-vous.
Philippe Dallier le confirmera, en matière d’aides personnelles au logement, on ne sait plus ce qu’il en est de la contemporanéisation.
La mise en œuvre des projets de la mission « Action et transformation publiques », chère à Christine Lavarde, est tellement lente que les crédits ont été sous-consommés.
Par ailleurs, les dépenses de personnel augmentent de 1, 6 % à champ constant, malgré la diminution des effectifs, qui reste très limitée, avec -3 601 équivalents temps plein. Voilà qui n’est pas glorieux.
Parallèlement, l’État a vu la charge de sa dette diminuer.
En conclusion, pour résumer la position de la commission des finances, le problème résulte non de l’absence de respect de l’autorisation parlementaire – de ce point de vue, il n’y a rien à dire –, mais bien du manque d’ambition de la loi de finances initiale, comme nous l’avions d’ailleurs regretté dès son adoption. Le déficit de l’État est moins élevé que prévu, mais il participe, plus encore que les années précédentes, à l’accumulation d’une dette que vous n’avez pas su réduire.
Voilà quelle était la situation de l’État à la veille de la crise sanitaire. Peu glorieuse, elle vous laisse désormais des marges de manœuvre plus limitées que celles de nos voisins européens.
Pour toutes ces raisons, même si la loi de règlement est un exercice de constatation et si l’autorisation parlementaire a plutôt été respectée, il apparaît que le Gouvernement a procédé à des choix que nous n’aurions pas faits et que le redressement des comptes publics n’a pas été opéré, alors qu’il en était encore temps.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la commission des finances a décidé de proposer le rejet dans son ensemble du projet de loi de règlement et d’approbation des comptes de l’année 2019.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.
Monsieur le président, monsieur le ministre – à mon tour de vous adresser tous mes vœux de réussite dans vos nouvelles fonctions –, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’examen de la loi de règlement, qui clôture l’exercice budgétaire et arrête le montant définitif des recettes et dépenses du budget, intervient cette année dans un contexte particulier.
Avant de revenir sur celui-ci, qui bouleverse nos finances publiques, je veux rappeler le cadre dans lequel doit se situer notre examen d’aujourd’hui : par le vote de la loi de règlement, le Parlement doit reconnaître et constater la conformité entre la loi de finances initiale et les résultats obtenus à la fin de l’exercice.
En tout état de cause, le projet de loi de règlement pour 2019 retrace la stratégie budgétaire du Gouvernement.
Citons, à cet égard, la baisse des prélèvements obligatoires pour les ménages. En trois ans, je le rappelle, 20, 6 milliards d’euros de prélèvements obligatoires en moins ont bénéficié au porte-monnaie des Français. §Parallèlement, le pouvoir d’achat des ménages a bénéficié d’un puissant soutien, avec l’exonération de cotisations salariales sur les heures supplémentaires et l’exonération de l’impôt sur le revenu dans une limite annuelle de 5 000 euros, la revalorisation de la prime d’activité et de l’allocation aux adultes handicapés, la défiscalisation de la prime exceptionnelle jusqu’à 1 000 euros.
N’oublions pas non plus le soutien aux entreprises avec la transformation du CICE en baisse de cotisations sociales.
S’y ajoute le renforcement des crédits des missions régaliennes : défense, sécurité, justice.
Enfin, notons un investissement en faveur de la transition climatique, avec, notamment, le doublement du montant de la prime à la conversion, jusqu’à 5 000 euros pour les ménages modestes.
Ce projet de loi de règlement pour 2019 renseigne aussi sur la trajectoire des finances publiques.
En 2019, le déficit s’est établi à 2, 1 % du PIB, hors effet exceptionnel de transformation du CICE. La dette publique est stable à 98, 1 % du PIB. Le poids des dépenses publiques dans le PIB diminue de 0, 1 point, atteignant 55, 6 % en 2019. Le taux de prélèvements obligatoires diminue de 0, 7 point et s’établit à 44, 1 % du PIB.
Le déficit budgétaire est moindre que prévu en loi de finances initiale de 15 milliards d’euros, grâce à des recettes fiscales plus élevées et à la conclusion, en 2019, de plusieurs conventions judiciaires d’intérêt public, représentant environ 2, 3 milliards d’euros.
Nous pouvons à ce titre, et collectivement, souligner l’utilité des mesures de lutte contre la fraude, qu’il s’agisse des conventions judiciaires d’intérêt public, dont je viens de parler, mais aussi du rôle de la police fiscale et de la mise en place du data mining. Le Sénat a participé à cet arsenal législatif, notamment sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Je crois d’ailleurs que nous devons accélérer sur la fraude à la TVA : la Commission européenne l’estime à 130 milliards d’euros pour l’ensemble de l’Union européenne et la Cour des comptes l’a évaluée à environ 15 milliards d’euros par an en France.
Nous avons franchi une étape importante avec l’article 153 de la loi de finances pour 2020, qui rend obligatoire le recours à la facturation électronique pour les transactions effectuées entre assujettis d’ici au 1er janvier 2025. Il faut que nous allions vers un système de déclaration électronique de l’ensemble des transactions : l’administration fiscale pourrait mieux détecter les fraudes.
Enfin, en matière de fraude, l’enjeu principal se situe désormais à Bruxelles. Nous devons sortir de la règle de l’unanimité du Conseil pour les décisions en matière de fiscalité. L’Union européenne doit aussi définir un taux minimum et maximum d’imposition sur les sociétés et réduire progressivement les niches fiscales – je pense au régime luxembourgeois favorable aux holdings. Il faut également une interprétation uniforme des règles en matière d’assiette commune.
Très rapidement, mes chers collègues, je voudrais insister sur un sujet particulier afférent à cette loi de règlement : l’évaluation et le contrôle du Parlement.
Ce contrôle est insuffisant. Les indicateurs de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), pourtant très nombreux, sont peu lisibles, mal renseignés et suivis d’aucun effet. Une révision s’impose, et je sais que la commission des finances a mis en place un groupe de travail consacré à ce sujet.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, cette loi de règlement arrive comme une photographie du monde d’avant la crise. Il y a eu les plans d’urgence pendant la crise, le soutien direct aux Français avec une couverture, inédite en Europe, du chômage partiel, le soutien aux entreprises les plus touchées par la crise. L’économie a été mise sous cloche, protégée.
L’enjeu, désormais, est le plan de reconstruction, qui doit être écologique et solidaire. Cette relance, le Gouvernement en a fixé les lignes directrices : les PME et les travailleurs indépendants sont une priorité. Ainsi un ministère délégué est dédié aux PME.
Les autres priorités de la relance seront la transition écologique et la reconstruction de l’industrie – avec, là aussi, la création d’un ministère délégué à l’industrie –, à travers une politique de l’offre assumée.
Nous débattrons la semaine prochaine de l’ensemble des plans sectoriels et du soutien particulier à l’économie et aux Français.
Il y aura enfin le temps plus long, où nous devrons ébaucher ensemble, sur toutes ces travées, des réformes utiles au pays. J’en ai évoqué en matière de recouvrement des recettes, mais il nous faudra aussi réfléchir aux manières d’agir sur la dépense publique. Les solutions existent : d’autres pays ont un service public tout aussi efficace, avec des dépenses moindres.
Nous consacrerons aussi un débat au prochain épisode de décentralisation et de différenciation : il sera peut-être temps de supprimer les doublons entre l’État et les collectivités…
Il faudra même peut-être envisager que l’État renonce totalement aux compétences qu’il a décentralisées. Mais, dans le détail, que faudra-t-il simplifier ?
Toutes ces questions, mes chers collègues, doivent nous rappeler que les solutions ne sont pas simples à trouver et que nous devons proposer plutôt qu’opposer.
Je le rappelle, le projet de loi de règlement doit être voté en prenant en considération son contenu, c’est-à-dire les résultats effectifs de l’exécution de la loi de finances initiale. À ce titre, mais aussi pour les mesures fortes que j’ai énoncées, notamment la baisse de la pression fiscale en faveur des ménages, notre groupe votera en faveur de ce texte.
Monsieur le président, monsieur le ministre – je vous adresse un salut nordiste particulier –, mes chers collègues, ce débat, effectivement, a un caractère un peu surréaliste, cet examen de la loi de règlement, exercice nécessaire pour le travail budgétaire, portant sur un budget construit sur des dogmes absolus, complètement explosés en cette année de pandémie où les règles budgétaires, inviolables, ont été par la force des choses complètement transgressées. Le Gouvernement, s’il n’est pour rien, bien sûr, dans la survenue de la pandémie, a une responsabilité quant à ce qui la précède.
Avec une norme de dépenses pilotable en baisse de 0, 7 % et un effort structurel en dépenses positif sur les deux derniers budgets, l’action du Gouvernement et de la majorité à l’Assemblée nationale s’est limitée à pressurer la dépense publique.
Lorsque nous regardons les derniers budgets, nous constatons par exemple des baisses d’effectifs dans la fonction publique – 3 601 fonctionnaires en moins en 2019, contre une baisse initialement fixée à 1 571 fonctionnaires –, des prestations sociales souvent sous-estimées, des privatisations injustifiées, des réductions de moyens dans des domaines aussi cruciaux que la santé et l’enseignement.
Cet objectif obsédant de baisse du déficit se paye aujourd’hui très cher, tant en termes de réactivité et de capacités de nos hôpitaux face à l’épidémie qu’en termes de coûts, puisque les effets des refus d’investissements d’hier se font sentir aujourd’hui.
Le pays a largement pâti du manque d’écoute concernant les besoins réels en matière d’investissement et de service public, alors même que l’intervention publique a prouvé, durant cette crise, toute son efficacité et son utilité.
Des décisions avaient été prises lors du budget précédent, et le budget de 2019 s’est de nouveau privé de plusieurs milliards d’euros de recettes fiscales, du fait, notamment, de la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et de l’instauration de la flat tax. À l’image du budget de 2018, il s’était évertué à réduire les recettes fiscales pour pouvoir mieux réduire ensuite les dépenses publiques : un stratagème depuis largement identifié.
On aurait pu penser, et on aurait même souhaité, que cette loi de règlement soit reléguée loin derrière nous, qu’elle soit la dernière du genre après les propos de M. le Président de la République sur les « jours d’après » et la « nécessité de se réinventer ». Alors que nous allons examiner prochainement un troisième projet de loi de finances rectificative, elle semble pourtant tellement proche de nous, encore !
Nous y voyons aussi une forme de déresponsabilisation de l’État.
Ici, c’est la sécurité sociale qui est tenue d’assumer des transferts financiers et d’encaisser des baisses de cotisations, sans compensation, et ce alors que l’assurance maladie est sous tension et a été, elle aussi, très mobilisée pendant la crise.
Là, on enjoint aux collectivités territoriales de faire des efforts sans recevoir les moyens suffisants pour mener leur action.
Là encore, ce sont les entreprises auxquelles on applique une politique d’exonérations de cotisations et de primes, plutôt que d’encourager une revalorisation des salaires.
L’actuelle majorité est en mission. Elle se félicite de sa politique budgétaire tout comme de sa gestion de la crise, alors que les deux sont très éloignées des gens.
Rationalisation, spécialisation, flexibilité, souplesse, compétitivité, attractivité… Ce sont les termes que l’on entend dans cette République de demain, qui en demande tant aux salariés, aux petites mains de notre quotidien, tout en multipliant les cadeaux aux plus puissants, aux plus riches ! La réforme de la taxe d’habitation, sous couvert d’une réduction globale des impôts, bénéficiera à hauteur de 8 milliards par an aux 20 % de nos concitoyens les plus riches, soit la moitié, pratiquement, du coût total de cette réforme ! Même lorsque nous manquons cruellement de ressources, vous refusez d’aller les chercher là où elles se trouvent, de faire participer davantage les plus dotés et le monde de la finance.
Comment ce gouvernement peut-il être autant déconnecté des enjeux actuels ? La planète se meurt, mais l’État dépense 30 milliards d’euros par an dans des niches fiscales polluantes !
La fatalité de ce cycle entre lois de finances et lois de règlement des budgets révèle l’échec de ces politiques et la nécessité de repenser fondamentalement l’action publique.
Le rétablissement d’un impôt sur la fortune – modernisé, plus efficace –, une véritable taxation des dividendes – qui ne font qu’exploser –, la suppression des niches fiscales – dont même la Cour des comptes critique la multiplication et le manque de contrôle – sont des mesures à nos yeux indispensables. Leur absence prive le budget de l’État de milliards d’euros. À titre d’exemple, en 2018, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) a rapporté 2, 9 milliards d’euros de moins que l’ISF en 2017 et la flat tax fait perdre environ 1, 5 milliard d’euros par an à l’État.
À chaque nouveau pas du quinquennat – nous en vivons un –, de nouvelles franges de la population s’expriment, manifestent contre ces politiques imposées d’en haut. Il y a fort à parier que, d’ici à 2022, le Gouvernement verra ses soutiens se réduire, à force de faire miroiter des lendemains qui chantent dans une société étouffant sous le règne de l’argent. Un ras-le-bol général gronde, au moment même où l’exécutif assume de plus en plus sa dérive libérale.
Alors oui, ce budget semble aujourd’hui anachronique. Il est pourtant en phase avec le gouvernement passé et le gouvernement présent. Il pressure les dépenses publiques et maintient à distance les impératifs de solidarité, d’écologie, de redistribution, qui, depuis trop longtemps, sont les grands absents des différents budgets.
Néanmoins, la crise montre bien que l’intervention de l’État est efficace et indispensable, qu’en investissant dans les services publics, celui-ci contribue à la solidité de notre République face aux chocs.
Nos concitoyens et concitoyennes, les jeunes, les élus locaux ne peuvent se contenter de demi-mesures d’affichage et de réticences à l’égard des plus modestes. Malheureusement, le troisième projet de loi de finances rectificative, que nous examinerons bientôt dans cet hémicycle, conservera vraisemblablement le même cap.
Le groupe CRCE n’avait pas voté le budget de 2019 ; il ne votera pas davantage son exécution.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon intervention en félicitant M. le ministre de sa nomination et en lui souhaitant bonne réussite dans ses nouvelles fonctions.
Le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes pour l’année 2019, que nous examinons aujourd’hui, donne un aperçu de la situation économique de la France avant la crise. Quel contraste !
À la veille d’un troisième projet de loi de finances rectificative, c’est un exercice intellectuel quelque peu surréaliste que nous devons effectuer pour clôturer les comptes de 2019.
Nous devons nous rappeler le moment où le Sénat ne se satisfaisait pas d’indicateurs économiques, qui, aujourd’hui, nous paraissent d’un vert absolument éclatant : croissance solide, quoique modeste, à 1, 3 % du PIB ; déficit contenu sous la barre des 3 % du PIB, en dépit de sa progression – que nous déplorons – sur la période ; dette stabilisée sous le seuil de 100 % du PIB. Voilà la réalité telle qu’elle apparaissait avant la crise sanitaire.
Bien sûr, ce n’est pas parce que la situation s’est dramatiquement aggravée au cours des derniers mois que nous devons, a posteriori, considérer qu’en 2019 tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes !
De ce point de vue, notre diagnostic n’a pas changé. D’une part, le poids de la dépense publique contraint la lourdeur des prélèvements obligatoires ; d’autre part, le taux d’endettement de notre pays hypothèque la souveraineté nationale.
Ce projet de loi de règlement des comptes nous rappelle ainsi que la stratégie que le Gouvernement avait adoptée allait dans le bon sens. Mais le rythme était-il suffisamment élevé ? Non, bien évidemment ! Nous en avons longuement débattu cet automne…
Sans refaire ces débats, je voudrais partager avec vous trois observations sur des faits marquants de ce projet de loi de règlement.
Première observation, l’essentiel du déficit est porté par l’administration centrale de l’État.
Le déficit budgétaire des administrations publiques centrales (APUC) s’est ainsi creusé de 17 milliards d’euros entre 2018 et 2019. Pour diminuer la dépense publique, nous devrons donc concentrer nos efforts en priorité sur l’État, davantage, d’ailleurs, que sur les collectivités locales, qui en ont réalisé sur la même période. C’est chose connue au Sénat, mais je crois qu’il est bon et utile de le rappeler.
Il faudra donc réduire les dépenses publiques au niveau de l’administration centrale. Cette nécessité oblige également à poursuivre l’optimisation des ressources de l’État. Au sein de mon groupe, c’est une conviction très ancrée : l’État est plus fort quand il se concentre sur ses missions régaliennes. Je me réjouis, à ce titre, que les effectifs des ministères de la justice, de l’intérieur et des armées aient été augmentés. Les Français attendent de l’État qu’il agisse efficacement dans ces domaines.
Deuxième observation, en matière d’endettement, si, avec l’augmentation des dépenses et la baisse des recettes que nous venons de connaître en ce début d’année 2020, la situation de 2019 a de quoi nous paraître réjouissante, elle était pourtant déjà préoccupante. Elle témoignait, en effet, de notre incapacité collective à assainir les comptes publics, la dette progressant toujours. Depuis 2007, aucun gouvernement n’a été capable d’inverser la tendance. La comparaison avec l’Allemagne est, à cet égard, peu flatteuse. Le différentiel d’endettement s’est creusé de façon spectaculaire et atteint, aujourd’hui, 40 points de PIB.
Ma troisième observation concerne le sérieux de l’exécution budgétaire par le Gouvernement.
Certes, la dynamique positive des recettes a joué en notre faveur. Cela se traduit par un ajustement structurel de 0, 1 point pour l’année 2019.
Alors que nous entrons dans une nouvelle période de crise économique, le sérieux en matière d’exécution budgétaire ne relève donc pas de l’anecdote. C’est même un prérequis indispensable pour aborder de façon sereine les prochaines échéances budgétaires, qui s’avèrent autrement plus difficiles. Ainsi, pour la deuxième fois depuis trente ans, le Gouvernement n’a pas procédé à l’ouverture ou à l’annulation de crédits par décrets d’avance. Espérons que cette pratique budgétaire devienne, pour notre pays, une bonne habitude.
Pour conclure, le groupe Les Indépendants est pleinement mobilisé, au travers de l’examen des projets de loi de finances rectificative, pour gérer l’urgence et soutenir le tissu économique. Nous pensons néanmoins que, pour sortir de cette spirale infernale qui perdure depuis 1974, il faut redéfinir au plus vite le périmètre d’action de l’État et mener une vraie politique de décentralisation. Le Gouvernement en a l’occasion, monsieur le ministre : il est temps de la saisir !
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe Les Indépendants aborde ce projet de loi de règlement pour les comptes de 2019 dans un esprit bienveillant et constructif, même s’il déplore le manque d’ambition en matière de redressement des comptes publics quand la période le permettait.
M. Philippe Dallier remplace M. Vincent Delahaye au fauteuil de la présidence.
Applaudissements sur les travées du groupe UC – M. Jean Bizet applaudit également.
Merci, monsieur le président, d’avoir accepté de me remplacer afin que je puisse intervenir dans cette discussion générale.
Je vous souhaite la bienvenue au Sénat, monsieur le ministre. Vous me trouverez peut-être un peu sévère – nous ne nous connaissons pas bien – ; sachez que je ne suis pas méchant ! Vous avez beaucoup insisté, dans votre présentation, sur la sincérité. C’est un acquis de ce gouvernement, et un gros progrès par rapport au gouvernement précédent ! Vous avez aussi évoqué la transparence, la qualité des prévisions. Ce sont des éléments favorables.
Comme vous le voyez, je commence par des gentillesses. Sans doute serai-je un peu plus sévère par la suite…
En effet, voilà trois ans, au début du quinquennat, le Gouvernement nous annonçait un retour à l’équilibre des finances publiques sous cinq ans ! Ce n’était pas une surprise pour nous : la même promesse nous avait été faite lors du précédent quinquennat… Même scénario, même résultat !
Franchement, à l’époque, comme beaucoup d’autres, je n’y croyais pas. Parce que l’échéance était trop optimiste : cinq ans, c’est court pour redresser la situation catastrophique de nos finances publiques. Également parce que la décision de reporter « courageusement » les efforts en fin de période, juste avant les élections, me laissait dubitatif, voire carrément sceptique. Ce qui n’était de toute évidence pas crédible ne s’est, bien sûr, pas réalisé !
Pourtant, la période était autrement plus favorable qu’aujourd’hui. Certes, à la fin de 2019, on pouvait déplorer 100 milliards d’euros de déficit, un endettement équivalent à la richesse nationale. Pour mesurer l’ampleur de l’effort à réaliser, indiquons que le rétablissement de l’équilibre du budget impliquerait, sur une année, une augmentation de tous les impôts, TVA comprise, de 30 % ! Mais cet effort n’a pas été fait dans les périodes favorables – je ne parle pas uniquement des trois dernières années – et maintenant nous nous retrouvons démunis face à une crise économique et financière d’ampleur inédite.
En effet, la situation financière se dégrade terriblement. Votre collègue Gérald Darmanin, monsieur le ministre, assurait récemment que la situation était sous contrôle. Qu’en serait-il si elle ne l’était pas !
Le déficit public s’établissait à 3 % à la fin de 2019 contre 11, 4 % à la fin de 2020, selon les prévisions du troisième projet de loi de finances rectificative. L’endettement devrait passer de 98 % du PIB en 2019 à plus de 120 % à la fin de 2020. Enfin les recettes fiscales, supérieures aux prévisions initiales en 2019, devraient être, cette année, inférieures d’environ 65 milliards d’euros.
Le contexte, je le répète, était pourtant extrêmement favorable depuis 2017, en particulier au regard de la faiblesse exceptionnelle des taux d’intérêt. Malgré cela, l’exécutif a été incapable d’infléchir la trajectoire d’endettement et de redresser les comptes du pays.
Comme par hasard, les pays en situation financière plus favorable s’en sortent aujourd’hui nettement mieux face à la crise, avec, souvent, une situation de l’emploi bien plus favorable. Comme quoi, tout est lié !
Ces pays ont su faire les efforts lorsque cela était possible. La France est, avec l’Italie, le seul grand pays de la zone euro à ne pas avoir réduit son endettement public. L’Autriche l’a baissé de 4 points de PIB entre 2018 et 2019, l’Allemagne et l’Espagne de 2 points. On comprend mieux pourquoi nous avons abordé la crise sanitaire avec une dette atteignant les 100 % de PIB, soit un écart de 40 points avec l’Allemagne, comme le rapporteur général l’a précédemment souligné.
À la fin de 2019, la situation financière de notre pays était donc loin d’être idéale. Mais aujourd’hui, comme par enchantement, l’argent tombe du ciel. Au-delà des mesures liées à la crise économique causée par le confinement, on continue d’annoncer une foultitude de dépenses.
La seule limite au « quoi qu’il en coûte » présidentiel semble être le bon vouloir des marchés. Tant qu’ils sont prêts à nous apporter des financements, on s’endette. Et puisque l’argent, non seulement tombe du ciel, mais ne coûte pas cher, c’est open bar, comme on dit en bon français ! §Cette attitude, pour moi, est irresponsable ; cela n’a jamais été ma pratique de la gestion de l’argent public.
Aujourd’hui, en dehors des marchés, il n’y a plus de garde-fou. Même l’institution censée assurer le sérieux et la rigueur dans la gestion de l’argent public, la Cour des comptes, est désormais présidée par un ancien ministre des finances, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a jamais montré de qualités particulières en la matière.
Sourires sur les travées du groupe UC.
À peine désigné par le Président de la République, voilà qu’il déclare qu’il faut mettre fin à la « logique austéritaire ». J’aimerais une explication de texte – je la lui ai demandée en commission des finances, mais il n’a pas souhaité répondre – : comment définit-il la logique austéritaire ? Quand celle-ci s’est-elle appliquée depuis quarante ans ?
Pour l’aider dans sa recherche, je lui signale qu’il peut exclure la période durant laquelle il a été ministre ! Pour rappel, depuis 2007, la France ne respecte pas les critères dits de Maastricht, c’est-à-dire un déficit inférieur à 3 % du PIB et une dette publique inférieure à 60 % du PIB.
Bref, cette nomination à la tête de la Cour des comptes ne me rassure absolument pas. Comme je ne suis pas soumis à un devoir de réserve semblable à celui des fonctionnaires, je le dis très clairement et très franchement !
La responsabilité, en politique, consiste à assumer ce que l’on décide, notamment sur le plan financier. Il est facile de reporter systématiquement sur les générations futures, à travers la dette, le financement de nos dépenses de fonctionnement et de nos prestations sociales – vous avez parlé d’investissements, monsieur le ministre, mais, honnêtement, ils représentaient 12 milliards d’euros en 2019 sur 400 milliards d’euros de dépenses : c’est anecdotique ! Mais la démarche est irresponsable et injuste. N’oublions jamais que l’endettement n’est rien d’autre qu’un impôt non consenti pour de futurs contribuables, c’est-à-dire un impôt injuste.
Aujourd’hui, comme je l’ai entendu dans certains discours, on critique une supposée « orthodoxie budgétaire ». On a certes entendu son nom, souvent brandi par la gauche à des fins électoralistes, mais on n’en a jamais vu la mise en œuvre…
Et une fois encore, comme la réponse du vice à la vertu, on se met à montrer du doigt les pays européens responsables, en les qualifiant avec mépris de « frugaux ». Pour moi, ce sont des pays sérieux, dont nous serions aujourd’hui bien inspirés de suivre l’exemple. Leur frugalité de fourmi est bien préférable à notre irresponsabilité de cigale !
Telle est, monsieur le ministre, l’analyse critique que nous portons sur la situation financière du pays. En dépit de cette analyse critique, nous allons en grande partie nous abstenir, en regrettant de n’avoir pas eu plus de temps pour examiner ce projet de loi de règlement – cette année, le confinement nous en a laissé encore moins que d’habitude. Il faut consacrer plus de temps au réel qu’au virtuel, même et surtout en matière financière !
Considérant que la sincérité, la qualité des prévisions, la transparence dont vous avez fait état au début de votre intervention constituent des points positifs, une grande majorité du groupe Union Centriste s’abstiendra.
Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.
Comme mes collègues l’ont fait précédemment, monsieur le ministre, je vous souhaite au nom de mon groupe la bienvenue au Sénat.
L’examen d’un projet de loi de règlement permet de vérifier, en fin d’exercice, le respect de l’exécution des choix budgétaires effectués par le Gouvernement et sa majorité. Ce texte s’inscrit dans la perspective de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, notamment de l’option de retour à l’équilibre des comptes publics prévu pour la fin du quinquennat par le Gouvernement. Il permet également de tirer des leçons pour la préparation de la loi de finances à venir.
C’est au regard de ces trois aspects que le groupe socialiste et républicain fixe sa position.
S’agissant du respect de l’exécution des choix budgétaires de la majorité, nous sommes dans la continuité des choix opérés lors de l’examen de l’exercice 2018. On peut faire crédit au Gouvernement de la sincérité du volet dépenses du budget, de la conformité au budget voté, ainsi que de l’absence de décrets d’avance en cours d’année.
Toutefois, je rappelle que le groupe socialiste et républicain n’avait pas adopté la loi de finances initiale pour 2019, non pas, comme la majorité sénatoriale, pour des raisons de dépenses insuffisamment réduites et de déficit excessif, mais pour des raisons de fonds concernant une approche injuste de l’impôt.
Celle-ci relève d’une baisse à crédit, d’une fiscalité dont la progressivité est inopérante et a profité aux plus fortunés, conduisant à une hausse de 4 % des revenus disponibles pour le premier centile des contribuables les plus aisés et à une absence de baisse pour les 20 % les plus modestes. L’effet de ruissellement tant vanté n’a pas produit les résultats escomptés, comme l’ont démontré le président Vincent Éblé et le rapporteur général du budget, dans leur rapport d’évaluation de la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière et de la création du prélèvement forfaitaire unique.
Réduire les recettes conduit à réduire les dépenses : théorie bien connue des libéraux.
Nous nous étions opposés, par ailleurs, aux choix opérés en matière de dépenses, considérant notamment les moyens insuffisants dans le domaine de la santé et de l’hôpital – alors que la crise sanitaire n’avait pas encore fait de ravages – et de la lutte pour relever le défi environnemental, mais aussi à destination des territoires afin de réduire les fractures sociales.
L’examen de quelques points saillants permet de rappeler certaines positions de mon groupe.
M. Gérald Darmanin se félicitait de la mise en œuvre réussie du prélèvement à la source en 2019 et du rôle que la contemporanéité permet, par la modulation du taux d’imposition en fonction de la variation des revenus. En période de crise, cette possibilité devient une opportunité pour nombre de contribuables.
Je rappelle que c’est la précédente majorité, avec Christian Eckert, qui avait engagé cette modification. Le Gouvernement a opportunément, après quelques tergiversations, suivi ces orientations et nous l’avons soutenu. Nous ne doutions pas de la réactivité des agents de la direction générale des finances publiques, qui ont déployé sans difficulté le paiement de l’impôt sur le revenu. Reste maintenant à suivre l’effectivité du respect, par les entreprises, de leurs obligations.
On évoque également les 10 milliards d’euros consacrés, sans difficulté, à la réponse à la crise des « gilets jaunes ». Certes, monsieur le ministre, mais que n’avez-vous écouté, alors, les réactions unanimes du Sénat sur la fiscalité exorbitante de l’énergie, de même que sur l’approche contestable de la baisse des aides personnalisées au logement (APL), certes reportée pour les plus modestes de nos concitoyens… Les choix opérés ont encouragé les manifestations pendant plus d’une année et ont contribué à affaiblir la position de la France aujourd’hui, en bloquant l’activité de certains commerces de centre-ville pendant plusieurs samedis d’affilée.
Je ne reviens pas sur la réduction des emplois aidés au détriment de la cohésion sociale ni sur la réalisation du schéma des emplois publics, avec la baisse des personnels de l’éducation nationale et de la direction générale des finances publiques au-delà de la prévision initiale, deux secteurs pourtant nécessaires, l’un pour l’égalité des chances, l’autre pour la lutte contre la fraude fiscale.
Il s’agit d’emplois dont l’efficacité n’est plus à démontrer. Sur ce second point, la conférence de presse du ministre Darmanin est là pour le confirmer. Heureusement que notre groupe a insisté sur la nécessité de faire sauter le « verrou de Bercy »… À cet égard, les résultats des contrôles fiscaux sont probants.
Je ne reviendrai pas sur votre choix de privatisation d’Aéroports de Paris, laquelle devait abonder le fonds pour l’innovation et l’industrie, créé en 2018, mais fermement critiqué par la Cour des comptes, qui précise que ce fonds n’a généré aucune plus-value. La procédure du référendum d’initiative partagée engagée sur l’initiative, entre autres, des parlementaires socialistes et la crise en cours devraient vous faire abandonner définitivement cette privatisation.
Enfin, le refus de la compensation des exonérations de cotisations sociales, obligation pourtant instaurée par la loi Veil de 1994, grève, dans une période délicate, les finances largement dégradées de la sécurité sociale.
Concernant le respect de la loi de programmation des finances publiques, nous sommes très loin des objectifs initialement affichés pour la période 2018-2022.
Le redressement structurel des finances publiques est nul en 2019 ; il est inférieur à celui qui était prévu par la loi de programmation des finances publiques, comme l’ont souligné la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques. Nous sommes loin des objectifs initialement affichés, alors que l’on a bénéficié de facteurs favorables, comme l’a rappelé le rapporteur général.
Les vents contraires, certes imprévisibles, comme la crise des « gilets jaunes » et la crise sanitaire, aux conséquences inédites, n’ont pas été anticipés par le Gouvernement, qui, comme la cigale, a réduit ses ressources, se trouvant fort dépourvu l’hiver venu.
En effet, le Gouvernement avait tablé sur les dernières années du quinquennat pour revenir à l’équilibre, le Président de la République estimant d’ailleurs que la règle des 3 % du PIB pour notre déficit relevait « d’un débat d’un autre siècle », sans toutefois indiquer quel était l’objectif. Il ne croyait pas si bien dire…
S’agissant, enfin, des leçons à tirer pour l’exercice futur –, nous sommes passés dans une autre dimension avec les effets de la crise sanitaire. Le monde d’après ne peut tabler sur aucune situation comparable.
En matière de recettes, nous insistons donc, avec notre groupe, sur les principes de juste contribution en proportion des ressources perçues et sur un juste équilibre entre la taxation des revenus du travail et de ceux du capital. Tous les indicateurs démontrent que nous n’avons pas encore su enrayer l’appauvrissement de certains de nos concitoyens, alors que les plus aisés ont continué de s’enrichir.
Dès lors, pour ne pas aggraver la fracture sociale, nous réitérons nos propositions d’une taxation rénovée de la fortune et du capital dont vous ne voulez pas entendre parler, et qui reviendra en boomerang avec la crise économique et sociale hélas ! prévisible après les nombreux plans de licenciement annoncés pour la rentrée et avec l’arrivée de 800 000 jeunes sur le marché du travail.
En matière de dépenses utiles, nous rappelons que la relance du logement, tant en constructions neuves qu’en opérations de rénovation thermique de l’habitat, s’impose. La transition énergétique est un formidable levier pour créer des emplois dans un secteur non délocalisable.
La santé et l’hôpital public ne doivent pas être abandonnés après le traumatisme vécu depuis la crise sanitaire.
L’éducation, qui a été mise contribution en matière d’emplois, doit être renforcée, tout comme l’enseignement supérieur et la recherche, qui, pour favoriser la relance, doivent être bien dotés.
Enfin, la culture est un formidable atout qui contribue, avec le sport, au renforcement de la cohésion sociale.
Comme rapporteur spécial de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » et du programme 348, également en tant que membre du Conseil de l’immobilier de l’État, je me permets d’insister sur la politique immobilière de l’État, qui devrait être un levier de transformation des services publics.
Le Gouvernement, par la création d’un ministère de la transformation et de la fonction publiques, avec, à sa tête, Amélie de Montchalin, aura du pain sur la planche. En effet, en dépit du rôle de la direction de l’immobilier de l’État, cette politique immobilière est quasi inexistante et d’une évolution trop lente.
Un manque de visibilité et d’orientation, des changements perpétuels d’organisation des administrations, sans stratégie véritable, nuisent à une vision claire à fournir à l’ensemble des gestionnaires de l’État, qui, tant bien que mal, essayent de produire des schémas pluriannuels de stratégie immobilière, lesquels, à peine élaborés, doivent être corrigés. L’État n’est donc pas un modèle, qu’il s’agisse de la gestion de son parc immobilier ou de la performance énergétique.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et républicain ne votera pas ce projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019.
Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.
M. Vincent Delahaye remplace M. Philippe Dallier au fauteuil de la présidence.
Monsieur le ministre, je veux tout d’abord vous souhaiter la bienvenue dans notre assemblée au nom du groupe du RDSE, le groupe le plus ancien du Sénat, …
Oui, Joseph Caillaux !
Je vous souhaite donc de réussir dans vos nouvelles fonctions.
Cela a été constaté à maintes reprises, ce projet de loi de règlement des comptes de l’État pour 2019 peut sembler d’un autre monde au regard de la situation inédite que nous vivons depuis le début de l’année 2020.
Les propos nuancés et prudents que l’on pouvait tenir l’année dernière quant aux perspectives de rééquilibrage et de redressement progressif des finances publiques ne sont hélas ! plus de mise.
Pour anticiper le débat d’orientation de la semaine prochaine, et ne pas sombrer dans un pessimisme mortifère, j’évoquerai les derniers chiffres publiés par l’Insee. En effet, depuis la fin de mars, l’Insee publie des notes de conjoncture à échéances rapprochées, environ toutes les deux semaines.
Le dernier point de conjoncture publié ce matin même confirme la chute d’activité de 17 % au deuxième trimestre de 2020, au lieu des 20 % précédemment estimés. Les créations d’entreprises en mai ont néanmoins bondi de 60 % ! Enfin, il est fait état d’une récession de 9 %, et non de 11 %, en 2020.
Ce résultat reste encore très incertain, car il faudra attendre la fin de l’année pour le confirmer, mais cela tempère – très modestement – les prévisions les plus pessimistes.
Ce projet de loi de règlement pour 2019 comporte principalement une bonne nouvelle : en 2019, le déficit a finalement été contenu à 3 %. Pourtant, les mesures de 17 milliards d’euros prises pendant le mouvement des « gilets jaunes », en particulier la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, avaient fait craindre un dérapage des finances publiques. In fine, le solde de 2019 est donc relativement fidèle à la loi de programmation de 2017, ce qui mérite d’être souligné.
De même, l’endettement s’était stabilisé autour de 98 % du PIB. Pour la première fois depuis longtemps, on a constaté une baisse de la part de la dépense publique et du taux des prélèvements obligatoires.
Ces bons résultats sont dus en partie aux recettes perçues grâce aux fameuses primes d’émission sur la dette. Les primes d’émission, ou « produits d’avances », constituent une ressource estimée par certains à plus de 90 milliards d’euros, accumulés depuis dix ans, depuis la mise en place de la politique d’assouplissement quantitatif de la BCE et le phénomène de taux d’intérêt durablement bas.
« Bonne affaire » pour la puissance publique, ces primes ont contribué à abaisser fortement le paiement des intérêts de la dette, aujourd’hui nettement au-dessous des niveaux connus il y a quelques années.
Il est vrai que la réduction du déficit structurel aurait pu être plus importante. Le pilotage des dépenses de l’État apparaît toujours d’une grande complexité – et pas toujours d’une grande lisibilité – compte tenu des masses financières en jeu et de la multiplicité des administrations, chacune avec leur propre gestion du personnel. Je renverrai ici à l’excellent rapport d’information du rapporteur général sur la maîtrise de la masse salariale de l’État, qui remonte déjà à 2015.
L’analyse du budget par missions appelle quelques commentaires.
En tant que corapporteur spécial, avec mon collègue Yvon Collin, de la mission « Aide publique au développement », je salue la hausse de 1 milliard d’euros des restes à payer, c’est-à-dire la différence entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement. Cela concerne principalement le programme 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement ».
Ces crédits supplémentaires correspondent à l’engagement présidentiel d’augmenter la part de l’aide au développement dans la richesse nationale, objectif assorti d’une volonté de rééquilibrage vers l’aide bilatérale plutôt que multilatérale, et vers les dons plutôt que les prêts.
Cette politique permettra de replacer la France à un niveau comparable à celui de ses voisins – Allemagne, Royaume-Uni, etc. –, car elle est aussi un outil du rayonnement à l’étranger, n’en déplaise aux critiques qui ont pu être exprimées dans cette assemblée.
Dans le « palmarès » des missions budgétaires, l’enseignement scolaire reste de loin le premier poste de dépenses de l’État, avec plus de 70 milliards d’euros. Situation paradoxale, alors que la rémunération des enseignants est nettement inférieure à la moyenne de l’OCDE.
Toutefois, la maîtrise des dépenses s’est améliorée grâce à des économies en gestion de l’ordre de 1 milliard d’euros. Cette bonne gestion permet d’afficher un déficit public à « seulement » 92, 7 milliards d’euros, soit tout de même 15 milliards de mieux que la loi de finances initiale !
M. Jean-Claude Requier. On fera encore « mieux » cette année, c’est-à-dire encore pire !
Sourires.
Il aurait été encore plus faible sans le basculement du CICE en baisse de cotisations sociales, qui a représenté un coût important, certes annoncé pendant la campagne présidentielle. À ce titre, n’aurait-on pu envisager une bascule plus partielle ou progressive plutôt que la pérennisation d’un dispositif dont l’efficacité économique n’a pas été tout à fait démontrée ?
Enfin, la lecture des documents budgétaires attire l’attention sur les fameux indicateurs de performance, mis en place depuis l’adoption de la LOLF.
D’après les informations fournies, entre 50 % et 60 % des objectifs seulement seraient atteints, ce qui reste un niveau relativement faible. Il faut certes relativiser la portée de ces indicateurs, qui ne donnent qu’une vision parcellaire des politiques publiques, avec de fortes disparités entre les ministères. Mais on peut se poser la question de leur pertinence.
J’évoquerai enfin la bonne tenue des comptes des collectivités territoriales. Depuis 2018, elles ont pleinement joué le jeu de la contractualisation et contenu leurs dépenses de fonctionnement. On le voit aujourd’hui, elles ont aussi eu un rôle essentiel d’action de proximité dans la crise sanitaire, avec les commandes et l’approvisionnement en équipements de protection – masques, gel et autres.
Derrière ces bons résultats globaux se cachent bien sûr des disparités importantes entre les territoires. La grande réforme de la péréquation reste à mener. Les résultats des élections municipales ont révélé le fossé toujours plus important entre la France des métropoles et celle des petites villes et des campagnes, qui tendent à choisir des options politiques de plus en plus différentes.
En conclusion, l’exercice budgétaire 2019 restera comme un moment de gestion améliorée des deniers publics, qui aidera, espérons-le, à affronter le défi inédit qui est aujourd’hui le nôtre.
En l’absence d’amendements déposés sur ce texte, et après les quelques modifications mineures apportées à l’Assemblée nationale, les membres du groupe du RDSE voteront majoritairement en faveur de son adoption.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. André Gattolin et Michel Canevet applaudissement également.
Monsieur le président, monsieur le ministre – soyez le bienvenu au Sénat ! –, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, au risque d’encourir les foudres des pères fondateurs de la LOLF, Didier Migaud et Alain Lambert, qui souhaitaient faire de l’examen du projet de loi de règlement un moment fort du débat budgétaire – ce que, d’ailleurs, nous ne sommes jamais vraiment parvenus à faire, ayons l’honnêteté de le reconnaître –, je crois pouvoir dire, comme d’autres, qu’il y a un petit côté surréaliste à examiner ce projet de loi de règlement pour 2019 alors que, depuis la mi-mars, nous sommes entrés dans une crise économique dont l’ampleur et les conséquences rendent de facto caducs tous les chiffres sur lesquels nous sommes amenés à nous prononcer ce soir.
Cette nouvelle crise, personne ne l’avait vue venir, en tous les cas dans ses causes, et elle clôt en effet une période d’une dizaine d’années seulement qui nous a conduits de la crise précédente à celle-ci. C’est peut-être à mon sens d’abord sous cet angle-là que nous devrions d’abord regarder ce texte, et non pas seulement comme le troisième exercice budgétaire de ce quinquennat.
Qu’avons-nous fait de ces dix ans, mes chers collègues ? Plutôt que l’examen des seuls chiffres de l’exercice 2019, voilà en fait la bonne question.
Cependant, plions-nous à l’exercice.
Monsieur le ministre, certes, le Gouvernement est fondé à mettre en avant les quelques chiffres macroéconomiques qui représentent une amélioration par rapport à l’exercice 2018, notamment ceux du chômage, en net recul, ce que l’on peut mettre au crédit de la politique du Gouvernement. On peut souligner que la croissance a été, pour une fois, nettement meilleure en France qu’en Allemagne, et même supérieur à la moyenne de la zone euro.
Le Gouvernement est également fondé à souligner que, pour la troisième année consécutive, la croissance nominale a été meilleure que la croissance potentielle, soutenue en 2019 par l’investissement et la consommation des ménages.
Cependant, monsieur le ministre, il faut aussi rappeler que ce 1, 5 % de croissance est nettement inférieur aux 2, 3 % de 2017 et au 1, 8 % de 2018.
Il faut également noter que cette croissance s’était d’ailleurs fortement ralentie tout au long de l’année 2019, jusqu’à marquer un recul au dernier trimestre, laissant anticiper avant même la crise sanitaire une année 2020 difficile, avec un acquis de croissance limité à 0, 1 %, ce qui est, pour le coup, le plus mauvais chiffre depuis 2012.
Si le Gouvernement peut effectivement mettre en avant certains chiffres, de là à nous expliquer, comme Gérald Darmanin et Bruno Le Maire l’ont fait, contrairement à vous, monsieur le ministre, que la France était sur la voie d’un redressement spectaculaire et inédit depuis 2007, il y a un pas que je ne peux pas franchir lorsqu’il s’agit d’analyser les seuls chiffres de l’exercice 2019.
Le discours qui consiste donc à dire que tout allait bien avant que la crise du covid ne vienne nous frapper de plein fouet ne tient pas.
Et puis, surtout, ne feignons pas d’oublier que, chaque fois que l’économie mondiale ralentit, ce qui était en train de se produire, il y a, en France, un effet retard qui tient d’abord à la structure de notre économie, notamment à la faiblesse de nos exportations, et donc à une moindre exposition à la conjoncture internationale.
C’est d’ailleurs ce qui s’était déjà produit en 2009-2010. Souvenez-vous des discours tenus à l’époque, même aux États-Unis, par certains qui découvraient et vantaient même le système français et ses amortisseurs sociaux.
Pour autant, cet effet retard ne nous a jamais prémunis des conséquences d’un coup de frein brutal de l’économie mondiale, encore moins d’une crise comme il y a dix ans. Et c’est ce qui était en train de se produire, mes chers collègues.
Oui, nous plongeons moins vite que les autres, mais nous plongeons toujours plus profondément, avec une remontée vers la surface bien plus lente que chez nos principaux partenaires ou concurrents.
Sourires.
C’est ce qui était en train de se passer en 2019 et probablement ce qui se serait passé en 2020 avant la crise du covid.
Mais, pour ce qui est de la crise dans laquelle nous sommes entrés, il n’y a malheureusement aucun effet retard. Bien pire, la structure de notre économie est en fait un accélérateur ou un multiplicateur des effets de la crise, ce qui explique que nous allons connaître en 2020 une récession bien plus forte que chez certains de nos grands voisins.
Mais revenons aux chiffres de 2019. Le déficit public s’est élevé à 3 % du PIB contre 2, 3 % en 2018. Le déficit budgétaire s’est élevé l’an dernier à 92, 7 milliards d’euros, contre 76 milliards en 2018. Difficile également d’y voir une amélioration, même en intégrant, monsieur le ministre, la double année du CICE transformé en baisse de charges, car ce serait oublier, comme l’a rappelé notre rapporteur général, que vous avez bénéficié d’une meilleure conjoncture que prévu, d’une très bonne élasticité des recettes à la croissance – 1, 2 – et de taux d’intérêt encore très inférieurs à votre estimation initiale. Cela vous a permis de trouver 5 milliards d’euros.
Ces trois facteurs, à eux seuls, auraient dû vous permettre de compenser presque en totalité cette double année de transformation du CICE en baisse de charges. La cause du creusement du déficit en 2019 ne vient donc pas de là. Et la Cour des comptes l’a d’ailleurs relevé assez sévèrement : il n’y a eu en fait aucune réduction du déficit structurel.
Celui-ci s’est situé, comme en 2018, à 2, 2 %, ce qui signifie qu’aucun effort particulier n’a été réalisé, alors même que, dans la loi de programmation votée par le Parlement, nous nous étions fixé un objectif de 1, 9 %.
Cela s’explique d’abord par une progression de la dépense publique de 1, 8 %, alors qu’elle aurait dû se limiter à 0, 6 %, conformément à ce que nous avions voté en loi de finances initiale. L’explication de tout cela, bien évidemment, c’est la crise des « gilets jaunes », que le Gouvernement a dû éteindre en lâchant du lest sur la dépense publique et en réduisant la pression fiscale.
La masse salariale de l’État et de ses opérateurs s’est élevée en 2019 à 89 milliards d’euros, soit une hausse de 1, 6 %, alors que la loi de programmation nous imposait une maîtrise stricte de la dépense. Le Gouvernement a en fait renoncé, en l’assumant, d’ailleurs, à tout effort en la matière. Mais sans aucun effort sur la masse salariale, comment donc réduire la dépense publique dans ce pays ? Monsieur le ministre, il y a là un mystère que je ne comprends pas et que vous devriez nous expliquer.
Au bout du compte, notre dette publique aura continué de progresser, pour frôler le triste record de 100 % du PIB. Encore heureux que les taux d’intérêt soient restés très bas, historiquement bas, permettant à la charge de la dette de diminuer encore, laissant croire à certains que notre endettement pourrait être sans limites.
Un mot, tout de même, à la suite de notre collègue Requier, pour nos collectivités territoriales, dont cette loi de règlement souligne les bons résultats.
Les contrats de Cahors avaient été vécus par beaucoup de collectivités comme une injustice, alors que l’État demandait aux autres ce qu’il a toujours été en peine d’observer pour lui-même.
Les chiffres définitifs de l’exercice 2019 le prouvent une nouvelle fois : les collectivités territoriales ont maîtrisé la croissance de leurs dépenses de fonctionnement, à 0, 8 % seulement, avec pourtant un investissement dynamique.
Alors que 70 % de l’investissement public est porté par la sphère locale, les années écoulées avaient été très dures, entre la baisse des dotations et les hausses non financées de compétences. Tout cela avait conduit à un recul préoccupant de l’investissement, de 18 % entre 2013 et 2016. L’année 2019 rompt avec cette logique, mais c’est aussi l’effet du cycle électoral, puisque l’investissement est reparti à la hausse l’année dernière avec près de 13 % en un an. Ces bons résultats en investissement expliquent à 80 % le léger besoin de financement des administrations publiques locales.
Reconnaissons-le : les élus locaux, eux, savent faire les efforts qu’on leur demande. Il faut le souligner, particulièrement ici, au Sénat.
Pour conclure, et comme je vous y invitais au début de mon propos, ce ne sont pas seulement les chiffres de 2019 qu’il nous faut aujourd’hui considérer, alors que nous entrons dans la plus grave crise économique depuis 1929 ; ce sont ceux des dix dernières années. Qu’avons-nous fait de ces dix ans ?
Malheureusement, rien ou si peu de ce qu’il aurait fallu faire pour préparer la France à une nouvelle crise qui n’aurait pas manqué de survenir, peut-être pas en 2020, mais en 2021 ou en 2022, où nous aurions alors connu un nouveau ralentissement ou une nouvelle crise. Nous n’avons pas su, dans les dix dernières années, réduire notre dépense publique. Nous avons financé nos dépenses courantes par toujours plus de déficit et de dette, alors que d’autres, après la crise de 2008-2010, ont su redresser la barre et se trouvent aujourd’hui dans une bien meilleure situation.
C’est notamment le cas de l’Allemagne, mais pas seulement.
Alors, pour faire face à cette crise, le Gouvernement a ouvert les vannes de la dépense publique. C’est probablement nécessaire, mais jusqu’où, mes chers collègues, pouvons-nous aller ? C’est quand même la question que nous devons nous poser. À la fin de l’année, la dette publique aura atteint 120 % du PIB.
Remercions également ici la chancelière allemande Angela Merkel, qui a, peut-être pas contre toute attente, mais, en tout cas, à la surprise de certains en Allemagne et de ce côté-ci du Rhin, accepté un plan de relance fort, accepté aussi une certaine mutualisation des dettes…
Son économie dépend à 25 % des exportations vers les autres pays européens !
Mais ce n’était pas évident ! Et le fait qu’elle l’ait fait montre aussi que l’Allemagne est capable de bouger.
Mes chers collègues, n’attendons pas que les solutions à nos problèmes viennent de l’autre côté du Rhin. C’est ici, chez nous, que nous devons avoir le courage de regarder la réalité en face et d’appeler les Français à faire les efforts nécessaires.
Nous avons perdu dix ans, peut-être n’est-il pas encore trop tard, mes chers collègues.
Pour toutes ces raisons, et parce que c’est aussi un regard politique que nous portons sur ce projet de loi de règlement, le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’au banc des commissions.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Le solde structurel et le solde effectif de l’ensemble des administrations publiques résultant de l’exécution de l’année 2019 s’établissent comme suit :
En points de produit intérieur brut
Exécution 2019
Loi de finances initiale 2019
Loi de programmation des finances publiques 2018-2022
Soldes prévus
Écart
Soldes prévus pour 2019
Écart
Solde structurel (1)
Solde conjoncturel (2)
0, 2
0, 1
0, 1
-0, 1
0, 3
Mesures ponctuelles et temporaires (3)
-1, 0
-0, 9
-0, 1
-0, 9
0, 0
Solde effectif (1 + 2 + 3)
L ’ article liminaire n ’ est pas adopté.
I. – Le résultat budgétaire de l’État en 2019, hors opérations avec le Fonds monétaire international, est arrêté à la somme de – 92 685 941 144, 57 €.
II – Le montant définitif des recettes et des dépenses du budget de l’année 2019 est arrêté aux sommes mentionnées dans le tableau ci-après :
En euros
Dépenses
Recettes
Soldes
Budget général
Recettes
Recettes fiscales brutes
À d é duire : Remboursements et d é gr è vements d ’ imp ô ts
140 063 979 460, 35
Recettes fiscales nettes (a)
Recettes non fiscales (b)
Montant net des recettes, hors fonds de concours (c = a + b)
À d é duire : Pr é l è vements sur recettes au profit des collectivit é s territoriales et de l ’ Union europ é enne (d)
61 914 585 151, 80
Total net des recettes, hors prélèvements sur recettes (e = c - d)
Fonds de concours (f)
Montant net des recettes, y compris fonds de concours (g = e + f)
Dépenses
Dépenses brutes hors fonds de concours
À d é duire : Remboursements et d é gr è vements d ’ imp ô ts
140 063 979 460, 35
Montant net des dépenses (h)
Fonds de concours (i)
Montant net des dépenses, y compris fonds de concours (j = h + i)
Total du budget général, y compris fonds de concours
Budgets annexes
Contrôle et exploitation aériens
Publications officielles et information administrative
Fonds de concours
Total des budgets annexes, y compris fonds de concours
Comptes spéciaux
Comptes d’affectation spéciale
Comptes de concours financiers
Comptes de commerce (solde)
Comptes d’opérations monétaires, hors opérations avec le Fonds monétaire international (solde)
Total des comptes spéciaux, hors opérations avec le Fonds monétaire international
Résultat budgétaire de l’État, hors opérations avec le Fonds monétaire international
L ’ article 1 er n ’ est pas adopté.
Le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l’équilibre financier de l’année 2019 est arrêté aux sommes présentées dans le tableau de financement ci-après :
En milliards d ’ euros
Exécution 2019
Besoin de financement
Amortissement de la dette à moyen et long termes
Dont remboursement du nominal à valeur faciale
128, 9
Dont suppl é ments d ’ indexation vers é s à l ’ é ch é ance (titres index é s)
1, 3
Amortissement des autres dettes
Déficit à financer
Autres besoins de trésorerie
Total du besoin de financement
Ressources de financement
Émission de dette à moyen et long termes, nettes des rachats
Ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement
Variation nette de l’encours des titres d’État à court terme
Variation des dépôts des correspondants
Variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l’État
Autres ressources de trésorerie
Total des ressources de financement
L ’ article 2 n ’ est pas adopté.
I. – Le compte de résultat de l’exercice 2019 est approuvé tel que présenté dans le tableau ci-après. Le résultat comptable de l’exercice 2019 s’établit à – 84 637 762 232, 93 € :
Charges nettes
En millions d ’ euros
Charges de fonctionnement nettes
Charges de personnel
Achats, variations de stocks et prestations externes
Dotations aux amortissements, aux provisions et aux dépréciations
Autres charges de fonctionnement
Total des charges de fonctionnement direct (I)
Subventions pour charges de service public
Dotations aux provisions
Autres charges de fonctionnement indirect
Total des charges de fonctionnement indirect (II)
Total des charges de fonctionnement (III = I + II)
Ventes de produits et prestations de service
Production stockée et immobilisée
Reprises sur provisions et sur dépréciations
Autres produits de fonctionnement
Total des produits de fonctionnement (IV)
Total des charges de fonctionnement nettes (V = III - IV)
Charges d’intervention nettes
Transferts aux ménages
Transferts aux entreprises
Transferts aux collectivités territoriales
Transferts aux autres collectivités
Charges résultant de la mise en jeu de garanties
Dotations aux provisions et aux dépréciations
Total des charges d’intervention (VI)
Contributions reçues de tiers
Reprises sur provisions et sur dépréciations
Total des produits d’intervention (VII)
Total des charges d’intervention nettes (VIII = VI - VII)
Charges financières nettes
Intérêts
Pertes de change liées aux opérations financières
Dotations aux amortissements, aux provisions et aux dépréciations
Autres charges financières
Total des charges financières (IX)
Produits des immobilisations financières
Gains de change liés aux opérations financières
Reprises sur provisions et sur dépréciations
Autres intérêts et produits assimilés
Total des produits financiers (X)
Total des charges financières nettes (XI = IX - X)
Total des charges nettes (XII = V + VIII + XI)
Produits régaliens nets
En millions d ’ euros
Impôt sur le revenu
Impôt sur les sociétés
Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques
Taxe sur la valeur ajoutée
Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes
Autres produits de nature fiscale et assimilés
Total des produits fiscaux nets (XIII)
Amendes, prélèvements divers et autres pénalités
Total des autres produits régaliens nets (XIV)
Ressource propre de l’Union européenne basée sur le revenu national brut
Ressource propre de l’Union européenne basée sur la taxe sur la valeur ajoutée
Total ressources propres du budget de l’Union européenne basées sur le revenu national brut et la taxe sur la valeur ajoutée (XV)
Total des produits régaliens nets (XVI = XIII + XIV- XV)
Solde des opérations de l’exercice
En millions d ’ euros
Charges de fonctionnement nettes (V)
Charges d’intervention nettes (VIII)
Charges financières nettes (XI)
Charges nettes (XII)
Produits fiscaux nets (XIII)
Autres produits régaliens nets (XIV)
Ressources propres de l’Union européenne basées sur le revenu national brut et la taxe sur la valeur ajoutée (XV)
Produits régaliens nets (XVI)
Solde des opérations de l’exercice (XVI - XII)
II. – Le résultat comptable de l’exercice 2019 est affecté au bilan à la ligne « Report des exercices antérieurs ».
III. – Le bilan, après affectation du résultat comptable, s’établit comme suit :
En millions d ’ euros
31 décembre 2019
Brut
Amortissement, dépréciations
Net
Actif immobilisé
Immobilisations incorporelles
Immobilisations corporelles
Immobilisations financières
Total actif immobilisé
Actif circulant (hors trésorerie)
Stocks
Créances
Redevables
111 311
35 132
76 179
Clients
2 483
962
1 521
Autres créances
15 573
196
15 377
Charges constatées d’avance
Total actif circulant (hors trésorerie)
Trésorerie
Fonds bancaires et fonds en caisse
Valeurs escomptées, en cours d’encaissement et de décaissement
Autres composantes de trésorerie
Valeurs mobilières de placement
Total trésorerie
Comptes de régularisation
Total actif (I)
Dettes financières
Titres négociables
Titres non négociables
Dettes financières et autres emprunts
Total dettes financières
Dettes non financières (hors trésorerie)
Dettes de fonctionnement
Dettes d’intervention
Produits constatés d’avance
Autres dettes non financières
Total dettes non financières
Provisions pour risques et charges
Provisions pour risques
Provisions pour charges
Total provisions pour risques et charges
Autres passifs (hors trésorerie)
Trésorerie
Correspondants du Trésor et personnes habilitées
Autres
Total trésorerie
Comptes de régularisation
Total passif (hors situation nette) (II)
Report des exercices antérieurs
Écarts de réévaluation et d’intégration
Solde des opérations de l’exercice
Situation nette (III = I - II)
IV. – L’annexe au compte général de l’État de l’exercice 2019 est approuvée.
L ’ article 3 n ’ est pas adopté.
I. – Le montant des autorisations d’engagement consommées sur le budget général au titre de l’année 2019 est arrêté par mission et programme aux sommes mentionnées dans le tableau ci-après. Les autorisations d’engagement ouvertes sont modifiées comme indiqué dans ce même tableau.
En euros
Désignation des missions et des programmes
Autorisations d’engagement consommées
Ajustements de la loi de règlement
Ouvertures d’autorisations d’engagement complémentaires
Annulations d’autorisations d’engagement non consommées et non reportées
Action et transformation publiques
- Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants
- Fonds pour la transformation de l’action publique
- Fonds d’accompagnement interministériel des ressources humaines
- Fonds pour l’accélération du financement des start-up d’État
Action extérieure de l’État
- Action de la France en Europe et dans le monde
- Diplomatie culturelle et d’influence
- Français à l’étranger et affaires consulaires
- Présidence française du G7
Administration générale et territoriale de l’État
- Administration territoriale
- Vie politique, cultuelle et associative
- Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
- Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture
- Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation
- Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture
Aide publique au développement
- Aide économique et financière au développement
- Solidarité à l’égard des pays en développement
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
- Liens entre la Nation et son armée
- Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant
- Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale
Cohésion des territoires
-Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
- Aide à l’accès au logement
- Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
- Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
- Interventions territoriales de l’État
- Politique de la ville
Conseil et contrôle de l’État
- Conseil d’État et autres juridictions administratives
- Conseil économique, social et environnemental
- Cour des comptes et autres juridictions financières
- Haut Conseil des finances publiques
Crédits non répartis
- Provision relative aux rémunérations publiques
- Dépenses accidentelles et imprévisibles
Culture
- Patrimoines
- Création
- Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Défense
- Environnement et prospective de la politique de défense
- Préparation et emploi des forces
- Soutien de la politique de la défense
- Équipement des forces
Direction de l’action du Gouvernement
- Coordination du travail gouvernemental
- Protection des droits et libertés
- Moyens mutualisés des administrations déconcentrées
Écologie, développement et mobilité durables
- Infrastructures et services de transports
- Affaires maritimes
- Paysages, eau et biodiversité
- Expertise, économie sociale et solidaire, information géographique et météorologie
- Prévention des risques
- Énergie, climat et après-mines
- Service public de l’énergie
- Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables
Économie
- Développement des entreprises et régulations
- Plan “France Très haut débit”
- Statistiques et études économiques
- Stratégie économique et fiscale
Engagements financiers de l’État
- Charge de la dette et trésorerie de l’État (crédits évaluatifs)
- Appels en garantie de l’État (crédits évaluatifs)
- Épargne
- Dotation du Mécanisme européen de stabilité
- Augmentation de capital de la Banque européenne d’investissement
- Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque
Enseignement scolaire
- Enseignement scolaire public du premier degré
- Enseignement scolaire public du second degré
- Vie de l’élève
- Enseignement privé du premier et du second degrés
- Soutien de la politique de l’éducation nationale
- Enseignement technique agricole
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
- Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local
- Conduite et pilotage des politiques économiques et financières
- Facilitation et sécurisation des échanges
- Fonction publique
Immigration, asile et intégration
- Immigration et asile
- Intégration et accès à la nationalité française
Investissements d’avenir
- Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche
- Valorisation de la recherche
- Accélération de la modernisation des entreprises
Justice
- Justice judiciaire
- Administration pénitentiaire
- Protection judiciaire de la jeunesse
- Accès au droit et à la justice
- Conduite et pilotage de la politique de la justice
- Conseil supérieur de la magistrature
Médias, livre et industries culturelles
- Presse et médias
- Livre et industries culturelles
Outre-mer
- Emploi outre-mer
- Conditions de vie outre-mer
Pouvoirs publics
- Présidence de la République
- Assemblée nationale
- Sénat
- La Chaîne parlementaire
- Indemnités des représentants français au Parlement européen
- Conseil constitutionnel
- Haute Cour
- Cour de justice de la République
Recherche et enseignement supérieur
- Formations supérieures et recherche universitaire
- Vie étudiante
- Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
- Recherche spatiale
- Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables
- Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle
- Recherche duale (civile et militaire)
- Recherche culturelle et culture scientifique
- Enseignement supérieur et recherche agricoles
Régimes sociaux et de retraite
- Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres
- Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins
- Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers
Relations avec les collectivités territoriales
- Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements
- Concours spécifiques et administration
Remboursements et dégrèvements
- Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs)
- Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs)
Santé
- Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins
- Protection maladie
Sécurités
- Police nationale
- Gendarmerie nationale
- Sécurité et éducation routières
- Sécurité civile
Solidarité, insertion et égalité des chances
- Inclusion sociale et protection des personnes
- Handicap et dépendance
- Égalité entre les femmes et les hommes
- Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative
Sport, jeunesse et vie associative
- Sport
- Jeunesse et vie associative
- Jeux Olympiques et Paralympiques 2024
Travail et emploi
- Accès et retour à l’emploi
- Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi
- Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail
- Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail
Total
II. – Le montant des dépenses relatives au budget général au titre de l’année 2019 est arrêté par mission et programme aux sommes mentionnées dans le tableau ci-après. Les crédits de paiement ouverts sont modifiés comme indiqué dans ce même tableau.
En euros
Désignation des missions et des programmes
Dépenses
Ajustements de la loi de règlement
Ouvertures de crédits complémentaires
Annulations de crédits non consommés et non reportés
Action et transformation publiques
- Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants
- Fonds pour la transformation de l’action publique
- Fonds d’accompagnement interministériel des ressources humaines
- Fonds pour l’accélération du financement des start-up d’État
Action extérieure de l’État
- Action de la France en Europe et dans le monde
- Diplomatie culturelle et d’influence
- Français à l’étranger et affaires consulaires
- Présidence française du G7
Administration générale et territoriale de l’État
- Administration territoriale
- Vie politique, cultuelle et associative
- Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales
- Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture
- Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation
- Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture
Aide publique au développement
- Aide économique et financière au développement
- Solidarité à l’égard des pays en développement
Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation
- Liens entre la Nation et son armée
- Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant
- Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale
Cohésion des territoires
-Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables
- Aide à l’accès au logement
- Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat
- Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire
- Interventions territoriales de l’État
- Politique de la ville
Conseil et contrôle de l’État
- Conseil d’État et autres juridictions administratives
- Conseil économique, social et environnemental
- Cour des comptes et autres juridictions financières
- Haut Conseil des finances publiques
Crédits non répartis
- Provision relative aux rémunérations publiques
- Dépenses accidentelles et imprévisibles
Culture
- Patrimoines
- Création
- Transmission des savoirs et démocratisation de la culture
Défense
- Environnement et prospective de la politique de défense
- Préparation et emploi des forces
- Soutien de la politique de la défense
- Équipement des forces
Direction de l’action du Gouvernement
- Coordination du travail gouvernemental
- Protection des droits et libertés
- Moyens mutualisés des administrations déconcentrées
Écologie, développement et mobilité durables
- Infrastructures et services de transports
- Affaires maritimes
- Paysages, eau et biodiversité
- Expertise, économie sociale et solidaire, information géographique et météorologie
- Prévention des risques
- Énergie, climat et après-mines
- Service public de l’énergie
- Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables
Économie
- Développement des entreprises et régulations
- Plan “France Très haut débit”
- Statistiques et études économiques
- Stratégie économique et fiscale
Engagements financiers de l’État
- Charge de la dette et trésorerie de l’État (crédits évaluatifs)
- Appels en garantie de l’État (crédits évaluatifs)
- Épargne
- Dotation du Mécanisme européen de stabilité
- Augmentation de capital de la Banque européenne d’investissement
- Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque
Enseignement scolaire
- Enseignement scolaire public du premier degré
- Enseignement scolaire public du second degré
- Vie de l’élève
- Enseignement privé du premier et du second degrés
- Soutien de la politique de l’éducation nationale
- Enseignement technique agricole
Gestion des finances publiques et des ressources humaines
- Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local
- Conduite et pilotage des politiques économiques et financières
- Facilitation et sécurisation des échanges
- Fonction publique
Immigration, asile et intégration
- Immigration et asile
- Intégration et accès à la nationalité française
Investissements d’avenir
- Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche
- Valorisation de la recherche
- Accélération de la modernisation des entreprises
Justice
- Justice judiciaire
- Administration pénitentiaire
- Protection judiciaire de la jeunesse
- Accès au droit et à la justice
- Conduite et pilotage de la politique de la justice
- Conseil supérieur de la magistrature
Médias, livre et industries culturelles
- Presse et médias
- Livre et industries culturelles
Outre-mer
- Emploi outre-mer
- Conditions de vie outre-mer
Pouvoirs publics
- Présidence de la République
- Assemblée nationale
- Sénat
- La Chaîne parlementaire
- Indemnités des représentants français au Parlement européen
- Conseil constitutionnel
- Haute Cour
- Cour de justice de la République
Recherche et enseignement supérieur
- Formations supérieures et recherche universitaire
- Vie étudiante
- Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
- Recherche spatiale
- Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables
- Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle
- Recherche duale (civile et militaire)
- Recherche culturelle et culture scientifique
- Enseignement supérieur et recherche agricoles
Régimes sociaux et de retraite
- Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres
- Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins
- Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers
Relations avec les collectivités territoriales
- Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements
- Concours spécifiques et administration
Remboursements et dégrèvements
- Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (crédits évaluatifs)
- Remboursements et dégrèvements d’impôts locaux (crédits évaluatifs)
Santé
- Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins
- Protection maladie
Sécurités
- Police nationale
- Gendarmerie nationale
- Sécurité et éducation routières
- Sécurité civile
Solidarité, insertion et égalité des chances
- Inclusion sociale et protection des personnes
- Handicap et dépendance
- Égalité entre les femmes et les hommes
- Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative
Sport, jeunesse et vie associative
- Sport
- Jeunesse et vie associative
- Jeux Olympiques et Paralympiques 2024
Travail et emploi
- Accès et retour à l’emploi
- Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi
- Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail
- Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail
Total
L ’ article 4 n ’ est pas adopté.
I. – Le montant des autorisations d’engagement consommées sur les budgets annexes au titre de l’année 2019 est arrêté par mission et programme aux sommes mentionnées dans le tableau ci-après. Les autorisations d’engagement ouvertes sont modifiées comme indiqué dans ce même tableau.
En euros
Désignation des budgets annexes
Autorisations d’engagement consommées
Ajustements de la loi de règlement
Ouvertures d’autorisations d’engagement complémentaires
Annulations d’autorisations d’engagement non engagées et non reportées
Contrôle et exploitation aériens
- Soutien aux prestations de l’aviation civile
- Navigation aérienne
- Transports aériens, surveillance et certification
Publications officielles et information administrative
- Edition et diffusion
- Pilotage et ressources humaines
II. – Les résultats relatifs aux budgets annexes au titre de l’année 2019 sont arrêtés par mission et programme aux sommes mentionnées dans le tableau ci-après. Les crédits ouverts sont modifiés comme indiqué dans ce même tableau.
En euros
Désignation des budgets annexes
Opérations de l’année
Ajustements de la loi de règlement
Dépenses
Recettes
Ouvertures de crédits complémentaires
Annulations des crédits non consommés et non reportés
Contrôle et exploitation aériens
- Soutien aux prestations de l’aviation civile
- Navigation aérienne
- Transports aériens, surveillance et certification
Publications officielles et information administrative
- Edition et diffusion
- Pilotage et ressources humaines
L ’ article 5 n ’ est pas adopté.
I. – Le montant des autorisations d’engagement consommées sur les comptes spéciaux est arrêté, au 31 décembre 2019, par mission et programme aux sommes mentionnées dans le tableau ci-après. Les autorisations d’engagement ouvertes sont modifiées comme indiqué dans ce même tableau.
En euros
Désignation des comptes spéciaux
Autorisations d’engagement consommées
Ajustements de la loi de règlement
Ouvertures d’autorisations d’engagement complémentaires
Annulations d’autorisations d’engagement non consommées et non reportées
Comptes d’affectation spéciale
Aides à l’acquisition de véhicules propres
- Contribution au financement de l’attribution d’aides à l’acquisition de véhicules propres au bénéfice des particuliers
- Contribution au financement de l’attribution d’aides à l’acquisition de véhicules propres au bénéfice des personnes morales
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
- Structures et dispositifs de sécurité routière
- Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers
- Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières
- Désendettement de l’État
Développement agricole et rural
- Développement et transfert en agriculture
- Recherche appliquée et innovation en agriculture
Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale
- Électrification rurale
- Opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées
Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage
- Répartition régionale de la ressource consacrée au développement de l’apprentissage
- Correction financière des disparités régionales de taxe d’apprentissage et incitations au développement de l’apprentissage
Gestion du patrimoine immobilier de l’État
- Contributions des cessions immobilières au désendettement de l’État
- Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État
Participation de la France au désendettement de la Grèce
- Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs
- Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France
Participations financières de l’État
- Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État
- Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État
Pensions
- Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité
- Ouvriers des établissements industriels de l’État
- Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions
Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
- Exploitation des services nationaux de transport conventionnés
- Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés
Transition énergétique
- Soutien à la transition énergétique
- Engagements financiers liés à la transition énergétique
Total des comptes d’affectation spéciale
Comptes de concours financiers
Accords monétaires internationaux
- Relations avec l’Union monétaire ouest-africaine
- Relations avec l’Union monétaire d’Afrique centrale
- Relations avec l’Union des Comores
Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
- Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune
- Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics
- Avances à des services de l’État
- Avances à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l’indemnisation des victimes du Benfluorex
Avances à l’audiovisuel public
- France Télévisions
- ARTE France
- Radio France
- France Médias Monde
- Institut national de l’audiovisuel
- TV5 Monde
Avances aux collectivités territoriales
- Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie
- Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes
Prêts à des États étrangers
- Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France
- Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France
- Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers
- Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro
Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
- Prêts et avances pour le logement des agents de l’État
- Prêts pour le développement économique et social
- Prêts et avances pour le développement du commerce avec l’Iran
- Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle
Total des comptes de concours financiers
II. – Les résultats des comptes spéciaux sont arrêtés, au 31 décembre 2019, par mission et programme aux sommes mentionnées dans les tableaux ci-après. Les crédits de paiement ouverts et les découverts autorisés sont modifiés comme indiqué dans ces mêmes tableaux.
En euros
Désignation des comptes spéciaux
Opérations de l’année
Ajustements de la loi de règlement
Dépenses
Recettes
Ouvertures de crédits complémentaires
Annulations des crédits non consommés et non reportés
Comptes d’affectation spéciale
Aides à l’acquisition de véhicules propres
- Contribution au financement de l’attribution d’aides à l’acquisition de véhicules propres au bénéfice des particuliers
- Contribution au financement de l’attribution d’aides à l’acquisition de véhicules propres au bénéfice des personnes morales
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
- Structures et dispositifs de sécurité routière
- Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers
- Contribution à l’équipement des collectivités territoriales pour l’amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières
- Désendettement de l’État
Développement agricole et rural
- Développement et transfert en agriculture
- Recherche appliquée et innovation en agriculture
Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale
- Électrification rurale
- Opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées
Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage
- Répartition régionale de la ressource consacrée au développement de l’apprentissage
- Correction financière des disparités régionales de taxe d’apprentissage et incitations au développement de l’apprentissage
Gestion du patrimoine immobilier de l’État
- Contributions des cessions immobilières au désendettement de l’État
- Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l’État
Participation de la France au désendettement de la Grèce
- Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs
- Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France
Participations financières de l’État
- Opérations en capital intéressant les participations financières de l’État
- Désendettement de l’État et d’établissements publics de l’État
Pensions
- Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité
- Ouvriers des établissements industriels de l’État
- Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions
Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
- Exploitation des services nationaux de transport conventionnés
- Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés
Transition énergétique
- Soutien à la transition énergétique
- Engagements financiers liés à la transition énergétique
Total des comptes d’affectation spéciale
Comptes de concours financiers
Accords monétaires internationaux
- Relations avec l’Union monétaire ouest-africaine
- Relations avec l’Union monétaire d’Afrique centrale
- Relations avec l’Union des Comores
Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
- Avances à l’Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune
- Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics
- Avances à des services de l’État
- Avances à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l’indemnisation des victimes du Benfluorex
Avances à l’audiovisuel public
- France Télévisions
- ARTE France
- Radio France
- France Médias Monde
- Institut national de l’audiovisuel
- TV5 Monde
Avances aux collectivités territoriales
- Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie
- Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes
Prêts à des États étrangers
- Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France
- Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France
- Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers
- Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro
Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
- Prêts et avances pour le logement des agents de l’État
- Prêts pour le développement économique et social
- Prêts et avances pour le développement du commerce avec l’Iran
- Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l’aéroport Paris-Charles de Gaulle
Total des comptes de concours financiers
En euros
Désignation des comptes spéciaux
Opérations de l’année
Ajustements de la loi de règlement
Dépenses
Recettes
Majorations du découvert
Comptes de commerce
- Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires
- Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire
- Couverture des risques financiers de l’État
- Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État
- Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État
- Lancement de certains matériels de guerre et matériels assimilés
- Opérations commerciales des domaines
- Régie industrielle des établissements pénitentiaires
- Renouvellement des concessions hydroélectriques
- Soutien financier au commerce extérieur
Total des comptes de commerce
Comptes d’opérations monétaires
- Émission des monnaies métalliques
- Opérations avec le Fonds monétaire international
- Pertes et bénéfices de change
Total des comptes d’opérations monétaires
III. – Les soldes des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2020 sont arrêtés, à la date du 31 décembre 2019, aux sommes ci-après :
En euros
Désignation des comptes spéciaux
Soldes au 31 décembre 2019
Débiteurs
Créditeurs
Comptes d’affectation spéciale
Aide à l’acquisition de véhicules propres
Contrôle de la circulation et du stationnement routiers
Développement agricole et rural
Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale
Financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage
Gestion du patrimoine immobilier de l’État
Participation de la France au désendettement de la Grèce
Participations financières de l’État
Pensions
Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs
Transition énergétique
Comptes de concours financiers
Accords monétaires internationaux
Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics
Avances à l’audiovisuel public
Avances aux collectivités territoriales
Prêts à des États étrangers
Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
Comptes de commerce
Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires
Cantine et travail des détenus dans le cadre pénitentiaire
Couverture des risques financiers de l’État
Exploitations industrielles des ateliers aéronautiques de l’État
Gestion de la dette et de la trésorerie de l’État
Lancement de certains matériels de guerre et matériels assimilés
Opérations commerciales des domaines
Régie industrielle des établissements pénitentiaires
Renouvellement des concessions hydroélectriques
Soutien financier au commerce extérieur
Comptes d’opérations monétaires
Émission des monnaies métalliques
Opérations avec le Fonds monétaire international
Pertes et bénéfices de change
Total général
IV. – Les soldes arrêtés au III sont reportés à la gestion 2020 à l’exception :
1° D’un solde créditeur de 53 866 358, 00 € concernant le compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » ;
2° D’un solde débiteur de 68 888 366, 21 € concernant le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » ;
3° D’un solde créditeur de 50 992 486, 11 € concernant le compte de commerce « Opérations commerciales des domaines » ;
4° D’un solde créditeur de 112 042 473, 54 € concernant le compte d’opérations monétaires « Émission des monnaies métalliques » ;
5° D’un solde débiteur de 7 487 439, 69 € concernant le compte d’opérations monétaires « Pertes et bénéfices de change ».
L ’ article 6 n ’ est pas adopté.
L’article 267 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 est abrogé.
Je vais mettre aux voix l’article 7.
Je rappelle que, si cet article n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble du projet de loi, dans la mesure où tous les articles qui le composent auraient été supprimés.
Or, en application de l’article 59 du règlement, le scrutin public est de droit sur l’ensemble du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019.
En conséquence, l’article 7 va être mis aux voix par scrutin public.
Personne ne demande la parole ?…
Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin .
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 133 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Mes chers collègues, les sept articles du projet de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.
En conséquence, le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2019 n’est pas adopté.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (projet n° 314 rectifié bis, texte de la commission n° 553, rapport n° 552, avis n° 548).
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur Jean Bizet, monsieur le rapporteur pour avis Laurent Duplomb, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être devant vous pour examiner le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, ce que l’on a coutume d’appeler un « Ddadue ».
Le trajet de ce projet de loi n’aura pas été de tout repos. Déposé le 12 février sur le bureau de la Haute Assemblée, il aurait dû commencer d’être examiné le 24 mars.
Cela explique pourquoi la version sur laquelle vous vous êtes penchés est légèrement différente de celle que vous avez reçue trois mois plus tôt, deux lettres rectificatives l’ayant entre-temps modifiée.
Ce projet comporte des dispositions couvrant tout le spectre ou presque de notre activité économique et financière : protection des consommateurs, conformité des produits, relations interentreprises, douanes, système financier et lutte contre le blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, gestion du fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), Autorité de la concurrence.
Cette diversité témoigne de la forte activité législative du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen, amenant les États membres à adapter leur droit économique et financier à l’horizon des années 2020 et 2021.
Je remarque que le Sénat a été attentif aux prérogatives respectives du Parlement et du Gouvernement, en encadrant de nombreuses autorisations de recours aux ordonnances, et en réduisant notamment les délais consentis à plusieurs habilitations de quelques mois. Ces amendements ne posent pas de problème, sauf ceux qui sont relatifs aux articles 7, 15 et 18, pour lesquels le Gouvernement souhaite des délais plus importants.
Au total, vous avez consenti à maintenir treize des seize demandes d’autorisation à légiférer par voie d’ordonnance, et je vous en remercie. Je vous remercie également du travail effectué en commission sur ce texte ardu – je salue notamment M. le rapporteur, Jean Bizet, et M. le rapporteur pour avis, Laurent Duplomb. La grande majorité des trente-neuf amendements adoptés en commission recueille l’approbation du Gouvernement.
À présent, je tiens à passer rapidement en revue quelques dispositions particulièrement importantes de ce projet de loi, dont certaines auront des conséquences très concrètes pour nos concitoyens.
Tout d’abord, le présent texte renforce la protection des consommateurs en prenant en compte le développement du numérique.
Le numérique est une formidable chance pour nos concitoyens, mais il peut aussi être une source de risques pour eux. Pour reprendre le titre du paquet européen, il crée une « nouvelle donne pour le consommateur », laquelle nécessite des protections accrues.
Ainsi, le projet de loi précise les nouvelles obligations des places de marché en ligne et les conditions de commercialisation des contenus et services numériques. Il renforce les pouvoirs de l’autorité de contrôle nationale et les sanctions applicables pour mieux lutter contre les pratiques frauduleuses, dans le contexte d’une augmentation croissante de ventes via des interfaces en ligne. Il modernise les règles en vigueur face aux pratiques commerciales déloyales.
De plus, le projet de loi complète notre droit de la consommation : au titre du règlement dit « géoblocage », qui interdit les restrictions des sites en ligne fondées sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu de connexion, il crée un régime de sanctions administratives. Il crée également des habilitations pour les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), à en contrôler l’application dans les échanges transfrontaliers. De surcroît, il contient des mesures visant à lutter contre le géoblocage injustifié, susceptible d’affecter les consommateurs à l’échelle nationale, tout particulièrement ceux qui vivent outre-mer.
Ensuite, ce projet de loi comporte d’importantes mesures de régulation financière, notamment pour lutter contre le blanchiment d’argent. Il tire les conséquences de l’entrée en vigueur du règlement relatif aux contrôles de l’argent liquide entrant ou sortant de l’Union, dit cash control. Il organise les modalités de contrôle sur l’argent liquide dit « non accompagné », c’est-à-dire l’argent expédié via le fret, y compris le fret express, ou La Poste, pour un montant équivalent à 10 000 euros ou plus.
Le texte renforce également les garanties encadrant la rétention administrative des sommes non déclarées ou mal déclarées et les sanctions en cas de violation de la réglementation douanière.
Ce projet de loi transpose plusieurs directives européennes contribuant à une meilleure supervision des activités financières au sein de l’Union européenne portant sur l’encadrement des obligations garanties, des entreprises d’investissement, de la commercialisation transfrontalière des organismes de placement collectif en valeurs mobilières et des fonds d’investissement alternatifs dans l’Union européenne.
Enfin, le texte comporte des dispositions visant à améliorer le fonctionnement du marché intérieur, notamment en matière de transparence dans les relations interentreprises, de concurrence et de santé animale.
Pour ce qui concerne la transparence dans les relations interentreprises, le projet de loi permet de recourir à une habilitation pour inscrire dans le code de commerce des obligations supplémentaires relatives aux pratiques commerciales déloyales interentreprises au sein de la chaîne agricole et alimentaire. Il s’agit de rétablir la loyauté des transactions lorsque les relations commerciales sont trop déséquilibrées dans ce secteur, qui – le confinement nous l’a rappelé – est particulièrement important pour notre pays.
Pour ce qui concerne la concurrence, l’article 25 met le droit français en conformité avec la directive dite « ENC + » visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en œuvre plus efficacement les règles de concurrence.
Enfin, pour ce qui concerne la santé animale, je citerai notamment le chapitre VII bis nouveau, portant sur des dispositions relatives aux médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux. Ces dispositions feront sans doute l’objet de débats.
Sur ce sujet cher au Sénat et à son président, vous avez voté en commission des articles nouveaux. Ils ont pour objets l’autorisation de la publicité à destination des éleveurs professionnels pour les vaccins vétérinaires, la lutte contre les déserts vétérinaires et la ratification d’ordonnances. Ces dispositions recueillent l’avis favorable du Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les grands axes de ce texte riche et varié.
Ce projet de loi complexe comporte des dispositions multiples. Néanmoins, un seul et même esprit l’anime : celui d’une Union européenne plus protectrice, plus proche des citoyens, défendant un projet global et ambitieux d’approfondissement de la coordination entre les États membres.
Les évolutions de la réglementation européenne que ce projet de loi vise à traduire dans le droit interne vont dans le bon sens. Elles viendront renforcer la protection de nos concitoyens !
Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.
Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants.
Monsieur le ministre, permettez-moi de m’associer aux propos de bienvenue exprimés dans cet hémicycle pour saluer votre prise de fonctions !
Monsieur le président, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons est bien désigné par son titre : il agrège un ensemble divers de mesures. Sa cohérence ne tient guère qu’à l’adaptation de notre droit économique et financier aux évolutions législatives décidées par le législateur européen.
Initialement touffu et technique, le contenu du texte a été rendu d’autant plus complexe à appréhender par le recours à deux ajouts successifs par lettre rectificative. S’y ajoutent le report de l’examen du texte en séance en raison de la crise sanitaire, qui a rendu obsolètes certaines dispositions, et les amendements déposés tardivement par le Gouvernement pour y introduire certaines dispositions du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle.
Dresser un panorama complet du texte est donc une gageure ! Nous aurons l’occasion d’examiner en détail certaines dispositions ; pour le reste, je vous renvoie à mon rapport et à celui de mon collègue Laurent Duplomb.
Dans sa version définitive, le projet de loi comporte vingt-cinq articles, dont treize ont été examinés par la commission des finances. Leur contenu se concentre sur deux domaines principaux : la réglementation douanière et le droit bancaire et financier.
Néanmoins, je m’arrêterai sur un article plus spécifique, ajouté le mois dernier par le Gouvernement. Il s’agit de l’article 24, qui porte sur la gestion des crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural, plus connu sous l’acronyme Feader.
Cet article apporte une modification essentielle : il corrige une incohérence de la loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles, ou loi Maptam, qui a confié la gestion de ces crédits aux régions jusqu’en 2020. Si la programmation financière échoit bien à la fin de l’année, l’exécution des crédits s’étend jusqu’en 2023. Il faut en tenir compte pour permettre aux régions de gérer ces fonds jusqu’au terme de leur exécution.
Cela étant, l’article en question ne se contentait pas de traiter de la programmation en cours. Il envisageait initialement la répartition des rôles entre l’État et les régions pour la programmation future, pour laquelle les négociations se poursuivent à Bruxelles.
En commission, nous avons, d’une initiative partagée et avec l’appui des régions, décidé de supprimer cette disposition. En effet, elle renvoyait à une ordonnance sans préciser les intentions réelles du Gouvernement, laissant entrevoir le spectre d’une recentralisation de la gestion des crédits. Quelle que soit notre opinion sur la répartition des rôles dans la gestion du Feader, nous considérons tous que le sujet requiert un débat.
À mon sens, nous sommes davantage face à un problème de forme que de fond. §On ne peut pas, à quelques heures d’intervalle, entendre le Premier ministre parler de décentralisation, vanter les territoires, puis défendre une forme de recentralisation en invitant le Parlement à habiliter le Gouvernement à prendre toutes les dispositions par ordonnance ! Le débat devra avoir lieu. Je sais que notre temps est contraint. Mais si l’ancien ministre de l’agriculture avait apporté les clarifications nécessaires en temps voulu, nous ne serions pas dans cette situation : il faut avoir l’honnêteté de le dire.
Monsieur le ministre, à charge pour nous, et surtout pour vous, de trouver à cette fin un véhicule législatif qui s’adaptera le moment voulu : tout l’enjeu est là.
Plus largement, le recours aux habilitations à légiférer par ordonnance constitue le principal écueil de ce projet de loi. En procédant de la sorte, vous dépossédez doublement le Parlement de sa compétence. Les sujets faisant l’objet d’une harmonisation européenne ne sauraient ensuite être introduits en droit national sans examen réel par le Parlement.
Surtout, une telle méthode n’est pas de nature à renforcer les indispensables liens à tisser entre l’Union européenne et les parlements nationaux. Elle ne contribue pas à l’appréhension concrète du droit dérivé par le citoyen et aggrave les risques de surtransposition, sur lesquels – vous le savez – nous faisons preuve d’une extrême vigilance.
Depuis près de deux ans, le président du Sénat a confié, à juste titre, à la commission des affaires européennes le rôle d’examiner tout texte passant à sa portée, pour déterminer s’il procède ou non à une surtransposition, en particulier dans le domaine environnemental – c’est un clin d’œil à M. Duplomb ! L’accumulation des surtranspositions environnementales nous inflige des distorsions de concurrence, qui, aujourd’hui, deviennent totalement inacceptables.
La technicité des sujets ne saurait occulter l’importance des enjeux soulevés. Les dispositions correspondent à des projets européens essentiels, à l’instar de l’union bancaire ou de l’union des marchés de capitaux. À cet égard, j’adresse un autre clin d’œil à notre collègue qui s’est exprimé sur ce sujet dans le précédent débat. L’Allemagne a amorcé une manœuvre en faveur de l’union des marchés de capitaux : c’est un point essentiel pour conforter l’ensemble de l’union bancaire et le développement de l’Union européenne.
J’en suis convaincu : une approche européenne est essentielle en la matière. Pour autant, elle ne saurait se traduire par une dévitalisation des parlements nationaux.
Monsieur le ministre, il importe donc que nous nous saisissions des enjeux européens par le biais de résolutions européennes, comme nous le faisons régulièrement. Mais il importe aussi que le Gouvernement ne mette pas le Parlement sur la touche lorsqu’il s’agit d’adapter notre cadre juridique au droit de l’Union. Cette question recoupe d’ailleurs la stratégie de la Commission européenne : renvoyer à de nombreux actes délégués, au détriment du contenu des actes législatifs. La commission des affaires européennes dénonce régulièrement ce penchant, que suivent globalement les instances communautaires.
Au-delà de la technicité des sujets, le recours à un « texte-balai » d’adaptation au droit de l’Union européenne s’est imposé à votre gouvernement compte tenu du retard pris dans la transposition. Certains articles concernent ainsi des actes législatifs européens adoptés il y a plus de trois ans, dont l’entrée en vigueur imminente s’impose à nous.
En la matière, les efforts doivent être amplifiés : il vous faut mieux anticiper la transposition des directives européennes et l’ajustement de notre droit pour répondre à l’application directe des règlements européens.
M. le ministre délégué le concède.
Je comprends et j’approuve votre objectif : mettre notre pays à jour de ses obligations européennes en vue de la présidence française du Conseil, dans dix-huit mois.
Par ailleurs, certaines dispositions concernent des ajustements indispensables à l’après-Brexit, qui devrait s’ouvrir dès le début de l’année prochaine et qui ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices – mais, avec nos amis britanniques, tout peut changer à quelques secondes d’intervalle…
Sourires.
C’est pourquoi la commission a, sur ma proposition, assez largement accepté les habilitations sollicitées. Je forme toutefois le vœu qu’une autre méthode s’impose à l’avenir : il y va aussi de la crédibilité et de la réussite du projet européen !
Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Pierre Louault applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le domaine économique, notamment numérique, la Commission européenne a proposé, ces dernières années, des évolutions importantes afin de renforcer l’harmonisation des règles et d’accroître les protections exigées par les consommateurs et les acteurs économiques de certains secteurs.
Ces textes apportent des modifications majeures, qui se répercuteront rapidement dans la vie quotidienne de nos concitoyens et doivent, désormais, s’inscrire dans notre droit interne.
La commission des affaires économiques, saisie pour avis avec une délégation au fond de douze des vingt-cinq articles de ce projet de loi, a opéré un triple contrôle.
Le premier niveau de contrôle a consisté à vérifier que les dispositions gouvernementales proposées étaient conformes au droit européen. Le Gouvernement a opté pour un recours massif aux ordonnances de transposition. Certains champs d’habilitation étaient excessivement larges : la commission a donc proposé de les réduire au strict minimum.
En outre, monsieur le ministre, la transposition par ordonnance n’est pas forcément plus rapide. C’est pourquoi nous avons supprimé l’habilitation sur le règlement Platform to B usiness. Le Gouvernement veut aller vite et fort pour la régulation du numérique, mais il proposait de renvoyer à une ordonnance pour appliquer un texte qui entre en vigueur dans quelques jours… Vous le savez, nous voulons agir en la matière et je vous remercie d’avoir entendu notre appel.
Une nouvelle fois, je déplore la pratique consistant à déposer, au stade de la séance publique, des amendements visant à octroyer des habilitations à légiférer par ordonnance pour transposer des pans entiers de notre droit. Cette méthode prive les parlementaires du temps dont ils auraient besoin pour examiner des sujets si importants, alors que le calendrier de ces transpositions est connu longtemps à l’avance.
Le deuxième niveau de contrôle a visé à s’assurer que l’adaptation du droit français aux nouvelles règles européennes ne posait pas de difficultés supplémentaires.
Par exemple, la commission a constaté que la directive sur les pratiques commerciales déloyales ne s’appliquait qu’aux relations asymétriques entre un fournisseur alimentaire et un distributeur, et ce uniquement quand le distributeur présente un chiffre d’affaires supérieur à celui du fournisseur.
Or la disposition prévue exclurait certaines pratiques. Je pense notamment aux centrales de référencement, qui, n’étant pas des centrales d’achat, ont un très faible chiffre d’affaires alors qu’elles contractent avec les fournisseurs. Il convenait de combler ce trou dans la raquette sans fragiliser les protections apportées aux PME alimentaires, en fixant des conditions de chiffre d’affaires qui n’existent pas aujourd’hui.
S’agissant des stocks stratégiques pétroliers, l’abrogation de la référence à une convention, approuvée par l’État, définissant les prestations réalisées par la Société anonyme de gestion des stocks de sécurité (Sagess) pour le compte du Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers (CPSSP) était de nature à déstabiliser le cadre juridique et fiscal applicable à ces stocks. La commission a proposé de maintenir cette abrogation, tout en permettant les évolutions de la législation nationale requises par le droit européen.
Le troisième et dernier niveau de contrôle a permis de procéder à une vérification plus générale, pour s’assurer que le droit français respecte les principes dictés par le droit européen.
Les textes donnent des orientations que les États membres doivent respecter, si besoin en adaptant leur droit de manière volontariste. C’est le cas, par exemple, pour le maillage territorial de nos vétérinaires.
Il convient de s’inquiéter de la multiplication de « déserts vétérinaires » dans certaines régions rurales françaises, …
… à l’instar des déserts médicaux apparus dans le passé. Selon l’Atlas démographique de l’ordre national des vétérinaires, quarante départements sont déjà concernés, et le phénomène s’accroît. Le nombre de vétérinaires pour animaux de rente, autrement dit d’élevage, a reculé de 15 % en cinq ans en France. Ce manque de vétérinaires en zone rurale pourrait s’aggraver dans les années à venir, notamment en raison de l’attrait des jeunes générations pour les soins aux animaux de compagnie ou aux chevaux.
Or la désertification vétérinaire est le dernier signe avant la désertification agricole.
Il faut agir rapidement. La commission propose donc un dispositif inédit à la main des collectivités territoriales, pour leur permettre de verser des aides à l’installation ou au maintien des vétérinaires auprès des animaux d’élevage dans les zones tendues, identifiées par arrêté. C’est une solution concrète, opérationnelle et décentralisée, que nous avons travaillée avec les professionnels, les collectivités territoriales et les services du ministère. Il était important de réunir tous les acteurs pour faire face à l’urgence, et je me félicite que le Gouvernement ait entendu notre appel.
Dans le même esprit, la commission a proposé un ensemble de mesures permettant de simplifier les procédures devant l’Autorité de la concurrence et de renforcer l’efficacité de ses enquêtes.
Au regard de ces éléments et des apports permis par nos travaux, la commission se prononce pour l’adoption de ce texte !
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – MM. Pierre Louault, Franck Menonville et André Gattolin applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons ce soir appelle plusieurs observations de notre part, tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, nous devons, comme trop souvent, travailler dans l’urgence un texte touffu et dont les dispositions sont, pour l’essentiel, techniques.
Certes, nous devons être à jour de nos obligations : ne présenter aucun déficit de transposition et disposer d’un droit national conforme aux exigences de l’Union européenne, en vue de la présidence française du Conseil de l’Union européenne au cours du premier semestre 2022. Nous entendons parfaitement cet argument. Par ailleurs, ce projet de loi contient des ajustements indispensables pour la période de l’après-Brexit, qui devrait s’ouvrir au début de l’année prochaine.
Toutefois, nous ne pouvons, une fois encore, que regretter la manière dont le Gouvernement envisage le rôle du Parlement et la place du débat républicain dans nos institutions. Les précédents orateurs l’ont rappelé : le champ des habilitations demandées apparaît plus large que nécessaire. Une fois encore, nous devons travailler dans l’urgence alors que le texte aurait pu être examiné bien avant la crise du covid, dès l’automne 2018. De plus, le projet de loi initial a fait l’objet de deux lettres rectificatives.
Sur le fond, ce texte transpose ou habilite à transposer onze directives. Je laisserai le soin à ma collègue Viviane Artigalas d’aborder les mesures proposées, et qui vont dans le bon sens, pour accroître la protection des consommateurs, notamment les plus fragiles et les plus isolés.
De surcroît, ce projet de loi donne davantage de moyens aux autorités françaises pour lutter contre la fraude fiscale, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Ainsi, il met en œuvre de nouvelles règles relatives aux mouvements d’argent liquide en provenance ou à destination des pays tiers et renforce les sanctions en cas de violation de la réglementation douanière. Ces mesures sont attendues, mais une question demeure : l’urgence de la transposition dans un calendrier parlementaire tendu, dès lors que ces mesures ne s’appliqueront qu’en juin 2021.
Cette problématique de la temporalité est encore plus prégnante pour certains articles, qui mériteraient que l’on s’y attarde étant donné l’importance des enjeux politiques, économiques, sociaux, sociétaux et éthiques qu’ils soulèvent.
Je pense tout particulièrement à l’article 18, qui transpose un règlement européen harmonisant les règles relatives à la génétique animale. Il s’agit d’une question cruciale pour la France. Le secteur de la génétique animale représente 8 200 emplois en équivalent temps plein, liés, pour la plupart, à l’élevage laitier. Il faut noter que 50 % des gains annuels de productivité des élevages français sont liés au progrès génétique.
Derrière ces chiffres pointent les questions de l’augmentation des rendements par animal, de l’augmentation de l’efficacité alimentaire, de l’augmentation de la résistance des animaux aux pathologies et, plus généralement, de l’augmentation de la résilience au changement climatique.
Ce texte soulève d’autres questions encore, qu’il s’agisse de l’évolution de la qualité ou la différenciation des produits permettant l’ajout de valeur et la création de dynamiques territoriales. La facilitation des méthodes de production pour les éleveurs et la participation au bien-être animal sont autant d’enjeux de ce projet de loi.
Le règlement dont il s’agit libéralise le secteur de la génétique animale et laisse peu de marges aux États membres dans son application : des craintes apparaissent donc nécessairement. Ainsi, pour reprendre les mots de l’étude d’impact, « une part importante des activités exercées, en France, sous la responsabilité de l’État, relève désormais des missions des organismes de sélection agréés, et donc du secteur privé, ce qui conduit à un changement important dans le secteur de la génétique animale, en particulier s’agissant de l’accès aux données zootechniques et de l’évaluation génétique ». Dans ces conditions, comment s’assurer que les techniques d’édition de génome appliquées aux animaux sont employées avec toute la prudence nécessaire ?
De plus, pour les agriculteurs, notamment ceux qui sont situés dans des territoires peu denses économiquement ou difficilement accessibles, la libéralisation du secteur pourrait accroître les difficultés d’accès à du matériel génétique de qualité. Elle pourrait également conduire à la disparition de races locales menacées ou peu productives, qui, bien qu’elles constituent une grande richesse pour le patrimoine national, ne présenteraient pas un intérêt économique immédiat suffisant pour le secteur privé. Quels sont nos garde-fous pour éviter ces situations ?
Dans le cas présent, le recours à une ordonnance semble inévitable, au vu du nombre de modifications à opérer dans le code rural. Mais nous devrons être vigilants lors de la ratification de ce texte, pour veiller à la préservation des intérêts français, notamment à la défense de la diversité et de la richesse du patrimoine génétique de nos élevages, que l’on peut considérer comme des biens communs : cette notion, nouvelle dans le débat public, permet d’appréhender les ressources patrimoniales communes.
Enfin, je dirai un mot de la directive sur les services de médias audiovisuels et des directives relatives au droit d’auteur et aux droits voisins. À l’origine, les dispositions dont il s’agit devaient être incluses dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle, mais l’examen de ce texte a malheureusement été arrêté par le confinement.
On ne peut que se réjouir que les plateformes soient assujetties aux obligations de financement des œuvres françaises et européennes dès le 1er janvier 2021. La montée en puissance d’acteurs tels que Netflix, Amazon Prime ou Disney a rendu plus urgente encore leur participation au financement de la création française !
Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – M. le rapporteur applaudit également.
M. Philippe Dallier remplace M. Vincent Delahaye au fauteuil de la présidence.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. le rapporteur et M. Pierre Louault applaudissent également.
Monsieur le ministre, permettez-moi avant tout de vous féliciter et de vous souhaiter pleine réussite dans les missions qui vous sont confiées.
Monsieur le président, mes chers collègues, voici un texte comme nous avons l’habitude d’en examiner ; mais, alors qu’entre en fonction un nouveau gouvernement, il est peut-être utile de rappeler – je le signale à mon tour ! – ce que le Sénat reproche, hélas souvent, aux évolutions de la procédure parlementaire.
La technicité et la grande diversité des sujets soulevés découlent certes d’une réglementation fiscale et économique européenne elle-même très complexe. Mais il faut malgré tout le souligner : les modalités d’examen retenues ne nous permettent pas d’étudier convenablement tous les aspects du présent texte.
La crise sanitaire a certes bouleversé le calendrier parlementaire et le travail des commissions. Nous aurions dû examiner ce projet de loi il y a déjà plusieurs mois. Mais le temps désormais imparti, en session extraordinaire et à l’approche des élections sénatoriales, semble bien insuffisant pour approfondir comme il se doit toutes les subtilités de ce texte, d’autant que le Brexit exigera, pour toutes ces questions, des compromis parfois complexes avec le Royaume-Uni.
Les travaux parlementaires participent à l’amélioration des textes parce qu’ils en précisent la connaissance.
Au-delà, on ne peut que déplorer, une fois encore, le recours désormais habituel et souvent excessif aux ordonnances. La grande technicité de certaines questions pourrait en justifier l’usage – nous en avons parfaitement conscience –, mais à dose homéopathique. De plus, l’expérience de l’état d’urgence sanitaire démontre que le recours à l’ordonnance doit rester une exception ! Nous espérons que ce gouvernement reverra ces habitudes, que nous avons tous, sur ces travées, déplorées à divers degrés.
À ce titre, le groupe du RDSE salue le travail de la commission des finances. Elle a œuvré à réduire le délai d’habilitation, notamment au sujet du paquet bancaire de l’article 15. Elle a même supprimé certaines habilitations, concernant par exemple les relations commerciales dans les secteurs alimentaire et numérique ou le Fonds européen agricole pour le développement rural.
Sur le fond, il est évidemment illusoire d’appréhender ce texte avec exhaustivité. Aussi, je m’en tiendrai à quelques points saillants.
Pour une puissance agricole comme notre pays, la politique agricole commune (PAC), et donc la gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural, revêt une importance cruciale.
Ces questions soulèvent des problématiques essentielles quant aux rapports entre l’État et la région. Pour le groupe du RDSE, elles sont d’autant plus fondamentales qu’elles ont des conséquences directes sur nos territoires ruraux et leur développement économique.
Au demeurant, plusieurs harmonisations à l’échelle de l’Union européenne sont les bienvenues. Je pense, par exemple, à l’utilisation d’informations financières pour prévenir des infractions pénales, notamment en matière de terrorisme et de blanchiment d’argent.
Certains exploitent le manque actuel de communication entre les autorités compétentes des pays de l’Union européenne : il est urgent de remédier à cette situation. Fort heureusement, le présent texte contribue à cet effort.
S’agissant de la protection des consommateurs, spécialement sur les plateformes en ligne, le projet de loi l’améliore de deux façons : directement, notamment par la transposition de règles relatives au délai de rétractation, à l’information et à la protection des utilisateurs de services numériques gratuits ; indirectement, par les dispositions relatives à la surveillance du marché et à la lutte contre les pratiques commerciales déloyales.
Par ailleurs, les dispositions intéressant le code des douanes conduisent à s’interroger sur l’émergence probable d’une douane réellement européenne, notamment en ce qu’elles signent la fin du monopole des actes de représentation en douane et améliorent l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres. Une telle évolution emporterait des conséquences considérables, renforçant l’intégration communautaire, notamment dans les domaines agricole et écologique que la nouvelle Commission européenne tient pour des points essentiels de son mandat.
Enfin, certaines dispositions suscitent quelques interrogations. D’une part, il convient de s’assurer que l’harmonisation en matière vétérinaire n’a pas pour conséquence un nivellement par le bas des normes, a fortiori dans un pays comme le nôtre, qui excelle en la matière. D’autre part, la dérogation au secret professionnel des administrations fiscales pour la publication de certaines informations relatives aux bénéficiaires d’aides d’État commande de se demander si d’autres dérogations similaires seront envisagées pour des raisons d’intérêt public.
En dépit de ces quelques critiques introductives, et après ces remarques et interrogations, la grande majorité des membres du groupe du RDSE voteront le projet de loi.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. André Gattolin et Pierre Louault applaudissent également.
M. le rapporteur applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre – je vous souhaite la bienvenue dans cette belle assemblée –, mes chers collègues, après une salve de textes portant habilitation à légiférer par ordonnance, c’est un autre objet législatif bien particulier qui nous est soumis cet après-midi, bardé d’un acronyme assez étrange : Ddadue, pour « diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne ». Au reste, il est étonnant que notre glorieuse et cacochyme Académie française ne se soit pas encore penchée sur le sexe de cet objet linguistique, après avoir su, en cette période de crise pandémique, mobiliser en urgence ses énergies pourtant fatiguées pour genrer – en l’occurrence, je devrais dire : féminiser – le néo-acronyme d’expression anglaise « covid-19 »…
Bien sûr, je ne suis pas là pour polémiquer à propos de cette aberrante décision prise par notre plus ancienne institution culturelle. En l’état de la réflexion, non ouverte et donc non achevée par la glorieuse institution susnommée, je vous confirme, mes chers collègues, que nous pouvons librement parler du Ddadue, de la Ddadue ou des Ddadue au féminin pluriel, selon qu’on se réfère au projet de loi, à la future loi ou aux diverses dispositions que nous envisageons de prendre.
Plus sérieusement, il faut reconnaître que Ddadue, aujourd’hui, est particulièrement dodue… De fait, le texte qui nous est présenté est assez roboratif et particulièrement hétérogène, un peu à l’image des gargantuesques déjeuners-diners-repas composés et ingérés d’affilée par Raymond Roussel, l’un de nos plus géniaux et excentriques écrivains du début du XXe siècle.
Alors, oui, ce Ddadue est dodu et un peu hétérogène, surtout par rapport au schéma initial présenté par le Gouvernement au début du mois de février dernier, mais c’est principalement en raison des lourds événements survenus depuis lors : avant tout la crise sanitaire, mais aussi la nécessité de prendre en compte la fin de la période de transition du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne et l’urgence de prolonger et de réviser les modalités de gestion du Fonds européen agricole pour le développement rural, sans oublier – ce n’est pas la moindre raison – la nécessité de transposer dans les délais certaines directives européennes ayant trait à la communication et au droit d’auteur, compte tenu du report du véhicule législatif initialement prévu, le projet de loi Audiovisuel.
Malgré son aspect « omnibus », ce projet de Ddadue ne s’apparente en rien à une quelconque autorisation à légiférer par ordonnance. En effet, de tous les sujets traités, nous avons déjà été amenés à débattre, parfois longuement, en commission, en particulier au sein de notre excellente commission des affaires européennes, présidée par Jean Bizet.
D’ailleurs, les différents domaines traités donnent lieu à des amendements sénatoriaux ou gouvernementaux, que nous allons devoir examiner.
Ainsi, l’amendement relatif à la directive SMA – Services de médias audiovisuels – est le fruit des riches discussions que notre commission de la culture a eues avec Franck Riester, l’ancien ministre de la culture, à qui je tiens à rendre hommage pour sa grande écoute à l’égard du Parlement.
Ce texte prévoit aussi une série de mesures nécessaires pour l’harmonisation européenne et la consolidation du marché intérieur en matière de protection des consommateurs, de relations interentreprises, de réglementation douanière, de transposition de directives et d’adaptation du droit interne en matière financière, de prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme et d’harmonisation des règles de vente des médicaments vétérinaires.
En tout état de cause, l’objectif premier du projet de loi est de mettre notre droit national en conformité avec le droit européen.
Notre pays n’est pas – ou, plutôt, n’est plus – un mauvais élève en matière de délai de transposition des directives : en 2018, 86 % des directives étaient transposées avant les six mois précédant la date butoir. Cette dynamique positive de respect des délais de transposition, nous la devons à l’élan européen qui guide nos gouvernements depuis 2017. Mais il est juste de reconnaître aussi que ce progrès a été impulsé en 2012-2013, lorsque Bernard Cazeneuve était ministre des affaires européennes.
En revanche, selon le rapport de la commission, la France a encore du chemin à faire en matière de conformité des transpositions. De fait, nous sommes encore régulièrement accusés de surtransposer ou de sous-transposer certains textes européens.
Depuis trois ans, le Gouvernement s’attaque à cette manie très française de la « mal-transposition » des textes européens, en tentant de venir à bout de plusieurs dizaines de surtranspositions accumulées au fil du temps ; nous pouvons l’en féliciter. L’enjeu est d’importance, car les errements dans la transposition du droit de l’Union européenne sont source d’incertitude sur les règles applicables et nuisent au bon fonctionnement du marché intérieur ; souvent, ils empêchent les citoyens et les entreprises de profiter de législations pourtant utiles ou protectrices.
Ainsi, le texte que nous examinons cet après-midi contient nombre de mesures favorables aux consommateurs, comme la transposition de la directive qui introduit une garantie de conformité pour la fourniture de contenus et de services numériques – un texte que Colette Mélot et moi-même avons étudié en commission des affaires européennes. Cette directive marque une véritable avancée, dans la mesure où elle entérine que le prix monétaire n’est pas la forme unique de rémunération dans l’économie numérique, qui, malheureusement, se fonde de plus en plus sur la captation et la valorisation des données des utilisateurs.
Je signale aussi les articles 3 et 4, relatifs à la lutte contre le blocage géographique injustifié. Selon le rapport de la commission, 63 % des sites étudiés pratiquent un blocage géographique injustifié entre les différents pays de l’Union européenne.
Autre point commun aux mesures de ce texte : la coopération entre les autorités de surveillance des pays membres. En matière douanière, l’Office européen de lutte antifraude a mis en place une unité opérationnelle de coopération virtuelle, dans le cadre d’un système d’informations antifraude. Cette interface est saluée par la douane française, parce qu’elle constitue un outil particulièrement adapté aux nécessités de la lutte contre la fraude et permet aux participants de communiquer de façon fluide et en temps réel.
Enfin, le projet de loi vise aussi à ce que notre pays présente un bilan exemplaire en matière d’application du droit de l’Union européenne avant la présidence française du Conseil, au premier semestre de 2022. C’est avec à l’esprit cet objectif important que nous abordons la présente discussion.
Le groupe La République En Marche votera le projet de loi, tel qu’amendé par le Sénat.
Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. le rapporteur et Mme Colette Mélot applaudissent également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la discussion au Sénat du projet de loi portant diverses dispositions urgentes pour faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19, la rapporteure, notre collègue Muriel Jourda, avait qualifié ce texte de projet de loi « fourre-tout », expliquant qu’il était le plus hétérogène depuis le début des années 2010. Je crois que cette triste performance vient d’être battue…
Il était encore possible de comprendre que les circonstances exceptionnelles de la lutte contre la pandémie vous obligeassent, monsieur le ministre, à procéder dans l’urgence, par ordonnance. Mais, s’agissant du présent projet loi, bon nombre de dispositions auraient pu nous être proposées dans le cadre d’un débat approprié, ou sous forme d’articles introduits dans les très nombreux codes modifiés par ce texte. Vous avez préféré une collection d’ordonnances souvent imprécises et même parfois totalement inutiles.
Vous défendez votre méthode au nom de l’efficacité. J’y vois plutôt une forme de gesticulation législative. Ce recours systématique aux ordonnances n’est pas conforme à l’esprit de la Constitution. Il s’agit soit de pallier des retards de transposition, soit de vous donner un peu plus de temps pour tenter de respecter les échéances fixées par les directives européennes. Bref, trop souvent, on demande des ordonnances au Parlement par facilité ou procrastination.
Notre rapporteur pour avis, Laurent Duplomb, a tenté, avec l’énergie que nous lui connaissons, de conformer ce texte aux principes légistiques sur lesquels veille la Haute Assemblée. Je salue sincèrement son travail, mais ce sauvetage était quasiment désespéré… J’associe à ces remerciements Jean Bizet, qui a aussi essayé de sauver le texte.
Je regrette vivement, monsieur le ministre, que le Gouvernement ait choisi d’écarter leurs propositions de correction, en revenant à des rédactions initiales parfois défaillantes. Je vous souhaite la bienvenue dans cet hémicycle, …
… mais je déplore que vos collègues vous aient confié comme premier texte un projet de loi aussi peu respectueux des droits du Parlement. Au moins les prochains textes que vous pourriez défendre auront-ils l’avantage de vous sembler beaucoup plus simples…
Pourquoi toutes ces critiques ? Non seulement parce que ce recours démesuré aux ordonnances oblige le Parlement à céder à l’exécutif ses pouvoirs législatifs, ce qui fragilise le principe de la distinction des pouvoirs, mais aussi parce que cette profusion prive le Parlement, et donc nos compatriotes, de débats indispensables pour éclairer leur jugement et leur capacité à exercer le métier de citoyen.
Ainsi, je partage la critique de notre rapporteur pour avis, qui regrette vivement que l’une des ordonnances prévues constitue « un contournement du Parlement sur un sujet pourtant fondamental : celui de la protection des consommateurs ». Le Gouvernement explique ce recours à une ordonnance par les retards pris pour la rédaction des textes, mais les délais de transposition courent jusqu’au 1er juillet 2021…
Il aurait été plus opportun de soumettre au Parlement un projet de loi consacré uniquement à cette transposition. Ce débat était indispensable pour informer nos concitoyens des nouveaux droits que donne aux consommateurs la législation européenne. Plus grave : vous les privez d’une occasion – rare – de comprendre ce que peut leur apporter de concret et d’utile le Parlement européen.
Les mêmes critiques s’appliquent à la transposition de la directive dite « Omnibus », dont le Gouvernement n’a repris que quelques dispositions, qu’il nous présente en paraphrasant la directive, alors qu’il a jusqu’en novembre 2021 pour la transposer dans notre droit.
Sans entrer dans le détail, j’aimerais évoquer, avec le même esprit, plusieurs dispositions européennes relatives aux services numériques gratuits, comme les réseaux sociaux. Ce sujet aurait mérité un débat approfondi, permettant au Gouvernement d’expliciter sa doctrine en la matière. C’est une nécessité politique absolue, car je n’ai toujours pas compris la cohérence des textes et dispositions qu’il a soumis au Parlement.
Ainsi, plutôt que de nous demander de voter un texte que le Conseil constitutionnel a censuré dans sa quasi-totalité, la loi dite Avia, il aurait été préférable qu’il organisât un débat sur la transposition de cette directive, pour nous exposer enfin sa doctrine sur le statut et les obligations des opérateurs de plateforme.
La forme que vous avez adoptée pour la discussion de toutes ces dispositions ne nous permet pas de vous exprimer notre satisfaction pour certaines d’entre elles. Nous le regrettons vivement. D’autres nous semblent au contraire très pernicieuses. Je pense, par exemple, au rétablissement de la nullité des clauses interdisant les cessions de créances, qui contribue à la création d’instruments financiers toxiques participant à la spéculation financière.
Lors d’un discours dans cet hémicycle, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe nous avait déclaré avoir besoin du Parlement… Ce texte et la méthode détestable qui a présidé à son élaboration montrent tout le contraire. Nous voterons donc contre. La façon dont vous traitez le Parlement est un danger pour la démocratie !
Monsieur le président, monsieur le ministre – je tiens avant tout à vous féliciter pour votre nomination ; je forme des vœux pour votre mission –, mes chers collègues, maintenant, comme au plus fort de la crise sanitaire, nous mesurons l’importance qu’a prise le numérique dans nos vies. Or nous avons déjà eu l’occasion d’exprimer notre préoccupation quant à la dépendance de la France et de l’Europe aux Gafam. Sans résoudre fondamentalement ce problème, le projet de loi de transposition que nous examinons cet après-midi apporte des protections supplémentaires aux internautes.
La protection des consommateurs dans le cyberespace est un sujet cher à Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, comme, je crois, à tous nos collègues. Le numérique ne doit pas être une zone de non-droit ! Nous nous réjouissons donc de l’application prochaine de la garantie de conformité au numérique. Cette garantie, qui bénéficie déjà aux consommateurs dans le monde physique, est nécessaire aussi dans le cyberespace. Il faudra néanmoins l’adapter aux spécificités du numérique, un secteur qui n’échappe pas aux publicités trompeuses, tant s’en faut.
Le commerce en ligne, qu’il concerne des produits numériques ou non, bénéficie d’une image de liberté : on peut acheter n’importe quand et n’importe où. Toutefois, la réalité n’est pas toujours conforme à cette image. Il est important de continuer à donner plus de liberté aux internautes.
La lutte contre le blocage géographique injustifié constitue une avancée vers un internet plus juste. Dans le cyberespace comme dans le monde réel, les discriminations infondées ne doivent pas être tolérées. Certes, les différences d’accès sont parfois justifiées, notamment pour les contenus protégés par le droit d’auteur. Dans tous les cas, il importe que le consommateur bénéficie de la meilleure information à cet égard. La proposition de la commission en ce sens nous paraît particulièrement pertinente.
Le groupe Les Indépendants croit aux vertus d’une concurrence loyale. De ce point de vue, nous nous félicitons de l’accroissement des prérogatives de la DGCCRF, ainsi que de l’amélioration de l’efficacité du fonctionnement de l’Autorité de la concurrence.
L’Europe est essentiellement un marché : il importe que la concurrence s’y exerce de manière équitable entre les Européens, mais aussi avec les acteurs des pays tiers. À ce titre, nous saluons l’harmonisation des règles en matière de contribution à la production entre les chaînes de télévision et les services de médias audiovisuels à la demande établis à l’étranger mais ciblant notre territoire.
Si nous regrettons l’abandon de l’examen du projet de loi Audiovisuel, nous voterons les amendements du Gouvernement visant à transposer par ordonnance les directives SMA et Droit d’auteur, car il y a urgence.
Le marché intérieur est l’une des principales forces de l’Union européenne. Il importe de le préserver et de le protéger, notamment en y assurant une concurrence saine et loyale. Les temps à venir seront difficiles pour nos économies, mais les Européens ont les moyens d’y faire face s’ils restent unis et fidèles à leurs principes.
M. le rapporteur, Mme Josiane Costes, ainsi que MM. André Gattolin et Pierre Louault applaudissent.
Monsieur le président, monsieur le ministre – nous vous souhaitons la bienvenue au Sénat –, mes chers collègues, nous examinons cet après-midi un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne. Malheureusement, le covid-19 et quelques mauvaises habitudes du Gouvernement nous obligent à une discussion trop rapide : sur vingt-cinq dispositions, treize sont peu ou pas soumises à débat.
Avec ce projet de loi agrégeant, comme il a été souligné, un ensemble hétérogène de dispositions, il nous est demandé de contrôler beaucoup plus strictement le champ d’application des ordonnances et d’inscrire « en dur » certaines dispositions, quand cela est possible, tout en prenant garde d’éviter les surtranspositions.
Je salue le travail constructif accompli par le rapporteur Jean Bizet et le rapporteur pour avis Laurent Duplomb, mais aussi, monsieur le ministre, du côté de votre ministère.
Il importe de rappeler que les dispositions contenues dans le texte sont, pour certaines, votées depuis trois ans… On aurait eu le temps de faire mieux en s’y prenant plus tôt.
Le texte a été renvoyé au fond à la commission des finances, mais douze articles ont été délégués à la commission des affaires économiques, car ils transposent des dispositions relatives au marché intérieur.
Ce texte permet, tout d’abord, une plus grande harmonisation des réglementations européennes en matière numérique. Il faut saluer cette avancée, qui favorisera l’approfondissement du marché unique européen et renforcera la protection des consommateurs. Tout cela va dans le bon sens.
Le projet de loi transpose notamment la directive Omnibus, qui modifie le droit européen de la consommation sur plusieurs points pour mieux protéger les consommateurs. Il aurait fallu protéger aussi un peu mieux les producteurs, mais nous espérons que cela viendra ultérieurement.
Par ailleurs, le texte étend à de nouveaux services numériques la protection des consommateurs sur les plateformes en matière de services en ligne. Ces dispositions permettront le développement de l’économie numérique dans des conditions de concurrence un peu plus satisfaisantes.
Le projet de loi tend également à améliorer le fonctionnement de certains marchés, en renforçant les pouvoirs de la DGCCRF en matière de contrôle de conformité des produits.
Il comporte un volet agricole et sanitaire permettant l’harmonisation des réglementations des États membres en matière de génétique animale. À cet égard, je rappelle que c’est notre pays qui conserve le plus fort potentiel génétique, grâce à certaines races qui ont survécu au cours du XXe siècle.
À l’examen de ces dispositions, il est apparu que la classification des maladies induite par le règlement, harmonisée au niveau européen, ne recoupait pas entièrement la liste française des dangers sanitaires. Nos règles sont souvent plus contraignantes, mais, dans le cas de la peste porcine, par exemple, une réglementation stricte a permis, avec un accord européen, notamment avec la Belgique, de contenir la maladie, dans l’intérêt des éleveurs porcins français.
Je rejoins le constat de la commission des affaires économiques en matière de sécurité sanitaire. S’agissant de la désertification vétérinaire, un problème dont nous avons déjà parlé, les propositions de la commission doivent permettre à des vétérinaires de s’installer sur les territoires, souvent parmi les plus en difficulté, où le maintien de l’élevage est nécessaire à l’aménagement du territoire.
Le projet de loi contient également plusieurs dispositions financières, relatives à la fiscalité ou à la réglementation douanière. Certaines étaient attendues depuis longtemps, notamment pour lutter efficacement contre la fraude et le blanchiment. Ces modifications législatives sont effectivement nécessaires pour renforcer la coopération entre les services européens ; les services douaniers français saluent d’ailleurs cette avancée.
Les dispositions permettant d’éviter la tromperie sur la matière vendue devraient être appliquées plus strictement aux produits agricoles. Comment expliquer qu’une viande produite uniquement à base d’herbe est de même qualité qu’une viande produite avec des hormones, des OGM et des produits importés de l’autre bout du monde ? La qualité alimentaire doit être mieux reconnue, pour la viande et d’autres productions soumises à des contraintes particulières à la France.
J’en viens aux dispositions relatives à la gestion du Feader. Il n’est pas raisonnable de régler l’utilisation des fonds par ordonnance. Avec un certain nombre de collègues, j’ai pu découvrir les méthodes de travail entre l’État et les Länder allemands : il y a une vraie concertation dès le départ et une totale délégation aux seconds pour l’utilisation de ces fonds. La France doit apprendre à les gérer aussi de manière décentralisée, y compris avec l’Europe.
Enfin, le Gouvernement a introduit par voie d’amendement des articles additionnels relatifs à la transposition par ordonnance de trois directives, relatives aux services de médias audiovisuels et au droit d’auteur. La discussion sur le projet de loi Communication audiovisuelle ne pouvant avoir lieu à cause du covid-19, le Gouvernement sollicite une habilitation à légiférer par ordonnance.
La concertation fait malheureusement défaut. Espérons que le travail du Sénat permettra de répondre, dans un premier temps, aux préoccupations d’une grande majorité de professionnels du secteur, qui ont sollicité la commission de la culture en ce sens. Reste qu’ils attendent une plus grande concertation pour répondre véritablement aux difficultés de l’audiovisuel.
Le groupe Union Centriste votera le projet de loi, en reconnaissant le travail accompli par la commission – je pense en particulier à un certain nombre de sous-amendements complétant les amendements de dernière minute.
Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur et M. Franck Menonville applaudissent également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre – je vous souhaite la bienvenue d’autant plus fraternellement que nous sommes tous deux des Hauts-de-France –, mes chers collègues, le projet de loi soumis à notre examen cet après-midi est essentiellement technique, destiné à mettre notre droit national en conformité avec le droit européen. De nombreux sujets sont abordés : protection des consommateurs, lutte contre le dumping commercial, mise aux normes de nos règles fiscales et financières, adaptation de notre droit bancaire et financier, gestion des fonds européens, médecine vétérinaire.
Que dire de ce texte d’apparence très aride ?
Premièrement, je note un choix que nous regrettons, celui de recourir une nouvelle fois massivement aux ordonnances. Treize articles sur les vingt-cinq que compte le texte déposé au Sénat comportent des demandes d’habilitation. Je n’ignore pas la technicité de certains sujets, mais peut-on vraiment se passer d’un débat parlementaire de fond sur des projets aussi importants que l’union bancaire ou l’union des marchés de capitaux dans l’Union européenne ? De même, peut-on se passer d’un débat de fond lorsque la grande réforme de l’audiovisuel public, promise depuis des mois, refait son entrée par la petite porte à la faveur de ce texte ?
Après avoir beaucoup tardé, vous n’avez d’autre choix que de réformer par ordonnance, le délai de transposition de la directive dite SMA étant fixé au 19 septembre prochain. C’est le Parlement qui en paie le prix et doit subir les conséquences de cette mauvaise gestion calendaire. Il n’est pas acceptable de travailler ainsi !
Deuxièmement, j’observe que ce texte est une sorte de « voiture-balai » législative, permettant au Gouvernement de pallier, en urgence, d’importants retards de transposition. La Commission européenne a mis en demeure la France sur différents sujets pour non-respect des délais. Dans ce contexte, le choix de recourir aux ordonnances n’est pas le plus indiqué, étant entendu que cette procédure est souvent plus longue que le débat parlementaire régulier.
Notre rapporteur l’a rappelé : nous devons être prêts pour la prochaine présidence française du Conseil de l’Union européenne, au premier semestre de 2022. Nous comprenons les objectifs du Gouvernement qui fondent ce texte, mais nous regrettons fortement qu’il faille des menaces de sanction de la Commission européenne pour que nous respections nos obligations.
Le projet de loi comporte, sur le fond, des dispositions bienvenues pour renforcer la solidité du marché intérieur contre les pratiques anticoncurrentielles, dans une période qui a montré un fort besoin de protection et d’équité dans les échanges. Certaines dispositions vont ainsi permettre d’améliorer la transparence et l’équité pour les entreprises utilisatrices de services d’intermédiation en ligne, qu’on appelle PtoB. Il est prévu d’interdire ou de réputer déloyales certaines clauses entre un fournisseur tel qu’une PME et un acheteur de plus grande taille.
Dans la lutte contre la mondialisation dérégulée, le renforcement des sanctions contre les manquements déclaratifs sur le statut des conteneurs est bienvenu. Il y a un vrai sujet avec la Chine, notamment en ce qui concerne le contournement de droits antidumping, sur les panneaux solaires par exemple. L’Office européen de lutte antifraude a ainsi mis au jour de sérieuses irrégularités, pour un préjudice qui avoisine les 135 millions d’euros.
De la même manière, le renforcement des moyens de l’Autorité de la concurrence pour lutter contre les pratiques anticoncurrentielles était nécessaire. La transposition de la directive European Competition Network +, ou ECN +, permettra de simplifier les procédures de l’Autorité en lui octroyant un principe d’opportunité des poursuites. Elle pourra, grâce à cela, cibler ses enquêtes sur les contentieux les plus importants.
Le projet de loi renforce par ailleurs les obligations déclaratives des transporteurs de fonds et améliore les moyens de prévention contre le blanchiment de capitaux. Il ne s’agit pas simplement de préserver les intérêts financiers de l’Union ; il est aussi question de lutte contre le financement du terrorisme et du grand banditisme. Toute amélioration sur ce sujet est donc nécessaire.
Enfin, le texte renforce la surveillance des maladies animales et harmonise les normes de fabrication, de transport et d’utilisation des médicaments vétérinaires. Chacun mesurera l’importance de ces dispositions, notamment en période de crise pandémique ; cela doit nous conduire à muscler nos politiques de prévention sanitaire.
Je terminerai mon propos en abordant différents points du texte que notre groupe a souhaité améliorer grâce au travail de nos rapporteurs.
S’agissant de la réforme audiovisuelle, notre collègue Jean-Pierre Leleux, spécialiste de ces sujets et rapporteur pour avis des crédits dédiés à l’audiovisuel public, présentera un sous-amendement relatif à l’application de la directive SMA et visant à garantir qu’il n’y ait pas de déséquilibre entre les droits accordés aux plateformes. Notre groupe veut ainsi maintenir un principe d’équité entre plateformes du numérique et acteurs de l’audiovisuel français.
Concernant le volet économique, notre rapporteur a tenu à introduire en commission des mesures de soutien à l’installation des vétérinaires en zone rurale grâce à des mécanismes laissés à la main des collectivités. Cette mesure doit permettre de remédier au problème de désertification médicale tout en contribuant à l’attractivité des territoires.
Les travaux en commission ont permis de supprimer différentes demandes d’habilitation, notamment pour des sujets déjà traités dans des textes précédents, comme l’adaptation de notre pays au Brexit, ou parce que ces sujets méritent un débat plus approfondi. C’est notamment le cas de la gestion du Feader. Comme l’a rappelé Jean Bizet, il n’est pas acceptable qu’une réforme aussi importante se fasse en dehors de tout contrôle parlementaire. En effet, nous craignons – les présidents de région le craignent également – que la gestion du fonds européen ne se fasse au détriment des collectivités et au profit de l’État. Nous parlons tout de même de plusieurs milliards d’euros : cela mérite une vraie concertation !
Le groupe Les Républicains a enfin tenu à réduire plusieurs délais d’habilitation, notamment pour mieux correspondre aux exigences de transposition des textes européens. Nous ne pouvons que regretter une nouvelle fois les retards accumulés par le Gouvernement sur ce point.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe Les Républicains votera ce texte technique enrichi par le travail de ses rapporteurs. Je souhaite cependant réitérer un appel à un plus grand respect du Parlement par un moindre recours aux ordonnances, tout en invitant le Gouvernement à porter une vigilance particulière au respect des délais de transposition des directives européennes.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Josiane Costes et M. André Gattolin applaudissent également.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.