Intervention de Vincent Delahaye

Réunion du 8 juillet 2020 à 15h00
Règlement du budget et approbation des comptes de 2019 — Discussion générale

Photo de Vincent DelahayeVincent Delahaye :

Merci, monsieur le président, d’avoir accepté de me remplacer afin que je puisse intervenir dans cette discussion générale.

Je vous souhaite la bienvenue au Sénat, monsieur le ministre. Vous me trouverez peut-être un peu sévère – nous ne nous connaissons pas bien – ; sachez que je ne suis pas méchant ! Vous avez beaucoup insisté, dans votre présentation, sur la sincérité. C’est un acquis de ce gouvernement, et un gros progrès par rapport au gouvernement précédent ! Vous avez aussi évoqué la transparence, la qualité des prévisions. Ce sont des éléments favorables.

Comme vous le voyez, je commence par des gentillesses. Sans doute serai-je un peu plus sévère par la suite…

En effet, voilà trois ans, au début du quinquennat, le Gouvernement nous annonçait un retour à l’équilibre des finances publiques sous cinq ans ! Ce n’était pas une surprise pour nous : la même promesse nous avait été faite lors du précédent quinquennat… Même scénario, même résultat !

Franchement, à l’époque, comme beaucoup d’autres, je n’y croyais pas. Parce que l’échéance était trop optimiste : cinq ans, c’est court pour redresser la situation catastrophique de nos finances publiques. Également parce que la décision de reporter « courageusement » les efforts en fin de période, juste avant les élections, me laissait dubitatif, voire carrément sceptique. Ce qui n’était de toute évidence pas crédible ne s’est, bien sûr, pas réalisé !

Pourtant, la période était autrement plus favorable qu’aujourd’hui. Certes, à la fin de 2019, on pouvait déplorer 100 milliards d’euros de déficit, un endettement équivalent à la richesse nationale. Pour mesurer l’ampleur de l’effort à réaliser, indiquons que le rétablissement de l’équilibre du budget impliquerait, sur une année, une augmentation de tous les impôts, TVA comprise, de 30 % ! Mais cet effort n’a pas été fait dans les périodes favorables – je ne parle pas uniquement des trois dernières années – et maintenant nous nous retrouvons démunis face à une crise économique et financière d’ampleur inédite.

En effet, la situation financière se dégrade terriblement. Votre collègue Gérald Darmanin, monsieur le ministre, assurait récemment que la situation était sous contrôle. Qu’en serait-il si elle ne l’était pas !

Le déficit public s’établissait à 3 % à la fin de 2019 contre 11, 4 % à la fin de 2020, selon les prévisions du troisième projet de loi de finances rectificative. L’endettement devrait passer de 98 % du PIB en 2019 à plus de 120 % à la fin de 2020. Enfin les recettes fiscales, supérieures aux prévisions initiales en 2019, devraient être, cette année, inférieures d’environ 65 milliards d’euros.

Le contexte, je le répète, était pourtant extrêmement favorable depuis 2017, en particulier au regard de la faiblesse exceptionnelle des taux d’intérêt. Malgré cela, l’exécutif a été incapable d’infléchir la trajectoire d’endettement et de redresser les comptes du pays.

Comme par hasard, les pays en situation financière plus favorable s’en sortent aujourd’hui nettement mieux face à la crise, avec, souvent, une situation de l’emploi bien plus favorable. Comme quoi, tout est lié !

Ces pays ont su faire les efforts lorsque cela était possible. La France est, avec l’Italie, le seul grand pays de la zone euro à ne pas avoir réduit son endettement public. L’Autriche l’a baissé de 4 points de PIB entre 2018 et 2019, l’Allemagne et l’Espagne de 2 points. On comprend mieux pourquoi nous avons abordé la crise sanitaire avec une dette atteignant les 100 % de PIB, soit un écart de 40 points avec l’Allemagne, comme le rapporteur général l’a précédemment souligné.

À la fin de 2019, la situation financière de notre pays était donc loin d’être idéale. Mais aujourd’hui, comme par enchantement, l’argent tombe du ciel. Au-delà des mesures liées à la crise économique causée par le confinement, on continue d’annoncer une foultitude de dépenses.

La seule limite au « quoi qu’il en coûte » présidentiel semble être le bon vouloir des marchés. Tant qu’ils sont prêts à nous apporter des financements, on s’endette. Et puisque l’argent, non seulement tombe du ciel, mais ne coûte pas cher, c’est open bar, comme on dit en bon français ! §Cette attitude, pour moi, est irresponsable ; cela n’a jamais été ma pratique de la gestion de l’argent public.

Aujourd’hui, en dehors des marchés, il n’y a plus de garde-fou. Même l’institution censée assurer le sérieux et la rigueur dans la gestion de l’argent public, la Cour des comptes, est désormais présidée par un ancien ministre des finances, dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a jamais montré de qualités particulières en la matière.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion