Oui, Joseph Caillaux !
Je vous souhaite donc de réussir dans vos nouvelles fonctions.
Cela a été constaté à maintes reprises, ce projet de loi de règlement des comptes de l’État pour 2019 peut sembler d’un autre monde au regard de la situation inédite que nous vivons depuis le début de l’année 2020.
Les propos nuancés et prudents que l’on pouvait tenir l’année dernière quant aux perspectives de rééquilibrage et de redressement progressif des finances publiques ne sont hélas ! plus de mise.
Pour anticiper le débat d’orientation de la semaine prochaine, et ne pas sombrer dans un pessimisme mortifère, j’évoquerai les derniers chiffres publiés par l’Insee. En effet, depuis la fin de mars, l’Insee publie des notes de conjoncture à échéances rapprochées, environ toutes les deux semaines.
Le dernier point de conjoncture publié ce matin même confirme la chute d’activité de 17 % au deuxième trimestre de 2020, au lieu des 20 % précédemment estimés. Les créations d’entreprises en mai ont néanmoins bondi de 60 % ! Enfin, il est fait état d’une récession de 9 %, et non de 11 %, en 2020.
Ce résultat reste encore très incertain, car il faudra attendre la fin de l’année pour le confirmer, mais cela tempère – très modestement – les prévisions les plus pessimistes.
Ce projet de loi de règlement pour 2019 comporte principalement une bonne nouvelle : en 2019, le déficit a finalement été contenu à 3 %. Pourtant, les mesures de 17 milliards d’euros prises pendant le mouvement des « gilets jaunes », en particulier la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, avaient fait craindre un dérapage des finances publiques. In fine, le solde de 2019 est donc relativement fidèle à la loi de programmation de 2017, ce qui mérite d’être souligné.
De même, l’endettement s’était stabilisé autour de 98 % du PIB. Pour la première fois depuis longtemps, on a constaté une baisse de la part de la dépense publique et du taux des prélèvements obligatoires.
Ces bons résultats sont dus en partie aux recettes perçues grâce aux fameuses primes d’émission sur la dette. Les primes d’émission, ou « produits d’avances », constituent une ressource estimée par certains à plus de 90 milliards d’euros, accumulés depuis dix ans, depuis la mise en place de la politique d’assouplissement quantitatif de la BCE et le phénomène de taux d’intérêt durablement bas.
« Bonne affaire » pour la puissance publique, ces primes ont contribué à abaisser fortement le paiement des intérêts de la dette, aujourd’hui nettement au-dessous des niveaux connus il y a quelques années.
Il est vrai que la réduction du déficit structurel aurait pu être plus importante. Le pilotage des dépenses de l’État apparaît toujours d’une grande complexité – et pas toujours d’une grande lisibilité – compte tenu des masses financières en jeu et de la multiplicité des administrations, chacune avec leur propre gestion du personnel. Je renverrai ici à l’excellent rapport d’information du rapporteur général sur la maîtrise de la masse salariale de l’État, qui remonte déjà à 2015.
L’analyse du budget par missions appelle quelques commentaires.
En tant que corapporteur spécial, avec mon collègue Yvon Collin, de la mission « Aide publique au développement », je salue la hausse de 1 milliard d’euros des restes à payer, c’est-à-dire la différence entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement. Cela concerne principalement le programme 209, « Solidarité à l’égard des pays en développement ».
Ces crédits supplémentaires correspondent à l’engagement présidentiel d’augmenter la part de l’aide au développement dans la richesse nationale, objectif assorti d’une volonté de rééquilibrage vers l’aide bilatérale plutôt que multilatérale, et vers les dons plutôt que les prêts.
Cette politique permettra de replacer la France à un niveau comparable à celui de ses voisins – Allemagne, Royaume-Uni, etc. –, car elle est aussi un outil du rayonnement à l’étranger, n’en déplaise aux critiques qui ont pu être exprimées dans cette assemblée.
Dans le « palmarès » des missions budgétaires, l’enseignement scolaire reste de loin le premier poste de dépenses de l’État, avec plus de 70 milliards d’euros. Situation paradoxale, alors que la rémunération des enseignants est nettement inférieure à la moyenne de l’OCDE.
Toutefois, la maîtrise des dépenses s’est améliorée grâce à des économies en gestion de l’ordre de 1 milliard d’euros. Cette bonne gestion permet d’afficher un déficit public à « seulement » 92, 7 milliards d’euros, soit tout de même 15 milliards de mieux que la loi de finances initiale !