Intervention de Marta de Cidrac

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 9 juillet 2020 : 1ère réunion
Examen du rapport d'information sur la place des femmes dans les médias audiovisuels

Photo de Marta de CidracMarta de Cidrac, co-rapporteure :

Merci Madame la présidente. « Compter les femmes pour que les femmes comptent », c'est ce que fait le CSA depuis 2016, date de publication de son premier rapport annuel sur la représentation des femmes à la télévision et à la radio, établissant un bilan statistique de la place des femmes dans les médias audiovisuels.

Après des années d'errements juridiques pendant lesquelles la place des femmes dans les médias audiovisuels se mesurait essentiellement à travers le prisme de la diversité, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a, sur le fondement de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, adopté le 4 février 2015 une délibération fixant l'obligation, pour les diffuseurs audiovisuels, de remplir des indicateurs de mesure de la représentation des femmes dans leurs programmes et les encourageant à souscrire des engagements volontaires en termes de représentation égalitaire et de lutte contre les préjugés sexistes.

Pour la cinquième année consécutive, le CSA a publié le 5 mars 2020 son bilan annuel, portant sur l'année 2019, de la représentation des femmes dans les médias audiovisuels. Les progrès réalisés depuis le premier bilan annuel publié en 2016 sont notables :

- pour la première fois depuis 2016, la part des femmes présentes à l'antenne dépasse la barre des 40 %, télévision et radio confondues ;

- le taux des femmes intervenant en tant qu'expertes, télévision et radio confondues, continue de progresser pour atteindre un taux global de 38 % (en hausse de huit points par rapport à 2016) ;

- le taux de femmes invitées politiques, télévision et radio confondues, est celui qui enregistre la progression la plus significative (33 %, en hausse de six points par rapport à 2016).

Pour autant, ces progrès pris dans leur globalité ne doivent pas masquer une réalité contrastée à plusieurs égards :

- le différentiel entre le taux de présence des femmes à l'antenne (41 %) et leur temps de parole à l'antenne (36 %) laisse supposer qu'à présence égale, les femmes s'expriment moins que les hommes ; ce différentiel est encore plus marqué à la radio qu'à la télévision notamment dans les matinales, tranches horaires pourtant les plus écoutées à la radio ;

- le différentiel entre le service public de l'audiovisuel et les chaînes privées en défaveur de ces dernières est également très prononcé du point du vue du temps de parole des femmes constaté à l'antenne, de la proportion de femmes journalistes à l'antenne ou encore de la présence de femmes expertes ;

- les femmes sont encore sous-représentées dans certains programmes comme le sport ou les divertissements-jeux et ne sont pas représentées à parité dans les programmes d'information ;

- enfin, certains types d'émissions continuent de véhiculer des stéréotypes sexistes affectant la représentation du rôle des femmes, c'est le cas notamment des émissions de téléréalité dites de « huis clos » ou de certains programmes de divertissement, pour la plupart destinés à un jeune public et à des heures de forte audience.

Certains indicateurs sont des marqueurs plus importants que d'autres de la place, la visibilité et la représentativité des femmes dans les médias audiovisuels : c'est le cas de la catégorie des femmes expertes invitées, qui reste un indicateur fondamental de la place réellement occupée par les femmes dans les médias audiovisuels et de leur perception par l'opinion publique. Si de nombreux médias auditionnés par la délégation se fixent un objectif de parité pour cette catégorie, le taux global de présence des expertes à l'antenne ne dépasse pas encore les 40 % : des progrès doivent être réalisés dans ce domaine et des efforts consentis par l'ensemble des éditeurs de programmes.

Si l'on s'intéresse maintenant à la nature des programmes diffusés, là encore l'analyse est révélatrice de la place réservée aux femmes dans les médias audiovisuels, qu'il s'agisse de l'information, de la fiction ou des programmes sportifs notamment. L'attention de la délégation a été particulièrement attirée, au cours de ses travaux, sur la fiction qui exerce une réelle influence sur l'opinion publique du point de vue de la visibilité des femmes à l'antenne comme de celui de la déconstruction des stéréotypes sexistes. Une étude publiée en mars 2020 par l'association Pour les femmes dans les médias en partenariat avec l'INA, et présentée en avant-première à la délégation fin février 2020, a notamment révélé qu'entre 2008 et 2018, seuls 12 % des réalisateurs de fictions diffusées à la télévision étaient des réalisatrices et que les personnages féminins dans ces fictions parlaient deux fois moins que les hommes.

Au cours de nos travaux, nous avons également noté une corrélation certaine entre les chiffres de la représentation des femmes à l'antenne et ceux de la féminisation des effectifs des médias audiovisuels, notamment aux postes de direction. Ainsi, en 2018, il n'y avait que 19 % de directrices de média en France et 34 % de rédactrices en chef. Des marges de progression sont possibles et souhaitables dans l'ensemble des médias audiovisuels, publics comme privés, et à tous les niveaux de responsabilité, car les chiffres sont encore loin de la parité.

Enfin, nous pensons que les critères à l'aune desquels la place des femmes dans les médias audiovisuels est mesurée doivent être précisés et affinés afin de tenir compte de leur temps de parole effectif comparé à leur temps de présence, de la qualité de la place et du statut qu'elles occupent à l'antenne ou encore des sujets sur lesquels elles interviennent. Il importe donc de façon qualitative, d'analyser les espaces dans lesquels interviennent les femmes lorsqu'elles ont la parole. Parmi ces espaces il est indispensable de porter une attention particulière à tout ce qui relève de l'information et de la circulation de la compétence et des savoirs.

C'est d'ailleurs une des leçons que nous pouvons tirer de l'analyse de la place réservée aux femmes dans le traitement médiatique de la crise sanitaire : ne jamais baisser la garde, même en période de crise car la représentation des femmes dans les médias est révélatrice de la place qu'elles occupent dans notre société et des rôles qui leur sont assignés !

Pour évoquer cet aspect de notre rapport, je laisse désormais la parole à ma collègue Dominique Vérien.

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