Je vous remercie pour cette invitation, qui constitue une occasion d'échanger à un moment important pour l'Union européenne et son agriculture, alors que nous débattons du futur budget, du Pacte vert et du futur plan de relance. Nos agriculteurs ont pu continuer à assurer la sécurité alimentaire de l'Europe pendant la crise sanitaire. Les agriculteurs français fournissent à eux seuls un cinquième de la production européenne. Cela prouve la pertinence de la PAC, cette vieille politique conçue par les Pères fondateurs de l'Europe, mais qui n'est pas pour autant surannée, comme vous l'avez souligné, et qui est nécessaire pour assurer notre sécurité alimentaire. Cette dernière n'est pas un acquis intangible. Nous recevons de multiples signaux qui montrent que nous devons prendre soin de nos agriculteurs.
L'Union européenne est le plus grand exportateur de produits agricoles dans le monde et notre balance commerciale agricole est excédentaire. Toutefois, nous sommes importateurs de produits alimentaires non transformés, ce qui montre que notre indépendance n'est pas totale. On compte dix millions d'exploitations agricoles en Europe, contre quatorze millions il y a dix ans ; chaque jour, une centaine d'exploitations disparaissent. Les jeunes ne sont pas très intéressés pour prendre la relève.
Je vous remercie pour vos résolutions. La voix du Sénat français est très forte et constitue un soutien précieux pour défendre la PAC dans le cadre des négociations budgétaires en cours. La Commission a amélioré ses propositions ; il y a deux ans, elle envisageait une enveloppe de 365 milliards d'euros. Elle propose désormais 26,5 milliards de plus. Les crédits destinés à la France augmenteraient de 3,3 milliards : 1 milliard environ au titre des paiements directs, et 2 milliards au titre du deuxième pilier consacré au développement rural. J'ai conscience que ces propositions ne sont pas totalement satisfaisantes. Ayant rencontré les agriculteurs français lors du salon de l'agriculture à Paris avant la crise sanitaire, je sais que les besoins sont immenses. Toutefois, il faut souligner que c'est la première fois que la Commission améliore spontanément sa proposition initiale de budget.
Les agriculteurs bénéficieront aussi de la politique de cohésion, ou du futur plan de relance. Je travaille à ce que l'agriculture y ait toute sa place.
J'entends vos préoccupations sur le Pacte vert. Je reçois des messages identiques de la part des agriculteurs des autres États membres. J'ai essayé de jouer un rôle actif dans l'élaboration des stratégies « de la ferme à la table » ou concernant la biodiversité. Je crois que la Commission est sensible à nos arguments. À mon initiative - et je crois que j'ai obtenu gain de cause -, il y aura un suivi de cette stratégie en ce qui concerne la sécurité alimentaire et la compétitivité de notre secteur agricole. Si l'on devait s'apercevoir que la réalisation des objectifs prévus dans le cadre de cette stratégie menace la sécurité alimentaire et la compétitivité de notre agriculture, ces objectifs devraient être révisés. D'ailleurs, cette stratégie prend en considération les points de départ différents des pays européens. En France, on peut parler d'atouts, en ce qui concerne l'utilisation des pesticides, des engrais et des antibiotiques, notamment pour l'élevage intensif. La situation y est donc assez équilibrée, si l'on compare à d'autres États européens. La réalisation de ces objectifs très ambitieux devrait y être plus facile que dans certains autres pays européens.
La mise en oeuvre de ces objectifs est nécessaire, car il existe de fortes attentes pour que l'agriculture soit plus respectueuse de l'environnement et qu'elle s'inscrive dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. C'est également important pour la sécurité des agriculteurs eux-mêmes, car nous nous sommes aperçus que les méthodes de production intensives étaient peu résilientes en cas de crise, à cause de leur dépendance en termes d'approvisionnement et de main-d'oeuvre. Nous devons consentir des efforts pour que l'agriculture se concentre davantage sur les marchés locaux et la transformation locale de produits agricoles. Cela constitue une grande chance pour l'Europe comme pour la France, qui est sans conteste un énorme marché agricole. Je soutiendrai donc toute initiative ayant pour objectif de favoriser la dimension locale de l'agriculture, et non la production ciblée sur les exportations - même si celles-ci ont également leur importance. La priorité doit aller aux marchés locaux.
Nous devons également prendre soin de nos agriculteurs. Je m'engage ici personnellement à veiller à ce que les conditions de concurrence soient égales, qu'il s'agisse de nos partenaires européens ou extra-européens. L'Union européenne gagne à signer des accords commerciaux parce qu'elle est un exportateur de produits agricoles, et même le premier au monde ! En même temps, nous ne pouvons pas oublier que plusieurs secteurs sensibles ne tirent pas toujours bénéfice de ces accords commerciaux. Je m'engage à protéger de tels secteurs et, si j'ai bien compris, la Commission s'y engage également.
Pour conclure, je dirai que nous avons besoin d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement, et d'une PAC plus respectueuse de nos agriculteurs.