Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 8 juillet 2020 à 17h00
Situation en méditerranée — Audition de M. Jean-Yves Le drian ministre de l'europe et des affaires étrangères

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président :

Je veux vous dire, monsieur le ministre, la joie que nous avons de vous retrouver, à un rang très élevé qui plus est - vous êtes maintenant numéro deux du Gouvernement. Nous connaissons votre intérêt pour le Sénat et vous savez que vous pouvez compter sur notre soutien : nous sommes à vos côtés.

Nous sommes convenus de faire aujourd'hui avec vous un point sur la Méditerranée, où la montée des tensions nous préoccupe.

La Turquie ne cesse d'adopter des positions toujours plus agressives ; vous nous ferez part du contenu de votre entretien avec l'ambassadeur Musa, qui était à votre place il y a quelques jours pour une audition « décoiffante » - sans la Turquie, nous a-t-il dit, plus d'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) ! L'attitude de la Turquie fragilise plus que jamais l'Alliance atlantique, et l'absence de solidarité au sein des alliés - je pense en particulier, mais pas seulement, à l'allié américain - donne à réfléchir. Nous avons même cru comprendre que votre collègue allemand, Heiko Mass, était resté assez silencieux lorsque le ministre des affaires étrangères turc a réclamé des excuses à la France. N'y a-t-il pas là un relâchement coupable de la solidarité européenne, sachant que l'incident naval qui a eu lieu au mois de juin ne semble guère se prêter à des interprétations divergentes ?

L'Union européenne dispose d'un certain nombre de leviers pour agir sur la Turquie. Les ministres des affaires étrangères des États membres se réuniront le 13 juillet prochain ; que pouvons-nous attendre de cette réunion ? L'Europe n'a-t-elle pas tort de tolérer systématiquement la multiplication des provocations de la part de nos « amis turcs », comme dit l'ambassadeur Musa, intarissable sur la longue amitié qui nous unit ?

Vous nous parlerez de la Libye, où la situation est également très préoccupante. Ici même, devant notre commission, vous avez parlé d'une « syrianisation » de la Libye. Les engagements du sommet de Berlin restent des voeux pieux, l'embargo sur les armes est continuellement violé et « l'importation » de milliers de combattants étrangers sous forme de milices de toutes sortes ne cesse de progresser. Nous sommes inquiets ; vous nous direz ce que la France compte faire pour prévenir les risques terroriste et migratoire qui pèsent ainsi sur l'Europe.

Vous avez eu des mots très forts, il y a un instant, en séance publique, sur la situation catastrophique du Liban, pays avec lequel tant de liens nous unissent. C'est à un véritable effondrement que nous assistons. Comment l'État libanais va-t-il faire face au défaut de sa dette souveraine ? Au mois de mars, ce pays n'a pas honoré ses engagements financiers, ce qui est évidemment gravissime : ce genre de décision est un pistolet à un coup. Le chômage a explosé, le taux d'inflation atteignait 56 % le mois dernier, et plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le 25 juin, le président Aoun s'inquiétait d'une « atmosphère de guerre civile ». La France a, en la matière, une responsabilité, qu'elle doit assumer ; mais la diaspora libanaise n'a pas toujours le comportement que nous attendrions.

Nous évoquerons aussi la situation en Israël. La menace d'annexion de la vallée du Jourdain ne fait l'objet, pour le moment, d'aucune mise en oeuvre. La crise économique liée à la pandémie est en train d'exploser. L'Europe n'a pas toujours, à propos de ce projet d'annexion, une réaction homogène. Benjamin Netanyahou commence à craindre le poids des menaces, notamment celles que, par votre voix, la France a proférées ; il s'inquiète également des éventuels effets de la prochaine élection américaine. Si ce projet était mis en oeuvre, quelle serait la réaction de la France ? Une solution à deux États serait-elle encore possible ?

Pour le dire en quelques mots, la Méditerranée ne va pas très bien - c'est le moins que l'on puisse dire -, singulièrement dans sa partie orientale.

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