Intervention de Jean-Yves Le Drian

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 8 juillet 2020 à 17h00
Situation en méditerranée — Audition de M. Jean-Yves Le drian ministre de l'europe et des affaires étrangères

Jean-Yves Le Drian, ministre :

Je m'entretiens très régulièrement avec l'ensemble des acteurs libyens : le président el-Sarraj, le maréchal Haftar, le ministre Bachagha, le président Saleh. On essaye de faire avancer les choses, mais c'est parfois une partie de poker menteur.

Vous m'avez interrogé sur le Liban. La prise de conscience du risque d'effondrement est très nettement insuffisante de la part de l'ensemble des partenaires politiques libanais. Des échanges ont eu lieu sur la base du programme de travail proposé par le premier ministre Diab, qu'il s'agisse de la banque centrale libanaise, de la réforme du système électrique, de la gestion des déchets ou de la gouvernance. Après beaucoup d'hésitations de la part de l'autorité libanaise, des discussions se sont engagées avec le Fonds monétaire international (FMI), mais elles viennent de rompre. Tout cela est très préoccupant. La communauté internationale - y compris la partie arabe - réunie en décembre dans le cadre du groupe de soutien des Amis du Liban était tout à fait favorable à un soutien financier significatif en faveur de ce pays, à condition que des réformes soient engagées.

Des manifestations, plutôt sociales que confessionnelles, ont eu lieu à l'automne et ont abouti au départ du premier ministre Hariri. Actuellement, la confrontation est en train de redevenir confessionnelle, avec des risques majeurs de dérives extrêmement préoccupants. Il importe donc que les autorités libanaises mettent en oeuvre le plus vite possible les premières mesures de réorganisation du nouveau modèle économique libanais.

J'ai prévu, à la demande du Président de la République, de me rendre au Liban dans quelques jours pour adresser le message que j''ai transmis précédemment lors des questions d'actualité : il est nécessaire que les autorités libanaises prennent en main leur destin. C'est seulement à partir de ce moment-là que la communauté internationale se mobilisera.

Pour les écoles, deux dispositifs seront mis en place. Le premier concernera les 50 écoles homologuées du Liban liées à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Elles bénéficieront du dispositif financier mis en place dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative. Le deuxième concernera les écoles non homologuées. Le fonds Personnaz permettra d'aider dès cet été certaines écoles chrétiennes non homologuées en raison de leur importance au Moyen-Orient. Je souligne que 61 000 enfants sont inscrits dans l'enseignement français au Liban, soit 15 % de l'ensemble des élèves des établissements français dans le monde.

Sur le Proche-Orient, je ne dirai rien de plus que ce que j'ai dit il y a quelques jours. La pression internationale permet une prise de conscience des risques que représente une intervention d'annexion, quel que soit le périmètre. Comment se sortir d'une telle situation si d'aventure elle tournait mal ? Je me suis entretenu hier en visioconférence avec mes collègues allemand, égyptien et jordanien pour prendre des initiatives visant à rendre encore plus publique la nécessité de ne pas agir et de faire pression sur les autorités israéliennes. Au niveau européen, il n'y a pas unanimité, mais il existe quand même une très forte majorité.

En ce qui concerne l'Iran, je suis très préoccupé du détricotage progressif du Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) en réponse à la sortie américaine de l'accord de Vienne en mai 2018. Toutes les mesures qui ont été prises par l'Iran depuis un an nous rapprochent d'une situation de crise et de prolifération nucléaire contre laquelle le JCPOA avait vocation à nous prémunir. Concrètement, cela signifie que le délai de break out, c'est-à-dire le délai nécessaire pour produire assez d'uranium enrichi permettant la fabrication d'une arme nucléaire, se réduit de plus en plus, ce qui est très inquiétant.

Dans cette perspective, nous formons un front uni avec le Royaume-Uni et l'Allemagne. Nous avons affirmé il y a quelques jours dans une déclaration commune que nous conservions l'objectif de préserver le JCPOA et que nous souhaitions que l'Iran revienne au respect de ses obligations. Tout cela fait l'objet de démarches auprès des Iraniens, dans un contexte politique dominé par une majorité beaucoup plus conservatrice et radicale que celle qui soutenait le président Rohani.

L'Irak doit faire face à des défis simultanés : une crise sanitaire avec la recrudescence de l'épidémie de covid-19, une crise économique due à l'effondrement du prix du pétrole, une crise sécuritaire du fait des tensions entre les États-Unis et l'Iran, et une crise interne puisque le précédent gouvernement a démissionné après des mois de manifestations. À cela s'ajoute la résurgence du Daech clandestin.

Le nouveau gouvernement, dirigé par Moustafa al-Kazimi, a été formé en mai, et j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec mon homologue ministre des affaires étrangères. Nous souhaitons aider les autorités irakiennes à réaliser les réformes nécessaires pour répondre à ces crises multiples. C'est un souci majeur pour la France qui peut jouer un rôle très important et bénéficie de longue date de la confiance des autorités irakiennes. Les préoccupations fondamentales concernent la poursuite de la lutte contre Daech, le redressement du pays, en évitant que celui-ci ne se retrouve « coincé » dans un affrontement entre l'Iran et les États-Unis, et la préservation de la souveraineté de l'Irak. Il convient d'affermir l'autorité du premier ministre et de l'État dans une dynamique inclusive, tenant compte des communautés chiite, sunnite, chrétienne et kurde.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion