Mes chers collègues, notre collègue Jean-Noël Guérini m'a demandé de lire son intervention sur la convention entre la France, la région flamande et la région wallonne relative à l'aménagement du fleuve de la Lys mitoyenne entre Deûlémont en France et Menin en Belgique. L'accord n'est pas conclu avec l'Etat belge mais avec les régions car en Belgique, le transport fluvial et l'exploitation des voies navigables sont des compétences décentralisées.
Cette convention a vocation à se substituer à une première convention franco-belge de 1982 relative à l'amélioration de la Lys mitoyenne qui avait permis la mise au gabarit actuel - c'est à dire le gabarit IV selon le classement européen - de cette voie d'eau d'environ 16,5 km entre Deûlémont et Menin, sur les territoires français, wallon et flamand.
Cette convention a pour objectif la mise à grand gabarit - donc au gabarit V - de cette même portion de la Lys mitoyenne afin de garantir la navigation alternée de bateaux dont le tonnage peut aller jusqu'à 6 000 tonnes, ainsi que la navigation à double sens de bateaux dont le tonnage peut aller jusqu'à 3 000 tonnes. Actuellement ne peuvent circuler dans les deux sens que des bateaux de 1 500 tonnes.
Cette convention s'inscrit dans le travail en commun de la France et des régions wallonne et flamande pour la réalisation du réseau transeuropéen de transport et du corridor du réseau central « Mer du Nord - Méditerranée », dont le projet fluvial européen Seine-Escaut est le projet prioritaire depuis 2004. La liaison Seine-Escaut, qui devrait être achevée en décembre 2030, vise principalement à supprimer les goulets d'étranglement et à moderniser les infrastructures de manière à faciliter les flux transfrontaliers or cette section de la Lys mitoyenne constitue actuellement l'un des principaux goulets d'étranglement de cette axe, en raison de la présence de sections de plus grand gabarit - gabarit V - à l'amont comme à l'aval.
La préparation de cette opération est un bon exemple de la coopération transfrontalière entre le Gouvernement français et les Gouvernements des régions de Flandre et de Wallonie au sein d'une Commission intergouvernementale Seine-Escaut instituée par un accord international de 2009. La présente convention étend les missions de cette commission intergouvernementale au suivi de la réalisation de cette nouvelle phase de travaux.
Cette convention fixe le cadre général des engagements réciproques, en prévoyant notamment la nature des travaux à réaliser, la répartition géographique de la maîtrise d'ouvrage, les financements des travaux ainsi que l'organisation en matière de procédures administratives, d'acquisitions d'emprises et de gestion des déchets. Elle organise en outre l'exploitation et l'entretien de cette voie navigable.
Pour sa mise en oeuvre, le linéaire de la Lys mitoyenne est découpé en trois sections géographiques qui fixent la répartition de l'aménagement et de l'exploitation de la rivière. Ces délimitations, fixées pour des raisons pratiques, ne correspondent pas aux frontières des territoires des Parties, si bien que chaque gestionnaire d'infrastructures est compétent sur un périmètre qui dépasse son territoire national. Sur la section 1, la maîtrise d'ouvrage est confiée par délégation à l'établissement public administratif Voies Navigables de France (VNF) dont le rapporteur a rencontré le Directeur général et la Directrice territoriale Nord-Pas-de-Calais juste avant le confinement. Sur les deux autres sections, les maîtres d'ouvrage sont respectivement le service public de Wallonie et l'opérateur flamand De Vlaamse Waterweg.
Les travaux consistent en l'approfondissement du cours d'eau à 4,5 m et en l'élargissement du chenal. Il s'agit essentiellement de travaux de terrassement et de dragage - environ 1,35 millions de m3 de matériaux seront extraits - ainsi que de travaux de reconstitution des berges sur environ 19 km. Le projet prévoit également la création d'un bassin de « virement » ainsi que la création d'une zone de stationnement pour la gestion des passages en alternance des grands navires et de deux zones d'attentes pour le passage du pont de Comines en France. En tant que mesure d'accompagnement, les sites de Comines et Menin seront également aménagés afin de permettre les franchissements piscicoles. Tous ces travaux devront être achevés fin 2027, les modalités de leur mise en oeuvre entre les trois maîtres d'ouvrages feront l'objet d'une convention d'exécution.
Le coût total de cette opération est estimé à 140 millions d'euros. Certains travaux sont cofinancés par les parties selon une clé de répartition fondée sur le principe que chaque partie contribue au financement du projet à hauteur de la part de kilomètre linéaire de berges incluses dans son territoire. La France finance ainsi 48 % des travaux cofinancés. Au final, le coût pour la France est de 59 millions d'euros TTC tandis qu'il est respectivement de 36 millions d'euros et de 45 millions d'euros pour les Parties Wallone et flamande. Toutefois, compte tenu des cofinancements européens acquis et du soutien de la région des Hauts-de-France, le reste à charge pour l'Etat et son opérateur Voies navigables de France serait de 33 millions d'euros. Il tomberait à 12 millions d'euros dans l'hypothèse d'un prolongement de ces taux de soutien actuels au-delà de 2022.
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Cette convention apporte une réponse à la hausse prévue des transports fluviaux sur cette section de la Lys mitoyenne dont la capacité théorique est évaluée à 8 millions de tonnes par an mais qui reste pour l'instant le principal goulot d'étranglement sur la liaison fluviale européenne à grand gabarit Seine-Escaut. Elle permettra ainsi de favoriser la compétitivité du secteur fluvial et le report modal de la voie d'eau. Le transport fluvial est, je vous le rappelle, le mode de transport le plus capacitaire - un convoi fluvial de 5 000 t (180 m de long) équivaut à 250 camions ou à 4 trains -, le plus économique à la tonne transportée avec un prix trois ou quatre fois moindre que le transport routier - et le moins polluant - 5 fois moins émetteur de CO2 que le transport routier -.
Cette convention est actuellement en cours d'approbation par la région flamande et la région wallonne.
L'examen en séance publique est prévu le mercredi 22 juillet 2020, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.